BULLETIN OFFICIEL DU MINISTÈRE DE LA JUSTICE
n° 93 (1er janvier - 31 mars 2004)
Circulaires de la direction de l’administration pénitentiaire
Signalisation des circulaires du 1er janvier au 31 mars 2004
Amélioration de la coordination entre les établissements pénitentiaires et les services du ministère de l’intérieur pour la mise en oeuvre des mesures d’éloignement des étrangers du territoire français
AP 2004-02 EMS1/21-01-2004
NOR : JUSE0440008C
Etablissement pénitentiaire
Etranger
Expulsion
Interdiction du territoire
POUR ATTRIBUTION
Directeurs régionaux des services pénitentiaires - Préfets - Préfet de police - Procureurs généraux - Procureurs de la République - Premiers présidents des cours d’appel - Conseillers à l’application des peines - Présidents des TGI - Juges de l’application des peines
- 21 janvier 2004 -
Textes sources :
Ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France, modifiée par la loi 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l’immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité
Circ. du ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales du 22 octobre 2003 relative à l’amélioration de l’exécution des mesures de reconduite à la frontière
Texte modifié :
Circ. interministérielle JUSE9940081C du 18 mai 1999 relative à l’amélioration de la coordination entre les établissements pénitentiaires et les services du ministère de l’intérieur pour la mise en oeuvre des mesures d’éloignement des étrangers du territoire français
Les services pénitentiaires et les services du ministère de l’intérieur ont développé conjointement des procédures de communication des informations relatives aux étrangers détenus faisant l’objet d’une mesure d’éloignement du territoire, afin de permettre une mise en œuvre concrète de ces mesures.
Ainsi, dès 1995, ont été instituées des cellules régionales de coordination. Mais l’expérience a démontré que le niveau régional de coopération n’était pas toujours le plus adapté. C’est pourquoi, la circulaire du 18 mai 1999 a prévu l’élaboration au plan local de protocoles de fonctionnement déterminant le rôle respectif de chacun, les moyens et les objectifs à atteindre.
En dépit de ces améliorations, le taux de mise en œuvre des mesures apparaît insatisfaisant.
Dans le contexte d’une volonté clairement exprimée de maîtrise de l’immigration et de respect de la réglementation du séjour des étrangers en France, la direction de l’administration pénitentiaire et la direction générale de la police nationale se sont engagées mutuellement à renforcer l’échange d’informations entre leurs services.
Je souhaite donc que les services de l’administration pénitentiaire contribuent pour leur part à la réalisation de cet objectif, dans le cadre des missions dont ils sont investis et dans le respect du droit en vigueur.
A cet effet, des dispositifs de coopération plus étroite et plus structurée doivent être mis en oeuvre dans le cadre des protocoles prévus par la circulaire interministérielle du 18 mai 1999.
I. - L’ELABORATION DE PROTOCOLES
1° La signature.
Dans les départements qui n’ont pas déjà mis en place un protocole (seuls 12 départements ont signé un protocole), il appartient conjointement aux préfets de départements et aux directeurs régionaux des services pénitentiaires d’organiser dans les meilleurs délais une réunion avec, d’une part, les services de police et les services des étrangers de la préfecture et, d’autre part, les directeurs des établissements pénitentiaires connus pour leur forte proportion d’étrangers incarcérés.
L’objectif est de mettre en place les outils d’une meilleure collaboration. Cette concertation doit aboutir à l’élaboration d’un protocole, signé par le préfet, le procureur de la République et le directeur régional des services pénitentiaires.
2° Le contenu du protocole.
Le protocole s’attachera, au regard des situations locales et des moyens respectifs dont dispose chaque service, à préciser le rôle des uns et des autres, selon, pour ce qui concerne en particulier les services de l’administration pénitentiaire, les dispositions visées au second paragraphe ci-dessous.
3° La désignation d’un correspondant.
Pour rendre effective la collaboration entre les services pénitentiaires et les services du ministère de l’intérieur, il convient de désigner dans chacun des services concernés des correspondants privilégiés pour permettre l’échange de renseignements ou de documents plus directement et sans qu’il soit nécessaire de saisir systématiquement les échelons hiérarchiques respectifs.
Il convient de plus, pour s’assurer de la bonne exécution du dispositif et de son suivi, de prévoir des réunions périodiques d’évaluation.
II. - LES OBLIGATIONS DE L’ADMINISTRATION PENITENTIAIRE
1. L’information des services du ministère de l’intérieur
1° Dès l’incarcération d’un étranger.
Dans un souci d’une utilisation optimale de la durée de la détention l’incarcération d’un étranger doit être immédiatement portée à la connaissance des fonctionnaires des services de la préfecture par la communication de sa fiche d’écrou. L’enquête visant à établir sa nationalité pourra commencer ainsi dès réception de l’information.
2° La communication de pièces.
Les fonctionnaires de la préfecture doivent pouvoir se faire communiquer la partie du dossier individuel des détenus étrangers faisant ou devant faire l’objet d’une mesure d’éloignement telle que prévue par les articles 724-1 et D. 167 du code de procédure pénale.
Cette partie spécifique du dossier individuel du détenu doit contenir toutes les pièces et documents comprenant des éléments d’identification et de nationalité fournis par les autorités judiciaires (on doit notamment y trouver les copies des documents d’identité des détenus concernés, les originaux étant conservés par le service du vestiaire de l’établissement). Cette cote contient également toutes les informations relatives à la situation pénale et administrative des intéressés.
Les originaux des documents d’identité ou de voyage, conservés par les services pénitentiaires, même s’ils sont périmés, sont confiés, à leur demande, aux services de la préfecture pour qu’ils en vérifient notamment l’authenticité. Un procès-verbal, valant décharge temporaire de responsabilité des services pénitentiaires concernés, est remis au greffe en échange et conservé dans le dossier individuel du détenu. Cette remise est temporaire ; les pièces doivent être restituées à l’établissement pénitentiaire dès qu’elles ont fait l’objet des vérifications utiles, sauf si leur examen a fait apparaître une fraude.
Dans ce dernier cas, l’établissement est avisé par écrit.
3° Le signalement de la date d’élargissement et de tout transfèrement.
Il est primordial de mettre en place des modalités simples et rapides d’information des fonctionnaires de la préfecture concernant les dates d’élargissement des détenus étrangers.
Toute information concernant ces dates, notamment leurs modifications quelle qu’en soit la cause, doit faire l’objet d’une communication immédiate aux fonctionnaires du ministère de l’intérieur.
Ces informations peuvent être données sous forme de listes prédéfinies d’un commun accord et renseignées après chaque commission d’application des peines, ou après un décret de grâces collectives.
Elles peuvent être données de manière plus individualisée en cas d’urgence.
Des procédures de communication rapide doivent être définies entre les services.
A cet égard, la communication de la situation pénale à jour du détenu est formalisée par la transmission de la fiche pénale.
Il s’agit d’une transmission sous la forme d’un document-papier. Aucune transmission de tout ou partie de fichier informatique n’est possible afin de ne pas risquer de générer une interconnexion de fichiers, non autorisée par le droit en vigueur.
L’information des fonctionnaires de la préfecture doit être organisée lors de tout transfèrement, quel qu’en soit le motif, des détenus faisant l’objet d’une mesure d’éloignement.
Par ailleurs, il est rappelé que la circulaire du 18 avril 2003 relative à la procédure d’orientation et aux décisions d’affectation des condamnés prévoit que les transferts des détenus de nationalité étrangère faisant l’objet d’une mesure d’éloignement du territoire français et dont la peine restant à subir est inférieure à 6 mois, doivent rester exceptionnels afin de permettre aux services du ministère de l’intérieur d’assurer la mise à exécution de la mesure.
2. La protection des droits de l’étranger malade
Un détenu étranger malade peut justifier d’une protection contre les mesures d’éloignement en application de l’article 26-5° de l’ordonnance du 2 novembre 1945 - telle que modifiée par la loi 2003-119 du 26 novembre 2003 - dès lors que son état de santé " nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité, sous réserve qu’il ne puisse effectivement bénéficier d’un traitement approprié dans le pays de renvoi ".
La procédure à suivre en milieu pénitentiaire est analogue à celle préconisée en milieu libre :
- tout étranger doit être informé des dispositions dont il relève en la matière. Cette information est fournie par l’administration pénitentiaire et plus particulièrement par le service pénitentiaire d’insertion et de probation. Elle doit être réalisée suffisamment tôt au cours de la détention afin que la procédure décrite ci-dessous puisse être, le cas échéant, mise en oeuvre très en amont de la libération ;
- l’étranger malade, estimant pouvoir relever de l’article 26-5° de l’ordonnance de 1945, fait établir, par le médecin hospitalier de l’UCSA, un rapport médical précisant le diagnostic de la ou des pathologies en cours, le traitement suivi et sa durée prévisible ainsi que les perspectives d’évolution ;
- le rapport est transmis, sous pli confidentiel, par le médecin qui l’a établi, au médecin inspecteur de santé publique de la DDASS compétente. Ce dernier émet un avis et le transmet au préfet.
3. Les modalités d’intervention des fonctionnaires des services du ministère de l’intérieur dans l’établissement
Il convient de préciser, dans le protocole, les modalités d’intervention des fonctionnaires des services du ministère de l’intérieur au sein des établissements pénitentiaires.
1° Délivrance d’autorisations nominatives.
L’accès au sein même des établissements pénitentiaires d’un ou de plusieurs fonctionnaires des services du ministère de l’intérieur doit être envisagé selon des modalités à définir localement. Un tel dispositif déjà expérimenté dans certains établissements, notamment ceux parties prenantes à un protocole, démontre son efficacité en termes de rapidité et de pertinence du recueil des informations.
Des autorisations nominatives d’accès aux locaux de détention des fonctionnaires des services déconcentrés du ministère de l’intérieur désignés pour se rendre régulièrement dans l’établissement pénitentiaire doivent être prévues.
2° La mise à disposition des locaux pour les procédures d’identification.
Doivent être également prévues les modalités de mise à disposition de locaux au sein des établissements pénitentiaires, afin de permettre l’identification des étrangers par les fonctionnaires de l’Identité judiciaire et les auditions des détenus étrangers par les fonctionnaires des services déconcentrés du ministère de l’intérieur.
Les auditions doivent avoir lieu dans un local permettant d’en garantir le bon déroulement et la confidentialité (art. D. 232 du CPP) ; elles peuvent dès lors être organisées dans les parloirs-avocats ou dans les bureaux d’audience au sein de la détention.
4. Les extractions des détenus étrangers
Les extractions des détenus étrangers en vue de comparaître devant la commission d’expulsion ou d’être présenté aux services de la préfecture est possible en application de l’article D. 316 du CPP.
Cette modalité de sortie de l’établissement pénitentiaire, sous escorte policière, est également possible pour la présentation aux autorités consulaires du pays dont le détenu se déclare ressortissant.
Dès lors, en application des articles D. 57 et D. 293 du CPP, la réquisition d’extraction faite par le préfet est adressée au procureur de la République du lieu de détention, afin que ce dernier, après apposition de son visa, la transmette à l’établissement pénitentiaire, pour exécution.
Dans un souci d’efficacité et de rapidité, il est admis que la réquisition préfectorale ne transite pas nécessairement par l’intermédiaire du procureur de la République du lieu de détention, sur le fondement de l’article D. 316 du code de procédure pénale.
Un bilan semestriel sous forme de synthèse des résultats obtenus et des difficultés rencontrées pour l’exécution des mesures à l’encontre des détenus étrangers dans les établissements de votre région devra être adressé à la direction de l’administration pénitentiaire (sous le double timbre du bureau de gestion de la détention/EMS1 et du bureau de l’action juridique et du droit pénitentiaire/PMJ4).
Vous voudrez bien apporter une attention particulière à la mise en oeuvre de ces instructions auxquelles j’attache la plus haute importance et me tenir informé des difficultés qui pourraient apparaître à l’occasion de leur application.
Pour le garde des sceaux,
ministre de la justice,
Le préfet, directeur de l’administration pénitentiaire,
D. LALLEMENT