0200443 - 0202252
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE ROUEN
N°0200443
N°0202252
Mme ...
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Tribunal administratif de Rouen,
1ère chambre,
Mme Macaud, Rapporteur
Mlle Gauthier, Commissaire du gouvernement
Audience du 2 septembre 2004
Lecture du 17 septembre 2004
1°) Vu la requête, enregistrée le 5 mars 2002 au greffe du Tribunal, sous le n°0200443, présentée pour Mme ..., demeurant à Saint Jean d’Aulps (74430), par Me Etienne Noël, avocat au barreau de Rouen ? Mme ... demande que le Tribunal de :
- déclarer l’Etat responsable du décès de son fils, M. ..., survenu le 27 mars 2000 alors qu’il était au centre de détention de Val de Reuil ?
- condamner l’Etat à lui payer la somme de 76 224 euros en réparation du préjudice subi ?
- condamner l’Etat à lui payer la somme de 15 000 euros en application des dispositions de l’article L.7611 du code de justice administrative ?
2°) Vu la requête, enregistrée le 27 novembre 2002 au greffe du Tribunal, sous le n°0202252, présentée pour Mme ..., demeurant à Saint Jean d’Aulps (74430), par Me Etienne Noël, avocat au barreau de Rouen ? Mme ... demande que le Tribunal :
- de déclarer le centre hospitalier spécialisé du Rouvray responsable du décès de son fils, M. ?
- de condamner le centre hospitalier spécialisé du Rouvray à lui payer la somme de 76 224 euros en réparation du préjudice subi ?
- de condamner le centre hospitalier spécialisé du Rouvray à lui payer la somme de 15 000 euros en application des dispositions de l’article L7611 du code de justice administrative ?
Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 juillet 2003, présenté pour le centre hospitalier spécialisé du Rouvray par Me Campergue, avocat au barreau de Rouen, qui conclut au rejet de la requête et subsidiairement de lui accorder un recours en garantie à l’encontre de l’Etat ?
Vu les autres pièces du dossier ?
Vu le code de procédure pénale ?
Vu le code de justice administrative ?
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 2 septembre 2004 :
- le rapport de Mme Macaud, conseiller,
- les observations de Me Noël, avocat, pour Mme ... et de Me Rouly, avocat, pour le centre de hospitalier de Rouvray ?
- et les conclusions de Mlle Gauthier, commissaire du gouvernement.
Considérant que les requêtes n°0200443 et 0202252 présentées par Mme ... présentent à juger la même affaire, et ont fait l’objet d’une instruction commune ? qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul jugement ?
Sur la requête n°0200443 :
Sur la responsabilité de l’administration pénitentiaire :
Considérant que le 27 mars 2000, M. ..., alors qu’il était placé en quartier disciplinaire du centre de détention du Val de Reuil, a incendié son matelas et sa literie ? que les personnels de service pénitentiaire, après avoir évacué les autres détenus présents dans ce quartier, ont trouvé le corps de M. ..., constaté à 21h55 le même jour, Mme ..., mère de M. ..., demande réparation du préjudice résultant de ce décès ?
Considérant qu’il ressort des différents procès-verbaux rédigés par les services de gendarmerie et de divers comptes-rendus établis par le directeur du centre de détention que le service pénitentiaire avait parfaitement connaissance de l’état psychologique de M. ..., qui a pu être décrit comme un détenu dépressif, suicidaire et incendiaire ? qu’en outre, M. ... avait, notamment les 4 et 5 mars 2000, dégradé sa cellule et un lieu de vie en tentant de les incendier, et fait objet, suite à ces événements, d’une hospitalisation d’office au centre hospitalier spécialisé d’Evreux-Navarre ? que s’il ne peut être reproché, au vu des pièces du dossier, à l’administration pénitentiaire d’avoir placé M. ... en cellule disciplinaire pour ces faits, cette dernière n’a cependant pris aucune mesure de surveillance particulière adaptée aux circonstances et à l’état de M. ... ? qu’au contraire, M. ..., connu pour avoir des troubles psychologiques importants et surtout un comportement incendiaire, a été laissé seul dans une cellule du quartier disciplinaire avec six boites d’allumettes ? qu’en outre, le système d’aération des cellules existant à l’époque des faits, et qui consistaient en vingt trous de 6 mm percées dans la fenêtre qui n’est pas susceptible d’ouverture, n’a pu permettre une évacuation des fumées toxiques de la cellule de M. ... ? qu’il ressort du rapport en date du 28 décembre 1998 réalisé par le Centre de Recherches et d’Etudes de la Logistique, rapport fourni par le ministre de la justice pour démontrer que l’impossibilité d’ouvrir la fenêtre de la cellule est sans incidence sur le décès de M. ..., que les matelas qui équipent les cellules étaient inflammables et que leur combustion, dans une pièce confinée, pouvait provoquer le décès d’une personne en dix minutes par intoxication par l’acide cyanhydrique ? que, dans ces circonstances, le décès de M. ... est la conséquence directe de la succession de ces diverses fautes imputables au servie pénitentiaire ?
Sur l’indemnisation :
Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par Mme ..., mère du défunt, en lui accordant une indemnité de 4 000 euros ?
Sur l’application des dispositions de l’article L7611 du code de justice administrative :
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de condamner l’Etat à payer à Mme ..., la somme de 800 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ?
Sur la r equête n°0202252 :
Sur la responsabilité du Centre Hospitalier Régional du Rouvray :
Considérant que si Mme ... soutient que le service médicopsychologique
régional, qui suivait M. ... lors de sa détention, aurait commis une faute en ne s’opposant pas au placement de M. ... en quartier disciplinaire et en ne demandant pas la suspension de cette sanction, il résulte de ce qui a été précédemment dit que les fautes commises par l’administration pénitentiaire sont la cause directe du décès de M. ... ? qu’ainsi et en tout état de cause, la faute reprochée au centre hospitalier régional du Rouvray et qui consisterait à ne pas avoir suffisamment alerté les services pénitentiaires de la gravité de l’état de santé de M. ..., ne peut être regardée comme l’origine directe du décès de M. ... ? que, dès lors, Mme ... n’est pas fondée à engager la responsabilité du centre hospitalier régional du Rouvray ?
Sur l’application des dispositions de l’article L7611 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu’il soit mis à la charge du centre hospitalier régional du Rouvray, qui n’est pas la partie perdante, en la présente instance, la somme que demande Mme ... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ?
DECIDE :
Article 1er : L’Etat est condamné à verser la somme de 4 000 (quatre mille) euros à Mme ... en réparation du préjudice qu’elle a subi.
Article 2 : L’Etat versera la somme de 800 (huit cents) euros à Mme ... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
Article 3 : La requête de Mme ... dirigée contre le centre hospitalier régional du Rouvray est rejetée.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à Mme ..., au garde des sceaux, ministre de la justice et au directeur du centre hospitalier régional du Rouvray.
Copie en sera transmise au préfet de la Seine-Maritime.
Délibéré à l’issue de l’audience du 2 septembre 2004, où siégeaient :
M. Aupoix, président,
M. Guillou et Mme Macaud, assesseurs.
Prononcé en audience publique le 17 septembre 2004.
Le rapporteur, Audrey Macaud
Le président, Stephan Aupoix
La greffière, Laurence Riaux
La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l’exécution du présent jugement.
CNIJ : 60.01.02.02.02
Code publication : C+
Pour expédition conforme
Le greffier
Tribunal administratif de Rouen