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(2005) Drogues en prison : la triple peine

Mise en ligne : 29 mars 2005

Dernière modification : 9 mai 2005

Texte de l'article :

" L’une des dépenses les plus importantes pour les détenus, c’est le cannabis qui est surconsommé en prison " constatait, il y a quelques mois, un hebdomadaire qui consacrait un dossier au monde carcéral. Mais s’il reste le plus courant, le cannabis n’est pas le seul produit qui circule derrière les barreaux. Le terme de "surconsommation" s’appliquerait d’ailleurs mieux aux différents médicaments que l’administration pénitentiaire distribue aux prisonniers. Elle a toujours privilégié la camisole chimique aux produits plus...naturels. Ce qui n’empêche pas certaines dérives. Car, comme les produits rentrés illicitement, ces médecines font également l’objet de nombreux trafics. Ainsi, fin janvier, une information judiciaire pour rechercher les causes de la mort d’un détenu sous traitement de substitution, a été ouverte par le parquet d’Ajaccio. On soupçonne l’homme d’avoir succombé à une overdose après avoir absorbé d’autres médicaments, en plus de sa méthadone. On voit aussi certains détenus consommer du Subutex alors qu’ avant d’être incarcérés, ils n’y avaient pas plus touché qu’à l’héroïne. Une héroïne et une cocaïne qui circulent également en milieu carcéral, mais de façon plus marginale. On parvient aussi à se procurer des seringues. Mais la fourniture du matériel d’injection pour éviter les contaminations n’est pas d’actualité en France (un vague projet aux Baumettes à Marseille semble tombé aux oubliettes). Elle a pourtant prouvé son efficacité au Pays Basque espagnol où certains détenus toxicomanes vont bientôt pouvoir ce faire prescrire de l’héroïne (voir encadré p.X). Plus rare encore, LSD ou ecstasies franchissent malgré tout les grilles de nos prisons. Mais est-ce vraiment le lieu idéal pour faire "un bon trip" ?

Médicaments et cannabis sont donc les produits les plus courants et les plus "échangés". A ceci près que le détenu surpris avec de la drogue tombe sous la loi de 70 et passe généralement en comparution immédiate. Aujourd’hui, les tribunaux grouillent de détenus jugés pour des quantités de drogues, généralement du shit, dérisoires. Surpris à la sortie d’un parloir, en train de consommer ou lors d’une fouille générale, ils vont payer le prix fort pour un délit qui, "à l’extérieur" et pour ces mêmes quantités, fait rarement l’objet d’une convocation devant un magistrat.

Pour commencer, quelque soit la quantité avec laquelle il a été surpris, le taulard goûtera aux joies du mitard et verra tous ses parloirs supprimés. Ensuite, direction le tribunal et une condamnation, pour des quantité de shit inférieures à 10 grammes, à une peine qui se situe souvent entre 1 et 6 mois de prisons. Peine qui, évidemment, s’ajoute à celle que le détenu est déjà en train de purger. Enfin, cerise sur le gâteau, il risque de se voir refuser remise de peine et liberté conditionnelle et, s’il avait la chance d’en bénéficier, son régime de semi-liberté sera révoquer (voir encadré p.Y). Pourquoi cette triple peine ? Pourquoi, pour de petites quantités, la justice s’applique-t-elle de façon aussi sévère si le prévenu est détenu alors qu’elle fait souvent preuve de mansuétude pour le citoyen ordinaire ? Cette discrimination n’est finalement qu’un effet pervers de plus d’une loi qui punit plus fort les plus faibles. Une loi qu’il est urgent de réformer.

Eric Birambeau, rédacteur à Asud Journal

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Source : Asud