Clément ou la clémence assassinée.
L’année commence bien ! C’est ce que je me suis dit avec ironie en lisant l’interview du Garde des Sceaux dans le Nouvel Obs.
En effet cela faisait longtemps que je n’avais lu un discours aussi dur, aussi répressif, aussi partial. C’est tout à fait dans la ligne de conduite d’un parti politique en bout de course, glissant vers l’extrême droite parce qu’il se sent condamné par les urnes. C’est à qui aura le discours le plus populiste, le plus provocateur, c’est une façon de se faire une nouvelle identité idéologique, plus sévère afin de racoler sur les terres du front national et de caresser dans le sens du poil les masses vindicatives et avides de bouc émissaires.
Les mots dans les discours ont leur importance, ils donnent le ton et l’orientation, ceci dans un seul et unique but : jouer avec la peur et le phantasme pour tenter de rassembler des citoyens effrayés par des hordes de « racailles » qui finalement seront nettoyer à coup de « karchër » et jeter dans des prisons déjà surpeuplées. Voilà en substance ce que contiennent les discours des membres du gouvernement et de Mr. Clément en particulier. Tout cela n’est que stratégie politique en vue de ne pas perdre le pouvoir, rien à voir, donc, avec une volonté d’agir pour améliorer les choses dans les prisons et si le Ministre de la justice devait être plus laxiste pour rassembler des voix il n’hésiterait pas une seconde...
Il fustige les gouvernements de gauche et leur inaction en matière de construction de nouveaux établissements pénitentiaires et ce targue d’être de ceux qui ont crées toujours plus de places de prison, comme si c’était la seule alternative pour réduire la fracture sociale qui, elle, n’est toujours pas soignée...
C’est vrai que les différents gouvernements socialistes n’ont pas fait grand-chose pour la modernisation du parc pénitencier et c’est tant mieux, car la répression n’est pas leur vocation première, ils ont tenté d’améliorer la vie des gens socialement. Bien sûr il y a eut des erreurs, des dérapages et tous ces programmes n’ont pas tous fonctionnés, mais au moins l’argent du contribuable n’a pas servit à faire de notre pays un état policier, comme c’est le cas aujourd’hui.
Il nous parle de la prison comme « l’école du crime » ! Quelle belle façon de se déresponsabilisé, car la véritable « école du crime », monsieur le Ministre, c’est avant tout la crise du chômage, la crise économique, la crise du logement, la crise de l’éducation, la crise des banlieues, la crise des délocalisations... Bref des crises dont souffre une majorité de la population et qui semble être le moindre des soucis d’un gouvernement obsédé que par le profit, la sécurité et le pouvoir.
En ce qui concerne la détention provisoire et ses dérives parlons-en ! Où se cache la présomption d’innocence quand on est pas issu d’un milieu aisé, quand on ne peut prendre qu’un avocat d’office qui n’a pas le temps d’étudier un dossier, quand on tombe sur un juge surchargé de travail et qui vous auditionne une fois tous les six mois, quand on utilise le placement en détention comme moyen de pression, quand on place des enfant à la DASS et tant d’autres souffrances qu’on ne peut quantifier ?
Mais il y a maintenant une référence, une affaire symbole ; « l’affaire d’Outreau », révélatrice d’une justice impitoyable, implacable, inadaptée sourde et aveugle. Affaire qui à détruit la vie, la famille, l’honneur de treize personnes et qui à poussé un quatorzième innocent a se suicider au fond d’un cachot. Le Garde des Sceaux s’est platement excusé au nom de l’institution, c’était la moindre des choses après cette catastrophe judiciaire.
Cela a-t-il changé les choses en matière de détention provisoire ?
Certainement pas, puisque le taux d’incarcération explose et que les places manquent en maison d’arrêt. Aujourd’hui encore des centaines peut-être des milliers d’autres « présumés innocent » vivent cet enfer. Ce n’est pas des excuses qu’il faut c’est des moyens et de la compétence.
« Pour moi, cela concerne avant tout les personnes dont l’espérance de vie ne dépasse pas quelques semaines, afin qu’ils ne meurent pas en prison. »
Comment un Ministre de la République peut-t-il tenir de tels propos au sujet de la loi KOUCHNER. Moi qui suis concerné je suis abasourdi par la violence de cette phrase, par tant d’inhumanité et je dirai même par tant de cruauté. Une cruauté institutionnelle, froide qui condamne au-delà de la peine, au-delà de la justice, au-delà de la raison.
A-t-on seulement une idée de ce qu’un cancéreux, un vieillard, un sidéen, peut vivre lorsqu’il est torturé chaque jour par sa maladie ou son état de santé. L’isolement, la dureté des conditions de détention, la promiscuité, les manques de soin, le manque d’hygiène, les carences alimentaires, les douleurs physiques et psychologiques, l’absence de soins palliatifs pour les mourants etc....
Cela fait vingt ans que l’on parle des conditions humiliantes et dégradantes dans les prisons françaises pour les détenus bien portants. Alors imaginez ce que cela peut-être pour des malades !...
Et les malades mentaux ?
Mr. Clément veut créer pour eux « des lieux adaptés » sortes d’unités spécialisées dans les prisons.
Alors on en est là ?!
Même les malades mentaux doivent être incarcéré.
Et demain qui ça sera, les SDF, les étrangers, les dissidents, les militants, les chômeurs, les grévistes, les inter mondialistes, les gauchistes, les anarchistes, les chanteurs engagés, les gens du voyages, les faucheurs d’OGM, etc.... etc....qui goûtera aux geôles après nous, après eux... vous ?!!
« Quand j’entend que d’anciens terroristes non repentis font leur courses sur les marchés, alors qu’ils étaient, disait-on, à l’article de la mort...cela m’est insupportable. Les malades, même atteints d’une affection grave mais qui ne sont pas « au seuil de la mort », n’ont pas à bénéficier de cette loi, ils peuvent être soignés en détention et ils le sont. »
Quelle façon démagogique d’évoquer un exemple particulier et d’utiliser une argumentation un peu trop facile pour tromper l’opinion publique.
Pourquoi ne pas parler de prisonniers politiques (car ils existent en France) libérés presque mort après plus de vingt ans d’isolement ?
Pourquoi ne pas parler de ces quelques « nantis » libérés plus aisément que les autres prétendants à la loi KOUCHNER ?
Mais surtout, pourquoi ne pas évoquer le cas Papon ?
Le fait que ce « non repentis », condamné pour complicité de crime contre l’humanité, soit libre depuis quatre ans et qu’il ne fut pas « à l’article de la mort » pour sortir en suspension de peine, ne vous est-t-il pas insupportable ?
D’où vient cette omission, cette indulgence de votre part ?
Peut-être est-ce parce que cet ancien préfet fut un temps aux ordres d’un gouvernement gaulliste et qu’il est moins facile de s’en rappeler à cause de la collaboration durant la guerre ou l’odeur nauséabonde de centaines de corps jeté dans la Seine une nuit d’ octobre 61...
Après avoir lu cette interview contenant un discours d’un autre âge, il fallait y répondre et remettre les pendules à l’heure, car s’est bien beau de promettre toujours plus de places de prison pour rassurer la population, mais faut-il encore en avoir le temps et les moyens. Ce sont des vœux pieux qui ne peuvent tromper les gens sur le véritable état de décrépitude du système sociale et judiciaire dont le monde carcéral est le dernier rouage.
Non, à part laisser mourir en cage de pauvres bougres et quelques malheureux par une politique sécuritaire et répressive, vous n’aurait le temps de rien et c’est ce qui restera. Au fond rien de bien glorieux ni de prestigieux.
Votre politique et votre rhétorique ne sont pas à la hauteur d’une démocratie digne de ce nom et un pays qui a vu naître les droits de l’homme n’a pas le droit de laisser mourir ses vieillards ou ses malades au fond d’une cellule, ni même d’attendre « que l’espérance de vie ne dépasse pas quelques semaines... »
Rappelons que, d’après le rapport du conseil de l’Europe, notre pays et en dessous de la Moldavie quant aux conditions de détention, cela résume assez bien la situation !
Laurent JACQUA