Lettre d’un prisonnier aux collégiens...
Pour commencer je tiens à vous dire que j’ai été très honoré de l’attention que vous m’avez accordée en faisant toutes vos rédactions au sujet de mon texte sur le Sidaction, cela m’a beaucoup touché.
Nous vivons dans deux mondes différents mais je crois que nous pouvons nous apporter beaucoup de choses sur le plan humain dans cette correspondance, qui pour vous est un sujet d’étude, mais qui pour moi est une fenêtre ouverte sur le monde. J’espère que cela vous enrichira et vous permettra d’avoir une vision supplémentaire parmi l’un des sombres aspects de notre société.
Je crois que ce que nous sommes en train de créer ensemble est quelque chose de très original et qui, de plus, n’a jamais été fait et pour cela il faut que vous rendiez hommage à votre prof qui part son ouverture d’esprit a réussi à établir un pont entre vous et moi.
Cela me fait penser au prof du film « le cercle des poètes disparus » que je vous invite à voir dés que vous en aurez l’occasion.
En tout cas personnellement j’aurai bien aimer avoir un tel prof pour me faire comprendre les choses de cette façon, sans préjuger ni intolérance.
Malheureusement j’ai sombré dans la délinquance, comme des centaines d’autres ici. Une jeunesse ou une vie passé derrière les barreaux c’est toujours un véritable gâchis.
Alors si je peux, par cette relation épistolaire, vous aider à ne pas suivre le même chemin que moi, alors tout ce parcours n’aura pas été vain.
Vous êtes à l’aube de votre vie et croyez moi celle-ci est aussi courte qu’une journée, c’est pour cela qu’il faut absolument en faire quelque chose et la remplir de connaissance. Ouvrir son esprit pour voir plus loin et surtout créer. Chacun de vous est maître de sa création et votre vie personnelle sera votre plus grande œuvre et vous devez la réussir, mais pour cela va falloir bosser dur.
La vie ne fait aucun cadeau et c’est à vous d’aller chercher votre chance, pour cela il n’y a qu’une chose : les études !
Plus vous apprendrez et plus vous serez armés et formés pour affronter ce monde qui est hostile aux ignorants.
Bien sûr nous ne sommes pas tous égaux face aux études et certains sont plus doués que d’autres, mais cela n’est pas grave, il faut essayer de faire de son mieux et surtout développer son domaine de prédilection et en faire sa passion et peut-être son futur métier.
Nous sommes tous doué pour quelque chose, il faut simplement trouvé dans quel domaine et trouver sa voie.
Je ne suis pas là pour remplacer votre prof ou vos parents en vous donnant des leçons ou en vous faisant la morale, mais j’aimerai simplement vous éclairer sur les chemins à ne pas emprunter.
Je paierai cher pour être à votre place et avoir la possibilité de recommencer ma vie, mais cela n’est pas possible, alors si je peux par ma malheureuse expérience vous éviter de chuter j’en serai heureux.
A c’est sûr que la vie de « bandit » fascine et semble facile, mais ne vous méprenez pas, cette image d’Épinal, véhiculée par les medias ou le cinéma, ne correspond en rien à la réalité. Le monde dans lequel je vis et où j’ai passé ma jeunesse est beaucoup plus dégueulasse que l’idée que l’on s’en fait. C’est un monde violent où règne la loi du plus fort et où il faut se battre pour survivre. C’est un monde douloureux où les gens souffrent de leurs privations de liberté, de leurs solitudes, de leurs erreurs, de leurs échecs, de leurs vies brisées, de leurs familles attristées et disloquées, où les gens fréquentent de prés le désespoir... bref rien de bien joyeux dans une vie de prisonnier.
Sachez-le rien ne remplacera le trésor que vous avez entre les mains et qui est la possibilité que vous avez de construire un monde nouveau dont vous êtes tous l’avenir. Moi et beaucoup d’autres avons échoués pour diverses raisons, mais nous avons appris une chose de façon certaine, c’est qu’à votre âge il ne faut pas louper un train et ce train c’est celui de la connaissance, car lui seul vous permettra de réussir votre vie, d’atteindre vos objectifs et ainsi vous permettre de faire la traversée de ce monde sans trop de dommages pour la plus grande fierté de vos proches.
J’aimerai, avant de vous quitter, vous faire part d’une phrase que je vous invite à méditer :
« Lorsque j’étais jeune on m’a laissé seul avec moi-même, quelle mauvaise fréquentation !... »
J’aimerai que vous réfléchissiez au sens de cette phrase et que vous me fassiez une petite rédaction pour la prochaine fois sur ce que cela évoque en vous.
A très bientôt.
Laurent JACQUA
Maison Centrale de Poissy
17 Rue Abbaye
78300 POISSY