Laurent JACQUA
Maison Centrale de Poissy
17 Rue Abbaye
78300 POISSY
Prison, mise en danger de la santé d’autrui...
Suite à mon placement au mitard du 28 avril 2005 et du non respect des certificats médicaux établit par le médecin, j’ai écris aux Députés et Sénateurs pour signaler comment Mr WILLEMOT directeur de la centrale de Moulins Yzeure traitait les détenus gravement malades dans son établissement.
Mr Michel DREYFUS SCHMIDT Sénateur du territoire de Belfort a décidé de saisir la Commission nationale de déontologie de la sécurité par lettre du 16 juin 2005.
La CNDS a rendu son rapport le 5 avril 2006 avec avis et recommandations. Ce qui prouve qu’il est important de réagir et de saisir toutes les instances possibles dés que l’on est victime de violences, de dysfonctionnement ou d’abus de pouvoir. Les procédures sont longues et hasardeuses, mais cela en vaut la peine car cela permet de ne pas laisser faire n’importe quoi à l’administration pénitentiaire et ses personnels qui se croient intouchables dans leurs prisons.
Les avis et recommandations rendues par la CNDS n’ont aucune valeur juridique mais cela contribue à faire avancer les choses et à éclairer un peu plus le monde carcéral qui est un lieu ou les droits sont bafoué tous les jours en toute impunité.
Le 28 avril 2005 je passe au prétoire pour deux rapports d’incidents survenus au parloir quelques semaines auparavant, je prends 15 jours de sursis pour l’un et 15 jours dont sept ferme pour l’autre, les deux peines sont confondus et j’écope de sept jours de quartier disciplinaire.
Compte tenu de mon état de santé, (malade du sida avec un lourd traitement médical), j’attends la visite du médecin afin de lui demander d’établir un certificat médical demandant ma sortie du mitard.
A ce propos le directeur lors de la commission de discipline était parfaitement au courant de mes problèmes de santé, puisque j’ai déjà eu plusieurs certificats contre indiquant ma présence au mitard et au quartier d’isolement, ce qui veut dire que c’est en connaissance de cause qu’il m’a mit sept jours de quartier disciplinaire.
Le soir même je demande à voir Madame THEVENET, médecin de l’établissement, qui passera et me dira qu’elle établira dés le lendemain un certificat médical.
Le 29 avril elle repasse et le certificat demandant ma sorti du quartier est remis à la direction. Lors de la remise de ce certificat par les infirmières à Mr DELON, un surveillant chef, celui-ci excédé, exigera d’en avoir un toute les heures visiblement pas content que je puisse sortir du Q.D aussi facilement.
Le directeur Mr WILLEMOT prendra alors la décision de me placer au quartier d’isolement pendant une période de huit jours, moyen de contourner le certificat médical. Bref un placement arbitraire faisant office de sanction disciplinaire de substitution.
Un premier surveillant vient donc me proposé ce placement au Q.I. Evidement je refuse puisque j’en suis déjà sorti pour des raisons médicales il y a quelques mois et que mon état de santé n’a pas évolué depuis. Suite à cela on m’informe que j’ai un nouveau rapport d’incident pour refus d’obtempérer.
Le samedi 30 avril je fais venir le médecin de garde qui établira un nouveau certificat contre ma présence au mitard.
Le 3 mai je dois passer au prétoire, mais mon avocat n’étant pas présent, je refuse de comparaître. Je prends huit jours de mitard supplémentaire. D’ailleurs on peut se demander pourquoi j’ai une nouvelle peine de mitard alors que j’ai déjà deux certificats contre indiquant ma présence au quartier disciplinaire.
Le mercredi 4 mai le Dr THEVENET me rend visite et établira deux nouveaux certificats médicaux, un pour le quartier disciplinaire et un autre pour le quartier d’isolement, disant clairement que mon état de santé est incompatible avec ces deux régimes de détention.
Voici le témoignage Du Dr THEVENET entendu par la CNDS :
Le Dr Nadine Thevenet a exposé à la commission que ni au quartier disciplinaire, ni au quartier d’isolement, monsieur JACQUA ne pouvait recevoir l’alimentation dont il avait besoin car le « cantinage » y est interdit et les détenus qui y sont placés ne peuvent compléter une alimentation insuffisante et inadaptée, par manque de laitages et de fruits frais.
Le service médical avait déjà abordé ces problèmes avec l’administration pénitentiaire, il lui avait été répondu que la raison de cette situation était financière, les budgets étant restreints. Le service médical n’a pu obtenir que les détenus diabétiques ou ayant des affections nécessitant un régime alimentaire strict (insuffisant cardiaque) bénéficient d’une alimentation appropriée. Le Dr Thevenet estime nécessaire de donner la possibilité à des malades comme Mr JACQUA de se faire la cuisine.
Concernant la détention en cellule disciplinaire, le médecin de l’UCSA explique que « ces malades ne doivent pas y être placés. Les cellules sont dans un état de précarité, insuffisamment chauffées, avec des W.C à la turque et un vasistas qui laisse peu pénétrer la lumière naturelle. Pour les détenus comme Mr JACQUA, ce régime de la détention est préjudiciable ». Elle expose : « ils ont besoin d’activités pour supporter moralement leur maladie ». Or dans le placement au quartier disciplinaire et dans la mise à l’isolement, les activités sont suspendues ou réduites. Elle souligne l’importance de l’état psychologique dans le suivi des détenus atteints de pathologie lourde comme celle de Mr JACQUA.
Concernant le changement de cellule de Mr JACQUA, elle expose « qu’il peut-être en effet néfaste pour ces malades qu’on les sépare de leur environnement habituel, de leurs liens, de leurs repères, on les fragilise ».
Questionnées sur les échanges avec la direction sur le maintien de fait de Mr JACQUA au Q.D, elle indique qu’elle n’a pas eu d’échanges ou d’entretiens avec la direction, mais qu’il lui avait été dit, lors de ses interventions au Q.D, que « ce détenu avait une peine à faire, et que ce serait ou l’isolement ou le confinement, que le service médical ne pouvait pas intervenir ».
La direction est avisée de ces deux certificats. Dans l’après midi un premier surveillant viendra me proposer deux solutions, le placement au quartier d’isolement ou un retour en détention mais dans un autre étage. Je refuse bien entendu le placement au Q.I ainsi que le retour en détention car je n’ai pas à subir un changement de cellule sorte de nouvelle punition déguisée, j’ai deux certificats qui annulent la sanction disciplinaire au Q.D et mon placement au Q.I, (même si pour l’isolement il ne s’agit que d’un avis du médecin), je demande donc à retourner dans ma cellule d’origine, cela m’est refusé et je prend deux nouveaux rapports d’incidents distincts pour ces refus.
Le mercredi 11 mai ma peine de mitard se termine et je suis immédiatement placé au quartier d’isolement, je finis par accepter le Q.I car je dois absolument téléphoner à mon épouse qui doit subir une intervention chirurgicale.
Après avoir reçu mon paquetage je reçois la visite en fin de journée de Mr MARION, le surveillant chef, un peu embarrassé et qui me dit avoir reçu l’ordre express de Mr PARKOUDA de me faire rejoindre la détention le soir même et qu’il n’est pas question que je reste la nuit au quartier d’isolement suite au certificat médical. Je suis donc placé provisoirement dans une cellule en détention normale pour la nuit.
Le jeudi 12 mai je suis affecté dans une autre cellule à un nouvel étage et je reçois mon paquetage.
Dans l’après midi je dois passer au prétoire pour les deux nouveaux rapports, mon avocat, ayant une audience correctionnelle le même jour, a demandé le report de la commission de discipline, cela lui est refusé. Je passe donc sans avocat et pour cette raison je refuse de m’expliquer sur ce qui m’est reproché.
A ce propos la CNDS signale des anomalies concernant les procès-verbaux des commission de disciplines présidé par Mr WILLEMOT qui visiblement a tenté de tout faire pour m’empêcher d’avoir une défense, la CNDS relève aussi des anomalies au sujet de la décision de me placer à l’isolement :
En ce qui concerne les procédures disciplinaires dont a fait l’objet Mr JACQUA, la Commission a constaté certaines anomalies dans les procès-verbaux, notamment dans celui du 12 mai 2005, où il est précisé que Mr JACQUA aurait été représenté par Maître PETTILLAULT, alors que celui-ci était absent et avait sollicité le report. De plus, il apparaît que ce procès-verbal a été rédigé avant la comparution, car on peut y lire que « Maître PETILLAULT a pu s’entretenir avec son client dans le respect des règles de confidentialité trois heures avant la commission », « qu’il a été entendu en ses observations », et « qu’il a remis un mémoire annexé à la présente procédure ». Certes, ces mentions ont été rayées, du fait de l’absence de Maître PETTILLAULT, mais il n’en reste pas moins vrai que le procès- verbal avait été pré rédigé.
Interrogé sur ce point le directeur WILLEMOT, a déclaré : « je précise, concernant l’imprimé de la décision de la commission du 12 mai, que les erreurs y figurant sont dues vraisemblablement aux dysfonctionnements du dispositif GIDE dont je ne suis pas satisfait (...) ». La Commission ne peut se satisfaire d’une telle réponse, et ce d’autant plus que le directeur PARKOUDA a précisé que le procès-verbal est rédigé après délibération de la commission. Il est également regrettable qu’un arrangement n’ait pas été tenté avec l’avocat pour qu’il assiste le détenu comme celui-ci le demandait, alors que son assistance était prévue, puisque le rapport pré rédigé en faisait état.
La Commission observe en outre que la décision de mise à l’isolement de Mr JACQUA n’est pas signée par le directeur WILLEMOT, ce qui constitue une anomalie.
Finalement j’écoperai de 15 jours de confinement ceci pour un seul rapport, celui du refus d’aller au premier étage. Evidement on ne me parle plus du rapport concernant mon refus du placement au quartier d’isolement, histoire de ne pas laisser de trace. En plus dans les conclusions de la commission de discipline je trouverai cette phrase vraiment faite pour se couvrir d’éventuelles poursuites judiciaires et qui ne manque pas de culot après la lutte que j’ai mené pour ne pas accepter le Q.D et le Q.I et les divers certificats médicaux établis par le service médical :
« Il est coutumier de refus d’obtempérer. Son acte semble s’inscrire dans une volonté de démontrer son maintien dans des conditions d’incarcération préjudiciables à son état de santé... »
Non mais franchement c’est quand même une façon invraisemblable d’inverser la situation et de me rendre responsable des décisions prises par Mr WILLEMOT et les diverses commissions de discipline où j’ai été sanctionné par des jours de mitard, contre avis médical, pour des refus de placement à l’isolement. C’est justement cela « la volonté de me maintenir dans des conditions d’incarcération préjudiciables à mon état de santé ». On doit reconnaître que depuis le début il y a eut une volonté délibérée de me voir au quartier disciplinaire puis au quartier d’isolement et que c’est contraint et forcé qu’ils ont fini par me faire descendre en détention, mais toujours avec cette volonté de me punir puisque j’ai dû changer d’étage, de cellule et qu’en plus j’ai pris 15 jours de confinement.
On ne peut ignorer aujourd’hui que de telles situations de stress, ainsi que des périodes de quartiers disciplinaires ou d’isolement ont un effet désastreux sur les défenses immunitaires d’un séropositif, c’est d’ailleurs pour cela que j’ai obtenu des certificats médicaux.
Voilà ce que recommande la CNDS à propos des certificats médicaux pour le quartier disciplinaire et l’isolement :
Tout manquement à la discipline peut conduire l’administration pénitentiaire à engager des poursuites disciplinaires, s’agissant notamment d’une injure ou d’un refus d’obtempérer aux injonctions ; mais la Commission rappelle qu’un certificat médical d’incompatibilité avec le placement en quartier disciplinaire doit être exécuté.
A supposer qu’il existe une pratique des médecins de l’établissement de déclarer systématiquement incompatible, pour de tels malades, le placement en cellule de discipline ou d’isolement, il appartient à l’administration pénitentiaire, qui dispose de toutes les données, d’anticiper en choisissant une des autres sanctions prévues par l’article D251 du code de procédure pénale.
A l’extérieur on imagine même pas que l’on puisse agir ainsi avec un malade, il faut croire que les prisons ont leurs propres règles, leurs propres lois, ainsi un directeur peut, en toute impunité, jouer avec l’état de santé d’un détenu, donc avec sa vie. C’est pourquoi il est important de saisir des instances comme la CNDS ou autres afin d’exercer un contrôle indépendant dans les prisons.
Evidement il y a un prix à payer puisque cela m’a coûté 15 jours de mitard, 15 jours de confinement, 5 kilos en moins et enfin un transfert. Cependant d’après les recommandations et avis de la CNDS l’administration pénitentiaire ne peut plus mettre au mitard ou à l’isolement aussi facilement les malades et pour moi c’est une victoire. D’ailleurs voila en conclusion les recommandations de la CNDS adressé au Garde des Sceaux :
La Commission demande à Mr le Garde des Sceaux de rappeler au directeur de la centrale de Moulins d’une part le strict respect de la procédure disciplinaire en ce qui concerne notamment la rédaction des procès-verbaux de la commission de discipline, et d’autre part le respect du droit d’assistance des détenus comparaissant, sauf les exceptions prévues par l’alinéa 2 de l’article de la loi du 12 avril 2000, qui n’étaient pas réunies en l’espèce.
La Commission demande également à Mr le Garde des Sceaux de rappeler qu’un certificat médical d’incompatibilité avec le placement en quartier disciplinaire ne laisse aucun pouvoir à l’administration pénitentiaire et doit être exécuté ; qu’il en va de même pour une décision de mise à l’isolement.
Enfin la commission demande à Mr le Garde des Sceaux de rappeler les pouvoirs d’appréciation de la sanction à prononcer disciplinairement contre les détenus dont il est acquis d’avance qu’ils ne seront pas maintenus en quartier disciplinaire par décision médicale.
Lire l’avis complet de la CNDS.
A bientôt sur le BLOG pour la suite...
Laurent JACQUA, "Le blogueur de l’ombre"