Saisine n°2006-40
AVIS ET RECOMMANDATIONS
de la Commission nationale de déontologie de la sécurité
à la suite de sa saisine, le 16 mai 2006,
par Mme Catherine TASCA, sénatrice des Yvelines
La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 16 mai 2006, par Mme Catherine TASCA, sénatrice des Yvelines, concernant les conditions de détention de M. K.D. au centre pénitentiaire de Meaux-Chauconin (77) (notamment de violences de la part de surveillants) et des conditions d’application d’un dispositif d’encadrement par des agents en tenue anti-émeute à son égard à la maison d’arrêt de Bois d’Arcy au cours des mois de juillet et août 2005.
La Commission a sollicité auprès du garde des Sceaux une enquête de l’Inspection des services pénitentiaires. Elle a pris connaissance de son rapport.
La Commission a entendu M. K.D., ainsi que les directeurs des établissements pénitentiaires de Bois d’Arcy et Meaux-Chauconin.
> LES FAITS
Incarcéré en 1999 à l’âge de vingt ans pour tentative de meurtre et condamné à une peine d’emprisonnement de huit ans, M. K.D. a été placé dans différents établissements pénitentiaires (centres de détention de Clairvaux et de Villenauxe-La-Grande, maisons d’arrêt de Meaux-Chauconin, de Bois d’Arcy et de Fresnes).
Tout au long de ses séjours, M. K.D. a de toute évidence rencontré de sérieuses difficultés relationnelles avec les autres détenus, le conduisant parfois à perpétrer des actes de violence physique à leur encontre, sans pour autant user directement d’une même violence à l’endroit des fonctionnaires pénitentiaires. M. K.D. a en revanche eu recours très régulièrement à une violence verbale (insultes, arrogance) envers les dits fonctionnaires.
Au centre de détention de Meaux-Chauconin, dans lequel M. K.D. pensait bénéficier d’un aménagement de peine au regard du peu de mois qu’il lui restait à purger, celui-ci s’est vu infliger de nouvelles mesures répressives au regard de son comportement toujours irascible.
Sa déception l’amena à violenter physiquement des détenus, l’exposant ce faisant à un nouveau placement en quartier disciplinaire à partir du mois d’avril 2005 ainsi qu’à une sanction pénale.
Dans ledit quartier du centre de détention de Meaux-Chauconin, M.K.D. a connu un traitement précautionneux, motif pris de propos menaçants envers le personnel et d’attitudes véhémentes. Il avait les mains menottées et les pieds entravés durant les déplacements de sa cellule vers les autres zones de l’établissement.
Cette mesure provisoire et conservatoire a été décidée par les autorités compétentes dans le but de protéger le personnel pénitentiaire, compte tenu des condamnations sérielles prononcées contre ce détenu (deux condamnations des tribunaux correctionnels de Meaux et de Troyes pour menace envers les personnels et outrage à personne dépositaire de l’autorité publique). La direction de l’établissement de Meaux-Chauconin n’a cependant jugé ni opportun ni utile de le faire encadrer par des surveillants (de l’établissement) en tenue d’intervention comportant casque intégral à visière baissée, cagoule, plastron pare-coups, jambières, manchettes, épaulettes de protection et bouclier. Pareil dispositif n’a été mis en œuvre qu’à titre ponctuel, lorsque le détenu refusait de regagner sa cellule ou refusait d’en être extrait. Selon la direction de cet établissement, son application systématique aurait paradoxalement valorisé M. K.D., l’incitant alors à poursuivre son attitude provocatrice. Elle aurait de surcroît été peu judicieuse dans un établissement comportant principalement, à l’époque de son ouverture, des fonctionnaires stagiaires.
Transféré à la maison d’arrêt de Bois-d’Arcy le 20 juin 2005, l’intéressé a tout d’abord été placé durant trois jours en observation dans le quartier des arrivants. Devant son comportement agité et agressif, il a été transféré dans le quartier d’isolement de cette maison d’arrêt à compter du 23 juin. Puis le dispositif de surveillance renforcée (quatre surveillants, un gradé et trois gardiens, en tenue d’intervention précédemment décrite) a été activé continûment à compter du 6 juillet jusqu’au 1er septembre 2005, en raison de menaces proférées au quotidien envers le personnel pénitentiaire, le conduisant encore en quartier disciplinaire. Chaque ouverture de cellule, chaque déplacement dans l’établissement (douche, promenade, parloir) s’opérait dans le cadre de cette organisation matérielle.
Par jugement du 11 mai 2006, le tribunal administratif de Versailles a jugé que la mesure de surveillance renforcée continue n’avait pas « aggravé les conditions de détention de l’intéressé », présentait un caractère proportionné et nécessaire, enfin constituait une mesure d’ordre intérieur insusceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir.
M. K.D. a finalement été transféré à Fresnes en détention ordinaire le 12 octobre 2005. Son comportement s’est alors stabilisé, son attitude d’ensemble s’est révélée plus sociale, ce qui lui a valu d’obtenir une permission employeur, puis une permission familiale et au final, une semi-liberté probatoire avec conditionnelle à compter du 15 mai 2006.
> AVIS
La Commission nationale de la déontologie de la sécurité estime que si des mesures disciplinaires somme toutes classiques pouvaient assurément être mises en œuvre à l’endroit de M. K.D. en raison de sa sociabilité problématique et de ses réactions souvent impulsives voire dangereuses envers certains des détenus, le dispositif d’espèce appliqué d’une manière pérenne paraissait peu susceptible de favoriser une relative sérénité ambiante chez un détenu présentant un parcours pénitentiaire chargé.
> RECOMMANDATIONS
La Commission estime que le dispositif de « barrière de confinement » doit toujours demeurer exceptionnel dans sa survenance et sa durée d’application afin de constituer une réponse proportionnée à une menace grave à l’ordre public au sein d’un établissement pénitentiaire. L’emploi continu d’une telle mesure risque de préjudicier à la santé et la dignité du détenu.
Adopté le 4 juin 2007
Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis au garde des Sceaux, ministre de la Justice, dont la réponse a été la suivante :