Saisine n°2006-66
AVIS ET RECOMMANDATIONS
de la Commission nationale de déontologie de la sécurité
à la suite de sa saisine, le 28 juin 2006,
par Mme Alima BOUMEDIENE-THIERY, sénatrice de Paris
La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 28 juin 2006, par Mme Alima BOUMEDIENE-THIERY, sénatrice de Paris, des conditions du maintien à l’isolement et des transferts répétés de M. C.K.
La Commission a pris connaissance du rapport de l’enquête qu’elle avait sollicitée auprès du garde des Sceaux, remis par l’Inspection générale des services pénitentiaires.
La Commission a entendu M. C.K., et le Dr S.B., médecin chef de l’UCSA de la maison d’arrêt de la Santé.
> LES FAITS
M. C.K. est détenu depuis le 23 août 2001 pour avoir tenté de faire évader son frère, incarcéré au centre pénitentiaire de Fresnes. Pour ces faits, M. C.K. a été condamné à dix ans de réclusion par la cour d’assises de Créteil. L’intéressé a fait l’objet de multiples transferts, tant en raison de sa dangerosité (il est classé « détenu particulièrement surveillé » en raison d’une suspicion d’évasion), que de son comportement au sein des établissements pénitentiaires fréquentés. Les nombreux incidents disciplinaires l’ont conduit à des placements en cellule d’isolement très fréquemment (plus de quatre sur six ans de détention).
M. C.K., supportant de plus en plus mal cet isolement, s’est plaint régulièrement de douleurs musculaires, dont le Dr S.B., praticien hospitalier médecin chef de l’UCSA de la maison d’arrêt de la Santé, a évoqué une origine psychosomatique. Placé à l’isolement, M. C.K. a en effet rencontré deux fois par semaine le personnel de l’UCSA de la Santé, conformément aux dispositions du code de procédure pénale, ainsi qu’un médecin interniste de l’hôpital Cochin. Le bilan s’est toujours révélé normal sur le plan somatique.
Devant la persistance des plaintes de l’intéressé, le Dr S.B. a alors jugé nécessaire une prise en charge par une équipe psychiatrique (l’un des six médecins psychiatriques seniors relevant du SMPR) de ce détenu « fragile psychologiquement » et a informé à plusieurs reprises la directrice de la maison d’arrêt concernée. Dans une lettre datée du 7 juin 2006, elle indiquait notamment qu’« il est nécessaire qu’il (M. C.K.) ait un suivi psychiatrique et qu’un avis compétent d’un médecin psychiatre soit donné afin de définir si le maintien à l’isolement est compatible avec les signes psychiatriques que présente ce patient ».
Le Dr S.B. n’a pas eu de réponse écrite à sa demande.
L’examen par un médecin psychiatre, seul habilité à déterminer si le maintien à l’isolement était compatible avec les signes psychiatriques que présentait ce détenu, n’a pas eu lieu.
Aucune prise en charge n’a été diligentée, M. C.K. se serait opposé aux examens psychiatriques. Il a rencontré à plusieurs reprises un membre du service médicopsychologique régional de l’hôpital Sainte-Anne, non habilité à établir des certificats médicaux.
Selon le Dr S.B., « M. C.K. est fragile psychologiquement et cela tient en partie à la durée de son placement à l’isolement, qui ne pouvait dès lors qu’entraîner des signes de type paranoïaque ».
M. C.K., dénonçant son placement en isolement, a obtenu du tribunal administratif de Paris, le 15 mars 2007, l’annulation d’une décision du ministre de la Justice de proroger cette mesure durant quatre mois à compter du 6 octobre 2006.
> AVIS
La Commission déplore d’avoir à constater une nouvelle fois que le diagnostic d’un praticien hospitalier responsable d’une UCSA à propos d’un détenu en situation de détresse psychologique n’a pas été suivi d’effet par l’administration pénitentiaire. L’examen par un médecin psychiatre était indispensable pour déterminer la compatibilité de la mesure d’isolement prorogée à de multiples reprises avec l’état de santé de M. C.K. La prorogation du maintien de la mesure d’isolement a, en l’espèce, contribué à la fragilité psychologique de ce détenu.
> RECOMMANDATIONS
La Commission recommande que les prescriptions médicales en matière de placement et de prolongation de l’isolement soient rigoureusement respectées par les chefs d’établissement.
Adopté le 4 juin 2007
Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis au garde des Sceaux, ministre de la Justice, dont la réponse a été la suivante :