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KAMO Société Caraïbéenne de Psychiatrie et de Psychologie Légales

2008 N°5 KAMO : A propos d’IS/OS/RP/RPS

Mise en ligne : 29 août 2008

Texte de l'article :

A PROPOS D’IS/OS/RP/RPS
Odile Verschoot

Psychologue - SMPR de Nantes
Secrétaire générale de l’ARTAAS

Il est parfaitement clair pour moi que dans bien des prises en charge d’AVS, c’est d’abord le cadre clair et solide qui est opérant pour faire face à des fonctionnements transgressifs voire pervers. Si nous nous laissons glisser dans la confusion nous perdons nos capacités à penser qui sont l’essence même de nos capacités à soigner.
En conséquence, il me semble vital qu’injonction et obligation de soin ne soient pas confondus, ni traités de la même façon....La loi les distingue et leur confère à chacune un cadre de prononcé et d’application différents : un SSJ avec IS n’est pas un SME ou une LP avec OS. L’avis expertal sur l’accessibilité aux soins du justiciable est l’unique option pour prononcer une IS alors que l’OS peut relever de la seule évaluation d’un juge.... La prolifération législative de ces derniers mois n’a pas, à ma connaissance, modifier cela. Si les juges par dérive sécuritaire, par commodité ou encore par souci de bien faire, se mettent « hors la loi », ils génèrent alors une confusion qui risque bien de finir par ressembler à celle désastreuse de nos patients ! Le juge est le garant réel, imaginaire et symbolique de la Loi, s’il la transgresse, c’est le règne du désordre et la perte des repères pour tous.
De plus, je pense que les RP ou RPS, sont exclusivement une affaire entre juge et détenu....Je renvoie toujours le patient vers le juge lorsqu’il me parle de ses remises de peines, je lui rappelle que je suis une soignante indépendante de la Justice et je lui parle de soin en l’invitant à exprimer ce qu’il ressent ou pense.... Pas question pour moi de sortir de MON cadre de travail et de m’aventurer vers des contrées judiciaires et dans les démêlés du patient avec la Justice....Il ne perçoit pas toutes les RPS escomptées ?
Parlons alors de sa frustration, de sa révolte. Il les a toute eut comme il l’espérait ? Parlons alors de sa satisfaction sans en faire un terrain fertile pour sa jouissance et travaillons sur son narcissisme et son estime de soi si souvent défaillants.
Lorsqu’un patient me demande un « justif » à l’issue d’un premier entretien, je dis NON et ça n’est pas négociable...Il me parle de SUIVI, je lui réponds TRAVAIL sur SOI.... Il me parle des exigences du JAP, je l’invite à parler de lui....Ce dialogue peut rester sourd ou devenir Rencontre, je sais que la balle est dans mon camp car créer de la rencontre est mon boulot de psychologue clinicienne. Le soin incité, obligé ou enjoint peut offrir l’opportunité de cette rencontre mais peut aussi la saborder s’il est traité comme une formalité parmi d’autres. L’espérance d’une alliance thérapeutique est, je trouve, ce qui est à la fois passionnant et épuisant ....chaque nouveau patient est un défi et je n’ai pas l’intention de laisser la Justice briser cette espérance, qui est un de mes moteurs professionnels. Les tentatives de manipulation pour nous détourner du soin sont multiples et les patients - détenus n’en ont pas l’exclusivité...lorsque je m’en sens victime, j’éprouve un profond sentiment de révolte puis je me console en me disant que c’est de « bonne guerre », que je vais être plus vigilante et que la prochaine fois je ne me ferais pas avoir ....
Bientôt 12 ans de travail au SMPR de Nantes et je me fais encore surprendre ... Je dois avouer néanmoins que lorsque cela provient des services de justice, je ne comprends pas qui peut tirer bénéfices d’une instrumentalisation du soin et des soignants. L’articulation santé/justice est une longue route semée de pièges et d’embûches....
Travailler en milieu carcéral, n’est pas devenir auxiliaire de justice, ni exécutant d’ordre judiciaire ou pénitentiaire.
En tant que soignants du service public hospitalier, nous nous devons de préserver notre cadre de soin et ne jamais accepter les petits arrangements avec la Loi qui mettent en péril notre action thérapeutique et son éthique.