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KAMO Société Caraïbéenne de Psychiatrie et de Psychologie Légales

2008 N°8 KAMO Rapport sur la lutte contre la récidive des mineurs et des majeurs

Mise en ligne : 24 février 2009

Texte de l'article :

RAPPORT D’INFORMATION
SUR LA MISE EN APPLICATION DE
LA LOI DU 10 AOUT 2007 RENFORCANT
LA LUTTE CONTRE LA RECIDIVE DES MAJEURS ET DES MINEURS
Guy GEOFFROY et Christophe CARESCHE, députés
9 décembre 2008

Les députés Guy GEOFFROY (UMP) et Christophe CARESCHE (Socialiste, radical, citoyen et divers gauche) ont été chargé d’un rapport d’information pour évaluer la loi du 10 août 2007 afin de répondre aux quatre questions suivantes :
· le dispositif mis en place ménage-t-il la liberté des juges d’individualiser les peines en fonction des circonstances de l’espèce ?
· les peines minimales ont-elles atteint leur cible, c’est-à-dire le noyau dur de récidivistes installés dans la délinquance (majeurs comme mineurs) ?
· les peines minimales ont-elles atteint leur objectif dissuasif : les statiques de la récidive permettent-elles de démontrer une réduction de celle-ci ?
· les peines minimales ont-elles les effets pervers annoncés par certains au moment du vote de la loi, notamment sur la population carcérale ?
Le rapport étudie également le dispositif de l’injonction de soin qui sera notre sujet, exposé en deux parties : I - La reproduction du rapport d’information relatif à l’injonction de soins (surligné en jaune certains points importants) ; II - Quelques commentaires.

I - LE RAPPORT D’INFORMATION : QUEL RENFORCEMENT DU SUIVI MÉDICAL DES CONDAMNÉS ?
Le troisième volet de la loi renforce la prise en charge médicale des condamnés pour les infractions les plus graves par deux moyens :
· La systématisation de l’injonction de soins à la sortie de détention pour les auteurs des infractions pour lesquelles le suivi socio-judiciaire est encouru, dès lors qu’une expertise conclut qu’un traitement est possible ;
· l’incitation à accepter des soins en détention.

A) LA LOI A RENFORCÉ ET SYSTEMATISÉ LES SOINS EN DÉTENTION ET À LA SORTIE

L’enjeu est d’importance : il s’agit de mettre à profit la période passée en détention pour assurer des soins adaptés aux personnes condamnées et de prolonger le suivi de ces soins après la sortie. À la prise en charge judiciaire s’ajoute ainsi une prise en charge médicopsychologique qui doit favoriser la réinsertion de la personne et ainsi mieux prévenir la récidive.

1. L’extension du champ d’application et systématisation de l’injonction de soins

La loi du 10 août 2007 a étendu le champ d’application de l’injonction de soins et l’a rendue systématique dans le cadre d’un suivi socio-judiciaire (article 7), d’un sursis avec mise à l’épreuve (article 8), d’une surveillance judiciaire (article 9) et d’une libération conditionnelle (article 11), cette généralisation étant soumise à deux réserves :
· dans tous les cas, les personnes condamnées ne pourront être soumises à une injonction de soins que s’il est établi, après une expertise médicale, qu’elles sont susceptibles de faire l’objet d’un traitement ;
· et, par ailleurs, la juridiction de jugement ou le juge de l’application des peines a toujours la possibilité de ne pas prescrire cette injonction, alors même que l’expertise y a conclu favorablement.

2. Le renforcement de l’incitation au suivi médical en détention
Jusqu’au vote de la loi, des traitements pouvaient être prodigués en détention, sur une base volontaire
- hormis le cas de l’hospitalisation d’office pour les personnes détenues atteintes de troubles mentaux. Si le refus de soins n’était pas punissable, il pouvait cependant conduire à limiter les réductions de peines supplémentaires au titre de l’article 721-1 du code de procédure pénale au motif que le détenu ne manifeste pas « des efforts sérieux de réinsertion sociale ».
La loi a fortement incité les détenus à accepter des soins durant leur incarcération en sanctionnant dans certains cas le refus de soins par l’absence de réductions supplémentaires de peine ou de libération conditionnelle.

a) Suppression des réductions supplémentaires de peine en cas de refus de soins
Le régime des réductions de peine comprend, outre le « crédit de réduction de peine », calculé sur la durée de la condamnation prononcée (article 721 du code de procédure pénale) (1), la possibilité d’octroi d’une « réduction supplémentaire de la peine », qui peut être accordée aux condamnés qui manifestent des « efforts sérieux de réadaptation sociale ». Ces efforts peuvent notamment se concrétiser par une « thérapie destinée à limiter les risques de récidive ».
L’article 10 de la loi prévoit que désormais en principe aucune réduction supplémentaire de peine ne peut être accordée à une personne condamnée pour une infraction pour laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru et qui refuse de suivre le traitement proposé pendant son incarcération.
À l’initiative du Sénat, la loi a cependant prévu que le JAP, conservant un pouvoir d’appréciation de chaque cas, peut décider que la réduction supplémentaire de peine n’est pas supprimée malgré l’absence de suivi du traitement proposé.

b) Absence de libération conditionnelle en cas de refus de soins
L’article 11 de la loi subordonne la libération conditionnelle d’une personne condamnée pour un crime ou un délit pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru à l’acceptation d’un traitement pendant son incarcération et à l’engagement de le poursuivre après sa libération.
L’article 729 du code pénal précise que la libération conditionnelle tend à la « réinsertion des condamnés » et à la « prévention de la récidive ». Il prévoit que les personnes condamnées à une peine privative de liberté peuvent bénéficier d’une libération conditionnelle si elles manifestent « des efforts sérieux de réadaptation sociale », notamment lorsqu’elles justifient « de la nécessité de subir un traitement ». Ces dispositions se trouvent donc renforcées par la loi ;

C. LA DIFFICILE ÉVALUATION DE L’APPLICATION DE CE DISPOSITIF FAUTE D’UN RECUL SUFFISANT
1. Évaluation de l’effectivité de l’incitation à se soigner

a) En détention
Votre rapporteur et votre co-rapporteur ont souhaité évaluer l’impact de l’entrée en vigueur de la loi sur le suivi des soins en détention et analyser si la démarche incitative de la loi avait porté ses fruits. Ils ont donc interrogé les service de la Chancellerie sur le point de savoir si on avait pu évaluer le nombre de détenus éligibles à l’injonction de soins mais qui l’ont refusé, induisant soit la suppression des réductions supplémentaires de peine, soit l’absence de libération conditionnelle et, à l’inverse, si tous les condamnés « éligibles » (concernés par le dispositif et ayant fait l’objet d’une expertise positive) et volontaires avaient pu bénéficier d’un traitement dès le 1er mars 2008.
Malheureusement, aucune donnée tant sur le refus de soins que sur le refus de libération conditionnelle en raison d’un refus de soins n’est aujourd’hui disponible.
Vos rapporteurs déplorent ce manque d’éléments pourtant indispensables pour évaluer l’application de la loi.
Pour autant, il ressort d’une enquête menée par la DAP courant septembre 2008 sur trois établissements pour peines significatifs (centres de détention de Caen et Mauzac, maison centrale de Saint-Maur) qui ont un fort taux de délinquants sexuels, que 6% des condamnés à une injonction de soins ont refusé d’être suivis ; aucun d’entre eux n’a bénéficié de réductions supplémentaires de peine ni d’une libération conditionnelle.
S’agissant des condamnés ayant accepté les soins (soit 94 % des condamnés à une injonction de soins), il ressort de cette enquête que 47 % ont bénéficié des réductions de peine supplémentaires en totalité, 48 % ont bénéficié partiellement de ces réductions de peine et 5 % n’ont pas obtenu de réductions de peine supplémentaires. Par ailleurs, 1 % des condamnés ayant accepté les soins se sont vus octroyer une libération conditionnelle, tandis que cette mesure a été refusée à 2 % d’entre eux.
La généralisation des soins doit permettre de mieux prendre en charge les détenus qui doivent faire l’objet de soins psychiatriques et ce le plus tôt possible, mais aussi de mieux les préparer à la sortie et d’assurer un meilleur suivi à leur sortie de détention. Vos rapporteurs regrettent cependant que l’offre de soins en détention demeure insuffisante, malgré les efforts importants réalisés ces dernières années.
Ils rappellent les capacités réduites des services médico-psychologiques régionaux (SMPR), qui n’existent que dans 26 établissements pénitentiaires, et qui ne peuvent accueillir tous les détenus nécessitant une hospitalisation complète, mais aussi les réticences des établissements de santé à recevoir des personnes détenues en hospitalisation d’office en l’absence de garde statique par les forces de l’ordre. Le nombre des psychiatres intervenant en établissements pénitentiaires demeure insuffisant, non sans lien avec l’évolution des méthodes en psychiatrie qui a consacré les services ouverts au détriment des services fermés.
La prochaine ouverture des premières unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) devrait améliorer notablement la situation : l’an prochain doit ouvrir à Lyon la première unité de soixante places spécifiquement consacrée à la prise en charge des délinquants pédophiles dans le cadre de mesures prises pour lutter contre ce type de récidive.

b) À la libération

Votre rapporteur et votre co-rapporteur regrettent qu’il ne soit pas possible, en l’état actuel des outils statistiques, de préciser le nombre de détenus qui ont été libérés depuis le 1er mars 2008 avec une injonction de soins.
L’Info Centre Appi qui permet d’extraire des données statistiques en matière d’application des peines ne comporte en effet pas d’indication relative à l’injonction de soins. Par ailleurs le casier judiciaire ne porte pas mention des mesures d’injonction de soins et ne permet pas davantage d’avoir des indications statistiques.
Il a cependant été indiqué à vos rapporteurs que la nouvelle version de Appi devrait contenir des données statistiques relatives à l’injonction de soins dès l’an prochain.
L’absence d’éléments objectifs permettant de quantifier le recours aux injonctions de soins ne permet à l’évidence pas d’effectuer le nécessaire suivi des personnes qui en bénéficient et donc d’évaluer l’efficacité de ces mesures.
C’est pourquoi votre rapporteur et votre co-rapporteur ont souhaité entendre le docteur Roland Coutanceau qui dirige la consultation extérieure à la prison qui reçoit le plus grand nombre de personnes placées sous obligation ou injonction de soins. Ce praticien plaide pour le développement de ces structures de consultations spécialisées qui fonctionnent en réseaux avec l’ensemble du dispositif de soins. Jugeant nécessaire une certaine expérience pour apporter les bonnes réponses, il a estimé que tous les psychiatres ne peuvent assurer de telles consultations très spécifiques et jugé préférable de confier cette mission à un nombre limité de praticiens expressément formés.
Le docteur Coutanceau a par ailleurs relevé une faille dans le dispositif de l’injonction de soins : rappelons que celle-ci peut être prononcée par le magistrat à la condition que l’expert ait émis un avis favorable. Or nombre d’experts estiment que certains condamnés ne sont pas éligibles aux soins, soit parce qu’ils nient les faits, soit parce qu’ils refusent tout contrôle, si bien que l’on aboutit à une situation totalement paradoxale qui exclut l’injonction de soins pour certains condamnés particulièrement dangereux. Pour lui, la logique de « toute médicalisation » atteint ses limites ; il préconise plutôt une « obligation de suivi » qui combinerait des éléments de soins (dispensés par des médecins, par des psychiatres) avec des éléments éducatifs (dispensés par les SPIP).

2. Le difficile recrutement de médecins coordonnateurs
Les dispositions de la loi sont entrées en vigueur dès le lendemain de la publication de la loi, à l’exception des dispositions relatives aux condamnations emportant une injonction de soins, dont l’entrée en vigueur a été reportée au 1er mars 2008, notamment pour permettre le recrutement de nouveaux médecins coordonnateurs. Vos rapporteurs ont donc souhaité savoir où en était le processus de recrutement.
Selon une étude menée par l’association pour la recherche et le traitement des auteurs d’agressions sexuelles (ARTAAS), il y avait en France 147 médecins coordonnateurs en juin 2006. Ils étaient 211 au 1er décembre 2008, selon les éléments transmis à vos rapporteurs, bien loin donc des 450 annoncés lors du vote de la loi...
À Paris, il n’y a que 14 médecins inscrits sur la liste des médecins coordonnateurs compétents, étant noté que certain d’entre eux sont également compétents dans les ressorts d’autres juridictions en banlieue. Ce nombre insuffisant contraint les JAP à procéder à un tri, pour réserver aux cas les plus délicats l’intervention d’un médecin coordonnateur, en plus du médecin traitant.
À ce jour encore 14 départements métropolitains et 3 départements d’outre-mer n’ont pas de médecin coordonnateur.
Des mesures ont pourtant été prises pour assurer un recrutement plus large de médecins coordonnateurs.
Tout d’abord, l’arrêté du 24 janvier 2008 pris pour l’application des articles R. 3711-8 et R. 3711-11 du code de la santé publique relatif aux médecins coordonnateurs a d’une part revalorisé l’indemnité annuelle qui leur est versée, fixée à 700 € par personne suivie à compter du 1er mars 2008 (soit une augmentation de 164 %) et d’autre part porté de 15 à 20 le nombre de personnes condamnées pouvant être suivies au cours d’une année par un même médecin coordonnateur.
Le ministère de la santé a en outre publié une circulaire [1] du 18 juin 2008 relative à l’évolution du dispositif de l’injonction de soins, à la rémunération des médecins coordonnateurs et aux cotisations sociales applicables à cette indemnité.
Cette circulaire adressée aux DRASS et aux DDASS présente les dispositions de la loi nouvelle qui généralisent l’injonction de soins et rappelle, outre l’augmentation de la rémunération des médecins coordonnateurs, le statut de ces médecins au regard des cotisations sociales.
Le docteur Roland Coutanceau estime que le montant des rémunérations des vacations des médecins coordonnateurs n’était qu’un faux problème : l’augmenter n’était pas la bonne solution pour en recruter un plus grand nombre, tout au plus augmentera-t-on selon lui les frais de justice. D’autant que la fixation d’un plafond de 20 personnes qu’un même médecin coordonnateur peut suivre, soit 60 consultations sur l’année, est un inutile facteur de rigidité du système, qui freine les vocations. Il estime que le rôle du médecin coordonnateur est crucial au début

3. La question du passage de relais des soins au moment de la libération

Votre rapporteur et votre co-rapporteur ont souhaité savoir comment s’effectuait le passage de relais entre les différents médecins chargés des soins en détention puis à la libération de la personne. Le médecin coordonnateur et/ou le praticien appelés à suivre la personne après sa libération ont-ils des contacts avec elle avant sa sortie ? avec le médecin chargé des soins en détention ?
Il apparaît que des dispositions réglementaires ont été prises pour préparer la sortie des condamnés placés sous surveillance judiciaire, notamment lorsqu’elle est assortie d’une injonction de soins.
L’article D. 147-40-1 du code de procédure pénale, issu du décret n° 2007-1627 du 16 novembre 2007 prévoit que : « Si la surveillance judiciaire comporte une injonction de soins, ce juge désigne, avant la libération du condamné, le médecin coordonnateur afin que le choix du médecin traitant puisse, sauf impossibilité, intervenir avant cette libération, en application des dispositions des articles R. 3711-8 et R. 3711-12 à R. 3711-17 du code de la santé publique.
Pour ce faire, le condamné peut bénéficier de permissions de sortir ou d’autorisations de sortie sous escorte, afin de rencontrer le médecin coordonnateur et son médecin traitant. »
L’article D. 147-40-2 dispose quant à lui que « la personne placée sous surveillance judiciaire doit être convoquée par le juge de l’application des peines du tribunal de grande instance dans le ressort duquel elle doit résider, dans un délai maximal de huit jours à compter de sa libération. Cette convocation lui est notifiée contre émargement, avant sa libération, par le chef d’établissement pénitentiaire » .
En revanche, peu d’éléments ont pu être transmis à vos rapporteurs s’agissant de la continuité des soins et du passage de relais au moment de la libération.
Il a été indiqué à vos rapporteurs que le rapport annuel d’activité des services de soins en milieu pénitentiaire qui sera rendu à partir de 2009 par le ministère chargé de la santé devrait comporter des éléments sur la continuité des soins à la sortie du milieu carcéral. Vos rapporteurs seront attentifs aux conclusions du premier rapport.
Selon les informations transmises à vos rapporteurs, le ministère de la Justice va diligenter une étude d’ensemble sur la mise en oeuvre de l’injonction de soins, afin de mieux connaître les pratiques des juridictions de jugement en cette matière, d’évaluer l’impact de la loi, d’apprécier les conditions d’exécution de ces injonctions ainsi que leurs suites.

PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS
 ?? Ministère de la Justice
- M. Jean-Marie HUET, directeur des Affaires criminelles et des grâces
- M. Philippe-Pierre CABOURDIN, directeur de la Protection judiciaire de la justice, accompagné de M. Damien MULLIEZ, sous-directeur des missions de protection judiciaire et d’éducation à la DPJJ
- M. Claude d’HARCOURT, directeur de l’Administration pénitentiaire
 ?? Magistrats
Union syndicale de la magistrature
- M. Christophe REGNARD, président
- M. Laurent BEDOUET, secrétaire général
Syndicat de la magistrature
- Mme Emmanuelle PERREUX, présidente
- M. David de PAS, secrétaire général adjoint
Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille
- M. Daniel PICAL, membre du Comité directeur
Association Nationale des Juges de l’Application des Peines
- Mme Martine LEBRUN, présidente
- M. Ludovic FOSSEY, secrétaire général
 ?? Avocats
- Me Jean-François MORTELETTE, ancien bâtonnier de Blois, membre du Bureau de la Conférence des Bâtonniers
- Me Vincent NIDRE, avocat au Barreau de Paris
 ?? Personnalités qualifiées
- Professeur André VARINARD, président de la Commission chargée de formuler des propositions de réforme de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante.
- Mme Dominique VERSINI, défenseure des enfants
- Docteur Roland COUTANCEAU, président de la Ligue française pour la santé mentale
- M. Pierre-Victor TOURNIER, directeur de recherche au CNRS

II - QUELQUES REMARQUES SUR LE RAPPORT
1. Les rapporteurs font deux rappels importants :

a. l’injonction de soins (IS) ne peut être imposée qu’après expertise médicale l’indiquant
b.Les magistrats peuvent ne pas prescrire l’IS même si une expertise la propose (en revanche, ils ne peuvent pas la prescrire si l’expertise ne l’indique pas).
Ces rappels sont importants car tout le principe de la loi de 1998 repose sur le principe de l’indication médicale d’un soin et non sur l’automaticité : type de délit/soins.

2. Sur le renforcement de l’incitation au suivi médical en détention
C’est là que les choses se compliquent et deviennent ambiguës, aussi bien dans le CPP que dans le contenu du rapport d’information. Aucune réduction supplémentaire de peine ne peut être accordée si le condamné refuse des soins qu’il soit soumis à une IS au moment du jugement ou simplement qu’il soit condamné pour une infraction pour laquelle le SSJ et l’IS est « encouru ». Les JAP incitent les condamnés à une infraction pouvant conduire à une IS à se faire soigner même si aucune expertise n’a répondu à la question avec chantage aux remises de peine. Il s’agit d’un dévoiement de la loi de 98 et d’une automaticité Type d’infraction/IS. Le manque d’experts et le coût des expertises incitent les JAP à se passer d’expertise. Un afflux de demandes ingérables et instrumentalisées (chantage aux remises de peine) est noté par les soignants en prison avec l’apparition de tensions inévitables en milieu carcéral. Le système est pervers et crée une particulière dangerosité intracarcérale. Si les rapporteurs considèrent que le décret d’application du 16 novembre 2007 a corrigé certains « effets pervers de la loi « (p.34), ils ne se sont absolument pas penché sur cette réalité très matérielle et pratique (outre l’annulation d’un principe essentiel de la loi de 1998 : pas de soins sans indication médicale, contrairement à l’obligation de soins).
Selon les rapporteurs : « La généralisation des soins doit permettre de mieux prendre en charge les détenus qi doivent faire l’objet de soins psychiatriques et ce le plus tôt possible, mais aussi de mieux les préparer à la sortie et d’assurer un meilleur suivi à leur sortie de détention » (p 36). La volonté du soin à tout prix en prison relève du fantasme de toute puissance thérapeutique attribuée aux soignants (argument pseudo flatteur pour les psys), de la non connaissance du contexte carcéral (la prison ne facilite guère les soins : « plateau technique » non adapté aux soins. La prison n’est pas conçue pour soigner. Il faut bricoler pour faire des soins basiques), et d’une étrange conception du psychisme humain et du soin psychologique : une démarche psychothérapique n’est pas une injection de neuroleptique retard... D’ailleurs, la future loi pénitentiaire est assez indigente relativement aux volets soins en prison, ce qui montre bien l’hypocrisie de nos politiques. La vidéo récente de Fleury devrait déciller citoyens et politiques sur la réalité carcérale et les limites aux soins qu’elle impose. Bien souvent, le soin psychiatrique en prison peut être comparé à une opération chirurgicale dans un bloc septique.
La démarche incitative en prison devrait se cantonner à une incitation mais ne devrait pas être soumise au chantage pas de RPS ou de LC si vous ne vous soignez pas en prison. Il faut abolir cette disposition. A noter que Roland Coutanceau auditionné signale que les experts -suivant en cela les recommandations de la conférence de consensus sur les auteurs d’agression sexuelle de 2001 - ne préconisent pas des soins si les sujets nient les faits. Il émettrait à cette occasion la limite de la « toute médicalisation » du traitement des auteurs de violence sexuelle en plaidant pour une « obligation de suivi » qui combinerait des soins et une démarche éducative. Sans nous étendre ici sur cette complexe question, remarquons simplement une ébauche d’approche complexe de la violence sexuelle. Il serait opportun que les politiques commencent à percevoir qu’il ne s’agit pas que le manichéisme est inefficient en ce domaine (sauf à boucler tous les méchants éternellement).
Les UHSA serait attendue avec le fol espoir d’une grande avancée thérapeutique : « La prochaine ouverture des premières unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) devrait améliorer notablement la situation : l’an prochain doit ouvrir à Lyon la première unité de soixante places spécifiquement consacrée à la prise en charge des délinquants pédophiles dans le cadre des mesures prises pour lutter ce type de récidive » (pp. 36-37). Peut-être que les UHSA amélioreront la prise en charge intracarcérale des personnes qui décompenseront sur le plan psychiatrique. En revanche, l’impact de cet excessivement coûteux dispositif sur une préparation à la sortie sera probablement négatif car il créé une filière ségrégative et exclu le patient du dispositif de soins hospitaliers sectoriels. Si les psychiatres ont perçu avec regret dans le récent discours d’Antony du Président de la République la disparition du secteur, ils doivent reconnaître qu’en excluant les détenus de la filière de soins sectorielles, ils ont contribué à affaiblir le concept de secteur. On apprend également que l’UHSA de Lyon, la première annoncée, sera consacrée aux pédophiles. Ah bon ! L’obsession sociétale ! No comments.

3.La difficile évaluation de la loi
Dure, l’angoisse de castration que doivent ressentir pouvoirs exécutifs et législatifs quand la bête réalité vient buter contre leurs désirs totipotents. Les rapporteurs ne relèvent que 211 médecins coordonnateurs et ils citent le dernier recensement fait par l’ARTAAS en juin 2006 et qui n’en comptabilisait alors que 147. Les 450 à 500 annoncés par la ministre da justice au moment du vor de la loi et devant être atteint en mars 2008 sont toujours introuvables, malgré l’augmentation de leur rémunération. Selon les rapporteurs : « A ce jour encore 14 départements métropolitains et 3 départements d’outre-mer n’ont pas de médecin coordonnateur » (p. 38). Etonnant l’allusion aux DOM, car pour l’évaluation de 2006 par l’ARTAAS, je m’étais renseigné pour les 4 DOM et j’avais alors obtenu les données suivantes : Guyane : 1 ; Martinique : 3 ; Réunion : 2 ; Guadeloupe : 0. Depuis la Guadeloupe a deux médecins coordonnateurs en 2008 mais les JAP ne sont toujours pas informés de leur nomination.....
Impossible également d’évaluer le relais des soins au moment de la libération.

4.Conclusion
A lire, ne serait-ce que les données sur le nombre de médecins coordonnateurs dans les DOM, on s’interroge sur la précision des informations obtenues par les rapporteurs et communiquées aux députés.
L’implication dans la concrétude permet de ne pas s’étonner sur les dysfonctionnements de l’Etat dans une société complexe qui semble devenir ingérable. L’article suivant cherche à illustrer ces contradictions et ces paradoxes.
Toutefois, rien n’empêche de se donner les moyens d’une information la plus complète possible.
L’examen des personnes auditionnées par les rapporteurs, notamment dans le domaine sanitaire, montre que la liste se limite au Dr Roland Coutanceau, connu pour son implication dans le domaine, mais essentiellement sur les soins extracarceraux. L’ARTAAS ayant été citée, il eût été judicieux d’en entendre un de ses représentants.
Les rapporteurs considérant le recul dans le temps encore insuffisant pour correctement évaluer la loi du 10 août 2007, il est probable qu’ils auront à répéter leur travail dans quelques mois.
Qu’ils me permettent de leur suggérer des auditions de personnalités qualifiées dans un périmètre plus large :
· L’Association des Secteurs de Psychiatrie en Milieu Pénitentiaire (ASPMP) pour les soins en prison
· L’Association pour la Recherche des Auteurs d’Agression Sexuelle (ARTAAS), impliquée de longue date dans ces soins spécialisés
· Les syndicats de psychiatres pour l’ensemble du dispositif
Et ceux que j’aurai oubliés sauront se manifester. Notamment, il serait intéressant de savoir ce que les psychologues, impliqués dorénavant dans l’injonction de soins, en pensent. MD.

Notes:

[1] n°DGS/MC4/2008/213 de la prise en charge mais qu’une fois le lien établi entre la personne suivie et son médecin traitant, son rôle se réduit à un suivi plus limité