Communiqué de Socapsyleg
Le schizophrène dangereux : Comme un animal
Remarques
Fin décembre 2008, un patient de l’hôpital Edouard Toulouse à Marseille, hospitalisé (et non interné) sous le régime de l’hospitalisation d’office, est sorti sans autorisation.
La communication médiatique autour de ce fait, assez courant en psychiatrie, s’est principalement organisée en associant schizophrénie et dangerosité. Il faut rappeler que dans ce genre de situation, le personnel soignant est habitué à prendre toutes les mesures indispensables pour retrouver le patient, notamment quand l’état de santé de la personne n’est pas stabilisée et peut décompenser en l’absence de traitement.
Ce qui a été frappant dans cette affaire, c’est la paralysie, la sidération qui nous frappe et qui nous empêche de réagir lorsque les fondamentaux du soin sont attaqués. Préoccupés par les risques de dérive ultra sécuritaire de la psychiatrie, nous pouvons ne plus voir les atteintes à la dignité de la personne et à son intimité. Ce n’est qu’après un temps de bombardement médiatique sur le « schizophrène dangereux » « pourchassé activement » (AFP), comme un animal, que j’ai pu m’extraire du problème strictement sécuritaire. Cela peut indiquer que notre disponibilité psychique pour soigner nos patients peut être gravement perturbée par des considérations « socio-politico-médiatiques ». C’est inquiétant. A noter aussi que la divulgation de l’identité du patient pourrait aussi présenter d’autres formes de risque. On peut craindre dans des situations identiques chez un patient persécuté une réaction violente s’il se voit interpelé par son nom par un inconnu en pleine rue...
« Comme un animal » est le titre d’un article pour la Tribune des lecteurs écrite en prolongement de ce communiqué à paraître dans la revue l’Information psychiatrique.
Communiqué
La Société Caraïbéenne de Psychiatrie et de Psychologie Légales réprouve de la manière la plus vive le traitement médiatique de la sortie sans autorisation d’un patient d’un établissement public en santé mentale.
Divulguer sur la place publique le nom, des éléments biographiques et le diagnostic de la maladie dont souffre cette personne constitue une atteinte grave à l’intimité de sa vie privée, à sa dignité, voire au secret professionnel. Et cette atteinte pour cette personne particulière peut avoir une répercussion pour tous les autres patients actuels ou futurs. Elle met en cause gravement la relation de confiance nécessaire entre usagers du soin et professionnels de santé pour instaurer une démarche thérapeutique fructueuse pour les patients, leur entourage et l’intérêt de la société dans son ensemble.
Ces informations paraissent contrevenir gravement aux principes contenus à la fois dans le code civil, dans le code pénal et dans les codes de déontologie professionnels, dont le code de déontologie médicale.
Aux transgressions des principes fondamentaux de notre société s’ajoute l’association abrupte d’une pathologie mentale nommément désignée et d’une dangerosité importante. Ce tapage médiatique n’est certainement pas un hasard dans un temps ou la stigmatisation des personnes souffrant de trou- bles mentaux ouvre au risque de limiter les soins psychiatriques à une neutralisation par l’enfermement.
Il doit être possible d’associer une légitime information à laquelle nous avons tous droit tout en respectant des règles de discrétion élémentaire et en apportant une information équilibrée.
Le 29/12/2008
Dr Michel DAVID
Psychiatre des Hôpitaux