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3 Ce que prévoit la loi

Mise en ligne : 13 décembre 2006

Texte de l'article :

III. Ce que prévoit la loi

A. Une loi spécifique pour la santé en prison : la loi du 18 janvier 1994.
C’est à la suite de la publication d’un rapport de 1993 du Haut comité de la santé publique soulignant les problèmes posés par la prise en charge de la santé en milieu carcéral qu’a été entreprise une réforme du système de soins en prison.

1. L’hôpital entre dans la prison.
Depuis la loi du 18 janvier 1994, la médecine en prison relève désormais du Ministère de la Santé et non plus du Ministère de la Justice, à l’exception de la direction des deux grands hôpitaux pénitentiaires français, Fresnes et les Baumettes, sur lesquels le Ministère de la Justice exerce toujours sa tutelle, ce qui ne manque pas de poser une question majeure de responsabilité.
. Deux structures se partagent actuellement la responsabilité de la médecine en prison, chacune rattachée à un service ou à un pôle hospitalier de proximité, centre hospitalouniversitaire (CHU), hôpital général, ou hôpital privé :
- Les Unités de Consultation et de Soins Ambulatoires (U.C.S.A.)
- Les Services Médico-Psychologiques Régionaux (S.M.P.R.)
- Les Unités de Consultation et de Soins Ambulatoires (U.C.S.A.) prennent en charge les problèmes somatiques.
Elles sont actuellement au nombre de 189. Leur mission s’organise autour de quatre grands axes :
1) Les soins en milieu pénitentiaire c’est-à-dire :
- l’ensemble des prestations de médecine générale (visites et consultations médicales, y compris la visite médicale d’entretien) ;
- les soins infirmiers, incluant la distribution des médicaments ;
- les consultations spécialisées pouvant être réalisées sur place ;
- les soins dentaires ;
- les examens de laboratoire pouvant aussi être effectués sur place ;
- la permanence des soins en dehors du temps de présence des soignants.
2) L’organisation de l’accueil et de la prise en charge par l’établissement de santé de proximité pour des consultations ou des examens nécessitant un accès au plateau technique et pour des hospitalisations urgentes ou d’une durée inférieure à 48 heures.
3) La préparation du suivi sanitaire à la sortie, en coordination avec le Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation (SPIP).
4) La coordination des actions de prévention et d’éducation pour la santé en coordination avec les partenaires concernés (services de l’état, conseil général, autres collectivités, associations...)
Ces actions de prévention permettent entre autres, le dépistage de la tuberculose et des maladies sexuellement transmissibles, le dépistage volontaire du VIH et des hépatites, les vaccinations...
L’objectif est de responsabiliser la personne détenue vis-à-vis de sa santé et de favoriser sa réinsertion ultérieure, et notamment la continuité des soins. Ces actions impliquent, pendant l’incarcération, la coopération des personnels pénitentiaires, et lors de la libération, le relais par des structures extérieures, pour que puisse être réalisée une véritable promotion de la santé.

Par ailleurs, un schéma national d’hospitalisation des détenus (hors psychiatrie) a été institué en 1999, et a commencé à être mis en place. Il permet d’améliorer les conditions d’hospitalisation des détenus et de rationaliser leurs conditions de surveillance. Il repose, conformément aux orientations de l’article R. 711-19 du Code de la santé publique, sur des unités hospitalières sécurisées interrégionales (UHSI), dont trois seulement avaient été mises en place au début de l’année 2006.
Depuis plus de 10 ans, malgré les problèmes graves de protection de la santé et d’accès aux soins qui continuent à se poser en prison, la prise en charge par l’hôpital public des pathologies somatiques graves a contribué à améliorer l’état de santé des détenus. Certains ont ainsi pu bénéficier en prison de soins de bien meilleure qualité que ceux auxquels ils auraient eu accès hors de prison.
Mais dans un rapport de décembre 2003, l’Académie de médecine notait « il y a à l’évidence une grande disparité des moyens de cette prise en charge selon les établissements concernant les budgets, les locaux et les équipements. Les personnels médicaux et paramédicaux sont particulièrement insuffisants pour répondre aux besoins et pour certains d’entre eux insuffisamment formés à leur fonction très particulière »
- Les Services Médico-Psychologiques Régionaux (SMPR) créés en 1986, et dont les missions ont été redéfinies dans la loi du 18 janvier 1994, sont des services de psychiatrie implantés en milieu pénitentiaire par un établissement hospitalier, qui prennent en charge les problèmes psychiatriques (26 centres).
En milieu pénitentiaire, deux niveaux de soins ont été développés :
- Les prises en charge ambulatoires sont réalisées par l’équipe du secteur de psychiatrie générale locale.
- Des soins plus diversifiés (incluant l’hospitalisation avec le consentement du détenu) sont assurés dans les services médico-psychologiques régionaux.
Quant aux hospitalisations pour troubles mentaux, sans le consentement des détenus, elles sont réalisées selon la procédure de l’hospitalisation d’office, hors milieu pénitentiaire, dans les établissements de santé habilités. Les modalités
d’hospitalisation psychiatriques des personnes détenues ont été réformées par la loi d’orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002, qui prévoit une redéfinition de l’organisation de leur prise en charge. L’article 48 prévoit la création d’unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA), dispositif
actuellement en cours de définition.
Dans son rapport de 2005, le Commissaire aux Droits de l’Homme du Conseil de l’Europe remarquait que « même s’ils bénéficient de moyens importants, les SMPR rencontrent de nombreuses difficultés. Ainsi, certains sont logés dans des locaux vétustes et non adaptés aux soins. Le SMPR des Baumettes à Marseille dispose de 32 lits répartis dans 14 cellules de 10m² chacune. Six cellules accueillent trois malades sur des lits superposés. De telles conditions nuisent grandement à la qualité des soins et décuplent les difficultés des personnels soignants. En outre, il faut surtout signaler le très faible nombre de places disponibles dans les SMPR, en comparaison des besoins réels. Ces services perdent ainsi très rapidement leur vocation régionale, et les établissements non dotés d’un SMPR s’en trouvent réduits à assurer les soins courants, alors qu’ils n’ont pas toujours l’appui d’une équipe médicale spécialisée. Des unités psychiatriques ont été intégrées à certaines UCSA, comme au Pontet, mais une telle initiative est loin d’être généralisée. La situation est plus difficile encore pour les femmes [détenues]. Il n’existe en effet que deux SMPR réservés aux femmes sur toute la France. La maison d’arrêt de Fleury-Mérogis accueille l’un d’entre eux, mais ne dispose que de dix places. Dans les prisons mixtes, les femmes n’ont pas toujours accès aux activités thérapeutiques gérées par le SMPR ».
Mais la prison ne peut pas et ne doit pas - comme c’est de plus en plus le cas aujourd’hui - se substituer à l’hôpital psychiatrique. Cette confusion croissante entre le sens de la peine et le sens du soin pose des problèmes éthiques graves.
. Dans ces deux structures, UCSA et SMPR, les médecins sont des praticiens hospitaliers nommés au même titre que les autres praticiens hospitaliers des hôpitaux publics.
Les médecins adjoints et attachés sont vacataires, spécialistes ou généralistes, ou dentistes. Ils assurent un service d’astreinte 24h/24h. Les infirmier(e)s sont salariées de l’hôpital public de rattachement et relèvent comme dans n’importe quel hôpital public de l’autorité de l’administration hospitalière.
. Cette dichotomie entre les deux structures - UCSA et SMPR - crée parfois des problèmes de relations et de coordination, variables selon les établissements, car les deux tutelles hospitalières [1] sont différentes.

2. L’assurance maladie et maternité entre en prison.
Depuis la loi du 18 janvier 1994, tous les détenus sont affiliés, dès l’incarcération, au régime général de la sécurité sociale, et depuis 2005, ils devraient bénéficier de la couverture maladie universelle complémentaire (CMUC) L’Etat acquitte les cotisations sociales correspondantes, au travers d’une dotation budgétaire du Ministère de la Justice, versée aux caisses d’assurance maladie. Il finance également la part qui n’est pas prise en charge par l’assurance maladie : le ticket modérateur pour les soins et le forfait hospitalier lors des hospitalisations.

3. Le surveillant se voit attribuer un rôle crucial dans l’articulation de la relation entre détenus et soignants.
Des surveillants pénitentiaires sont mis à la disposition du service médical pour accueillir et sécuriser les espaces médicaux. Ils sont astreints au secret médical.
Les consultations à l’UCSA et au SMPR se font soit à la demande des détenus, et sont alors transmises par les surveillants, soit à la demande des surveillants eux-mêmes, soit à la demande des soignants. Le surveillant joue ainsi un rôle crucial dans la protection de la santé des détenus et dans leur accès aux soins.
En cas de nécessité d’appel à un spécialiste, celui-ci peut venir dans la prison donner un avis, mais le plus souvent les détenus sont transportés vers l’hôpital de rattachement avec une escorte assurée par l’administration pénitentiaire et une garde policière. S’ils doivent être hospitalisés, ils sont alors gardés par la police.

4. Une forme de contact plus direct entre les détenus et les infirmiers a été
progressivement mise en place qui permet en particulier au détenu de demander une consultation en plaçant directement cette demande dans une boîte aux lettres prévue à cet effet. Par ailleurs, la distribution des médicaments est désormais assurée par les infirmier(e)s, et les prisonniers sous traitement de substitution pour toxicomanie peuvent dans certains cas se rendre chaque matin à l’infirmerie pour recevoir ce traitement. Il est important de favoriser le développement de ces relations directes entre détenus et soignants, si l’on veut assurer aux détenus une qualité de soin qui se rapproche de celle qui est proposée à l’ensemble de la population.

5. La loi du 18 janvier 1994 constitue donc la fin d’un régime d’exception et d’exclusion : l’objectif est d’assurer à la population incarcérée une qualité et une continuité des soins, ainsi qu’un accès aux actions de prévention, de dépistage, et d’éducation à la santé qui soient équivalents à ceux dont dispose l’ensemble de la population.
Un Guide méthodologique relatif à la prise en charge sanitaire des personnes détenues et à leur protection sociale a été réalisé de manière conjointe par les services du Ministère de la Santé et du Ministère de la Justice, et a fait l’objet d’une circulaire du 8 décembre 1994. Une première mise à jour de ce guide méthodologique, effectuée par circulaire du 10 janvier 2005, fait le bilan de la mise en place de ces réformes, note les difficultés à résoudre, et formule de nouvelles recommandations.
Ces recommandations concernent notamment la prise en compte du droit des malades en matière d’information, de consentement et de suspension de peine pour raison médicale, les modalités de réponse aux urgences médicales, l’hygiène des lieux de soin, la prévention et l’éducation pour la santé (en particulier pour les auteurs d’infractions sexuelles, les addictions), le suicide, la prise en charge des personnes handicapées, et le nécessaire partenariat entre les professionnels sanitaires et pénitentiaires.
Ce guide méthodologique a vocation à être régulièrement actualisé en fonction des évolutions législatives et réglementaires concernant l’organisation des soins et la santé publique, et des nouvelles directives européennes. Un comité de suivi composé de représentants des institutions concernées et de professionnels de santé a été mis en place afin d’assurer cette actualisation.

B. Les autres lois concernant la santé et les droits de la personne malade ou handicapée.

Après la loi du 18 janvier 1994, spécifique de la santé en prison, quatre lois concernant, d’une manière générale, la santé de la population ont donné une importance nouvelle à la notion des droits de la personne malade, handicapée, ou en fin de vie.

Seule l’une d’entre elles contient un article spécifique à la santé en prison. Il s’agit de :

1. La Loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.
Celle-ci a, en son article 10, dont les dispositions ont été insérées dans le Code de Procédure Pénale à l’article 720-1-1, permis d’adapter aux situations de fin de vie des condamnés le caractère libératoire pour raison médicale.
D’autres lois, s’appliquent à la prise en charge de la santé des détenus même si elles ne contiennent pas d’article spécifique concernant la santé en prison, car elles concernent l’ensemble des citoyens :

2. La Loi du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs.
A aucun moment cette loi ne se réfère expressément à la condition des détenus, fussent-ils soignés dans un centre hospitalier, mais il va de soi que rien ne justifierait que la personne malade "dont l’état le requiert" se voit refuser le droit d’accéder à des soins palliatifs et un accompagnement pour la seule raison de sa détention.

3. La Loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie.
Cette loi, pas plus que la précédente, ne vise la situation particulière des détenus. Mais dès lors qu’elle s’applique à la personne en "phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable" et qu’elle prévoit de nouvelles règles pour l’accompagner et lui permettre de finir sa vie dans la dignité, il va de soi qu’on ne saurait exclure un détenu du bénéfice de cette loi, pour la seule raison de sa détention.

4. La L oi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées .
Cette loi ne prévoit pas davantage, bien évidemment, une privation des détenus du bénéfice de ses dispositions.

Notes:

[1] Par exemple l’UCSA de la maison d’arrêt de la Santé relève de l’Assistance Publique Hôpitaux de Paris et en particulier de l’hôpital Cochin. Le SMPR du même établissement relève de l’Hôpital Sainte-Anne et donc de la Préfecture de la Seine...