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Lyon : Travaux de la Commission extra-municipale du Respect des Droits

3 Regards & réflexions

Mise en ligne : 24 avril 2005

Texte de l'article :

III - Regards & réflexions

1. Compte rendu de visite des membres de la Commission
 
Compte rendu des diverses impressions, constats et réflexions des membres de la Commission extra municipale du Respect des Droits lors de la visite des prisons des 20 et 22 mars 2000.

La commission extra municipale du respect des droits de la ville de Lyon a commencé son approche de la question carcérale par une rencontre sur le thème de la détention provisoire avec Madame Bartolomei, Juge au Tribunal de Grande Instance de Lyon et Monsieur Berger, Juge d’instruction au Tribunal de Grande Instance de Valence.

Le 11 avril 2000, elle se réunissait dans le cadre d’une réflexion commune, accompagnée par les commentaires et les constats d’Albert Lévy, Substitut du Procureur chargé de l’Application des Peines, autour des conditions d’incarcération dans les prisons de Lyon.

Cette dernière réunion fut précédée par une visite de deux délégations dont l’objectif était de rendre accessible aux citoyens, représentants d’associations ou élus, les prisons de Lyon et notamment celles de Saint Paul et Saint Joseph. Il était demandé, après ces visites, quelques lignes de premières impressions, quelques mots de premiers constats, quelques phrases de premières réflexions. En voici un condensé :

Unanimement les premières impressions convergent toutes vers ce sentiment que “le visiteur de ces lieux ressent un malaise” dès “l’accueil où l’on se dépouille de l’extérieur” pour “la plongée dans un autre monde”, “un monde vraiment à part”. La délégation avait-elle à peine franchit le sas qu’elle fut accueillie par le directeur, “accueil très cordial” pour les uns, voire “aimable” pour les autres. “Une petite conférence” qui ne comporte “pas de documents explicatifs” ni “ de présentation simple” et une intuition que “la prison n’est pas préparée à recevoir des citoyens curieux”.

La visite tant attendue peut commencer avec “une guide improvisée et nous voilà partis à la découverte de l’horreur”.

“Dès l’entrée, on se sent dans un univers fermé, les grilles, les serrures, les surveillants”. Puis viennent les premiers regards, les premières visions tout en ayant intrinsèquement conscience “qu’a priori, ce sont des sujets qui se sont mal conduits envers leurs concitoyens, leurs biens et les biens publics. Il est donc normal et nécessaire qu’ils soient punis”. Mais il n’empêche, au-delà de cette évidence pénale demeure l’inadmissible “la malpropreté, la dégradation des murs, des tuyauteries apparentes en mauvais état présentant des condensations génératrices d’humidité”.

Au fil des pas, au fil des rencontres avec le personnel pénitentiaire et de direction qui “semble ouvert à un réel dialogue franc et clair”, on ne peut qu’ensemble s’indigner des “odeurs, de la crasse, des bruits qui vous sautent à la figure, de l’angoisse qui vous serre la poitrine et de cette oppression qui ne vous lâchera plus”.

Finalement “quel que soit l’endroit où je déposais mon regard, il ne s’agissait que d’émiettement, d’effritement, de délabrement”.

Les constatations, en dehors de cette impression générale “d’insalubrité et de vétusté” suivent l’itinéraire, différent, emprunté par chacune des délégations.

Pour l’une d’entre elles, l’entrée en matière carcérale s’effectue par la visite de la pièce consacrée à la fouille qui est “aussi le lieu de stockage du linge sale et des échelles (?). Une sorte de salle de garde, graffitis et affichage compris. Ce lieu est en lui-même un lieu de punition. Son caractère dégradant n’est pas lié à la vétusté des locaux - un coup de peinture n’est pas inimaginable - mais plutôt à l’image qu’il renvoie des actes qui y sont effectués. Il est aussi humiliant de fouiller que d’être fouillé”. Le détenu doit généralement, après cette fouille au corps, se diriger vers les services du greffe pour les papiers administratifs, photos, et prises d’empreintes pour attendre son affectation en cellule d’arrivant.

Cette attente se situe dans “des cages qui font regretter de ne pas être un chien perdu à la SPA où c’est plus propre et plus humain”. Heureusement “on nous assure que le séjour ne dépasse pas deux heures. C’est tant mieux”. Vient ensuite la visite des parloirs où une visite de famille est “limitée à une demi-heure, maximum une heure, pour les mineurs et les majeurs”. On peut facilement se poser la question de savoir comment l’organisation du parloir en lui-même fonctionne ; “en effet 120 à 130 détenus et leurs avocats en sont les usagers quotidiens (de 8h à 11h30 et de 14h à 17h30). Ils disposent de 8 cabines (7 heures par jour) dont celles du Juge d’application des peines. Difficile d’imaginer qu’il n’y a pas de bousculade certains jours, et donc d’arbitraire dans la durée des rendez-vous. Vaut-il mieux avoir un avocat connu dans ces cas-là ?”.

Du parloir, on passe à ces cellules d’arrivants dont on avait précédemment pu s’indigner collectivement autour de la cage qui doit mettre implicitement le détenu en condition pour accepter ces “cellules d’arrivant immondes, toilettes apparentes avec 6 lits pour 9m2”. “L’affectation à un quartier et jusqu’à la cellule dépendra de son comportement, de sa fragilité et de ses affinités culturelles et spirituelles”.

Naturellement on ne peut oublier que l’une d’entre elle garde encore le souvenir d’une nuit d’effroi. “Impossible durant cette visite de ne pas penser au récit du jeune C. qui dit avoir été tabassé pendant plusieurs heures dans une de ces cellules par ses codétenus. Les détenus sont les uns sur les autres”.

Arrivés à ce stade de la visite, on ne peut que s’interroger sur ce qui va suivre : ce début de visite laisse forcément présager une fin plus sympathique ou enfin on aura le sentiment de se retrouver dans un lieu qui respire l’humanité, la chaleur... Et bien non : “le reste est dans la même logique comme une volonté d’humiliation, de traiter les détenus comme des bêtes, de les dépouiller de leur humanité et du respect qu’elle implique”. Il suffit qu’on pense aux habitants de ce “mouroir” pour que la délégation les rencontre au détour d’une salle de sport, “rencontrer les détenus n’était pas au programme de la visite. L’occasion nous est offerte par le passage dans la salle de sport. Il s’agit bien sûr d’un temps très court. La discussion ne porte que sur deux points : le premier concerne les équipements collectifs “Allez voir les douches”, le second sur les magistrats répressifs : “A Lyon, il ne faut pas faire appel !”. Ce furtif entretien permit au moins pour certains d’entre nous de se rendre compte que “leurs revendications de dignité, notamment par rapport à l’hygiène générale (douches, W-C.) ainsi que l’expression d’une grande solidarité entre eux au niveau de la cohabitation en cellule m’ont étonné quant à leur acuité de conscience vis-à-vis de leur situation”.

Timidement, sur les injonctions des détenus et du surveillant moniteur de sport quelque peu désabusé, qui veulent qu’on ait une vision des plus objective de cette visite, nous nous rendons aux douches “inondées et cassées” et summum de l’ignominie carcérale nous sommes tous pris d’effroi en voyant les “sanitaires débordant de matières fécales” qui “ne sont pas descriptibles” situées à quelques mètres de la salle de sport. Le surveillant nous précise que cette situation dure depuis 15 jours.

 Là, il semble bien que déjà le souvenir de ce qui vient d’être vu, senti, laissera forcément des traces indélébiles dans la mémoire de chacun : “à la simple évocation de la salle de musculation, au simple souvenir de la cellule d’arrivant, à la simple remémoration de l’exigu parloir des familles, on ne peut avoir qu’une impression de malaise, de mal être, d’écœurement” . Seulement ce souvenir restera incomplet sans celui du mitard, en passant par les cours de promenades “qui n’ont de cours de promenades que le nom, en fait de minuscules triangles ou carrés de bétons, protégées par des évasions possibles par hélicoptères, mais pas des jets de projectiles des autres détenus restés en cellule”.

“Chaque événement du quotidien est soigneusement codifié à l’image de l’échelle des punitions” et s’il advenait qu’un détenu soit passible du prétoire, tribunal interne, sans représentation de l’avocat, “il peut être condamné de 0 à 45 jours” de quartier disciplinaire plus communément désigné par mitard. “Ici, le couloir prend plus de place que les cellules. Elles sont apparemment vides. Nous ne rencontrons donc que le béton du bas flanc et la vacuité d’un lieu où l’on met ceux qui sont punis à l’intérieur de la prison”. “Juste un poème écrit sur le mur pour nous rappeler la mort d’un détenu. Dans ce lieu que la famille ne pourra jamais voir :

“Pas un homme ne remplace le joure
 Pas une éponge pour apper les nuits
 Ni de sommeil pour imiter la more
 Bae pour Mehdi Resigua”.

Le mitard jouxte le secteur d’isolement composé de “23 cellules renforcées aux fenêtres, porte avec sas”. “Ce n’est pas une punition, ils ont les mêmes avantages que les autres détenus. Contrairement à ceux du mitard (une promenade par jour). Isolement pour des raisons médicales ou de bon déroulement du séjour, à la demande du Juge ou à celle du détenu, que cela soit en cellule d’isolement ou au mitard, il y a toujours moyen de se pendre” .

Arrivés à la fin de la visite, comme par enchantement, nous découvrons une infirmerie “rénovée récemment,en très bon état, avec un équipement parfait et qui dépend du ministère de la Santé, lié à l’hôpital sud Jules Courmont”. “Le lieu le plus propre et le plus agréable de la prison est l’unité de soins ambulatoires. La présence des Hospices Civils en prison est visible. Les contraintes budgétaires du Ministère de la Santé ne sont manifestement pas les mêmes que celles de celui de la Justice” . Un échange avec le personnel de l’infirmerie, assez rapide somme toute, permit, au moins à un membre de la délégation, de s’interroger quant aux pratiques de ce service : “je pense qu’il aurait fallu dialoguer plus de temps car j’ai ressenti chez le personnel des “tabous”. Je ne sais pas trop lesquels, mais j’ai les ai sentis sur la réserve. Peut-être une visite de trop pour eux...”.

C’est sur cette seule once d’humanité et de chaleur que la visite de la première délégation se termine laissant à chacun le soin de digérer ce qui vient d’être vu. “Ce fut une matinée très éprouvante qui sera marquée à jamais dans ma vie d’élue de la Ville de Lyon ”.

La deuxième délégation eu droit dans l’ensemble au même accueil “très cordial du directeur avec une explication de la situation carcérale actuelle, de sa surpopulation et de sa vétusté”. Seulement la découverte de la prison fut particulièrement marquée par le quartier des mineurs “où le temps de visite a été plus long”. Là encore les impressions convergent toutes vers ce sentiment que c’est “un lieu misérable pour les jeunes gens en état de réinsertion” , “un état de délabrement inimaginable”. 
 
Les uns retiendront le général, les autres, le particulier, le précis. “Nous avons visité une cellule propre et rangée où il y avait deux détenus. Une où il n’y avait qu’une personne : odeur suffocante, prise électrique à moitié enlevée (il allume les cigarettes avec les fils dénudés), huit miches de pain traînent sur la table et au sol, des litres de lait idem, saleté repoussante, écriture sur les murs et au plafond, peinture vieillotte”.

Les membres de la délégation eurent également le même sentiment quant à l’oisiveté des mineurs qui semblent être livrés à eux-mêmes dans cette jungle carcérale : “J’ai été surprise par l’oisiveté des jeunes” pour lesquels visiblement règne “beaucoup d’ennui”. “On les laisse dans l’oisiveté telle que celle qu’ils connaissent dans leur quartier (télévision tard dans la nuit, avec des programmes pas forcément adaptés à leur âge, lever à l’heure qu’ils souhaitent, cellules sans un minimum de nettoyage, pas de formation professionnelle)”. Naturellement, des activités sont proposées aux jeunes “atelier dessin, cours scolaire, sport en salle de musculation, bibliothèque, aide dans l’entretien des locaux” mais elles n’ont “ aucun caractère obligatoire”. “ Une matinée d’école est prévue par semaine”. Dès lors se pose la question de savoir comment ces jeunes “analphabètes pour la plupart d’entre eux” comprennent “le sens de leur présence entre ces murs” ? “Comment un jeune qui n’a pas d’obligation, de cadre horaire... peut-il, en sortant, supporter les contraintes sociales”. Et, plus fondamentalement, n’en ressortent-ils pas plus brisés qu’à leur entrée ?

A la sortie d’une des cellules du quartier des mineurs, un membre de la délégation demanda au surveillant, à la vue de la saleté, si ce détenu n’avait pas un problème psychique. Sa réponse témoigne de l’univers carcéral et finalise le sens actuel de la peine : “Oui, comme les autres détenus et surveillants ”.

Cette visite a également permis un franc dialogue avec le personnel pénitentiaire qui loin d’être de vulgaires “matons” semble au contraire se préoccuper des conditions de détention qui finalement s’avèrent être aussi leur lieu de travail. “Scellés par un destin commun, soudés, malgré eux, par une constatation commune, le personnel pénitentiaire et le détenu vivent dans la même saleté ”. Aussi comment ne pas songer à l’extrême tension des mois de pleine chaleur où, quel que soit l’endroit de la prison, l’esprit ne peut que chauffer... “Une longue discussion avec les gardiens fut édifiante sur la faillite du système carcéral : à leur niveau aucune aide psychologique, aucun soutien. Et pourtant quelle lourde charge !”

“Tout cela est connu, mais c’est intolérable. Que faire pour modifier cet état ?”. “Transformer, construire ailleurs, en tous les cas : il faut agir d’urgence ”.

Finalement cette visite laissa décontenancé plus d’un membre de la délégation qui n’avait peut-être pas conceptualisé l’horreur carcérale des prisons de la ville de Lyon. “Si un jour on me demande à quoi peut bien ressembler l’Enfer, je répondrai sans hésitation aux prisons de Lyon. Seulement de l’Enfer, en règle générale, nul ne peut en sortir alors que justement, à Lyon, on n’y reste jamais plus de quelques mois...”. Dès lors, comment imaginer que puisse perdurer cette prison dont la fermeture définitive reste à l’heure actuelle incertaine. “Si on devait fermer définitivement les prisons de Lyon, il faudrait en faire un musée afin de montrer au visiteur quel retard un pays comme la France, qui ose revendiquer la paternité de la Déclaration de l’Homme, pouvait avoir en matière de respect des droits à la dignité des personnes incarcérées”. Pourquoi “la France, pays des Droits de l’Homme, initiatrice de plusieurs textes internationaux, dans le domaine du respect des Droits et Libertés fondamentaux de la personne est l’un des Etats qui bafoue ces règles élémentaires ?”.
 
Plus généralement pourquoi avoir attendu l’effet dit “Vasseur” pour qu’enfin on daigne s’intéresser à ces “mouroirs” modernes ? Mais est-ce assez de simplement s’en occuper ? Ne faut-il pas essayer d’entamer une réflexion plus profonde sur le sens de la peine et sur ces possibles alternatives ?

Et qu’en est-il de sa dimension dite de réinsertion ? “Comment espérer une rééducation et une réinsertion dans des conditions de détention aussi archaïques ? Comment imaginer sortir de cette prison meilleur et plus armé pour le dehors ? ”. “La prison doit rester un lieu de rééducation, de réinsertion et non un centre de torture morale ou physique”.

Il s’agirait peut-être de savoir comment et pourquoi la prison a pu oublier si vite la dimension nécessairement éducative de la peine ? Manque de moyen certain, manque de réflexion sur le sens de la peine, peut-être serait-il temps d’envisager de se donner les moyens de sa propre fin : “l’emprisonnement a pour but essentiel l’amendement et le reclassement social du condamné”.

2. Le point de vue des élus

Deux élus ont visité les prisons avec les membres de la Commission. Nous donnons ici leurs réactions après cette visite.

Mme Antonicelli, élue du 4ème arrondissement

“ Accueil très cordial du Directeur avec explication de la situation carcérale actuelle, sa surpopulation et sa vétusté.

Deux cellules du quartier des mineurs nous sont présentées. C’est la consternation quant à l’état des lieux :
• sanitaires dans la cellule séparés par un drap.
• fils électriques dénudés (usage pour allumer les cigarettes).
• réfrigérateur vétuste ne fonctionnant pas.

Un lieu misérable pour des jeunes gens en état de réinsertion.

L’entretien de leurs vêtements est assuré par les gardiens (machine à laver et sèche linge). Une salle de sport existe. Une matinée d’école est prévue toutes les semaines. Beaucoup d’ennuis chez ces adolescents à qui nous avons parlé. Peu de sport assuré. Ils en demandent davantage.

La situation d’un garçon de 17 ans au “mitard” est INADMISSIBLE : la punition dans la punition.

En fait, on peut écrire qu’il peut y avoir destruction de la personnalité d’un mineur - pour autant qu’elle ait existé - et c’est ce qui peut conduire à une explosion complète tant sur le plan physique que psychique, avec toutes les déviations que cela peut sous entendre.

Dans ces conditions de dégradations, il n’est pas étonnant que les taux de récidive soient aussi importants, quel que soit le châtiment, fut-il justifié.

Ce fut une matinée très éprouvante qui sera marquée à jamais dans ma vie d’élue de la Ville de Lyon. ”

M. Chomarat, élu du 1er arrondissement

“ Je pense qu’il aurait été judicieux que notre délégation se présente systématiquement à chacun des interlocuteurs rencontrés, en donnant le motif de notre visite, y compris auprès des prisonniers qui, ne sachant pas qui nous étions, ne pouvaient que refuser, et ce légitimement, de dialoguer avec nous.

Le seul contact direct que j’aie eu avec des prisonniers s’est déroulé dans la salle de sport, où leurs revendications de dignité, notamment par rapport à l’hygiène générale (douches, W-C.), ainsi que l’expression d’une grande solidarité entre eux au niveau de la cohabitation en cellule, m’ont étonné quant à leur acuité de conscience vis-à-vis de leur situation.
 

En règle générale, je n’ai pas été surpris par ce que j’ai vu. Il est vrai que le local de la fouille au corps et les parloirs, entre autres, sont une insulte à la dignité humaine, mais comment faire avec des bâtiments conçus il y a plus de 150 ans ? La vraie question qui se pose à nous, notamment élus de la Ville de Lyon, est de savoir comment nous pouvons encore accepter une telle situation !

L’annonce par Madame le Garde des Sceaux, le lendemain même de notre visite, de la construction d’une nouvelle prison à Lyon, a sans doute perturbé notre réflexion sur ce que nous venions de voir, mais, surtout, elle nous interpelle sur la place de la prison : dans ou hors de la ville ? Là est la question fondamentale que doit se poser l’ensemble des élus de la Ville, en faisant preuve de courage et en évitant toute pollution préélectorale.

Notre commission s’honorerait de proposer très prochainement dans ce sens une piste au Conseil Municipal de Lyon. Il faut qu’il y ait un véritable débat sur la gestion de l’ensemble de la cité, et que nous évitions, une fois de plus, de voir rejeter en périphérie “ tout ce qui dérange ”. ”

80 élus (soit 36 % des 220 que compte la Ville) et responsables municipaux ont manifesté le désir de se rendre compte sur place de la situation des prisons de Lyon. Quelques uns parmi eux ont accepté de faire part de leurs impressions.

Dr Baridon, élu du 3ème arrondissement

“ Alors qu’une campagne de presse s’acharnait sur le sujet, il était en effet important que les élus puissent se rendre compte par eux-mêmes des problèmes rencontrés dans le milieu carcéral.

En premier lieu, je dois dire que le contact avec les fonctionnaires a été très bon et les différents exposés qui nous ont été faits très bien argumentés.

Quant à la visite par elle même, effectivement, en dehors des cuisines qui ont fait l’objet d’une rénovation complète, l’ensemble des bâtiments apparaît bien vétuste. Que ce soit les douches (qui avaient été vandalisées quelques temps avant notre visite), le quartier d’isolement, le quartier des mineurs, les cours intérieures, tout paraît en très mauvais état et il semble souhaitable d’envisager la construction de nouveaux bâtiments, même si, d’après les gardiens et certains détenus, les conditions d’incarcération dans cet établissement ne sont pas les plus mauvaises que l’on puisse rencontrer dans notre pays. ”

M. Buna, maire du 1er arrondissement

“ La visite des établissements pénitentiaires de Lyon confirme la réalité des dysfonctionnements qui ont été souvent soulignés par l’O.I.P. : vétusté, surpopulation, conditions d’hygiène difficiles, non application du Code de Procédure Pénale, compte tenu de l’exiguïté des locaux, qui stipule qu’un mineur détenu à titre exceptionnel doit être placé dans une cellule individuelle (ce qui explique sans doute de trop nombreux suicides de jeunes en prison).
 

Quelles que soient les opinions des uns et des autres sur la valeur de l’incarcération, nous savons que la prison aujourd’hui casse autant qu’elle protège et qu’elle est souvent un facteur de dégradation de la personne et d’isolement des familles.

Souhaitons que la commission parlementaire créée à la suite du rapport du médecin-chef de la prison de la Santé et du travail opiniâtre de l’O.I.P. aboutisse à des mesures qui transforment les prisons en une véritable institution républicaine.

Félicitons-nous également que le Ministère de la Justice ait dégagé des lignes budgétaires qui permettront de fermer nos prisons lyonnaises obsolètes.

Souhaitons pour conclure, que la nouvelle implantation se fasse dans l’agglomération parce que la centralité de l’implantation est une des conditions du maintien du lien entre le prisonniers et sa famille. L’étude récente du CREDOC a souligné qu’il est coûteux, en terme financier et en terme de disponibilité, de maintenir ce lien, mais, en même temps, qu’il est un facteur fondamental dans une politique de réinsertion. ”

M. Cotta, directeur de la Division Enfance

“ Réflexions sur :

L’organisation de la visite elle-même :

• durée un peu courte : 1 h de plus aurait été nécessaire, compte tenu des temps de fermeture des différentes portes.
• temps consacré à l’information théorique par la direction de l’établissement un peu trop important, même si cela provient aussi du groupe lui-même qui a posé beaucoup de questions.
• compétence affirmée du gradé qui a piloté la visite.
 
 Les lieux :
 
• incroyable état de vétusté des lieux, que les images de reportage T.V. ne parviennent pas à montrer dans leur réalité.
• insalubrité générale, à l’exception de la cuisine que, paradoxalement, nous n’avons pu visiter (quartier pénitentiaire notamment).
 
 Impression générale :
 
• problème prévenus/condamnés : est-il sain de les mélanger ? (vieux débat).
• peut-on (doit-on) faire vivre des personnes, condamnées ou non, dans de telles conditions matérielles ?
• admiration pour ceux qui, dans de pareilles conditions, parviennent à suivre des études. ”
 
 Mme de Fenoyl, élue du 6ème arrondissement
 
 “ Tout d’abord, l’accueil des familles :
 
 En attendant le regroupement de notre délégation, nous avons vu que toutes les familles attendaient dans la rue, à la vue de tous, devant l’entrée, en essayant, vainement, de se cacher.
 
 
 Il faudrait trouver une solution pour qu’elles familles puissent rentrer directement dans une salle d’attente.
 
 Dans l’enceinte de la prison :
 
 L’état de décrépitude et de saleté m’a vraiment interpellée. La visite d’une cellule (3 couchettes et un W-C à la turc) était édifiante : sommes-nous vraiment en l’an 2000 et sans demander un hôtel 3 étoiles, il faudrait vraiment que l’Etat puisse assurer à ces détenus un environnement décent... au nom de la simple citoyenneté !
 
 Si dans les cuisines refaites à neuf il semble y avoir une ambiance agréable, il n’en est pas de même dans les ateliers où les détenus travaillent - si on peut qualifier de travailler, le fait de faire des pliages - dans une salle étouffante. Même si les détenus dans cette Maison d’arrêt ne sont pas censés y rester longtemps, je pense que le temps qu’ils y passent doit les marquer à vie... tant les conditions de vie sont à la limite du supportable.
 
 Que dire, enfin, des cours de la prison où les détenus tournent en rond sans occupation, isolés par des grillages d’où pendent toutes sortes de choses indescriptibles ! ”
 
 M. Deleaz, élue du 8ème arrondissement
 
 “ Ma première réaction est qu’il est urgent et indispensable de moderniser ces lieux de détention afin de les rendre humainement acceptables (taille des cellules, nombre de détenus par cellule, nombre de gardiens...) tant pour ceux qui y sont incarcérés que pour ceux qui y travaillent.
 
 Ma seconde réflexion sera pour affirmer que la mise en détention de condamnés pour “ délits secondaires ”, dans les conditions que nous avons vues, n’est en aucun cas compatible avec une réelle possibilité de réinsertion des individus qui, pour la plupart, n’ont déjà pas pu s’insérer dans la société. Il faut donc pour ces peines trouver d’autres moyens de faire payer “ la dette à la société ”.
 
 Ma dernière réaction est qu’il faut réfléchir dès maintenant à la prévention et à la création des conditions adéquates pour que des individus ne trouvent pas dans la délinquance le seul objectif de leur vie. Je pense qu’il serait préférable de faire en sorte que les individus ne se retrouvent pas en situation de pénalisation plutôt que de se consacrer à la façon dont on va les incarcérer. ”
 
 Mme Desfours, élue du 9ème arrondissement
 
 “ J’ai été très intéressée par la visite des prisons Saint Paul et Saint Joseph.
 
 Je suis très choquée par la vétusté de Saint Joseph :
 Petite surface des cellules : quand les détenus sont au nombre de trois, quelle intimité peuvent-ils avoir ? Je n’ose vous parler des toilettes...
 
 Les méfaits commis peuvent à la limite justifier l’incarcération. Si la punition doit être le manque de liberté, rien ne justifie le manque de dignité. Tous sont des êtres humains.
 
 
 Un bon point pour le personnel surveillant, gradés ou non. D’après les explications que nous avons eu, je pense qu’ils font leur possible, avec les moyens qu’ils ont.
 
 Ils ont une revendication que je veux soutenir :
• pour éviter les projections de l’extérieur (alcool, drogue...) dans les cours qui mettent en cause la sécurité des surveillants,
• pour éviter les discussions tardives entre les copains dans la rue et les détenus, qui perturbent la tranquillité des habitants du quartier,
 
 qu’une patrouille de police tourne 24h sur 24 autour de la prison (surtout Saint Paul). ”
 
 Mme Epinat, élue du 3ème arrondissement
 
 “ Accueil très aimable de la direction et des responsables. Visite sous la conduite d’un sympathique gardien expérimenté et motivé.
 
 Ce qui frappe, c’est :
• l’exiguïté des couloirs, des parloirs et bien sûr des cellules, en même temps que la promiscuité (3 détenus par cellules),
• l’absence de toilettes à l’abri des regards,
• la malpropreté des grillages surplombant les cours et les abords,
• le délabrement de la salle de culte,
• le mitard.
 
 Ce qui frappe aussi :
• la reconstitution d’une vie comme à “ l’extérieur ” : coin cuisine improvisé, télévision, réfrigérateur, corde à linge, possibilité de faire des achats,
• la modernité et la propreté de l’infirmerie.
 
 En conclusion, je dirai qu’un certain nombre d’améliorations sont urgentes, surtout en matière de PROMISCUITE ; mais qu’une maison d’arrêt n’est pas un centre de vacances (j’ai visité dans les années 70-80 des orphelinats effrayants de vétusté et d’inconfort). ”
 
 M. Gaude, élu du 9ème arrondissement
 
 “ Premier constat : les locaux pénitenciaires se trouvent dans un état de vétusté avancé. Les couloirs, les cellules, les cours apparaissent sales et sans entretien.
 
 Deuxième constat : l’organisation des gardiens et leur activité semblent à revoir.
 
 Enfin, les prisonniers ne paraissent pas subir un régime très dur.
 
 En conséquence, je pense qu’il serait possible pour la direction d’une prison vétuste, d’organiser des sections d’entretien (nettoyage et peinture) par les prisonniers, sous la tutelle des gardiens et un chef d’équipe professionnel délégué par la Courly.
 
 
 Cela permettrait d’occuper des pensionnaires particulièrement désoeuvrés. Sachant que le financement des opérations de propreté reviendrait au Ministère de la Justice, avec éventuellement un sponsoring des fournisseurs de produits. (reversé sous forme de pécule aux prisonniers.)
 
 Par contre, le problème de plus en plus important de la drogue en prison est à étudier rapidement. Mais là de nombreuses pistes seraient à exploiter en amont (politiques).
 
 Un autre constat de notre visite porte sur le type de population rencontrée dans nos prisons : celle-ci est relativement jeune, moyenne d’âge 25 ans (sans compter le cas des mineurs), avec une origine marquée pour le Maghreb.
 
 Là aussi, nous devons ouvrir les yeux et réfléchir au déracinement de ces populations difficilement assimilables dont les pouvoirs publics favorisent la venue en France.
 
 Enfin, où et comment construire une nouvelle prison ?
 
• Tout d’abord, ne pas dépasser des unités de 400 places.
• Ensuite prévoir des cellules plus vastes avec moins de personnes (hygiène, promiscuité).
• Ecouter les gardiens de prison qui proposent de ne pas installer trop de systèmes audiovisuel et contrôles automatiques, afin de permettre aux prisonniers le contact avec le gardien et de conserver une certaine humanité.
 
 Où construire ces deux prisons ?
 
 Pour ma part, je pense qu’il faut les installer dans un milieu semi-urbain ou proche d’un centre possédant transports et commerces, que ce soit pour le personnel pénitentiaire ou les familles des détenus ou encore pour les transferts. Avec cette position les meilleures conditions seraient remplies.
 
 Voici les principales réflexions et propositions que je puis soumettre à votre étude, suite à une visite de prison malheureusement trop brève mais très évocatrice. ”
 
 M. Jacquemin, élu du 8ème arrondissement
 
 “ J’ai constaté que certains secteurs des prisons Saint Paul et Saint Joseph sont dans un état de vétusté déplorable. Je pense que la rénovation des cellules les plus endommagées va se poursuivre. Mais il me semble que les locaux et les bureaux des gardiens devraient faire l’objet d’une priorité pour la rénovation des lieux de travail en y mettant une pointe de gaieté dans les couleurs.
 
 Il faut rappeler que les gardiens ne sont pas des condamnés, et qu’ils passent toute leur vie professionnelle en prison. C’est pour cette raison que les Pouvoirs Publics leurs doivent une marque de respect, en leur donnant un peu de confort. ”
 
 Mme Latour, élue du 6ème arrondissement
 
 “ Je n’avais jamais franchi les portes d’une prison. Je l’ai fait le 23 mai 2000 et je n’oublierai jamais ces trois heures passées à la prison St Joseph St Paul.
 
 
 Et pourtant cette visite - consacrée en grande partie à la prison St Joseph - fut soft :
• parloir avocat,
• cellule arrivant,
• visite d’une cellule : commune à trois détenus (au travail), bien tenue... dans la mesure du possible, T.V., petit réfrigérateur,
• quartier disciplinaire.
 
 La prison St Paul a été “ survolée ” par manque de temps.
 
 Si dans ses propos la surveillante qui nous servait de guide a joué la transparence, il m’a semblé qu’elle voulait nous épargner la vue du plus dur et du plus dérangeant de la prison... Nous n’avons pas visite les douches - dont j’avais beaucoup entendu parler - ni le quartier des mineurs.
 
 Mes impressions :
 
• d’abord le bruit. Première agression. Des portes qui claquent, des serrures que l’on ouvre, que l’on ferme, des cris venus d’on ne sait où...
• puis l’odeur envahissante et vite insupportable. La vétusté, la dégradation, l’insalubrité, bref une prison d’un autre âge...
• rapidement une impression d’écrasement, d’oppression, et un malaise qui persiste bien après avoir quitté ces lieux...
 
 On ne sort pas indemne d’une telle visite... J’ai vécu un moment fort, qui m’a marquée pour longtemps.
 
 Je sais maintenant qu’il faut penser la prison différemment.
 
 La détention, outre l’aspect répressif, devrait préparer à une réinsertion. Or, un enfermement dans de telles conditions ne peut que renforcer la rébellion et conduire à un engrenage dans le rejet des lois, des règles.
 
 Malraux a écrit : “ Quand les hommes sortent de prison, neuf fois sur dix leur regard ne se pose plus. Ils ne regardent plus comme des hommes. ”.
 
 Comment, après avoir été détenu à la prison Saint Paul ou Saint Joseph garder un regard humain ? ”
 
 Mme Laurent Attalin, élue du 3ème arrondissement
 
 “ Nous avons tous été bouleversés par cette visite.
 
 Tout crime doit être puni, c’est la loi. Privation de liberté, oui, mais dans quelles conditions ?
 
 Une peine d’emprisonnement ne doit pas être une peine de torture. Que faire pour rendre la peine plus humaine ? Il faut repenser sérieusement le problème de la réinsertion, de l’après...
 
 Il est insoutenable de voir des jeunes (car les prisonniers sont très jeunes en moyenne) vivre dans des conditions d’insalubrité et d’insécurité telles que celles que nous avons vues. C’est un manque de respect de la dignité humaine.
 
 
 Il y a semble-t-il autant de juges aujourd’hui qu’à la fin du XIXème siècle, ce qui conduit des personnes présumées innocentes à 2, voire 3, années de préventives, ce qui est inadmissible. ”
 
 Mme Leonhardt, élue du 9ème arrondissement
 
 “ S’il est vrai que les locaux sont vétustes, c’est le sentiment étouffant d’enfermement qui m’a le plus marquée. La première punition est, et doit rester, la privation de liberté : toute prison devrait accueillir de façon spartiate mais décente les détenus.
 
 La promiscuité et "l’entassement" à plusieurs dans les cellules sont certainement sources de conflits et de problèmes :
• les rapports humains ne sont-ils pas exacerbés ?
• les primo délinquants sont-ils toujours séparés des récidivistes ?
• chaque détenu qui le souhaite peut-il s’engager dans une réflexion personnelle sur son devenir ?
 La réflexion la plus importante à engager est celle de l’emprisonnement des mineurs.
 
 La privation de liberté devrait prendre d’autres formes :
• pas dans une même unité de lieu,
• avec une coupure plus nette avec le milieu initial,
• avec un suivi psychologique et une présence d’adultes encore plus importante,
• avec des apprentissages permettant aux jeunes de se reconstruire un avenir.
 
 J’ai été également très sensible à l’humanité qui se dégage des gardiens à travers les contacts avec les détenus dont nous avons pu être témoins. Ce métier méconnu demande une véritable vocation, surtout au niveau des mineurs. ”
 
 M. Marlhoux, élu du 7ème arrondissement
 
 “ Lorsqu’on pénètre dans la prison St Joseph, la première sensation est l’écrasement que l’on ressent sous les vieux murs de pierre. St Joseph, construite en 1830, puis St Paul en 1860, ont mal vieilli.
 
 Il faut dire que prévues à l’origine pour accueillir 300 détenus, l’ensemble des prisons lyonnaises, avec Montluc (réservée aux femmes) a compté jusqu’à 1300 prisonniers. Aujourd’hui, environ 600 personnes y tuent le temps en attendant un jugement ou une libération. Un nouvel établissement pénitentiaire est prévu en remplacement des trois existants.
 
 C’est à l’occasion de cette visite organisée pour les élus lyonnais que j’ai découvert l’univers carcéral. En suivant l’itinéraire d’un détenu depuis l’arrivée “livré” menotté par la police nationale puis pris en charge par l’administration pénitentiaire, on essaie d’imaginer : la mise sous écrous, la dépose des effets personnels, l’affectation d’un paquetage (nécessaire minimum au coucher et à la toilette), puis d’une place en cellule, comment ça se passe dans la tête ? Mais est-ce possible ?
 
 A travers un véritable labyrinthe fractionné par un nombre incalculable de portes baraudées et verrouillées à double tour, on parcourt les couloirs d’accès aux cellules, on visite les parloirs des avocats puis ceux, minuscules et bas de plafond, des familles. Une seule personne peut prendre place de chaque côté.
 
 
 Accueillis et guidés par le personnel pénitentiaire qui répond à toutes les questions, on visite même le fameux “ mitard ”. Une prison dans la prison, isolement complet dans 3 m², pouvant durer jusqu’à 45 jours sans autre éclairage que la lumière du jour à travers un vitrage opaque verrouillé.
 
 Pour la vie quotidienne en cellule, ce qui frappe c’est la promiscuité des détenus, 3 lits superposés dans 9 m², lavabo et W-C compris, où se prennent tous les repas. Deux douches par semaine l’hiver, trois l’été... Deux promenades quotidiennes facultatives de 1 heure et demi.
 
 Indépendamment de la question des mineurs en surpeuplement permanent, avec actuellement 39 jeunes pour 14 cellules, alors que la réglementation prévoit des cellules individuelles pour les 16-18 ans, c’est la moyenne d’âge de l’ensemble des détenus qui surprend, 30 ans en moyenne, avec une forte proportion de jeunes issus de l’immigration. Quel gâchis !
 
 Un moment d’émotion : nous croisons dans l’escalier un homme avec son paquetage, il vient d’arriver !
 
 Un regret : la visite n’autorise aucun contact direct avec les détenus.
 
 Une courte rencontre avec la directrice des ressources humaines de l’établissement a fait apparaître le manque d’effectifs en personnel surveillant, actuellement 250 pour 600 détenus. Un mouvement revendicatif récent du personnel chiffrait à 300 les emplois manquants au niveau régional, sans compter l’application des 35 heures.
 
 Après un tel parcours, à la sortie en plein soleil sur le quai Perrache, malgré le bruit et la pollution, on respire à pleins poumons un “air de liberté”. Puis la plongée dans le métro, avec le flot des lyonnais qui rentrent du boulot avec leurs problèmes. On a du mal à réaliser l’autre monde que l’on vient de quitter.
 
 Et puis on pense aux convoyeurs de fonds, aux enseignants, aux services d’urgence, aux postiers, aux retraités, aux agents des TCL, etc. Ils ont raison de lutter, c’est ça aussi la “liberté”. ”
 
 M. Nardin, élu du 4ème arrondissement
 
 “ Les conditions de vie dans ces prisons sont à la limite du tolérable.
 En effet, les conditions d’hygiène, de vie, ne correspondent pas aux normes que l’on doit attendre.
 
 Il est urgent de construire un établissement offrant des conditions de vie normales. ”
 
 M. Parcot, élu du 5ème arrondissement
 
 “ Malgré les restaurations de certaines parties de St Paul et St Joseph (cuisine, service médical...), la vétusté et le délabrement sont dans la plupart des lieux de détention et restent très importants.
 
 Le personnel donne une bonne impression et semble compétent mais insuffisant face à la tache qu’il doit effectuer.
 
 En conclusion, il faut poursuivre les rénovations, ainsi qu’augmenter le nombre de personnels d’encadrement et poursuivre leur formation. ”
 
 
 Mme Puvis de Chavannes, Adjoint au Maire, et M. Rambaud (chargé de mission)
 
 “ C’est une première approche d’un problème important tenu “secret” et jugé sans intérêt par la majorité de l’opinion... qui est en train de basculer vers une ouverture en faveur d’une “humanisation” du traitement infligé aux détenus.
 
 Quelques impressions :
 
• la multiplication des portes et le clic-clac des serrures !
• l’excellence de l’accueil par le personnel d’encadrement pénitentiaire
• la perte de temps (sur 3 h de visite, une bonne partie a été consacrée à des questions d’ordre général). Nous n’avons pu voir, faute de temps : la cuisine, la salle de musculature, la chapelle (?), les ateliers, l’infirmerie ... etc.
• le “choc” en prenant conscience du “lieu de vie” habité d’un détenu, avec un ou deux autres détenus : 9m²
• cohabiter avec un W-C rudimentaire ! Son isolation par des moyens de fortune...
• Comment étudier, ranger ses affaires personnelles, la nourriture achetée, etc. ?
• le local où fonctionne la commission de discipline. Le “défenseur” n’est pas prévu.
• Les “espaces extérieurs” réservés à la déambulation sinistre...
• les filets suspendus dans les cours pour “arrêter” les projections d’objets lancés à partir des rues avoisinantes (ex. savonnettes bourrée de drogue). Cela peut valoir 6.000 francs.
• Pas d’espaces extérieurs pour des “jeux collectifs”.
• Le quartier réservé aux mineurs... Le “chahut” lors de notre passage... Ils ont entre 16 et 18 ans. Ils sont arrivés là après un parcours socio-psycho-médico... Dans la quasi totalité des cas, ils n’ont pas eu de père, avec des interdits pour “baliser” le terrain.
• Le long couloir souterrain sinistre qui relie les deux prisons
 
 Globalement :
 
• confirmation d’une vétusté “moyenâgeuse” entrevue lors d’une récente émission de télévision avec Mme Guigou.
• sentiment d’une lourde peine s’ajoutant à la privation de liberté. Pourquoi ? Dans quel but ?
• Les récidives sont fréquentes... le contraire aurait été étonnant.
• Pas d’information sur le sort des victimes des infractions commises. ”

Mme Thomasset, élue du 7ème arrondissement

“ Il est bien certain qu’une telle visite suscite une perplexité profonde. L’on se trouve décontenancé par l’aspect de vétusté et par l’inadéquation à des normes d’hygiène.

“ La vertu a besoin de confort ” a dit St Thomas.

Et quand bien même on a affaire ici à une population délinquante, la dignité même des dirigeants et des décideurs est en cause.

La décence oblige à demander une révision de cet environnement carcéral.

Cela ne fait pas oublier la base du problème, c’est à dire le délit ou le crime.
 

Cela ne fait pas oublier non plus les victimes, cela ne fait pas oublier leurs familles et le préjudice irréparable de certaines situations.

Mais la punition par privation de liberté est peut-être suffisante et n’implique pas forcément, en supplément, l’humiliation. ”

M. Vianay, élu du 8ème arrondissement

“ Il est difficile au cours d’un passage rapide comme “ visiteur ” de se faire une idée précise sur ces deux prisons.

Je pense que la peine de prison doit être un moyen de sortir provisoirement un individu de notre société.

Le malheur est, qu’aujourd’hui, l’emprisonnement dans des établissements comme ceux de Lyon correspond, tacitement, à l’entrée dans une autre société inacceptable de par ses règles et ses abus.

J’ai été impressionné par le cachot... et par le fait que des personnes en préventive, donc présumées innocentes, subissaient le sort des condamnées. ”