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Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe

6 La protection des droits fondamentaux des Gens du voyage et des Roms

Mise en ligne : 30 novembre 2008

Texte de l'article :

VI. La protection des droits fondamentaux des Gens du voyage et des Roms

1. Les Gens du voyage

126. En France, les Gens du voyage représentent environ 300 000 personnes [1]. Cette communauté a conservé une culture et un mode de vie traditionnels, caractérisés par l’itinérance. En raison de ces particularités, les Gens du voyage sont généralement considérés par le reste de la population comme un groupe à part dans la société.
Même si les autorités et le droit français reconnaissent les besoins spécifiques des Gens du voyage, ils ont également tendance à les soumettre à un droit dérogatoire.
Dans son rapport de 2006, le Commissaire avait recommandé aux autorités françaises de lutter contre les discriminations à l’encontre des Gens du voyage et de mettre fin au régime juridique particulier qui leur est applicable.

a. Le stationnement des Gens du voyage

127. Le principal problème auquel sont confrontés les Gens du voyage concerne la nonreconnaissance de leur mode de vie nomade. Pour remédier au problème du stationnement de leurs caravanes, la loi du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des Gens du Voyage, dite loi Besson, contraint les communes de plus de 5 000 habitants à se doter d’un lieu de stationnement, possédant des commodités, un accès à l’eau et à l’électricité. Les autorités locales demeurent réticentes à mettre en en œuvre la loi Besson, ce qui conduit à une carence de places disponibles. Huit ans après l’adoption de cette législation, sur les 41 865 places prévues, seules 32 % de celles-ci ont été réalisées au 31 décembre 2007. L’arrivée de la date butoir pour bénéficier d’une aide étatique substantielle pour réaliser ces aires a incité les élus locaux à se mettre en conformité avec la loi au cours des deux dernières années. Ceci pourrait permettre d’atteindre 21 165 emplacements en 2008 [2].

128. Afin de satisfaire les besoins de stationnement des Gens du voyage itinérants, une famille ne peut rester au-delà d’une durée déterminée sur une aire d’accueil. Durant la période hivernale, la durée de séjour maximale est généralement de cinq ou six mois.
Durant la période estivale, la durée autorisée est souvent réduite à un mois, renouvelable ou non selon les aires d’accueil. La durée maximale de séjour est fixée par le règlement intérieur des différentes aires d’accueil [3]. Contraintes de quitter l’aire, les familles ne disposent d’aucun moyen d’information pour connaître les places disponibles dans les autres aires. Le Commissaire invite les autorités françaises à mettre en place localement puis nationalement un mécanisme permettant d’informer les familles sur les places disponibles.

129. Cette obligation de rotation crée des difficultés évidentes dans la mesure où le nombre de places disponibles n’est pas suffisant. De nombreux voyageurs sont donc contraints, faute d’alternatives, à vivre en stationnement irrégulier. Ce non respect de la loi Besson contribue à créer des tensions, puisque les Gens du voyage ne sont pas autorisés à s’installer sur les terrains de campings. De plus, les sanctions sont particulièrement sévères en cas de stationnement sur des terrains non autorisés [4].

130. En contrepartie de la réalisation des aires d’accueil, le maire a la possibilité d’interdire le stationnement des caravanes sur le reste du territoire communal et de faire expulser les Gens du voyage qui s’installeraient en dehors des zones prévues à cet effet. La loi relative à la prévention de la délinquance du 5 mars 2007 facilite encore davantage l’expulsion des Gens du voyage en supprimant le recours préalable à une procédure judiciaire. Ainsi, en cas de stationnement irrégulier, le préfet, sur demande du maire, du propriétaire ou du titulaire du droit d’usage d’un terrain, peut mettre en demeure les occupants de quitter les lieux dans un délai de 48 heures. Cette décision administrative peut faire l’objet d’un recours suspensif devant le tribunal administratif.

131. Le Commissaire a eu l’opportunité de rencontrer des maires désireux de se mettre en conformité avec la loi Besson et d’offrir des conditions d’accueil dignes. Il est toutefois regrettable que d’autres élus locaux se montrent hostiles à appliquer cette même loi.

132. Ainsi il arrive parfois que les aires soient réalisées en dehors des zones d’activités urbaines ou à proximité d’installations engendrant des nuisances importantes (transformateur électrique, route extrêmement passante, etc) rendant leur utilisation difficile voire dangereuse notamment pour les familles avec de jeunes enfants [5].

133. Ces carences ont fait l’objet d’une condamnation de la France par le Comité européen des droits sociaux en février 2008 [6]. Le Comité estime que l‘application insuffisante de la législation relative aux aires d’accueil pour les Gens du voyage constitue une violation du droit au logement à un coût accessible et une discrimination.

134. Le Commissaire invite les autorités françaises à assurer une application effective de la loi Besson, en rappelant que ce problème n’est pas nouveau et que ces insuffisances ont déjà été soulignées dans le rapport de 2006.

b. Exercice de certains droits civils et politiques des Gens du voyage

135. On constate que les Gens du voyage, de nationalité française, sont soumis à un droit dérogatoire qui ne s’applique pas aux autres citoyens français. En vertu de la loi du 3 janvier 1969, les personnes de plus de 16 ans qui n’ont pas de domicile fixe doivent être en possession soit d’un carnet de circulation, si elles n’ont pas de ressources régulières, soit d’un livret de circulation, si elles ont une activité professionnelle. Ce carnet de circulation doit être visé par une autorité administrative tous les trois mois.
Pour le livret de circulation, cette opération doit être effectuée tous les ans. Si cette formalité n’est pas remplie dans les délais, le voyageur est soumis à de lourdes amendes, de 750 euros par jour de retard. La non possession de ce document est passible d’une peine pouvant aller jusqu’à un an d’emprisonnement.

136. Même s’il possède une carte d’identité, le voyageur doit être muni en permanence de son carnet ou de son livret, sous peine d’amende. Ayant pour la plupart la nationalité française, les Gens du voyage devraient être uniquement soumis aux mêmes obligations que leurs concitoyens et la carte d’identité devrait donc être suffisante. De plus, cette législation avait déjà été dénoncée par le rapport de 2006 mais ses recommandations n’ont pas été suivies d’effets.

137. Une autre disposition de la loi de 1969 fait peser sur les Gens du voyage un sentiment de contrôle permanent. Ces personnes sont dans l’obligation d’être administrativement rattachées à une commune. Lorsque le rattachement est effectif, le voyageur doit attendre deux ans avant d’effectuer un changement. Cette demande de changement doit être motivée et acceptée par le préfet. Ces obligations sont contraires à l’idée même du voyage. Ainsi, ces dispositions limitent la liberté de s’installer dans la commune de son choix.

138. Le droit de vote est accordé aux Gens du voyage seulement trois ans après leur rattachement administratif à une commune, alors que ce délai est de six mois pour tous les autres citoyens.

139. Cette soumission à un droit dérogatoire concerne aussi le logement des voyageurs.
Leurs caravanes ne sont pas considérées comme des logements et ils ne peuvent donc pas percevoir les aides au logement. Ils ont d’ailleurs des difficultés à accéder aux aides sociales de manière générale. Néanmoins les autorités françaises ont décidé de les soumettre à une fiscalité particulière. La loi de finances 2006 a ainsi prévu l’instauration d’une taxe annuelle d’habitation sur les résidences mobiles terrestres à partir du 1er janvier 2007. En raison de difficultés de mise en œuvre, l’application de cette mesure a été repoussée au 1er janvier 2010. Parallèlement à cette nouvelle législation, il est regrettable qu’aucune contrepartie n’ait été accordée en matière d’aides sociales liées au logement. La loi reconnaît donc désormais la caravane comme une habitation, mais toujours pas comme un logement, ce qui ne donne pas accès aux mêmes droits.

140. Cette non qualification de l’habitat mobile crée d’importantes difficultés pour les Gens du voyage concernant l’accès à certains dispositifs administratifs. Des administrations publiques et des organismes privés hésitent voire refusent de proposer leurs services aux personnes qui ne peuvent fournir une adresse fixe et permanente. C’est le cas par exemple pour l’ouverture de comptes, l’obtention de prêts bancaires ou les contrats
d’assurance.

141. Dans ce contexte, il est difficile de ne pas voir une rupture de l’égalité. Le Commissaire estime que ces différentes mesures dérogatoires instaurent un régime discriminatoire à l’encontre des Gens du voyage. La plupart de ces recommandations ayant déjà été formulées par le rapport de 2006, il appelle les autorités françaises à mettre fin, sans délai, à ce traitement spécifique via l’élaboration de politiques adaptées telles que recommandées par le Conseil de l’Europe [7].

c. Difficultés de scolarisation

142. Il apparaît que les difficultés quant à la scolarisation des enfants voyageurs sont souvent liées au problème du stationnement des caravanes. Les rotations fréquentes et l’éloignement des aires d’accueil des écoles ne favorisent pas un accès satisfaisant des enfants à l’éducation. En dépit de l’obligation scolaire et d’une demande croissante de la part des parents voyageurs, certaines municipalités continuent de refuser l’inscription dans les écoles primaires, au motif d’un temps d’inscription trop court, d’une procédure d’expulsion en cours ou d’un manque de place dans les classes.
Ainsi, la HALDE a été saisie du refus d’un maire de scolariser un groupe de quatorze enfants roms [8].

143. Pour l’enseignement secondaire, ces mêmes difficultés persistent et le recours à l’enseignement à distance est encore privilégié. Le Centre national d’enseignement à distance (CNED) a mis en place des cours et un réseau d’appui dont 6 000 enfants du voyage bénéficient. La question de la scolarisation des enfants du voyage est donc centrale et doit être traitée de manière prioritaire. Le Commissaire recommande au Ministère de l’Education nationale d’évaluer le taux de scolarisation de ces enfants.

144. Lors de ses visites, les familles ont indiqué au Commissaire que les délais de stationnement (maximum 6 mois en hiver et 1 ou 2 mois en été) dans les aires d’accueil peuvent être un handicap à la scolarisation. Tout en comprenant que ces délais sont destinés à respecter le mode de vie itinérant des Gens du voyage, le Commissaire estime que des aménagements concernant la durée de séjour devraient être davantage proposés aux familles qui le souhaitent. Les Gens du voyage ont longtemps nourri une certaine méfiance à l’égard de l’école, et les parents ont une part de responsabilité quant à la déscolarisation des enfants, mais les familles ne devraient pas être découragées dans leur démarche.

145. Des solutions alternatives à la scolarisation classique peuvent être envisagées pour les familles voyageuses qui le désirent en raison de leur forte mobilité. Actuellement, il existe une quarantaine de « camions-écoles », qui se déplacent sur les lieux de vie des familles itinérantes à l’initiative de l’Education nationale ou d’associations, et une quinzaine d’écoles de terrain appartenant à l’Education nationale, situées sur ou près des aires d’accueil. Le Commissaire salue ces initiatives tout en regrettant leur nombre encore largement insuffisant. Ces structures devraient être généralisées car elles constituent non seulement un moyen de scolariser ces enfants mais elles sont aussi un tremplin vers les écoles ordinaires, vers une ouverture au milieu scolaire. De même, l’initiative du CNED concernant les conventions d’accueil avec les établissements scolaires, pour permettre aux enfants suivant des cours à distance d’être assistés par les établissements classiques, devrait être encouragée et développée. Il y a actuellement 33 collèges signataires.

2. Les Roms migrants

146. A côté de la communauté des Gens du voyage, une communauté Rom principalement originaire de Roumaine, Bulgarie, Hongrie et des Balkans s’est récemment installée en France. Leur situation est diverse. Ces personnes peuvent posséder ou non un titre de séjour, être demandeurs d’asile ou encore « sans-papiers ». Ces populations, estimées à une dizaine de milliers, vivent en France dans une situation d’extrême précarité. Les camps de Roms sont souvent comparables à des bidonvilles.

a. Conditions de séjour et retour volontaire

147. Les populations roms migrantes vivant en France sont soumises à différents régimes selon leur pays d’origine. Pour les Roms ressortissants communautaires [9], le principe de la liberté de circulation s’applique sur simple présentation d’une pièce d’identité à partir du moment où ils n’exercent pas d’activité salariée [10]. Pour les ressortissants noncommunautaires, l’entrée dans l’espace Schengen pour un court séjour est subordonnée à des formalités plus importantes (passeport et visa "Schengen" [11] valables, ressources financières suffisantes notamment).
148. La circulaire du 7 décembre 2006 relative à l’aide au retour volontaire ou au retour humanitaire met en place une procédure de retour dite « humanitaire ». Cette circulaire permet de proposer un rapatriement dans leur pays d’origine ou d’accueil aux étrangers en situation de dénuement ou de grande précarité y compris pour les ressortissants communautaires. Lorsque le retour s’effectue par l’ANAEM [12], le voyage est payé et les familles perçoivent une somme de 300 euros par adulte et de 100 euros par enfant. Le Ministère de l’Immigration a ainsi mis en avant le fait que de juin 2007 à mai 2008, le nombre de départs volontaires était de 8 349 personnes, soit une augmentation de 374 %.

149. La volonté affichée des autorités françaises de mettre en place une politique d’aide aux retours réellement volontaires doit être saluée ainsi que son efficacité. La société civile a néanmoins alerté le Commissaire sur la possible utilisation à des fins statistiques de certains retours volontaires des populations roms originaires d’Etats membres de l’Union européenne. En effet, en tant que ressortissants européens, ces personnes peuvent librement revenir sur le territoire national une fois l’aide perçue. De plus, le caractère « volontaire » de ces retours ne serait pas toujours réel, les opérations de retour étant parfois coordonnées avec des opérations policières intimidantes voire abusives.

150. Le Commissaire a été informé que lors de certains retours organisés les documents d’identité des « volontaires » au retour étaient saisis jusqu’à leur arrivée dans leur pays d’origine afin d’éviter qu’ils ne changent d’avis. Le Commissaire souhaite que ces retours s’effectuent dans le respect des droits des intéressés et que leur dimension « volontaire » soit pleinement garantie. Ces populations devraient aussi être véritablement aidées lorsqu’elles retrouvent leur pays d’origine.

b. Les discriminations économiques et sociales

151. La création de l’Aide médicale de l’Etat (AME) répondait à l’objectif d’ouvrir une couverture de santé aux personnes en situation irrégulière qui ne bénéficient d’aucune protection sociale et qui résident en France de manière ininterrompue depuis plus de trois mois. Malgré cette prise en charge et la possibilité d’en bénéficier immédiatement pour les enfants, le Commissaire a pu constater que les Roms en France ont peu accès aux soins médicaux dans la pratique. Selon Médecins du Monde, la situation des femmes est particulièrement préoccupante. L’âge moyen de leur première grossesse serait de 17 ans, seulement 8,3 % des femmes enceintes seraient suivies pendant leur grossesse. La situation des enfants est aussi très inquiétante. Très peu sont à jour dans leur vaccination et des cas de tuberculose chez des enfants continuent d’être signalés.

152. Concernant les ressortissants non-communautaires, en raison de leurs statuts de demandeurs d’asile, de « sans-papiers », ou de détenteurs de permis touristique, ces personnes ne sont pas autorisées à exercer une activité professionnelle. Cette interdiction a cependant été atténuée par la loi « intégration, immigration, asile » de 2007 qui dispose que les préfectures peuvent délivrer une « carte de salarié » à une personne en situation irrégulière qui solliciterait sa régularisation et qui bénéficierait d’une promesse d’embauche. Dans la pratique, cette disposition est difficilement mise en œuvre en raison notamment de la durée de la procédure administrative. C’est pourquoi cette amélioration est considérée comme étant essentiellement théorique, notamment par la CNCDH.

153. En principe, pour les Roms ressortissants communautaires, la situation est différente puisque la libre circulation des travailleurs s’applique. Néanmoins, pour les ressortissants des douze nouveaux Etats membres, l’accès au marché du travail des quinze « anciens » Etats membres de l’Union européenne est restreint. Le Commissaire tient à souligner que les autorités françaises ont décidé de mettre fin aux restrictions du régime transitoire au 1er juillet 2008 pour les pays entrés le 1er mai 2004 [13]. En revanche, pour être employé en France, les ressortissants roumains et bulgares devront toujours posséder un titre de séjour et une autorisation de travail.
Depuis 2007, une liste comportant 150 métiers relatifs à sept secteurs d’activité définit les emplois accessibles aux ressortissants des nouveaux pays membres [14]. Mais l’employeur doit payer une taxe de 893 euros pour embaucher un travailleur issu des nouveaux pays membres. Ainsi, pour ces nouveaux entrants, la possibilité de travailler en France reste extrêmement limitée et ceci explique en partie pourquoi certains Roms ont recours à des emplois non déclarés.

154. La scolarisation des enfants est généralement souhaitée par les familles roms.
Toutefois, selon la loi de 1998, les inscriptions en école primaire s’effectuent au niveau communal et sont subordonnées à un titre de domiciliation ou à un certificat d’hébergement, qui sont peu délivrés. Cette difficulté peut être contournée ; les directeurs d’école peuvent inscrire un enfant même si la commune s’y oppose. Mais cette possibilité est peu usitée. De plus, l’expulsion régulière des familles est un handicap pour la scolarité des enfants roms, de même que leur précarité financière.

155. Le Commissaire tient à saluer les initiatives citoyennes prises dans ce contexte, notamment par des enseignants et des associations afin de permettre l’accès à l’éducation de ces enfants. Lors de son déplacement sur un « terrain Rom » à Strasbourg, il a pu constater que la scolarisation des enfants ne posait pas de difficultés particulières. Beaucoup de maires ont compris l’enjeu d’une telle scolarisation toutefois certains continuent à se montrer réticents. Le Commissaire a ainsi été informé de nombreux cas où la scolarisation n’avait pas pu avoir lieu en raison du refus des autorités locales.

156. Le Commissaire souhaite que les autorités françaises garantissent, dans la pratique, un meilleur accès des populations roms aux soins et aux aides médicales, à l’éducation ainsi qu’au monde du travail. Une politique d’intégration réussie passe par l’insertion économique des adultes et l’éducation des enfants.

c. Les conditions de vie

157. Les populations roms en France vivent pour la plupart dans des bidonvilles insalubres, souvent sans accès à l’eau ni à l’électricité, comme a pu le constater le Commissaire au cours de ses visites. Les ordures ne sont ramassées que sporadiquement. Les conditions d’hygiène sont souvent déplorables. Certains camps ne disposent même pas de sanitaires. Selon une enquête réalisée par Médecins du Monde [15], environ 53 % 31
des Roms vivent dans des caravanes, qui ne peuvent souvent pas rouler, 21 % dans des squats aménagés et 20 % dans des cabanes. Dans son rapport de 2006, le Commissaire s’était déjà alarmé de ces conditions. Il apparaît que la situation générale ne se soit pas améliorée. Dès lors, il doit donc être mis un terme à ces conditions de vie désastreuses.

158. La question des expulsions est également particulièrement problématique et plonge les familles dans un climat de crainte. De manière générale, les relations entre ces populations et la police ne sont pas toujours satisfaisantes. En outre, conformément à la loi sur la sécurité intérieure de mars 2003, les forces de l’ordre sont autorisées à intervenir dans les 48 heures, sans jugement préalable du tribunal administratif, ni accord express du propriétaire du terrain, quand « l’atteinte au bon ordre, à la salubrité, à la tranquillité et à la sécurité publique » l’exige [16]. Ces expulsions sont souvent caractérisées par le recours à des méthodes brutales, au gaz lacrymogène et à la destruction de biens personnels. Suite à certaines expulsions, la Commission nationale de déontologie et de sécurité (CNDS) a conclu à des actes de violences injustifiés et disproportionnés [17]. Les expulsions ne font généralement l’objet d’aucune négociation préalable et les Roms ne sont pas avertis. Le Commissaire exprime sa désapprobation face à de telles pratiques.

159. Il convient toutefois de saluer les actions menées par quelques collectivités territoriales volontaires pour remédier à cette situation d’extrême précarité, à travers un accompagnement sanitaire, social et scolaire de ces populations. Des projets d’insertion par le logement sont également engagés, notamment en Ile-de-France ou à Nantes. Mais ces initiatives restent trop rares. Le Commissaire invite donc les autorités locales à suivre l’exemple de ces bonnes pratiques afin d’offrir des conditions de vie décentes à ces personnes.

Notes:

[1] Estimations entre 300 000 et 500 000 personnes, en l’absence de statistiques officielles

[2] Rapport d’étude parlementaire du Sénateur Pierre Hérisson au Premier Ministre sur le stationnement des Gens du voyage, mai 2008

[3] Selon la circulaire du 3 août 2006, la durée maximale de séjour continu est fixée en principe à cinq mois. En respectant cette obligation, les différents règlements intérieurs déterminent ensuite, en fonction des besoins, la durée de séjour maximale applicable sur leur aire

[4] En cas de violation de l’interdiction d’installation en dehors des aires d’accueil (6 mois d’emprisonnement et 3750 € d’amende, suspension du permis de conduire, réquisition des véhicules tracteurs)

[5] CNCDH, Etude et propositions sur la situation des Roms et des gens du voyage en France, 7 février 2008

[6] Réclamation n°33/2006 du Mouvement international A TD Quart Monde contre France, 4 février 2008

[7] Recommandation CM/Rec(2008)5 sur les politiques concernant les Roms et/ou les Gens du voyage en Europe, 20 février 2008

[8] Délibération n° 2007-30 du 12/02/2007 relative au refus d’inscription à l’école d’enfants de familles Roms

[9] C’est-à-dire d’origines hongroise, slovaque, slovène ou tchèque, depuis 2004, et roumaine ou bulgare, depuis 2007

[10] Étudiants, chercheurs, prestataires de services, retraités. Pour un séjour de moins de trois mois aucune formalité particulière ne doit être effectuée. Pour les séjours de plus de trois mois, ils doivent au préalable effectuer une formalité d’enregistrement auprès de la mairie de leur lieu de résidence. De plus, pour les non-actifs roumains et bulgares, les conditions de ressources propres suffisantes et d’assurance maladie sont nécessaires pour obtenir un droit au séjour de plus de trois mois

[11] Visa unique délivré par un des Etats membres valable pour l’ensemble de la zone Schengen

[12] Agence nationale d’accueil des étrangers et des migrants

[13] Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, République Tchèque, Slovaquie, Slovénie. Chypre et Malte n’étaient pas soumis à ces restrictions.

[14] Le bâtiment et les travaux publics ; l’hôtellerie, la restauration et l’alimentation ; l’agriculture ; la mécanique et le travail des métaux ; les industries de process ; le commerce et la vente ; la propreté

[15] Médecins du monde, « les Roms que l’Europe laisse à la porte », octobre 2007

[16] Amendement à l’article L 2215-1 du Code général des collectivités territoriales

[17] Rapports annuels de la CNDS de 2005 et 2006