VII. Conclusions et recommandations
- Mécanisme de protection des droits de l’homme en France
1. Le Commissaire invite les autorités françaises à consulter plus systématiquement les structures nationales de protection des droits de l’homme. Il souligne par ailleurs qu’il appartient aux pouvoirs publics de garantir que les plaignants devant des structures de ce type ne puissent faire l’objet d’intimidations.
2. Le Commissaire invite les autorités françaises à prendre les mesures les plus appropriées, inspirées par les standards internationaux, pour garantir l’indépendance juridique, politique et financière du Défenseur des droits.
- Respect effectif des droits de l’homme des détenus
3. Pour le Commissaire, la réforme en cours de la loi pénitentiaire ne doit pas éluder les questions du maintien des liens et contacts familiaux, de l’accès aux prestations sociales de droit commun, du droit de vote en prison, du travail équitablement rémunéré ou de la réduction substantielle de la durée de placement en quartier disciplinaire. Il appelle également à ce que les fouilles à corps soient strictement encadrées et les régimes différenciés ne soient pas légalisés. Il recommande que les détenus placés à l’isolement puissent bénéficier d’activités et que la durée maximale de leur isolement soit plus limitée.
4. Le Commissaire invite les autorités françaises à reconnaître de nouveau l’encellulement individuel comme un droit pour tous les prévenus, à garantir sa mise en œuvre et à assurer la séparation entre prévenus et condamnés.
5. Le Commissaire appelle les autorités françaises à apporter une réponse immédiate aux conditions inacceptables de détention des détenus contraints de vivre dans des cellules surpeuplées, souvent vétustes et aux conditions d’hygiène inacceptables. Compte tenu de la surpopulation aggravée des prisons françaises, il convient de ne recourir à la détention que lorsqu’elle est totalement indispensable et à augmenter substantiellement le nombre d’aménagement de peines. Les nouvelles dispositions mises en place dans 28 sites pilotes devraient aussi être appliquées à l’ensemble des détenus.
6. Le Commissaire invite les autorités françaises à assurer la continuité des soins en prison, à pleinement respecter le secret médical, à strictement limiter le recours au menottage lors des consultations ainsi qu’à permettre aux détenus nécessitant une prise en charge particulière d’en bénéficier.
7. Préoccupé quant au risque d’arbitraire en relation avec l’appréciation de la dangerosité dans le cadre de la rétention de sûreté, le Commissaire invite à une extrême précaution dans son application. Il recommande de mettre en œuvre les mesures destinées à prévenir la récidive et pouvant éviter le placement en rétention. Il encourage les autorités à examiner les résultats obtenus par les autres pays où une mesure similaire est en vigueur ainsi qu’à recourir à des études indépendantes régulières.
- Justice juvénile en France
8. Le Commissaire rappelle que l’action éducative doit primer sur toute forme de répression.
Il déplore les évolutions législatives permettant de porter atteinte à l’application de l’excuse de minorité et appelle les autorités françaises à garder à l’esprit le Commentaire général n°10 du Comité des droits de l’enfant lors de l’élaboration de la réforme de l’Ordonnance de 1945 ainsi qu’à inclure la Défenseure des enfants dans la consultation.
9. Le Commissaire considère que l’âge auquel des sanctions pénales peuvent être prises devrait être augmenté pour se rapprocher de l’âge de la majorité et que des mesures éducatives et de réparation peuvent être efficaces si elles sont adaptées et rapidement mises en œuvre.
10. Le Commissaire appelle les autorités françaises à améliorer les conditions de détention dans les quartiers pour mineurs des prisons afin de les rapprocher de celles des EPM et à assurer que les mineurs n’entrent pas en contact avec les détenus majeurs. Il recommande également de trouver une solution rapide quant au manque de structures et d’activités adaptées pour les mineurs filles détenues.
- Protection des droits de l’homme dans le contexte de l’immigration et de l’asile
11. Le Commissaire incite les autorités françaises à revoir de façon critique l’ensemble des conditions prévalant dans les centres de rétention et à les humaniser en concertation avec le nouveau Contrôleur Général des lieux de privation de liberté. Il appelle instamment à ce que les conditions de vie offertes aux étrangers retenus à Mayotte soient immédiatement améliorées.
12. Le Commissaire recommande que les centres de rétention administrative et les zones d’attente à la frontière ne soient pas des lieux d’exception quant à la détention des mineurs de moins de treize ans et invite les autorités à ne recourir à la rétention administrative de familles que dans des cas d’extrême nécessité.
13. Le Commissaire attire l’attention des autorités françaises sur les risques associés à la détermination quantitative du nombre de migrants irréguliers à reconduire ainsi qu’à analyser les conséquences engendrées par ces objectifs chiffrés sur les méthodes d’interpellations et la pratique administrative.
14. Le Commissaire appelle les autorités françaises à garantir qu’aucune arrestation d’étrangers ne soit réalisée dans ou autour des écoles et des préfectures. Il recommande qu’aucun passager ne soit interpellé et poursuivi pour avoir protesté pacifiquement lors d’un retour forcé sur un vol commercial.
15. Le Commissaire appelle à rendre plus transparentes les procédures de régularisation. Il invite les autorités françaises à clarifier les modalités du regroupement familial, à ne pas imposer des conditions disproportionnées pour permettre ce regroupement et à ne pas créer des situations discriminatoires. Il appelle à permettre le rapprochement familial dans des délais beaucoup plus brefs.
16. Le Commissaire plaide en faveur d’un traitement égalitaire des demandeurs d’asile quelque soit leur pays d’origine et invite les autorités françaises à faire une utilisation des plus prudentes de la liste des Etats considérés comme « sûrs ».
17. Le Commissaire invite les autorités à analyser, en concertation avec les institutions nationales indépendantes, les barrières juridiques et pratiques pouvant limiter l’accès effectif à un recours contre une décision de rejet de demande d’asile à la frontière ainsi qu’à revoir au plus vite les mécanismes et délais liés à la procédure d’asile en rétention.
- Protection des droits fondamentaux des Gens du voyage et des Roms
18. Le Commissaire invite les autorités françaises à assurer une application effective de la loi Besson ainsi qu’à mettre en place un mécanisme permettant d’informer les Gens du voyage des places disponibles sur les aires d’accueil.
19. Le Commissaire estime que les différentes mesures dérogatoires instaurent un régime discriminatoire à l’encontre des Gens du voyage et appelle les autorités françaises à mettre fin, sans délai, à ce traitement spécifique.
20. Le Commissaire recommande d’évaluer le taux de scolarisation, de développer les mesures facilitant l’accès à l’enseignement et de permettre des aménagements de la durée de séjour aux familles avec des enfants scolarisés.
21. Le Commissaire souhaite que les retours volontaires des migrants irréguliers comme les retours humanitaires s’effectuent dans le respect des droits des intéressés et que leur dimension « volontaire » soit pleinement garantie.
22. Le Commissaire invite les autorités françaises à garantir un meilleur accès des populations roms aux soins et aux aides médicales, à l’éducation ainsi qu’au monde du travail. Des solutions devraient être apportées pour garantir le respect de la dignité des personnes vivant dans des bidonvilles insalubres. Les procédures d’expulsion des terrains Roms devraient faire l’objet de négociations préalables et ne devraient pas entrainer des actes de brutalité ou la destruction de biens.