17 Qu’est ce qu’une période de sûreté ?
La période de sûreté est le temps durant lequel un condamné ne peut prétendre à aucune mesure d’individualisation de sa peine d’emprisonnement, telle qu’une suspension ou un fractionnement de peine, une semi-liberté, un placement à l’extérieur, une libération conditionnelle ou une permission de sortir. Seule une suspension de peine pour raisons médicales peut lui être accordée. En outre, les CRP (crédits de réduction de peine) ou les RPS (réductions de peine supplémentaires) se déduisent de la fin de peine et ne peuvent réduire la période de sûreté. Les dispositions relatives à la période de sûreté ne concernent pas les mineurs.
18 Dans quels cas la période de sûreté est-elle systématique ?
La période de sûreté est systématique lorsque deux conditions sont réunies. Tout d’abord, l’infraction commise par le condamné doit être inscrite dans une liste restrictive qui figure dans le Code pénal. Par exemple, le meurtre aggravé en fait partie, mais pas le meurtre simple. D’autre part, la condamnation prononcée par la juridiction (cour d’assises, cour d’appel ou tribunal correctionnel) doit être supérieure ou égale à dix ans d’emprisonnement ferme (sans sursis). Si ces deux conditions sont remplies, la période de sûreté est automatiquement appliquée, même si la juridiction de condamnation ne la mentionne pas expressément. Créée par la loi du 2 novembre 1978, la période de sûreté n’est pas applicable s’agissant de faits commis avant cette date. Pour les faits commis après cette date et avant le 1er mars 1994 (date d’entrée en vigueur du nouveau Code pénal), une période de sûreté obligatoire est applicable, selon les dispositions de l’ancien article 720-2 du Code de procédure pénale, pour les condamnations à une peine privative de liberté sans sursis égale ou supérieure à dix ans, prononcées pour une série d’infractions limitativement énumérées.
19 Quelle est la durée de la période de sûreté systématique ?
La durée de la période de sûreté systématique est, en principe, égale à la moitié de la peine prononcée. Pour les condamnations à la perpétuité, elle est de dix-huit ans. Cependant, les juridictions qui prononcent la peine peuvent, par décision spéciale, réduire ou allonger cette durée. Dans ce dernier cas, la période de sûreté peut s’étendre jusqu’aux deux tiers de la peine, ou jusqu’à vingt-deux ans pour les condamnations à perpétuité. Pour les infractions d’assassinat ou de meurtre précédé d’un viol, d’actes de torture ou de barbarie sur un mineur de moins de quinze ans, la période de sûreté peut être fixée à trente ans, voire être incompressible si la peine prononcée est la réclusion à perpétuité. La personne condamnée ne peut alors bénéficier d’aucun aménagement de peine, à moins de bénéficier d’une mesure de relèvement ou d’une grâce présidentielle.
20 Dans quels cas la période de sûreté est-elle facultative ?
Une période de sûreté peut également être décidée par la juridiction de jugement pour n’importe quelle infraction, à condition que la peine prononcée soit supérieure à cinq ans de prison sans sursis. Néanmoins, la période de sûreté ne peut pas dépasser les deux tiers de la peine, ou vingt-deux ans, s’il s’agit d’une condamnation à perpétuité.
21 Que se passe-t-il en cas de pluralité de périodes de sûreté ?
Lorsque le condamné doit exécuter plusieurs peines assorties d’une période de sûreté, il y a lieu de distinguer suivant que les infractions ainsi réprimées sont « en concours », ou non. Selon les termes du Code pénal, il y a concours d’infractions lorsqu’une infraction est commise par une personne avant que celle-ci ait été définitivement condamnée pour une autre infraction. Sont donc en concours les infractions qui ne sont pas, dans le temps, séparées entre elles par une condamnation définitive. Lorsque les infractions sanctionnées ne sont pas en concours, les périodes de sûreté s’exécutent successivement, dans la limite de vingt-deux ans au maximum, sauf si la cours d’assises a fixé la période de sûreté à trente ans. Si les infractions sont en concours et que le condamné n’a pas obtenu de confusion de peines, les périodes de sûreté se cumulent dans la limite de la durée maximale de la période de sûreté encourue pour celle des infractions en concours la plus sévèrement sanctionnée par le Code pénal (deux tiers de la peine, vingt-deux ans lorsque le condamné encourait la perpétuité pour l’une des infractions, sauf dans le cas où la cour d’assises a prévu une période de sûreté à subir est celle qui est attachée à la peine absorbante (la peine la plus lourde). La durée passée en détention provisoire est déduite de la période de sûreté, même si elle se rattache à la peine absorbée.
22 Quels sont les effets de la grâce présidentielle sur la période de sûreté ?
Après application d’un décret de grâce présidentielle, la période de sûreté est (sauf disposition contraire prévue par le décret) maintenue pour une durée équivalente à la moitié de la peine résultant de la grâce, sans pouvoir excéder la durée de la période de sûreté initiale. Ainsi, une période de sûreté fixée par la juridiction aux deux tiers de la peine prononcée sera ramenée, en cas de grâce, à la moitié de la peine réduite par la grâce. Les périodes de sûreté de trente ans ou celles, dites incompressibles, qui sont prononcées en application des articles 221-3 et 221-4 du Code pénal (meurtres aggravés) obéissent à un régime différent. Ainsi, en cas de commutation de peine, la nouvelle période de sûreté est égale à la durée de la peine résultant de la grâce (sauf disposition contraire prévue par le décret de grâce). Si une peine réclusion à perpétuité assortie d’une période de sûreté incompressible est commuée en une peine de trente ans, la période de sûreté résultant de la grâce sera donc également de trente ans.
23 Comment obtenir une suppression ou une réduction de la période de sûreté ?
Lorsque le condamné a manifesté « des efforts sérieux de réadaptation sociale », le TAP (tribunal d’application des peines), saisi sur demande du condamné, sur réquisitions du procureur de la République ou à l’initiative du JAP (juge de l’application de peines), est compétent pour prononcer, à titre exceptionnel, le relèvement total ou partiel de la période de sûreté. Le condamné peut faire valoir, par exemple, qu’il suit avec assiduité une formation professionnelle, un enseignement, un stage, en détention, ou qu’il y exerce un emploi temporaire, et qu’il fournit un effort particulier s’agissant de l’indemnisation des victimes (Q.117). Toutefois, le TAP est, en la matière, très exigeant dans son appréciation des « efforts » de la personne condamnée. Une expertise psychiatrique peut être réalisée pour déterminer si celle-ci présente une « dangerosité ». Ce rapport, en pratique, aura une influence déterminante sur l’issue de la procédure. Après avis d’un représentant de l’administration pénitentiaire, le TAP rend son jugement à l’issue d’un débat contradictoire où sont entendues les réquisitions du procureur de la République, les observations du condamné et, le cas échéant, celles de son avocat. Depuis la loi du 12 décembre 2005, le TAP doit également entendre les observations de l’avocat des parties civiles si ce dernier en fait la demande. Lorsque la période de sûreté a été fixée à trente ans, le condamné ne peut demander sa réduction ou sa suppression qu’après avoir accompli vingt ans d’incarcération. Si la cour d’assises a fixé une période de sûreté « perpétuelle », le condamné doit attendre d’avoir exécuté trente années d’incarcération. A l’expiration de cette période de trente ans, les aménagements de peine ne sont envisageables qu’après que trois experts psychiatriques agréés par la Cour de cassation se sont exprimés sur la « dangerosité » du condamné. L’obtention d’une réduction ou d’une suppression de période de sûreté ne signifie pas que le détenu retrouve la liberté. Elle lui permet simplement de déposer des demandes d’aménagement de peine.
24 Un recours est-il possible contre un refus de suppression ou de réduction de la période de sûreté ?
La décision de refus de relèvement de la période de sûreté peut, dans un délai de dix jours, faire l’objet d’un appel de a part du condamné devant la chambre de l’application des peines de la cour d’appel (Q.124). Celle-ci décide, après un débat contradictoire au cours duquel sont entendus l’avocat du condamné et le procureur de la République. Le condamné ne sera entendu que si la chambre en fait la demande. S’il en fait la demande, l’avocat des parties civiles peut également assister au débat contradictoire et faire valoir ses observations. Si la chambre confirme le jugement du TAP refusant d’accorder cette mesure, elle peut fixer un délai pendant lequel toute nouvelle demande sera irrecevable. Ce délai ne peut excéder ni le tiers du temps de détention restant à subir ni trois années. La décision de la chambre de l’application des peines peut faire l’objet d’un pourvoi en cassation dans les cinq jours de sa notification (Q.126 et 127).
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