Alain Solé en grève totale des soins
Depuis le lundi 19 juillet, Alain Solé est en grève des soins (insuline et cardiovasculaire) pour obtenir son transfert à une prison de Nantes, proche de chez sa famille. Il avait déjà réclamé ce transfert le 3 juin dernier, à un moment où il croyait que sa demande de libération conditionnelle avait été refusée. A cette époque, la juge d’application des peines avait seulement reporté sa décision, Alain Solé avait donc cessé sa grève dès qu’il l’avait su.
Vendredi 9 juillet, la juge acceptait la libération conditionnelle d’Alain Solé et indiquait sa sortie pour le lundi 12. Le même jour, le parquet faisait appel de cette décision ce qui annulait la sortie d’Alain Solé. L’audience doit avoir lieu dans les deux mois qui suivent le dépôt de l’appel.
Lettre d’Alain Solé à M. Raffin, directeur, chef d’établissement, Maison d’arrêt de La Santé (Paris)
Objet : grève des soins jusqu’au transfert au CD de Nantes (suite à mon courrier du 3.06.04)
Monsieur le directeur,
L’appel du Parquet Général du TGI de Paris sur ma remise en liberté conditionnelle en date du 9 juillet 04, prononcée par Madame la juge d’application des peines a de quoi surprendre, même si celui-ci n’est pas contestable juridiquement ; mais il est très rare de constater une opposition aussi farouche sur ces jugements pris dans le respect de l’application stricte de la loi.
L’octroi de cet aménagement de peine est subordonné à un encadrement judiciaire sévère. Toutes les parties ayant à statuer lors du débat ont donné leur accord, en suivant rigoureusement les avis de l’Administration pénitentiaire, du parquet de Nantes, de l’Avocat général (avis personnel), d’une enquête de gendarmerie que Madame la présidente a qualifiée de sérieuse, du dossier SPIP, ANPE, Cotorep et médical. Il est aussi notifié que le risque de trouble à l’ordre public est faible. Il était donc légitime de faire droit à ma demande, qui, je le rappelle, a été effectuée le 7 avril 04, soit trois mois de travail et d’enquêtes des services concernés, sociaux et éducatifs, des conseillers d’insertion et de l’ANPE pour constituer ce dossier remis au JAP.
En contestant ce jugement, le ministre de la Justice a méprisé le travail de ces magistrats "sociaux", preuve en est qu’il va remettre en cause leurs compétences, cela au gré de l’actualité et de l’opinion publique lobotomisée par des médias télévisuels à la botte de l’Etat français.
(...) Une décision prise au plus haut niveau de la chancellerie, dans les "arrières-cuisines" du Palais de justice de Paris, avec la complicité de fonctionnaires de justice plus préoccupés par leur plan de carrière que d’accomplir leur tâche en toute indépendance. Avec le plus grand mépris de la loi sur la libération conditionnelle, ils ont une nouvelle fois fait preuve d’arrogance en se cachant derrière cette justice d’exception, rempart à toutes contestations politiques, qui ne respecte pas les règles de l’Etat de droit - que ce même ministre avait qualifié de clés de voute de la démocratie et de l’égalité pour tous.
Nous sommes à des lieues de ces affirmations prétentieuses qui n’ont aucune valeur de liberté. Au contraire, je fais l’objet (comme tant d’autres) d’une répression sans égal, victime d’une politique gouvernementale arbitraire et fascisante dans mes droits physiques et politiques. Nombreuses ont été les organisations européennes et internationales à dénoncer ces abus injustifiés et inqualifiables, auxquelles l’Etat français n’a répondu que par la non-ingérence des autres communautés dans son système judiciaire. Ce qui lui a valu de nombreuses condamnations par la Cour européenne des droits de l’Homme.
Je me refuse à accepter cet appel inique et donc ne pas donner suite à ma démarche de libération conditionnelle. Non pas par soumission, ce qui n’est pas dans ma personnalité. Je veux par ce geste garder ma dignité d’homme épris de libertés, et ainsi ne pas sombrer dans la médiocrité qui consisterait à me faire admettre par une autre juridiction, non compétente, exceptionnelle et dépendante du ministre de la Justice, à une sorte de mérite à la liberté en renonçant à mes engagements culturels et politiques. Il est clair que je n’admettrai pas cette assimilation de ce système.
En conséquence, j’ai décidé de débuter à partir de ce lundi 19 juin 04 une grève de soins (insuline et cardiovasculaire) jusqu’à mon transfert avalisé par votre direction au centre de détention de Nantes (44), aux fins du rapprochement familial.
Veuillez croire, Monsieur le directeur, en mes sentiments distingués.
Alain Solé