Lorsqu’ils arrivent, les détenus sortent d’un endroit, le commissariat, où
il y avait beaucoup de monde autour d’eux. Brutalement, ils se retrouvent dans
un état de solitude extrême, et c’est très dur. Les envies de suicide viennent
au bout de quelques jours à peine, alors que les permis de visite ne sont pas
encore accordés.
Il y a aussi un manque évident
de travailleurs sociaux dans les établissements, ce qui fait que nous, les
visiteurs de prison, jouons parfois ce rôle.
La prison donne le temps de
penser, de ruminer sur son sort. Et les détenus ne manquent pas d’idées. Pour
mettre fin à leurs jours, ils élaborent parfois des plans pendant des jours et
des jours. Ils ne sont pas pressés, ils ont tout le temps de se
préparer.
Je pense qu’il y aurait peut-être deux fois ou trois fois plus
de suicides sans les visiteurs de prison. Nous sommes un lien entre l’intérieur
et l’extérieur. D’ailleurs, ils nous disent des choses qu’ils ne disent ni aux
surveillants ni aux médecins. Nous sommes des confidents qui les prennent
et leur montrons qu’ils existent, qu’ils ont un avenir. Lorsque nous décelons un
problème, nous alertons les services psychiatriques. Mais parfois cela ne suffit
pas, car il n’y a pas de place pour tout le monde. Un jour, un infirmier m’a
confié qu’un garçon exhibitionniste relevait de la psychiatrie mais avait été
placé en prison parce qu’il n’y avait plus de place à l’hôpital. En prison, les
gens ne sont pas soignés, qu’ils soient toxicomanes, alcooliques ou délinquants
sexuels, c’est pourquoi il y a tant de récidivistes.