Avis du 21 octobre 2009 relatif à l’exercice de leur droit à la correspondance par les personnes détenues
Au journal officiel du 28 octobre 2009, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté a publié son premier avis (seules des recommandations et un rapport annuel ont déjà été publiés). Il est relatif à l’exercice de leur droit à la correspondance par les personnes détenues. Cet avis, rendu conformément aux dispositions de la loi du 30 octobre 2007, est inédit dans sa forme. Il s’agit d’un texte faisant la synthèse des observations qui ont été faites sur l’ensemble des établissements pénitentiaires visités par le Contrôleur général et son équipe sur le thème de la correspondance des personnes détenues.
L’avis du 21 octobre s’apparente à un guide des bonnes pratiques pour le traitement du courrier des détenus. Le Contrôleur général y rappelle l’intérêt qui s’attache à ce que les personnes incarcérées disposent matériellement de la possibilité de correspondre avec leur entourage (distribution gratuite de papier, stylos et enveloppes).
Trois types de boîtes aux lettres doivent être disposées dans les endroits accessibles aux détenus :
une destinée au courrier externe,
une autre au courrier interne, et
une troisième pour le courrier à destination du personnel soignant. Seul le détenu, ou une personne qu’il aura désignée à cet effet, pourra déposer le courrier dans la boîte correspondante.
Les deux premières boîtes seront relevées par le vaguemestre, responsable du bon acheminement des lettres, alors que la troisième ne pourra être ouverte que par un représentant des services médicaux, dépositaire du secret médical. L’ensemble du courrier, à l’exception des dérogations prévues par le code de procédure pénale (avocat, autorités judiciaires…) pourra être contrôlé par le vaguemestre, tenu au secret professionnel. Aucune autre personne ne pourra lire cette correspondance et encore moins faire état de son contenu. Dans le cas où un courrier aurait été ouvert par erreur, il devra être refermé de manière visible.
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JORF n°0250 du 28 octobre 2009 texte n° 87
AVIS Avis du 21 octobre 2009 relatif à l’exercice de leur droit à la correspondance par les personnes détenues, rendu conformément à l’article 10 de la loi du 30 octobre 2007
NOR : CPLX0925158V
1. Le droit à une vie privée et familiale comporte le droit de rester aussi proche que possible des siens. En outre, le droit de correspondre par écrit est une des formes de liberté individuelle qui relève de la liberté d’expression. Enfin, la possibilité de présenter un recours à l’auteur d’une décision lorsque celle-ci vous est applicable doit être préservée. Ces trois raisons impliquent que l’on porte une attention particulière à la liberté des personnes privées de liberté de correspondre. Une telle faculté ne saurait par conséquent être restreinte, et de manière proportionnée, que si des conditions particulières sont réunies qui l’exigent. C’est pourquoi le code de procédure pénale (curieusement aujourd’hui seulement dans sa partie réglementaire) prévoit pour les détenus la liberté de correspondance (« les détenus condamnés peuvent écrire à toute personne de leur choix et recevoir des lettres de toute personne », « tous les jours et sans limitation »).A l’entrée dans l’établissement, d’ailleurs, il leur est remis du papier, et de quoi écrire.
Toutefois cette liberté est assortie d’une double restriction. D’une part, de manière générale, toutes les lettres envoyées et reçues « peuvent être lues » (celles des prévenus doivent être autorisées par le magistrat instructeur, à qui elles sont communiquées) ; d’autre part, le chef d’établissement peut « retenir », c’est-à-dire refuser de remettre le courrier à son destinataire, dans deux cas :
lorsque le contenu de la lettre « paraît compromettre gravement » la réinsertion du détenu ou la sécurité de l’établissement (sauf si cette lettre est destinée au conjoint ou aux membres de la famille) ;
lorsque la lettre contient des menaces précises contre la sécurité de l’établissement (y compris si elle est adressée au conjoint ou à un membre de la famille).
Enfin, il existe une exception à cette restriction : la correspondance échangée par les détenus avec leurs avocats et avec un certain nombre d’autorités administratives que le code énumère, n’est pas contrôlée.
2. Le respect dû à la correspondance doit conduire l’administration pénitentiaire à traiter avec soin la correspondance des détenus et à harmoniser sur ce point des pratiques parfois disparates, selon les principes qui suivent.
3. Les instruments servant à faciliter la possibilité de correspondre doivent être offerts aux détenus sur deux plans : du papier de correspondance, du matériel d’écriture et des enveloppes de qualité pour l’y insérer doivent être régulièrement distribués gratuitement et non plus seulement pouvoir être achetés par les intéressés. D’autre part, les personnes ayant de sérieuses difficultés pour écrire doivent trouver au sein de leur établissement une aide pour l’écriture respectant la confidentialité de cette dernière.
4. Dans différents lieux, accessibles aux détenus lors de leurs mouvements ou à proximité immédiate de leurs cellules pour ceux qui s’y tiennent en permanence, des boîtes aux lettres métalliques fermées de manière sûre doivent être disposées. Elles sont au nombre de trois, et portent l’indication visible d’une part du « courrier interne » ; d’autre part du courrier destiné aux personnels soignants (« UCSA, SMPR ») ; enfin du courrier destiné à « l’extérieur » ou à des tiers non professionnels intervenant dans l’établissement (visiteurs, aumôniers, étudiants...). La responsabilité d’introduire le courrier dans les boîtes ne peut incomber qu’au détenu lors de ses déplacements hors cellule, sauf cas très particuliers (handicaps, personnes refusant toute sortie de leurs cellules... dans ce cas, le détenu doit pouvoir choisir la personne plaçant ses lettres dans les boîtes) ; la quantité de mouvements supplémentaires résultant de cette exigence apparaît très limitée. Ces boîtes aux lettres doivent être relevées régulièrement : celle renfermant le courrier destiné à l’UCSA ou au SMPR, par le seul personnel de cette unité, au moins deux fois par jour ; celles du courrier interne et externe, par les vaguemestres, seuls habilités à les ouvrir, au moins une fois par jour, et sous leur responsabilité exclusive.
5. Deux personnes au moins par établissement doivent être habilités par le chef d’établissement au titre de vaguemestre (sans pour autant que ces emplois soient nécessairement à temps plein). Pour être habilités, ils doivent appartenir à un corps de l’administration pénitentiaire et justifier notamment avoir été informés des dispositions relatives à la liberté de correspondance et aux limites qui peuvent lui être imposées. Les vaguemestres sont chargés d’acheminer directement le courrier interne à leurs destinataires et de remettre le courrier externe soit aux intervenants, soit aux services postaux.
6. Le courrier interne n’a pas de motifs d’être lu, dès lors qu’il est destiné à un agent de l’établissement. En revanche, tout agent destinataire de correspondances doit, le cas échéant, signaler à la direction les menaces apportées, selon lui, au bon ordre de l’établissement. La disposition réglementaire prévoyant la possibilité de sanction disciplinaire des détenus en cas de recours abusif devrait disparaître.
7. Le courrier destiné à l’extérieur doit, conformément au code de procédure pénale, toujours pouvoir être contrôlé. En pratique toutefois, ce contrôle doit être très allégé dans la plupart des situations de détenus connues des responsables de la détention. La lecture des lettres doit être le fait des seuls vaguemestres. Ils doivent être tenus au secret professionnel, sauf à en être délié, conformément aux textes en vigueur, lorsqu’est en cause la réinsertion du détenu ou la sécurité des biens et des personnes. Les vaguemestres doivent tenir un état statistique (non nominatif) des lettres contrôlées d’une part, retenues d’autre part.
8. Aucun autre agent de l’administration ne doit avoir connaissance du contenu des correspondances des personnes placées sous main de justice, hormis leur destinataire, sauf dans le cas où ce contenu doit être porté à la connaissance d’un tiers responsable conformément au 7 ci-dessus. Dans l’hypothèse particulière du courrier destiné au personnel de l’UCSA, une protection supplémentaire s’impose en raison des indications d’ordre médical qui peuvent y figurer. Seul, le personnel soignant de l’UCSA ou du SMPR (à l’exclusion des agents de surveillance qui y sont affectés) doit avoir accès à la correspondance des détenus.
9.S’agissant du courrier destiné aux détenus, lorsque la distribution du courrier ne peut être assurée par les seuls vaguemestres pour des raisons tenant à la dimension de l’établissement, des garanties doivent être données pour le respect de la correspondance. En particulier, les lettres ouvertes par les vaguemestres seront closes à nouveau selon un procédé qui permettra à la fois de montrer que la lettre a été contrôlée et de faire obstacle à une réouverture intempestive. Toute correspondance ouverte par inadvertance fera l’objet d’un signalement particulier et remise au destinataire par le vaguemestre. Les suites à donner aux correspondances adressées au personnel soignant ne peuvent être données que par ce dernier. D’éventuels courriers provenant de l’UCSA (ou du SMPR) à destination des détenus sont toujours clos et ne peuvent être ouverts.
10. Les correspondances exemptées de contrôle (articles D. 69 et D. 262 du code de procédure pénale) ne peuvent jamais être ouvertes. Si une erreur conduit à leur ouverture, elles doivent être refermées selon le procédé défini au 9 ci-dessus. Cette prescription n’est pas faite lorsque aucun signe extérieur ne permet d’identifier le caractère protégé de la correspondance. Le décompte de ces erreurs doit être un indicateur de la qualité du travail des vaguemestres. Du point de vue de la correspondance, aucune distinction n’a à être faite entre les autorités administratives mentionnées à l’article A. 40 du code et les avocats mandataires du détenu dans une procédure. La correspondance qu’ils envoient ou qui leur est destinée doit être traitée de manière identique. Le registre mentionné au dernier alinéa de l’article D. 262 doit être émargé dans les 24 heures par le détenu à chaque correspondance reçue ou envoyée. Cette formalité est accomplie sous le contrôle du vaguemestre.
11. Les retenues de correspondances ne peuvent être décidées, après signalement par les vaguemestres, que par le chef d’établissement ou son adjoint, ayant reçu délégation à cet effet.
12. Ces règles, déjà parfois constatées par le contrôle général dans des établissements visités, et qui devraient être systématisées n’imposent aucune modification du code en vigueur, à l’exception d’une disposition nouvelle assujettissant les vaguemestres au secret professionnel.
13. Elles pourraient s’appliquer le plus tôt possible, dans l’attente d’autres réflexions visant à mieux assurer l’équilibre entre sécurité nécessaire et secret de la correspondance.
J.-M. Delarue