B La préparation à la sortie de prison
Au terme de l’année 2005, 85.215 sorties de prison ont été dénombrées par le ministère de la Justice. 59.914 ont concerné des personnes libérées en fin de peine, graciées ou amnistiées (70%) et 3.943 des personnes bénéficiant d’une libération conditionnelle (4%). Malgré l’importance de ce flux annuel de libérations, la préparation à la sortie de prison ne fait pas l’objet d’une définition en tant que telle au sein de l’ensemble des dispositions législatives et règlementaires du Code de procédure pénale. Par ailleurs, cette dimension de la politique pénitentiaire n’a donné lieu à ce jour à aucune circulaire spécifique de la part du ministre Justice. Dans ce contexte, l’approche en cours en France n’a que peu à voir avec les principes posés par les récentes Règles pénitentiaires européennes qui définissent la peine comme le moyen de réunir les conditions pour que les personnes concernées puissent vivre de manière « responsable et exempte de crime ». Elle est aussi très éloignée du souhait formulé par la Commission nationale consultative des droits de l’homme, en mars 2004, de consacrer « la restauration du lien social » comme la mission primordiale assignée à l’administration pénitentiaire. La lecture de cette seconde partie de l’ouvrage fournit à ce sujet un motif d’interrogation. Il porte sur le décalage frappant entre les discours et les pratiques. Préparation à la sortie, réinsertion, resocialisation : autant de termes qui semblent faire l’objet du plus large consensus parmi les chercheurs, qui font valoir que l’anticipation et l’accompagnement sont mes meilleurs chances de réussir le retour à la vie libre, autant que parmi les politiques, qui prétendent lutter comme les effets désastreux des libérations non préparées, sans perspective de logement ni d’emploi. Dans le quotidien des prisons françaises, la préparation à la sortie demeure pourtant parcellaire, inégalitaire, aléatoire et arbitraire. Ce décalage est d’autant plus perceptible par tous ceux qui vivent et travaillent en prison. En effet, il y a, derrière ces objectifs assignés à l’institution carcérale, et au premier chef, aux services pénitentiaires d’insertion et de probation, l’espoir, pour les détenus, d’abréger la privation de liberté et de sortir dans des conditions acceptables ; et la certitude, pour les personnels de surveillance, que la perspective ouverte aux condamnés de se projeter dans un avenir libre permet de diminuer tensions et violences en détention. La possibilité pour une personne libérée de vivre de manière « responsable et exempte de crime » suppose que sa libération ne soit plus synonyme de précarité sociale, d’exclusion civique, d’interdictions professionnelles et de stigmatisation perpétuelle.