6. Caractéristiques de la population des détenus de Champ-Dollon
La prison de Champ-Dollon étant une prison préventive, la plupart des détenus n’y restent que quelques jours. La moitié des détenus restent moins de huit jours, le quart moins de 24 heures et en une année 98% de la population carcérale se renouvelle. La durée de séjour moyenne de 35 jours n’est pas très représentative, car elle englobe des incarcérations de longue durée, comme les séjours pour infraction à l’article 43. Il découle de ces courtes durées d’incarcération une certaine difficulté à établir des caractéristiques précises de la population carcérale de Champ-Dollon, surtout en ce qui concerne les critères médico-psychologiques et sociaux.
On compte environ 10% de détenues de sexe féminin et environ 80% de détenus de nationalité étrangère. Cette dernière proportion est stable depuis plusieurs années, avec des variations de nationalité à l’intérieur du groupe des étrangers. Ces dernières années, à la faveur de la guerre dans les Balkans et de l’immigration consécutive à la chute du rideau de fer, les populations de l’ex-Yougoslavie se trouvent les plus représentées.
Un tiers des détenus sont de religion musulmane (1). L’âge moyen est de 30 ans (médiane 28 ans), les détenus sont majoritairement célibataires (61%), la moitié sont récidivistes, et le motif principal d’incarcération est le vol (40%) (12).
De 1983 à 1987, on a aussi mis en évidence, par des questionnaires distribués le dixième jour de l’incarcération, le fait que 35% des détenus présentaient un problème de drogues et que 15% consommaient des drogues dures presque tous les jours (12). En 1987, 33% des patients du service médical de Champ-Dollon présentaient anamnestiquement une toxicodépendance aux opiacés, aux médicaments, à la cocaïne, au cannabis, ou autre. Toujours selon ces questionnaires, 20% des détenus présentaient une anamnèse récente ou une symptomatologie actuelle d’affection psychiatrique, et 14% avaient déjà fait une tentative de suicide en liberté. 30% absorbaient des médicaments tranquillisants très fréquemment ou régulièrement ; 37% consommaient des somnifères et 49% des analgésiques. 20% disaient avoir un problème d’alcool, 66% étaient des fumeurs et 30% avaient fait au moins une visite à un médecin généraliste dans les trois mois précédant l’incarcération.
On considère que la population carcérale est en moins bonne santé que la population libre du même âge, de par la situation de précarité dans laquelle elle se trouve souvent, la mauvaise hygiène de vie, la violence qui s’attache souvent à son quotidien, une certaine désinsertion sociale et familiale, et une toxicodépendance intraveineuse fréquente.
Les plaintes seront souvent du type psychosomatique ou psychiatrique, mais aussi somatique (suite de blessures ou abcès, dentition délabrée). Le médecin, quant à lui, pourra mettre en évidence des maladies infectieuses telles que la tuberculose, le HIV, des hépatites ainsi que des troubles réactionnels à l’incarcération se manifestant le plus souvent par un état dépressif ou des réactions d’automutilation équivalant à un appel à l’aide (9). Les chiffres cités plus hauts sont certainement un bon indicateur de la réalité, mais sont à prendre avec une certaine distance, car ils ne concernent que les détenus demeurant depuis plus de 10 jours à la prison, et datent d’environ 15 ans. Un nouveau pointage systématique de telles données médico-sociales serait à entreprendre.