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Cellule 223. Vendredi 12 h 30.

Mise en ligne : 12 septembre 2003

Dernière modification : 15 mai 2005

Texte de l'article :

« Cellule 223. Vendredi 12 h 30.
Cellule 223. C’est là que j’habite, c’est là que je t’attends. Au moment de décrire un peu pour les yeux de ton cœur, j’y renonce. Décrit-on une cellule, cet étau de béton de fer et de contraintes aux dents féroces qui mordent l’âme et le corps, et ou seulement ce qui vient de l’extérieur a le pouvoir de faire de la lumière ? Ça ne voudrait rien dire que je dise le lit solitaire, le lavabo, le placard, l’exiguïté, le mur-souffrance le gris-misère jaune pisseux sur lequel j’ai collé ma joie à moi, mes rêves, mes peintures, mais beautés , surtout celles qui me viennent de toi, et les romans de couleurs et d’espoirs vu à travers le prisme de ton âme et de ton corps... Que j’attends. D’ailleurs là ne résident pas essentiellement le sens et le but de ma description. Même ceux qui ont visité les prison de long en large n’ont rien compris à la vie carcérale, à ce qui s’inscrit dans le psychisme d’un détenu et jusqu’en chacune de ces fibres. Parcourir un couloir propre, un atelier fonctionnel, un terrain de sport, des cuisines rutilantes, des cellules acceptables, ça ne donne aucune idée de ce qu’est une longue peine de prison. Pour moi tout cela n’a pas de signification propre si je n’y ajoute l’invécu d’hier et le vécu d’aujourd’hui. Ça ne voudrait rien dire sans tout le reste : les longues saisons d’inamour, le soleil qui me manquait de toi avant de te connaître, la solitude pourtant déjà habituée de toi malgré l’enfer des autres et, pire, celui du système fait pour briser, contre lequel il faut lutter de toutes ses forces pour rester un homme debout.

Ce qui vient sous ma plume à cet instant où je te fais partager mon parcours, de la cellule 223 ans.. à toi que je vais retrouver toute à l’heure dans ce parloir à quatre mains, à deux cœurs, c’est le voyage que fait chaque détenu vers le seul endroit de la prison où il se retrouve presque entier. Personne ne peut appréhender cela qui ne l’a vécu ! Même le jour et l’heure ne veulent plus rien dire. Regarde, mon amour, aujourd’hui le monde autour de nous en est à vendredi 12 h 30. Mais nous ? »

Extrait du Mémoire "Ecrire pour survivre" de Anne-Julie Auvert