Après la détection en Chine, à la fin du mois de décembre 2019, de cas groupés de pneumonie d’étiologie inconnue, l’Organisation mondiale de la santé a confirmé le 9 janvier 2020 qu’un nouveau type de coronavirus isolé était responsable de ces cas. Il est désigné sous le nom de covid19. L’OMS a déclaré que ce virus constituait une « Urgence de Santé Publique de Portée Internationale » et que le risque de propagation internationale de la maladie était élevé.
Après l’identification des premiers cas en France, une série de mesures ont été prises (interdiction des rassemblements de plus de 100 personnes, fermeture des lieux accueillant du public non indispensable à la vie de la Nation, mesures d’hygiène et de distanciation sociale, puis à compter du 16 mars 2020, confinement de l’ensemble de la population).
Dans ce contexte, de multiples cas de contamination au covid-19 ont été identifiés au sein de quasiment tous les établissements pénitentiaires en France tant au niveau des prisonniers qu’au niveau du personnel pénitentiaire.
Des avis peu suivis par l’Administration Pénitentiaire
Dans un avis du 17 mars [1], le contrôleur général des lieux de privation de liberté, après avoir souligné les conditions de promiscuité et de surpopulation prévalent dans les lieux de privation de liberté, a demandé à ce que des mesures immédiates et concrètes soient prises pour la protection des personnes privées de liberté.
Le 20 mars 2020, le Comité de prévention contre la torture a souligné que « les autorités devraient recourir davantage aux alternatives à la détention provisoire, aux peines de substitution, à la libération anticipée et à la mise à l’épreuve [2] ».
Le CGLPL, le Défenseur des droits et de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) ont signé une tribune commune [3] appelant l’État à respecter en urgence l’encellulement individuel :
L’Etat ne peut pas plus longtemps surseoir à la recherche de l’encellulement individuel que la loi lui a, à de nombreuses reprises, imposé en vain. C’est la condition nécessaire pour que l’on puisse considérer que les personnes détenues sont confinées à l’instar de toute la population, et non simplement « entassées ».
Le 25 mars, la Haute-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme Michelle Bachelet, a « exhort[é] les gouvernements et les autorités compétentes à travailler rapidement pour réduire le nombre de personnes en détention [4] ».
Le 27 mars, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme et l’OMS ont publié des directives conjointes concernant la situation des personnes détenues dans le contexte de l’épidémie de covid-19 en vue d’améliorer la prise en charge sanitaire et en mettant en place des mesures de prévention au bénéfice des personnes détenues, de leurs familles et des personnels pénitentiaires [5].
Des juridictions administratives passives
Si on peut se féliciter que certains magistrats de l’ordre judiciaire ont pu libérer des prisonniers tant détenus dans le cadre d’une détention provisoire que des prisonniers incarcérés en exécution d’une peine, il est à regretter que les juridictions administratives n’aient pas ordonné davantage la protection des prisonniers.
En effet, des prisonniers de métropole et des dom-tom ont pu saisir le juge administratif afin que celui-ci ordonne à l’administration pénitentiaire qu’elle fournisse des masques, des gants, du gel hydroalcoolique.
Malheureusement, une seule juridiction, le tribunal administratif de la Guadeloupe, a ordonné que l’administration pénitentiaire fournisse gants et maques au prisonnier du centre pénitentiaire de Ducos notamment dans le cadre de la distribution des repas ainsi que des tests de détection.
L’Administration Pénitentiaire non réactive face au risque d’infection des prisonniers
Or, d’une part, les prisonniers, eu égard aux conditions de détention favorisant la promiscuité et la circulation du virus, sont dans des « clusters » à covid19, et d’autre part, ils sont, au sens de la jurisprudence de la cour européenne des droits de l’homme et du Conseil d’Etat, vulnérables, en ce qu’ils sont soumis à l’entière dépendance de l’administration.
Aussi, l’absence de réactivité de l’Administration Pénitentiaire et les tergiversations ldu gouvernement (un coup, les masques sont inutiles, un coup ils le deviennent) sont autant de risques portés à la santé des prisonniers en ce que manifestement, les établissements pénitentiaires n’étaient pas prêts à faire face à un tel virus et au défi sanitaire qu’il représente.
Autant de preuves que les établissements pénitentiaires sont des lieux où la santé prodiguée y est moindre, où la surpopulation endémique y est un fléau, et où les prisonniers ne sont nullement la priorité des responsables politiques alors qu’ils sont, en étant enfermés, encore plus à risque d’être contaminés et d’encombrer les services de réanimation eu égard aux facteurs de co-morbidité dont ils sont les plus souvent atteints.
Par ailleurs, pour garantir confinement et gestes barrières, l’encellulement individuel, prévu depuis 1875, doit être respecté.
Enfin, depuis le début de l’épidémie, plus de 6000 prisonniers ont été libérés en raison du risque sanitaire engendré par la promiscuité et les facteurs de co-morbidité. C’est donc déjà la preuve que 6000 prisonniers n’avaient pas leur place en détention, les incarcérations prononcées n’étant pas la seule réponse pénale possible.
Aussi :
Ban Public demande à ce que l’administration pénitentiaire fournisse gants, masques et produits désinfectants nécessaires pour assurer un maximum de protection des prisonniers.
Ban Public demande également que les prisonniers, s’ils doivent être maintenus en détention, soient dans des cellules individuelles.
Ban Public demande la remise en liberté du plus grand nombre possibles de condamnés.