Le requérant purge actuellement une peine de dix ans d’emprisonnement au sein de l’établissement pénitentiaire d’Arad (Roumanie) pour escroquerie. Il fait valoir que ses conditions de détention dans cette prison constituent une violation des articles 3 et 8 de la Convention notamment en raison de la présence d’une décharge d’ordures se trouvant à 18 mètres de la prison, résultant en la présence de fortes odeurs pestilentielles et de nuisances olfactives pour les détenus, allégations étayées par plusieurs études environnementales. D’après le requérant, des mouches, des insectes et même des oiseaux volent de l’ancienne décharge jusque dans sa cellule, ce qui représente un risque d’infection, compte tenu aussi du fait que les détenus gardent de la nourriture dans la cellule, laquelle ne dispose pas d’un réfrigérateur.
"La Cour admet qu’en l’espèce rien n’indique qu’il y ait eu véritablement intention d’humilier ou de rabaisser le requérant. Toutefois, l’absence d’un tel but ne saurait exclure un constat de violation de l’article 3. La Cour estime que les conditions de détention en cause, que le requérant a dû supporter pendant plusieurs années, n’ont pas manqué de le soumettre à une épreuve d’une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention. Partant, elle considère qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention."
"Tout en notant que l’état de santé du requérant ne s’est pas dégradé du fait de la proximité de l’ancienne décharge d’ordures, la Cour estime que cet élément ne peut pas mener, à lui seul, à la conclusion de l’inapplicabilité de l’article 8. En effet, elle considère qu’au vu des conclusions des différentes études et de la durée pendant laquelle le requérant a subi les nuisances en cause (7 ans), la qualité de vie et le bien-être de l’intéressé ont été affectés d’une manière qui a nui à sa vie privée et qui n’était pas une simple conséquence du régime privatif de liberté. A cet égard, la Cour relève que le grief du requérant porte sur des aspects qu’elle a déjà examinés au regard de l’article 8, qui dépassent le cadre des conditions de détention proprement dites et qui concernent par ailleurs le seul « espace de vie » (ici, sa cellule) dont l’intéressé dispose depuis plusieurs années. La Cour estime donc que l’article 8 trouve à s’appliquer en l’espèce."
Dans la mesure où les autorités savaient que le fonctionnement de cette décharge, en activité de 1998 à 2003, posait problème, même après son activité car de nombreuses entreprises mais aussi des particuliers, ont continué à y déverser des déchets mais qu’elles n’ont rien fait pour y remédier, la Cour considère qu’il y a eu violation de l’article 8. La décharge ne respectait en effet pas les règles en vigueur (distance minimale de 1000 mètres prévue entre la décharge et des locaux d’habitation, nécessité d’obtenir des autorisations locales chargées de la protection de l’environnement...). En l’espèce les nombreux rapports d’étude faisaient état de rats et mouches, des valeurs dépassées (taux d’ammoniac notamment) même à basse température (14°), d’un air fortement pollué, et d’une absence de travaux de couverture du site avec de la terre. Les autorités roumaines ne donnant pas d’informations sur l’avancée éventuelle de travaux, il y eut violation de l’article 8.