4. La conduite de la mission : le programme de travail
La mission étant à la demande de deux ministres, un soin tout particulier a été porté pour la conduire de façon équilibrée entre les deux ministères et les structures sous leurs responsabilités qui n’ont pas une position symétrique face au problème du suicide et à sa prévention. Si les suicides ont toujours lieu en détention, sauf en cas d’hospitalisation, le positionnement des différents et nombreux acteurs pour concevoir, organiser, réaliser, évaluer et assurer les résultats de la prévention, est relativement complexe.
Cette mission vient à la suite de plusieurs missions, inspections, rapports, enquêtes et publications sur le milieu pénitentiaire, la santé des détenus et les mesures à prendre pour conduire des améliorations. L’absence d’une inflexion du nombre de suicide malgré la multiplicité des documents, des textes réglementaires, des actions engagées, conjuguée à la pression exercée par le regard soutenu des médias sur ce phénomène crée une forte tension.
En raison de ce contexte, la mission a été conduite pour mettre en avant les points forts et les points faibles de tout ce qui est déjà fait mais aussi pour préparer, au mieux, les changements à conduire dans les années suivantes, si les propositions de ce rapport sont acceptées. L’objectif, au-delà d’un bilan statique, est de susciter une dynamique qui est déjà initiée dans la lettre de mission.
4.1. L’examen des documents
Les documents relatifs au suicide et à sa prévention et à l’évaluation des actions mises en place des actions constituent une masse documentaire impressionnante. Un dossier rassemblant ces éléments nous a été remis par la DAP le 29 janvier 2003.
Un dossier comportant les textes et actions conduites par le ministère de la santé a été remis par la DHOS et la DGS le 16 avril 2003. Il a été complété par les rapports d’activité, 2001 et parfois 2002, et les projets de service des SMPR.
De nombreux documents nous ont été remis lors de nos visites et des auditions. Ce sont, par exemple, les documents créés par les établissements pénitentiaires et leurs partenaires sanitaires et sociaux. Le monde associatif a produit aussi de nombreux textes et supports à destination des personnes détenues et de leur famille et entourage.
Plusieurs détenus nous ont apporté spontanément une contribution, ayant été informés de notre mission. Qu’ils soient remerciés pour ces témoignages émouvants et très précis.
Tous les textes mis à notre disposition ne font pas l’objet d’une description et d’une analyse dans ce rapport dans la mesure où leur champ n’était pas immédiatement en lien avec la prévention du suicide. Il en est de même des documents qui ont été cités souvent à de nombreuses reprises en raison de leur valeur dans les missions et groupes de travail précédents.
Nous avons examiné aussi les documents étrangers sur ce thème et choisi de présenter des extraits traduits afin de montrer le niveau d’avancement de quelques pays.
4.2. Les auditions
Les auditions ont été réalisées soit à la demande des personnes qui ayant été informées de la mission nous ont contacté spontanément soit elles l’ont été à notre initiative. Le nombre de personnes désireuses de s’exprimer sur le sujet nous a semblé sans limite tant ce sujet est partagé par presque tous ceux qui jouent un rôle auprès des personnes détenues et de leur
famille.
D’une façon générale, les personnes auditionnées ont insisté sur de nombreux points convergents liés aux conditions de détention et aux lacunes dans le système de soins. Très peu nous ont fait des propositions ayant trait directement à la prévention du suicide, c’est-à-dire pouvant avoir une influence directe sur le taux de suicide.
La plupart ont insisté sur les contraintes liées au système et sur tout ce qui peut augmenter inutilement la souffrance des détenus. La réduction de ces facteurs importants est reprise dans nos propositions en sachant qu’ils ont été déjà largement inclus dans les rapports antérieurs.
Les informations recueillies lors des auditions sont incluses dans les commentaires ayant trait aux documents examinés et aux visites des établissements. Plus les personnes connaissent bien la vie des établissements, plus leurs points de vue sont nuancés et évitent toute généralisation.
4.3. Les visites d’établissement
Nous avons choisi les d’établissements à visiter selon les critères suivants :
- inclure chaque Direction régionale de la France métropolitaine ;
- associer maisons d’arrêt et centres de détention ;
- inclure des établissements anciens, et des établissements des programmes 13000 et 4000 ;
- de taille variable ;
- avec ou non des suicides dans les années précédentes ;
- étant ou non des sites pilotes pour la prévention du suicide.
Nous avons choisi de visiter 17 établissements afin d’examiner de façon itérative le processus de détection protection dans des contextes différents. La mission imposant de proposer des solutions applicables à l’ensemble des établissements pénitentiaires français et non aux seuls visités, la recherche des invariants tant du point de vue des points forts que
des points faibles a été l’objet essentiel des visites.
Mais les visites ont été surtout pour nous l’occasion de rencontrer des collectivités qui travaillent avec des missions et des conditions extrêmes. Cet aspect est le plus fascinant et le plus émouvant. Les facilités de contact qui nous ont été octroyées ont permis d’avoir des échanges très riches. A la fin de cette mission, nous devons avouer que notre vision du monde pénitentiaire, avant notre mission, était pauvre et d’une grande inexactitude.
Si certains des aspects de la vie en détention que nous avons constatés résonnent bien avec les stéréotypes, il nous était difficile d’imaginer que beaucoup de choses peuvent se passer pas trop mal et certaines pour le mieux. En revanche, sur le plan de la prévention du suicide, la mission nous a permis de repérer des anomalies jusque là non identifiées comme telles.