Le requérant, tétraplégique a été mis en examen le 25 novembre 2002 pour enlèvement et séquestration d’un mineur de quinze ans et il fut placé en détention provisoire le même jour à la Maison d’Arrêt (MA) de Nanterre. Le 04 mars 2005, la Cour d’Assises le condamna à purger une peine de 14 ans de réclusion criminelle assortie d’une période de sûreté de sept ans, peine ramenée en appel à 10 années de réclusion.
Il fut incarcéré à Nanterre du 25 novembre 2002 au 17 février 2003 où il a rencontré des difficultés quotidiennes d’ordre pratique (miroir et placards trop haut, absence d’aménagement spécifique pour accéder au bain de l’infirmerie, prêt d’un fauteuil vétuste et inutilisable du 31 janvier au 04 février 2003...).
Son psychiatre souhaitant par la suite qu’il soit suivi dans une prison adaptée aux personnes à mobilité réduite et comprenant un SMPR (Service Médico-Psychologique Régional), il fut transféré à la MA de Fresnes du 17 février au 11 juin 2003. Là, s’il a pu bénéficier d’une cellule adaptée, il argue que de part l’étroitesse des portes qui ne lui permettaient pas de passer avec son fauteuil, il ne pu accéder au secteur socio-éducatif et ne participa donc à aucune activité, fait confirmé par le Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation. Il ajoute qu’il a dû effectuer ses soins intimes en présence et à la vue directe de ses trois co-détenus.
Du 11 juin 2003 au 21 février 2005, il fut ensuite incarcéré à la MA de Cergy-Pontoise où il rencontra là aussi des difficultés d’accès à certains endroits, notamment pour se rendre aux enseignements ou à la bibliothèque, il devait faire appel à une tierce personne pour monter les escaliers et ne pu parfois pas s’y rendre, faute de personnel disponible pour l’aider.
Du 21 février 2005 au 21 mars 2006, le détenu fut transféré à la MA de Meaux-Chauconin, établissement particulièrement adapté aux personnes handicapées et contre lequel il n’est établit aucun grief.
Enfin, le 21 mars 2006, il fut transféré à la MA de Villepinte où il ne bénéficie selon lui plus de suivi médical et psychologique.
Eu égard à l’ensemble de ces éléments, la Cour EDH, après avoir rappelé que la Convention ne comprenait aucune disposition spécifique relatives aux personnes malades privées de liberté, a indiqué qu’il n’était pas exclu que la détention d’une personne malade puisse poser des problèmes sous l’angle de l’article 3.
Elle a indiqué que “dans la présente affaire se posent la question de la compatibilité de l’état de santé du requérant avec son maintien en détention pendant quatre mois dans un établissement [Fresnes] où il ne pouvait circuler seul et celle de savoir si cette situation a atteint un niveau suffisant de gravité pour entrer dans le champ d’application de l’article 3 de la Convention.”
Elle a retenu que “le fait que, pour passer des portes, le requérant ait été contraint d’être porté pendant qu’une roue de son fauteuil était démontée, puis remontée après que le fauteuil eut été passé l’embrasure de la porte peut en effet être considéré comme rabaissant et humiliant, outre le fait que le requérant était entièrement à la merci de la disponibilité d’autres personnes. […] En l’espèce, rien ne prouve l’existence d’une intention d’humilier ou de rabaisser le requérant. Toutefois, la Cour estime que la détention d’une personne handicapée dans un établissement où elle ne peut se déplacer et en particulier quitter sa cellule, par ses propres moyens constitue un « traitement dégradant » au sens de l’article 3 de la Convention. Dès lors, elle conclut pour cette raison à la violation de cette disposition.”