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La vie en prison à La Réunion : pas seulement une perte de liberté

Mise en ligne : 21 mars 2005

Dans le 53ème numéro de sa revue, intitulé “La population carcérale”, l’Observatoire du développement de La Réunion (ODR) consacre son étude sur une thématique relativement peu connue du grand public, celle du milieu pénitentiaire et des conditions de vie en détention de la population carcérale de La Réunion. L’ODR a choisi d’aborder cette question sous l’angle des actions et activités à destination des détenus durant leur période d’incarcération et en vue de leur réinsertion à leur sortie de prison. On lira ci-après le résumé, l’introduction et la conclusion de cette enquête.

Texte de l'article :

Conditions de vie en détention et préparation à la sortie ne peuvent être dissociées et font partie intégrante de la mission de réinsertion confiée au service public pénitentiaire. Tous les aspects qui ont trait aux conditions de vie en prison, que ce soit la santé et l’accès aux soins, la formation et le travail, ou encore les activités socio-culturelles et sportives, doivent être organisés dans l’optique de préparer au mieux la sortie de la personne détenue et sa réinsertion dans la société .
Depuis 1994, l’organisation des soins en milieu carcéral est prise en charge par le service public hospitalier, qui dispense les soins à l’intérieur des établissements pénitentiaires, mais aussi à l’extérieur. Pour la santé physique, il existe une Unité de consultations et de soins ambulatoires (UCSA) dans chaque prison ; concernant la santé mentale, c’est le Service médico-psychologique régional (SMPR) qui s’en charge.
Les acteurs de l’enseignement et de la formation professionnelle travaillent conjointement par le biais de programmes de lutte contre l’illetrisme et de remise à niveau, de formations de pré-qualification et qualification. Le travail en prison semble quant à lui davantage constituer un moyen de procurer une occupation aux détenus que de réellement leur permettre de préparer un projet de sortie.
Les activités socio-culturelles et sportives, ainsi que l’aide au maintien des liens familiaux et la pratique des cultes sont également des éléments nécessaires à l’amélioration des conditions de vie en détention, qui peuvent influer sur la réussite de la réinsertion.
Concernant leur réinsertion sociale et professionnelle, les personnes incarcérées peuvent préparer leur sortie avec un certain nombre d’acteurs institutionnels. La liberté retrouvée, elles doivent essayer de se réinsérer dans la société : retrouver un travail, un logement, renouer des liens familiaux et sociaux, avec l’aide d’associations et organismes.

Surpopulation carcérale

Les prisons françaises sont surpeuplées : au 1er avril 2004, les établissements pénitentiaires disposent de 48.572 places effectives pour 62.569 personnes écrouées détenues  [1]  ; il manque de ce fait 13.997 places sur l’ensemble du territoire, outre-mer inclus.
Selon un rapport du Sénat, si la situation est préoccupante sur l’ensemble du territoire, outre-mer inclus.
Selon un rapport du Sénat, si la situation est préoccupante sur l’ensemble du pays, elle l’est encore plus dans les départements et collectivités territoriales d’Outre-mer. Au 1er janvier 2002, le taux d’occupation de leurs établissements pénitentiaires s’élève à près de 129%. La Réunion n’est pas épargnée par ce constat : en 2002, les trois établissements pénitentiaires de l’île (le centre pénitentiaire  [2] du Port, ainsi que les maisons d’arrêt  [3] de Saint-Denis et de Saint-Pierre) connaissent des taux d’occupation compris entre 143 et 172%. En 2002, 1.040 détenus sont en moyenne dénombrés sur les trois établissements pénitentiaires de La Réunion, dont 688 au centre pénitentiaire du Port [4].
Accentuées par les problèmes de surpopulation et de promiscuité dans les cellules, les conditions de vie en détention sont difficiles : de nombreux rapports (rapports parlementaires, ...) et visites de contrôle (Commission de surveillance, ...) en témoignent et l’ont dénoncé. En entrant en prison, les détenus ne perdent pas seulement leur liberté, ils sont également atteints dans leur intégrité morale et physique ; agressions sexuelles, phénomènes de racket, humiliations,... peuvent faire partie de leur quotidien.

Dispositifs de droit commun pour les détenus

Toutefois, un certain nombre d’activités et d’actions proposées aux détenus contribue à atténuer les effets de la surpopulation et joue un rôle prépondérant dans la préparation à la sortie. Depuis la loi du 22 juin 1987 relative au service pénitentiaire, la peine de prison est réduite à la privation de liberté ; le service pénitentiaire se doit de favoriser la réinsertion des détenus en améliorant les conditions de vie en détention.
L’ODR a choisi d’aborder le thème de la population carcérale en examinant les conditions de vie en détention sous l’angle des actions à destination des détenus, lors de leur incarcération et en vue de leur réinsertion.
Dans un premier temps, les différents aspects des conditions de vie en détention seront présentés au travers de la santé et de l’organisation des soins, puis de l’enseignement, de la formation et du travail, et enfin des activités socio-culturelles, sportives, culturelles et des liens familiaux.
Dans un second temps, l’étude abordera les questions liées à la réinsertion sociale et professionnelle des détenus à leur sortie de prison.
En permettant aux détenus d’accéder à des dispositifs de droit commun, la loi du 22 juin 1987 a profondément changé les orientations de l’administration pénitentiaire. La réforme de l’accès aux soins, l’importance accordée à l’enseignement et à la formation professionnelle, le développement des activités socio-culturelles et sportives constituent autant de preuves tangibles de l’amélioration progressive des conditions de vie en détention, même si elles demeurent encore difficiles, notamment du fait de la surpopulation et souvent de la vétusté des locaux. La réalité de la réinsertion, tant sociale que professionnelle, reste quant à elle très difficile à mesurer.

Le chemin à parcourir est encore long

Ainsi, malgré l’ampleur du travail fourni par les institutions et les associations, le chemin à parcourir est encore long pour tendre vers de meilleures conditions de vie en détention. En atténuant quelque peu les problèmes liés à la surpopulation actuelle des prisons réunionnaises, le projet de construction de la nouvelle prison sur le site de Domenjod devrait y contribuer ; mais cela sera-t-il suffisant ?
Un recours plus intense aux mesures alternatives à l’incarcération, comme le préconise la loi Perben II, serait une des solutions appropriées pour d’une part, désengorger les prisons et de ce fait atténuer les effets de surpopulation et de promiscuité, et d’autre part, éviter une exclusion sociale source de récidive.
Le placement sous surveillance électronique constitue une des alternatives possibles à l’emprisonnement. Prévu par la loi du 19 décembre 1997 et mis en place dans l’Hexagone depuis 2000, le dispositif est entré en vigueur à La Réunion au début du mois de février 2005, avec l’introduction de vingt bracelets électroniques.

Source : ODR numéro 53 : La population carcérale
Publication : Témoignages

Notes:

[1] “Les chiffres clés de l’administration pénitentiaire”, direction de l’administration pénitentiaire, mai 2004

[2] Un centre pénitentiaire est un établissement mixte qui comprend au moins deux quartiers à régimes de détention différents (maison d’arrêt, centre de détention ou maison centrale). Le centre pénitentiaire du Port comprend les trois

[3] Une maison d’arrêt reçoit les prévenus ainsi que les condamnés dont le reliquat de peine est inférieur à un an

[4] Site Internet de la Préfecture de La Réunion