Le détenu est prêt pour la récidive aggravée
Interview du Pasteur Jean Hoibian, fondateur de l’ARAPEJ (Association, Réflexion, Action, Prison, Justice)
La pénitentiaire est un service public à qui l’on assigne deux fonctions : 1- Garder enfermés les hommes et les femmes que la justice condamne à la privation de liberté. Le personnel pénitentiaire est formé pour garder, surveiller, organiser, éviter évasion et suicide, maintenir ordre et discipline (…) 2- Préparer les détenus à la réinsertion sociale. Et là, je me permets de dire que c’est un échec retentissant. Le personnel n’est pas formé, pas qualifié pour ce travail (…). Il y a bien sûr des exceptions remarquées et remarquables. Mais elles confirment la règle. La prison ne réhabilite nullement l’homme ou la femme sous le coup d’une condamnation. Au contraire, très souvent, le détenu s’y pourrit et sort aigri, révolté, ayant souffert pour rien : il est prêt pour la récidive aggravée.
À la ministre des prisons
Thierry LEVY – Avocat – Président de la section française de l’Observatoire International des Prisons (OIP). Le Monde – 6 juillet 2000
En vingt-cinq ans, le nombre de détenus a doublé et votre décision de construire des prisons neuves favorisera une nouvelle augmentation que vous ne semblez pas déterminée à empêcher, dès lors que vous écartez la règle de "une cellule, un détenu". Tout indique que vous laisserez se développer en France le pire des modèles, celui de l’Etat pénal américain, fondé sur une idéologie ultralibérale (...). En France, 90% de la population carcérale n’a pas de sang sur les mains. Dans sa grande majorité, elle est issue des milieux sociaux les plus démunis (...). Cette situation n’est pas nouvelle. Elle est apparue dans l’institution historiquement récente de la prison comme peine universelle fondée sur une utopie apparemment généreuse - celle de l’emprisonnement rédempteur - dont l’échec est patent. Cet échec a engendré une conséquence paradoxale que chacun découvre à sa première visite en prison : le but de la réinsertion ne pouvant pas être atteint, le seul objectif auquel les membres de l’institution sont appelés à concourir, sous peine de sanctions, est celui de la sécurité. (…) Au nom de quel principe encore supportez-vous à l’encontre de certains condamnés la prolongation de l’isolement durant des mois et parfois des années alors que cette mesure constitue, de l’avis unanime, une torture générant des infirmités morales, mais aussi physiques, irréparables ? (...) Réduire la longueur des peines, installer le droit en prison sont les tâches les plus urgentes. Elle sont à la portée de la réformatrice que vous affirmez être et n’ont aucun besoin de l’imagination glacée des bâtisseurs de prisons neuves. Ces constations justifient pleinement la nécessité d’une nouvelle pensée sur les conditions d’exécution de cette sanction majeure et la plus souvent inutile qu’est la privation de liberté.
La peine injuste
Henri LECLERC – Avocat au Barreau de Paris Président de la Ligue des Droits de l’Homme - 1997
"(…) Puisque nous sommes incapables d’inventer une autre réponse au crime, faisons en sorte, au moins, comme le voulaient nos pères constituants de 1789, que les peines soient toujours "strictement et évidemment nécessaires".