Le travail à l’ombre en pleine lumière
Une ex-détenue pose la question de la rémunération du travail en prison.
Violette Martinez définit elle-même son combat « de pot de terre contre le pot de fer ». Détenue pendant deux ans et demi à la prison des Baumettes, à Marseille, elle avait, à sa sortie, assigné devant le conseil de prud’hommes de Marseille une des sociétés « concessionnaires » de l’administration pénitentiaire, pour laquelle elle travaillait. S’étant vu confier la tâche spécifique de « contrôler la qualité » des objets manufacturés par les détenus, avec, selon la satisfaction des clients, des primes et même des sanctions possibles, elle demandait simplement à être payée au SMIC normal (7,19 euros) contre le SMIC horaire en maison d’arrêt (3,10 euros). Mais le conseil de prud’hommes, - estimant que l’entreprise concernée n’était pas l’employeur de Mme Martinez et que cette dernière n’avait pas le statut de salariée, s’est déclaré, hier, incompétent.
« Légalement, indique Me Jean-Marc Montanaro, avocat de Violette Martinez, il n’existe pas de contrat de travail en milieu carcéral. La raison en est que l’administration pénitentiaire impose aux sociétés concessionnaires des détenus et des salaires sans possibilité de choix. » Philippe Chabeaudy, collaborateur du gérant de la société mise en cause, assure que « depuis dix-sept ans, c’est l’administration qui définit le cadre du travail et met à notre disposition des détenus ». Leur nombre varie, mais est « en moyenne sur l’année de dix personnes », pour une « petite » société qui compte quinze salariés. Sans contrat de travail, c’est au tribunal administratif de statuer en cas de litige et non au conseil de prud’hommes, ainsi que le jugeait en 1996 la Cour de cassation. Cette thèse est défendue par l’avocat de la société.
Sauf que dans le cas de Mme Martinez, « on se trouve avec une société qui la choisit précisément pour effectuer une fonction donnée, fixe son poste, sa cadence de travail, sa rémunération plus d’éventuelles primes, la fait travailler sous la direction d’un contremaître de la société, et qui, in fine, est le bénéficiaire économique du travail. C’est-à-dire que nous avons tous les critères du contrat de travail », explique l’avocat de la victime. Philippe Chabeaudy préfère insister sur « le rôle social » de cette activité « qui demande une implication de l’entreprise, car il faut adapter notre travail aux détenus et être proche d’eux ». Il précise cependant que « les détenus réalisent de l’ordre de 15 % du chiffre d’affaires total de l’entreprise. »
« Je suis contente d’avoir posé le problème », a déclaré Violette Martinez, qui estime « qu’en prison, on traite les gens comme des serfs ». Son avocat a fait appel devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence.
Cyrille Poy
Source L’Humanité