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Type : PDF

Taille : 4.4 Mo

Date : 21-04-2011

Médiateur de la république — Rapport annuel 2010

Mise en ligne : 22 avril 2011

Texte de l'article :

 Les délégués défendent les droits des détenus en prison (p60-61 )

 

Parce que la privation de liberté ne doit pas s’accompagner d’une privation d’accès au droit des détenus, les délégués en milieu carcéral assurent des permanences régulières ou des visites au cas par cas au sein des prisons. Soins, gestion des objets personnels ou renouvellement de titre de séjour, les dossiers traités par les cent cinquante délégués du Médiateur ont élargi le champ d’accès au droit des détenus en permettant de régler des litiges avec les services publics – y compris avec l’administration pénitentiaire – qui, auparavant, ne trouvaient pas forcément d’exutoire. Couronnée de succès, la généralisation de l’expérience, démarrée en 2005 et consacrée en 2009 par la loi pénitentiaire, offre désormais à plus de soixante mille détenus un accès direct à un délégué du Médiateur.

Un facteur d’apaisement

De nombreux directeurs d’établissement constatent que l’intervention des délégués, au-delà même du traitement des affaires, est un facteur d’apaisement et de réduction des tensions en raison de leur disponibilité et de leur écoute des détenus. Petit litige ou problème lourd, il n’y a pas de question insignifiante en prison. Les directions de l’administration pénitentiaire ont compris que l’intervention du délégué était susceptible de déminer des conflits latents, de calmer un détenu qui retrouve confiance parce que sa parole est entendue et prise en compte. Au-delà de ces éléments mesurables, c’est aussi le signe d’une reconnaissance mutuelle entre l’administration pénitentiaire et l’Institution du Médiateur de la République. Pour bon nombre d’entre eux, les délégués découvrent que l’administration pénitentiaire a fait de considérables efforts de renouvellement, notamment sur le plan de ses ressources humaines et de ses méthodes de travail depuis plusieurs années. Réciproquement, les délégués ont su se faire admettre dans le paysage de l’administration pénitentiaire et faire reconnaître la valeur ajoutée de leur intervention. Cette reconnaissance croisée facilite aujourd’hui les conditions d’un meilleur dialogue entre administration et détenus. Fin 2010 ne subsistent vraiment que deux points de blocage : l’absence de point d’accès au droit dans un certain nombre d’établissements et les difficultés persistantes des relations avec les préfectures pour le renouvellement des titres de séjour de détenus.

L’accès aux soins des détenus

S’il est admis que les détenus disposent des mêmes droits que tout autre patient, en termes de dignité, de non-discrimination, d’information, de consentement, de secret et de confidentialité ou d’accès au dossier médical, ils peinent à accéder aux consultations spécialisées ou aux examens médico-techniques destinés à engager ou à poursuivre une investigation diagnostique. Par ailleurs, ils doivent faire preuve de beaucoup de patience pour se voir doter des appareillages (lunettes ou prothèses dentaires, notamment) auxquels ils peuvent prétendre. Le Pôle Santé et Sécurité des Soins mise sur la signature prochaine de conventions spécifiques rapprochant localement les établissements hospitaliers et pénitentiaires ainsi que des professionnels, opticiens, dentistes.

Vers une meilleure défense des droits des détenus

• 164 sites pénitentiaires, 63 de ces sites disposant d’une permanence régulière, les 101 autres étant desservis au cas par cas.
• 150 délégués (soit près de la moitié de l’effectif total du réseau) sont actuellement impliqués dans ce programme.
• 61 300 détenus (dont 3 645 en outre-mer) bénéficient d’un accès direct à un délégué du Médiateur.
• 3 595 demandes traitées par les délégués en 2010.


Espace témoignage
 

* « Je suis devenu celui qui met de l’huile dans les rouages. »

« J’assure deux permanences pénitentiaires depuis cinq ans à Poissy, auprès de criminels condamnés à de longues peines, et à Bois-d’Arcy, auprès d’une population jeune. Quand je suis arrivé en milieu carcéral, je ne connaissais rien à ce milieu si ce n’est certains clichés relayés par la télévision. J’ai découvert qu’au-delà même de la privation de liberté, tout devient une épreuve quand on est détenu. Problèmes de Sécurité sociale, de retraite, d’allocations familiales... les démarches administratives déjà laborieuses pour un simple usager se transforment en parcours du combattant. À nous d’instruire le dossier et de recueillir les éléments de preuve pour pouvoir apprécier la situation. Le manque fréquent de pièces écrites nous conduit à la prudence : impossible d’être péremptoire face à l’administration quand la réclamation se fonde uniquement sur la parole du détenu ; il faut faire preuve de circonspection pour ne pas nous faire instrumentaliser. Mais nous restons totalement indépendants. Nous écoutons le détenu comme l’administration, puis nous apprécions la situation en essayant d’identifier une solution de compromis acceptable dans le cadre de la loi. Au départ, le rôle des délégués n’était pas forcément clair pour l’administration pénitentiaire ; chacun était un peu circonspect. En à peine une année, notre prudence a laissé place à la confiance. Avec les détenus, il faut asseoir son autorité autant par le calme que par la fermeté, deux facteurs de confiance. L’administration pénitentiaire joue le jeu. À Poissy, après avoir écouté les requêtes qui remontaient soit par les médiations soit en direct, tous les processus internes ont été revus : la fouille, les nouveaux arrivants, les achats extérieurs, le vaguemestre, les parloirs. Ce sont de petites évolutions mais qui se révèlent essentielles dans ce milieu fermé de la prison, véritable caisse de résonance où, s’il n’est pas désamorcé, le moindre incident devient vite un problème grave en puissance. » - Pierre Maurice, délégué en milieu carcéral


* Un traitement vital interrompu

Lors d’une réunion d’information au quartier des arrivants de la maison X., un détenu insulinodépendant fait part à la déléguée des difficultés qu’il a rencontrées au moment de son incarcération. Son état de santé lui impose de contrôler son taux de glycémie avec du matériel adapté et d’en prendre note pour ajuster la quantité d’insuline en fonction de l’évolution de ce taux. Lors de son incarcération, il n’avait ni son matériel médical ni son insuline. Il a vu le médecin attaché à la maison d’arrêt dès le lendemain de son incarcération, mais a dû attendre plusieurs jours avant d’obtenir ces doses d’insuline alors que rester sans traitement présentait un risque majeur de coma diabétique.


* Des effets de double peine

Retraite, attribution d’un droit ou d’une allocation, contestation d’une imposition, les détenus se heurtent souvent aux mêmes difficultés administratives qu’à l’extérieur de la prison mais sans la latitude d’agir, faute de pouvoir faire les démarches ou de disposer des documents nécessaires pour faire valoir leurs droits.


* Le droit d’être père

Un détenu des Baumettes, père biologique d’une petite fille, essaie depuis un an de la reconnaître. Le juge aux affaires familiales (JAF) a été saisi par la famille et une audience se profile à l’horizon lorsqu’il saisit le délégué du Médiateur. Après avoir dressé un rapide inventaire de la procédure administrative « en cours », le délégué contacte le Parquet et relance la mairie territorialement compétente, qui se trouve être celle où il tient l’une de ses permanences. En accord avec la responsable de l’état civil, une date est fixée
pour l’intervention en détention. En janvier 2010, ce détenu, avec beaucoup d’émotion, peut enfin reconnaître sa fille.

 

Les droits de l’Homme en France, une priorité réaffirmée (p68-69)

 

Le Médiateur a confirmé en 2010 son engagement en faveur des droits de l’Homme, non seulement à l’échelle internationale mais également sur tous les lieux et les situations en France où se pose encore la question du respect du droit, pour en faciliter l’accès à tous ceux qui en sont le plus éloignés. En participant aux débats publics sur les grandes questions portées sur la scène politique, il a également contribué à ouvrir le dialogue sur les droits fondamentaux de nature à restaurer l’équité entre le plus fort et le plus faible.

Une forte implication en faveur des droits de l’Homme

Seul membre de droit de la Commission consultative des droits de l’Homme (CNCDH), le Médiateur de la République assure auprès du Gouvernement un rôle de conseil et de proposition dans le domaine des droits de l’Homme, participe activement aux travaux de la commission et émet des avis sur les propositions. Dans ce cadre, un véritable travail en concertation s’est établi à la CNCDH composée d’associations, de syndicats, defédérations professionnelles et de personnalités qualifiées. Le Médiateur de la République apporte entre autres l’expérience de son institution dans les rapports des particuliers avec les diverses administrations nationales et locales et collabore à la rédaction des avis et des études, recherchant le consensus sur les projets. En 2010, grâce à son expertise émanant du traitement des réclamations sur plusieurs thèmes d’actualité, il a contribué à l’ensemble des travaux de la Commission et notamment sur des sujets majeurs comme le projet de loi sur l’immigration, la loi sur le port du voile intégral ou la mise en oeuvre de la convention contre la torture. (...)

La fouille corporelle des détenus en question

Même si la Cour européenne des droits de l’Homme admet que des fouilles corporelles sont parfois nécessaires pour assurer la sécurité dans une prison, elle précise que les modalités de ces fouilles prévues par la circulaire du 14 mars 1986 ne sont pas, d’un point de vue général, inhumaines ou dégradantes. Après avoir recommandé en 2009 que le Gouvernement français adopte de nouvelles mesures en matière de fouilles corporelles, le Médiateur de la République française et la CNCDH ont fait une communication évoquant des insuffisances dans le cadre légal du régime des fouilles. À ce stade, des informations sont attendues sur la manière dont la mise en oeuvre de la nouvelle loi permettra de prévenir des violations similaires en tenant compte aussi des observations formulées par le Médiateur et la CNCDH, ainsi que sur d’autres mesures éventuellement prises ou envisagées afin d’éviter la répétition de la violation constatée, telles que, par exemple, instruction, circulaire, mesures de sensibilisation.

Visite de l’établissement pour mineurs de Nantes

Le Médiateur a visité le 8 avril 2010 l’établissement pénitentiaire pour mineurs (EPM) d’Orvault, près de Nantes. Cet EPM fait partie des nouveaux types de structures d’accueil des mineurs destinés à favoriser l’accompagnement des adolescents par une équipe pluridisciplinaire favorisant une meilleure prise en charge des jeunes âgés de 13 à 18 ans. La visite de Jean-Paul Delevoye entrait dans la volonté de prendre en compte l’ensemble de l’activité et des initiatives dans le domaine de la réinsertion. À l’occasion de ce déplacement, le Médiateur a souligné l’importance d’offrir des structures adaptées pour créer un décloisonnement entre tous les acteurs de la réinsertion. Ces établissements permettent en effet, par un travail transversal entre les éducateurs, les enseignants, la protection judiciaire et l’administration pénitentiaire, de trouver des solutions éducatives pour favoriser un meilleur rapport à la loi, apporter un soutien éducatif pour préparer les jeunes à leur sortie et contribuer à prévenir la récidive.