EPINAL. - Du mutisme à la parole libérée. Neuf jours après sa première présentation, Claude Gosselin s’est de nouveau retrouvé, hier, dans le bureau de la juge d’instruction spinalienne, Christelle Pouey-Santalou. Après une cavale sans sommeil et quarante-huit heures de garde à vue, l’auteur présumé du meurtre de Jacques Lerouge n’avait pas eu la force physique de s’expliquer (lire nos précédentes éditions). Il avait tout de même reconnu les faits avant d’être mis en examen pour assassinat. Cette fois, il s’est longuement exprimé.
Essentiellement pour réfuter la thèse de la préméditation retenue par les magistrats. « Il a clairement dit qu’il ne s’agissait en rien d’une forme de vengeance et qu’il n’avait jamais souhaité la mort de Jacques Lerouge », indique son avocate, Me Valérie Krebs.
Claude Gosselin souhaitait, dit-il, « provoquer une explication » dans l’espoir de « provoquer un scandale pour attirer l’attention des autorités ». En sortant de prison, après quatorze ans de détention, en mars 2005, l’ancien braqueur avait en effet travaillé quelques semaines pour le compte de l’aide aux personnes en voie de réinsertion (Aperi), l’association créée et dirigée par Jacques Lerouge. Il s’était alors plaint des conditions de travail sur le chantier du centre d’accueil pour détenus âgés que la victime voulait installer à Charmes. Plusieurs mois après avoir signalé au SRPJ de Nancy ce qu’il considérait être comme des abus, Claude Gosselin estimait ne pas avoir été entendu.
Voilà l’objet du litige. L’instruction devra dire s’il s’agit aussi du mobile. Le meurtrier présumé explique pour sa part que l’explication aurait dégénéré. Frappé à coups de chaise, il dit avoir trouvé un couteau dans la cuisine en tentant de s’échapper. Alors qu’il sortait, Jacques Lerouge se serait trouvé sur son chemin. Il reconnaît l’avoir frappé de plusieurs coups de couteau avant de s’enfuir. Et apporte un détail d’importance : selon lui, le fondateur de l’Aperi était vivant lorsqu’il l’a vu pour la dernière fois. Debout et plié en deux, mais vivant.
Des regrets aussi
Me Valérie Krebs attend désormais de l’instruction qu’elle permette de faire la lumière sur trois points. Les conditions de travail sur le chantier de l’Aperi que quatre anciens détenus affirment avoir dénoncées, tout d’abord. Les contradictions entre les déclarations de l’auteur présumé et du témoin de la scène du meurtre, ensuite. Le contexte et le mobile, enfin.
« Un parcours exemplaire de réinsertion »
EPINAL. _ L’émotion semble sincère. Dans les modestes locaux de l’association Envol 88, faubourg de Nancy, à Epinal, chacun s’accorde à saluer les qualités humaines de Claude Gosselin. Cet homme de 50 ans est pourtant accusé de l’assassinat de Jacques Lerouge, jeudi 16 février, à Charmes (lire nos précédentes éditions).
Sans excuser ni justifier son crime, ceux qui l’ont côtoyé prennent la défense de Claude Gosselin. « Ce n’est pas le monstre qu’on a bien voulu nous présenter », insiste Jean-Luc Thirion, le président de l’association qui avait recueilli cet ancien détenu, en mai 2005. Sorti de prison deux mois plus tôt après quatorze années de réclusion criminelle, il venait justement de quitter l’aide aux personnes en voie de réinsertion (Aperi).
A Epinal, Claude Gosselin avait réappris à vivre. « Il venait d’avoir son permis de conduire après quatre échecs, il était employé en contrat avenir dont notre structure, il était apprécié de tous, il devait prochainement faire des interventions auprès des jeunes dans les cités et les lycées... » Jean-Luc Thirion s’arrête. « Non, vraiment, on ne comprend pas. »
« Il était sensible », assure même Jacques Holzmann, un bénévole. « Il commençait à intégrer toutes les valeurs et toutes les normes de la société, il avait des projets d’avenir », ajoute Emilie Henry, la responsable du pôle social de l’association. « Son parcours de réinsertion était jusqu’alors exemplaire. »
B. B.
Source : Est républicain du 29/02/06