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122_LUNDI_9_fevrier_2009

Type : Word

Taille : 158 ko

Date : 24-02-2009

N° 122 ACP du 9 février 2009

Mise en ligne : 26 février 2009

Texte de l'article :

ACP N°122 ARPENTER le champ pénal
Paris, le 9 février 2009 

L’Hebdo sur les questions pénales et criminologiques
7ème année
Directeur de la publication : Pierre V. Tournier

 Je reviendrai, dans les prochaines semaines, sur le colloque du 3 février que j’ai organisé sur la formation et la recherche en criminologie, au siège national du CNRS. Ce colloque a rassemblé plus de 200 personnes, malgré les intempéries ... et la campagne d’intimidation, diffamatoire et injurieuse, menée contre moi, sur internet, par les responsables de la recherche au Ministère de la Justice, M. Laurent Mucchielli, directeur du CESDIP, M. René Lévy, directeur du GERN, M. Fabien Jobard, directeur du LEA et leur mentor honoraire, M. Philippe Robert.

 Je reviendrai aussi sur cette campagne éhontée, portée, un temps, par le site offficiel du CESDIP, car elle est très éclairante sur la situation des études et de la recherche, dans le champ pénal et criminologique, au sein même du Ministère de la Justice. Cette situation n’est pas sans conséquence sur le niveau effarant du débat public sur ces questions. Le « populisme pénal » des uns et le « gauchisme pénal » des autres, le « catastrophisme » des uns et « l’angélisme » des autres, saturent l’espace politico-médiatique de leurs logorhées démagogiques. Alors que faire ?
PVT

Un vendredi, au Palais.

« Raison et folie, deux ou trois choses que je sais d’elles »

Par Alain Cugno, professeur agrégé de philosophie

 Conférence d’ouverture des journées d’études de l’Ecole expérimentale de criminologie (Université Paris 1 & l’Estran), animée par Pierre V. Tournier sur « Maladies mentales, troubles de la personnalité et placement sous main de justice. Surveiller ? Sanctionner et/ou soigner ? Insérer ? », le vendredi 30 janvier 2009, au Palais de Justice de Paris.

 Autres intervenants de la journée : Bruno Gravier, psychiatre, professeur à l’Université de Lausanne, Eric Kania, psychiatre, SMPR des Baumettes, Marseille, Pierre Pélissier, magistrat, Conseiller à la cour d’appel de Versailles et Bernard Savin, psychologue, docteur en psychologie, responsable projet au Centre de Ressources pour la prise en charge des Auteurs de Violence Sexuelle de Picardie (CRAVS-Picardie), Centre Hospitalier Philippe Pinel.

1. La folie sera abordée ici non sous l’angle psychiatrique, mais sous l’angle de la philosophie
2. Plus précisément, et conformément au titre donné à cette intervention, il s’agit d’analyser les rapports entre raison et folie - afin d’en dégager peut-être quelques traits susceptibles d’éclairer les débats sur la responsabilité pénale des fous.
3. Il y a un texte célèbre de Descartes qui peut servir d’introduction :
4. Première méditation : « Il y a déjà quelque temps que je me suis aperçu que, dès mes premières années, j’avais reçu quantité de fausses opinions pour véritables, et que ce que j’ai depuis fondé sur des principes si mal assurés, ne pouvait être que fort douteux et incertain ; de façon qu’il me fallait entreprendre sérieusement une fois en ma vie de me défaire de toutes les opinions que j’avais reçues jusques alors en ma créance, et commencer tout de nouveau dès les fondements, si je voulais établir quelque chose de ferme et de constant dans les sciences. »
5. « le moindre sujet de douter que j’y trouverai, suffira pour me les faire toutes rejeter. » Mais c’est dingue ! Ce serait dingue si quelque chose d’autre ne se mettait à jouer :
6. « il n’est pas besoin que je les examine chacune en particulier, ce qui serait d’un travail infini ; [et c’est là où la folie apparaîtrait] ; mais, parce que la ruine des fondements entraîne nécessairement avec soi tout le reste de l’édifice, je m’attaquerai d’abord aux principes, sur lesquels toutes mes anciennes opinions étaient appuyées » [C’est là où la raison résiste à la folie, dans cette évidence qui lie le principe à ce qu’il fonde. Ce serait cette évidence qui lâcherait, si Descartes était fou - ou s’il se mettait à croire que vraiment il faut rejeter tout ce qui est douteux. Il le fait pour de bon et en même temps il n’y croit pas - sinon il ne pourrait jamais se récupérer, même avec le « je pense, je suis »].
7. « Tout ce que j’ai reçu jusqu’à présent pour le plus vrai et assuré, je l’ai appris des sens, ou par les sens : or j’ai quelque fois éprouvé que ces sens étaient trompeurs, et il est de la prudence de ne se fier jamais entièrement à ceux qui nous ont une fois trompés. »
8. C’est alors qu’on tombe sur l’un des textes les plus difficiles (il y en a d’autres !) de toutes les méditations : « Mais, encore que les sens nous trompent quelquefois, touchant les choses peu sensibles et fort éloignées, il s’en rencontre peut-être beaucoup d’autres, desquelles on ne peut pas raisonnablement douter, quoique nous les connaissions par leur moyen : par exemple, que je sois ici, assis auprès du feu, vêtu d’une robe de chambre, ayant ce papier entre les mains, et autres choses de cette nature. Et comment est-ce que je pourrais nier que ces mains et ce corps-ci soient à moi ? si ce n’est peut-être que je me compare à ces insensés, de qui le cerveau est tellement troublé et offusqué par les noires vapeurs de la bile, qu’ils assurent constamment qu’ils sont des rois, lorsqu’ils sont très pauvres ; qu’ils sont vêtus d’or et de pourpre, lorsqu’ils sont tout nus ; ou s’imaginent être des cruches, ou avoir un corps de verre. Mais quoi ? ce sont des fous, et je ne serais pas moins extravagant, si je me réglais sur leurs exemples. »
9. Ainsi donc, dans la conquête de la rationalité (scientifique) Descartes a-t-il rencontré la folie sur son chemin : elle serait capable de nous faire douter de la consistance du monde familier qui nous entoure, de nous faire douter de nos propres sens en leur capacité à nous donner accès à la réalité. Et il l’a récusée : elle ne peut pas opérer une telle disqualification sauf si je me considère moi-même comme fou - et c’est une hypothèse qui ne sera pas retenue. La retenir serait la folie même.
10. Finalement les sens dans leur ensemble seront bien récusés, mais pas au motif que la folie existe, mais au motif que le songe existe : « je vois si manifestement qu’il n’y a point d’indices concluants, ni de marque assez certaines par où l’on puisse distinguer nettement la veille d’avec le sommeil, que j’en suis tout étonné ; et mon étonnement est tel, qu’il est presque capable de me persuader que je dors. »
11. La suite est connue :
12. Après les sens, toutes les choses complexes passent à la trappe
13. Mais les simples survivent : les couleurs, par exemple, « De ce genre de choses est la nature corporelle en général, et son étendue ; ensemble la figure des choses étendues, leur qualité ou grandeur, et leur nombre ; comme aussi le lieu où elles sont, le temps qui mesure leur durée, et autres semblables. »
14. Il faut donc dire « que la physique, l’astronomie, la médecine, et toutes les autres sciences qui dépendent de la considération des choses composées, sont fort douteuses et incertaines ; mais que l’arithmétique, la géométrie, et les autres sciences de cette nature, qui ne traitent que de choses fort simples et fort générales, sans se mettre beaucoup en peine si elles sont dans la nature, ou si elles n’y sont pas, contiennent quelque chose de certain et d’indubitable. »
15. Deuxième bastion, plus fort que le premier : les mathématiques.
16. Pour faire sauter le bastion, un nouveau coup de folie pure, le malin génie : « un certain mauvais génie, non moins rusé et trompeur que puissant, qui a employé toute son industrie à me tromper. » Si jamais Descartes y croyait...
17. La séquence s’achève dans la seconde méditation : « Il n’y a donc point de doute que je suis, s’il me trompe ; et qu’il me trompe tant qu’il voudra, il ne saurait jamais faire que je ne sois rien, tant que je penserai être quelque chose. De sorte qu’après y avoir bien pensé, et avoir soigneusement examiné toutes choses, enfin il faut conclure, et tenir pour constant que cette proposition : Je suis, j’existe, est nécessairement vraie, toutes les fois que je la prononce, ou que je la conçois en mon esprit. »
18. Ainsi donc ce qui est affirmé : la rationalité est ce qui donne son évidence propre à la proposition ‘je suis j’existe’, cette évidence enveloppe le mode de présentation de la vérité - on ne peut pas ne pas y croire.
19. Or c’est le même mode que celui de la folie (une croyance que l’on ne peut quitter). Mais si Descartes a pu récuser la folie, c’est donc que les deux modes d’évidence ne sont pas les mêmes.
20. La folie n’existe pas, dit-on, il n’y a que des maladies mentales.
21. Et bien si, la folie existe, elle a sa densité propre et il convient de l’identifier comme telle.
22. Car nous reconnaissons la folie. Elle est d’abord une rupture de la communication, et même plus précisément de la conversation. Vous parlez avec quelqu’un, vous êtes entré en conversation avec lui - et brusquement vous vous rendez compte qu’il y a quelque chose qui cloche - que vous n’êtes pas en train de parler avec quelqu’un, mais à un système stéréotypé qui ne vous donne pas accès, qui traite ce que vous dites en pleine rupture avec le pacte instaurateur de la conversation.
23. Dans le cas de la folie, il y a un système stéréotypé, ‘du côté’ du fou, centré sur lui, étranger, aliéné, et qui a ceci d’effrayant qu’il est une violence, puisqu’il est capable de vous réquisitionner, de vous agripper et de vous entraîner dans son cercle - vous y risquez d’ailleurs, dans certains cas, votre peau.
24. Le fait psychopathologique « se détache, se sépare du flux de la vie bien plus que ne le fait celui-là. » Eugène MINKOWSKI, Traité de psychopathologie, PUF, 1966
25. Il a une originalité extrême, à tel point que le langage qui s’efforce de le traduire est en réalité métaphorique : « C’est à se demander même maintenant si le malade qui entend des voix ne fait qu’exprimer sous cette forme perceptible le trouble sous-jacent dont il est atteint, auquel cas ses ‘hallucinations’ n’auraient plus rien à voir avec un trouble de la perception »
26. C’est là où la rationalité de style cartésien montre ses limites : l’évidence absolue comme telle est pathologique. Les idées délirantes « sont irréductibles. Rien ne les ébranle. Elles récusent et défient toute évidence, n’admettent aucun démenti. Cette conviction particulière en constitue le caractère essentiel. Un de nos malades parlait de "certitude qui me dévore". Par là, la conviction délirante s’impose à nous comme fait psychopathologique par excellence, le plus pathologique peut-être parmi tous. »
27. « La folie s’impose à nous par son aspect au plus haut degré dramatique. »
28. La vie normale est ‘parasitée’. Nous sentiments sont ambivalents, pas de joie sans crainte secrète, pas de désespoir sans espoir, etc. Au contraire, il y a une pureté de la folie. Cf. : « En 1940, à l’entrée des Allemands à Paris, nous avions à La Maison de Santé de Saint-Mandé une malade israélite atteinte de dépression anxieuse doublée d’idées de persécution : cette dépression avait pour thème l’idée d’être persécutée par les Allemands (!). Un des pavillons de la Maison de Santé venait d’être réquisitionné par les occupants [...] Mais les affirmations, le comportement, les geste de notre malade étaient à tel point différents des nôtres que l’idée de ‘délire’ s’imposait avec force ; l’écart entre elle et nous était énorme »
29. Or dans l’inscription du drame de la folie, il y a l’affirmation de quelque chose d’impossible à récupérer, une irréversibilité comparable à celle de la mort. C’est dans cette dimension que s’inscrit « l’origine de l’idée d’incurabilité, de destruction définitive, qui d’une manière si tenace reste attachée à l’image des troubles mentaux. »
30. « Par ailleurs, la folie comporte l’idée d’une voie de prédilection qui mène vers elle : ce sont en premier lieu les coups du destin, portés sans merci, qui viennent ébranler les assises mêmes de la vie de l’être humain et font sombrer sa raison. Sous cet angle, la folie peut au fond frapper tout un chacun ; c’est dire que primitivement, elle ne comporte point l’idée d’une prédisposition ou de facteurs biologiques défavorables. » Cela aussi très dramatique : au-delà de l’événement, il n’y a plus rien, que la folie. Plus aucune histoire ne peut être racontée, plus aucune mise ne peut être rejouée.
31. La folie « s’impose à nous d’emblée, d’une façon immédiate, dans sa portée absolue. » « De sorte qu’à la place de la formule proposée sur le plan statistique : si tous les hommes étaient fous, la folie serait un événement normal, nous dirions : si tel était le cas - simple fiction évidemment - ils seraient bel et bien fous, car il ne saurait en être autrement. Et entre eux les ‘fous’ ne forment point de communauté. »
32. « Nous arrivons ainsi à un point crucial. Ce n’est plus ‘être malade’ qui sert en premier lieu de porte d’entrée à nos investigations, mais être différemment. Ludwig Binswanger, un des pionniers incontestablement de la psychopathologie contempo¬raine, a, entre autres, tout particulièrement insisté sur ce point. Nous avons au premier abord un être radicalement différent devant nous, et par le vocable ‘radicalement’ nous traduisons qu’il s’agit de tout autre chose que de simples différences individuelles [...] Un mode d’existence particulier se révèle à nous. Il repose sur une différence de nature. »
33. « Les maladies, pour fréquentes, voire journalières, qu’elles soient, constituent un événement qui "sort de l’ordinaire". C’est ce qui les rapproche de la folie ; ce n’est point par pur hasard que la folie a été considérée comme maladie ; un lien plus intime les rattache. Par la suite pourtant, les chemins se séparent, celle-là n’étant point, de par sa nature, entièrement superposable à celle-ci. »
34. Quelles que soient les causes de la folie, qu’elles soient organiques ou non, du point de vue qui est le nôtre cela ne change rien à l’affaire - il faut lui conserver son caractère pathique. En souffrance absolue. A la hauteur de la souffrance absolue, même si elle adopte dans son expression un décalage formidable qui peut aller jusqu’au grotesque, à la grimace et au dérisoire.
35. On l’a vu, la rationalité de style cartésien échoue à poser une distinction, même si elle table sur une telle distinction.
36. Ce n’est pas Descartes qui est en cause. Il y aurait (mais ce n’est pas l’objet aujourd’hui) chez lui de quoi combler ce vide. Au moins deux remarques :
37. Quand il se fait coincer par la Princesse Elisabeth à propos de l’absurdité des esprits animaux, autrement dit son incapacité à penser jusqu’au bout la séparation et l’union de l’âme et du corps : la raison dont il parle est analytique, la synthèse n’a pas à être pensée mais à être vécue.
38. Que signifie vivre la folie ?
39. Et puis dans la lettre au Marquis de Newcastle du 23 novembre 1646 où il caractérise l’humanité par le langage : « il n’y a aucune de nos actions extérieures, qui puisse assurer ceux qui les examinent, que notre corps n’est pas seulement une machine qui se remue de soi-même, mais qu’il y a aussi en lui une âme qui a des pensées, excepté les paroles, ou autres signes faits à propos des sujets qui se présentent, sans se rapporter à aucune passion. Je dis les paroles ou autres signes, parce que les muets se servent de signes en même façon que nous de la voix ; et que ces signes soient à propos, pour exclure le parler des perroquets, sans exclure celui des fous, qui ne laisse pas d’être à propos des sujets qui se présentent bien qu’il ne suive pas la raison ; et j’ajoute que ces paroles ou signes ne se doivent rapporter à aucune passion, pour exclure non seulement les cris de joie ou de tristesse, et semblables, mais aussi tout ce qui peut être enseigné par artifice aux animaux »
40. Que signifie ici ‘à propos’ ?
41. Il importe donc de trouver le style de rationalité capable de la folie, capable de comprendre la folie - de la ‘vivre’ ou de relever son ‘à propos’.
42. Il faut partir de la rationalité brisée par la folie, celle de la conversation.
43. La conversation se tient entre les interlocuteurs. Elle leur donne et leur reprend la parole. Elle fait venir les propositions qu’il faut dire. En ce sens, elle est l’instance fondamentale du surgissement de la vérité, i-e l’exercice même de la raison.
44. GADAMER, Vérité et méthode, 1960, Seuil, 1976, « Nous disons certes ‘mener une conversation’ ; mais plus une conversation est vraiment une conversation, moins sa conduite dépend de la volonté de l’un ou l’autre partenaire. » Dans la folie, l’un prend le pouvoir, ne laisse pas la conversation se déployer selon sa logique propre.
45. Or, « Tout cela atteste que la conversation a son génie propre et que la langue qu’on y emploie porte en elle-même sa vérité propre, c’est-à-dire ‘décèle’ et porte au-dehors ce qui est son enjeu. »
46. « Le problème herméneutique n’est donc pas celui de la bonne maîtrise d’une langue, mais celui d’une juste entente sur la chose qui se réalise dans ce milieu qui est la langue. »
47. « Ce n’est donc pas à lui en tant qu’individu que nous rapportons son opinion, mais à la visée propre de cette opinion. Dès lors que nous prenons vraiment l’autre en considération en tant qu’individualité, comme c’est le cas dans l’entretien thérapeutique ou dans l’interrogatoire d’un accusé, la situation de l’entente n’est pas véritablement réalisée. » Et il y a des cas où ça peut être les deux. C’est même autour de quoi nous tournons.
48. « Le langage est bien plutôt le milieu universel dans lequel s’opère la compréhension elle-même. L’interprétation est le mode d’opération de la compréhension. »
49. « L’horizon de sens de la compréhension ne peut se laisser limiter ni par ce que l’auteur avait en vue, ni par l’horizon du destinataire pour qui le texte a été écrit à l’origine. »
50. « La formulation langagière est tellement inhérente à la pensée de l’interprète qu’elle ne devient en aucune façon un objet pour lui. Cela nous explique pourquoi cet aspect de l’opération herméneutique passe entièrement inaperçu. »
51. « L’interprète ne se sert pas des mots et des concepts comme un ouvrier qui prend en main ses outils et les dépose ensuite. Nous devons, au contraire, reconnaître à quel point toute compréhension est pénétrée d’éléments conceptuels et rejeter toute théorie qui refuse d’admettre l’unité étroite du mot et de la chose. » Cf. Desanti : « Nous vivons parmi les choses selon les mots ». Et à nouveau Gadamer « L’inconscience de la langue n’a cessé d’être le véritable mode d’être du parler »
52. « Le sens de la parole ne peut être dissocié de l’événement de la proclamation. Au contraire le caractère d’événement fait partie du sens même. »
53. « comme Aristote l’a montré, dans une véritable communauté de langue, il n’y a pas un jour où nous mettons d’accord mais nous avons toujours été d’accord. » C’est cet accord que la folie a rompu. Mais pourquoi diable ?
54. « Si nous voulons définir exactement le concept d’appartenance qui nous intéresse ici, il nous faut considérer la dialectique particulière enveloppée dans l’‘entendre’. Il n’y a pas seulement le fait que la parole est pour ainsi dire adressée à celui qui écoute ; bien plutôt, cela signifie aussi que celui à qui la parole est adressée doit entendre, qu’il le veuille ou non. Il ne peut pas détourner son écoute, comme dans le domaine de la vue on détourne le regard, en regardant dans une autre direction. Cette différence entre le voir et l’entendre est à la base des phénomènes herméneutiques, comme Aristote l’a déjà reconnu. » Entendre la folie. L’infini malaise qu’il y a à entendre la folie.
55. On ne peut en sortir qu’en s’élevant au concept, en s’élevant au spéculatif : « Une idée est spéculative quand la relation qui s’y exprime ne peut pas être pensée comme l’assignation univoque d’une détermination à un sujet, d’une propriété à une chose donnée, mais qu’elle doit être pensée comme une relation de reflet, dans laquelle ce qui reflète est lui-même la pure apparence du reflété. » Que signifie élever la folie jusqu’au spéculatif ?
56. Qu’est-ce que la folie a trop bien compris ? Compris au point de perdre les conditions de la compréhension ?
57. J’ai vraiment appris quelque chose le jour où Bernard Savin est venu expliquer que les personnes dont il s’occupe (des auteurs de violences conjugales et d’agressions sexuelles) souffraient tellement que leur passage à l’acte était leur souffrance et que par conséquent ils n’éprouvaient rien, qu’il fallait leur apprendre qu’ils souffraient. Quelque chose comme cela, la folie, une souffrance qui souffre tellement qu’elle ne sait plus qu’elle souffre. Mais qui souffre épouvantablement. Une souffrance de passage à l’acte, sans passage à l’acte - du moins par épisodes. Une souffrance littéralement extasiée en elle-même.
58. Nous pouvons entrevoir quelque chose de cela avec l’angoisse (l’angoisse du dimanche soir) : ce qui angoisse, c’est la disproportion entre la souffrance extrêmement légère et ce qui est en jeu et ne se montre pas.
59. Paradoxalement : ne plus comprendre la folie comme souffrance, mais comme compréhension. C’est sûrement ce qui à la fois a ouvert le chemin et égaré l’antipsychiatrie. Je comprendrai la folie lorsque je pourrai l’entendre (sans malaise) comme l’expression d’autre chose, qui encore et par-delà me renvoie à un monde commun. Que sait-il que je ne sais pas ?
60. Tout le travail de la psychothérapie est de rendre ce stéréotype à nouveau fluide, en trouvant le passage vers une possibilité d’accès à une parole qui pénètre le système et le dénoue en franchissant la haute muraille de la folie elle-même. Car c’est une définition possible de la raison : ce qui fluidifie
61. C’est cela qu’il faut mettre en relation avec l’article 64 (antérieur à 1994, créé en 1810) : « Il n’y a ni crime ni délit lorsque le prévenu était en état de démence au temps de l’action, ou lorsqu’il était contraint par une force à laquelle il n’a pu résister. »
62. On voit bien ce que le législateur visait : le dément, le fou, ne peut être l’objet d’une sanction pénale parce qu’il ne pouvait pas faire autrement.
63. C’est cela aussi qu’il faut mettre en relation avec le 122-1 (Nouveau code pénal 1994) :
« N’est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes.
La personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes demeure punissable ; toutefois, la juridiction tient compte de cette circonstance lorsqu’elle détermine la peine et en fixe le régime. »
64. On voit bien là aussi : ce n’est plus la volonté emportée par une force, c’est le discernement. Il n’est pas dans le même monde. Mais il demeure punissable à mesure de son discernement. C’est sans doute un progrès dans la compréhension de ce qui se passe. Il n’est pas partie prenante dans la communauté langagière ou il l’est tout autrement. Mais il y a aussi un autre très profond changement et lui est catastrophique. On ne parle plus de la démence (c’est-à-dire de la folie, telle que je l’ai entendue tout au long de l’exposé) mais de troubles psychiques ou neuropsychiques : on a botté en touche du côté de la psychiatrie, pour qu’elle vienne dans le champ pénal (et désormais ce sera une bataille d’experts présupposant que la folie est une maladie, ce qui est très loin d’aller de soi jusqu’au bout) - alors que l’article 64 faisait l’inverse : elle excluait la psychiatrie du champ pénal et lui ordonnait, en quelque sorte, de se constituer en champ autonome. Mais à partir du moment où l’on a fait ce geste d’appeler la psychiatrie dans le droit, le champ pénal devient le champ du soin - et c’est en toute logique que les jurés interprètent le « toutefois, la juridiction tient compte de cette circonstance lorsqu’elle détermine la peine et en fixe le régime » à rebours de ce que le législateur avait pensé.
65. Mais au fait, c’est quoi la responsabilité pénale ? La capacité à assumer les conséquences (artificiellement créées par la société) de mes actes qui autrement demeureraient, pour moi, sans conséquences ou du moins sans conséquences suffisantes. C’est la gravité des actes qui est en cause.
66. On peut retourner le problème comme on veut, ce qui est jugé, c’est toujours l’intention de mon acte requalifié par ses conséquences.
67. Le présupposé majeur est alors que nous vivons dans le même espace public, sans avoir à construire cette communauté hors de lui. Où pour le dire autrement, le présupposé majeur est que nous parlions la même langue.
68. Impossibilité de juger pénalement les fous et les enfants. D’où vient exactement l’irresponsabilité du fou ? C’est précisément la communauté de compréhension qui a été rompue. Le langage est ici hors d’usage.
69. C’est donc un acte de très haute tenue - et qui dès l’Antiquité a été toujours maintenu - que celui qui veut que les fous ne puissent subir une sanction pénale, parce que par ce geste on maintient d’autre part la possibilité d’inscrire la sanction pénale dans le jeu plénier du langage.
Alain Cugno

*** LE KIOSQUE ***

- 2. - Ouvrages

Annie Beziz-Ayache, Dictionnaire de la sanction pénale, Ellipses, 1ère édition, 2009. 14,50€.
Présentation de l’éditeur : « Le temps n’est plus où le procès pénal s’arrêtait symboliquement avec le prononcé de la peine. Aujourd’hui, la sanction pénale est placée au centre d’une politique criminelle en recherche constante d’efficacité. Ce Dictionnaire présente, en 350 entrées, les notions fondamentales du droit de la sanction pénale. De la peine privative de liberté et son mode d’exécution - le système carcéral - aux nouvelles mesures de sûreté, toutes les sanctions pénales sont traitées dans une dimension dynamique : diversité, application et exécution. Enrichi de nombreuses références biblio-graphiques, il permet un approfondissement de la matière. Destiné aux étudiants des niveaux licence et master ainsi qu’à ceux qui préparent concours ou examens (magistrature, avocature, administration pénitentiaire, etc), ce dictionnaire trouvera aussi sa place auprès des praticiens du droit ».

Annie Beziz-Ayache est maître de conférences à l’Université Jean Moulin Lyon 3 où elle enseigne le droit pénal et de l’exécution des peines, la procédure pénale, la criminologie et le droit pénal de l’environnement. Elle est responsable du Master 2 Pénologie.

Sous la direction de Laurent Mucchielli et Pieter Spiereburg, « Histoire de l’homicide en Europe. De la fin du Moyen Age à nos jours », La Découverte, 336 pages, 27€.
Présentation de l’éditeur : « Dans son célèbre ouvrage La Civilisation des mœurs, le sociologue allemand Norbert Elias faisait l’hypothèse de l’existence d’un processus de civilisation traversant l’histoire des sociétés européennes depuis la fin du Moyen Âge et réduisant le niveau des violences physiques interpersonnelles. Pourtant, l’idée d’un « retour à la violence physique » - fortement médiatisé et politisé - prédomine dans les sociétés occidentales où l’« insécurité » est redevenue, au tournant du XXIe siècle, un sujet majeur.
Replaçant ces débats dans une perspective historique et comparative, douze historiens et sociologues, spécialistes reconnus de l’étude du crime, dressent ici un bilan des connaissances scientifiques inédit en langue française. Ils livrent d’abord une discussion méthodologique particulièrement poussée pour déterminer la valeur des statistiques en matière d’homicide et l’intérêt qu’elles représentent pour mesurer l’évolution des violences physiques dans l’histoire des sociétés européennes. Ils montrent ensuite quels sont les lieux, les protagonistes (auteurs et victimes) et les motifs des homicides tout au long de cette histoire, de même que le rôle qu’a joué leur répression judiciaire croissante.
À travers cette histoire du crime de sang, on voit donc aussi apparaître et s’éclairer l’histoire des rapports sociaux (entre les hommes et les femmes, entre les jeunes et les vieux, entre les dominants et les dominés), l’histoire des codes sociaux et des représentations sociales (l’honneur, l’offense, la vengeance), ainsi que l’histoire de la construction de l’État et de son « monopole de la violence légitime ».

« Vers une plus grande efficacité du service public de sécurité au quotidien ». Rapport au Ministre de l’Intérieur du Groupe de réflexion sur la sécurité au quotidien présidé par Michel Gaudin, Alain Bauer, rapporteur, La Documentation française, Collection des rapports officiels, 15€, 2009.

 Présentation de l’Editeur  : « Le groupe de réflexion sur la sécurité au quotidien a été mis en place le 11 décembre 2006 par le ministre d’État, ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire, Nicolas Sarkozy, afin de dresser un bilan complet des politiques mises en œuvre depuis l’adoption, en 1995, de la loi d’orientation et de programmation relative à la sécurité, et de formuler des propositions relatives aux évolutions envisageables de la sécurité de proximité dans le cadre de travaux préparatoires à la future loi d’orientation et de programmation relative à la sécurité. Cette publication reprend intégralement le rapport remis au ministre d’État le 21 mars 2007 qui se veut une contribution au débat public sur la police au quotidien. Partant des origines du concept de police de proximité, en France et à l’étranger, le groupe de réflexion analyse les réformes prises à partir de 1995 pour implanter les principes de ce concept dans l’action des forces de l’ordre. Les difficultés de leur mise en oeuvre sont replacées dans leur contexte, jusqu’au rééquilibrage décidé en 2002, entre missions de proximité, d’intervention et d’investigation judiciaire. Cette analyse est suivie de 49 propositions. Parmi les différentes propositions, un certain nombre d’entre-elles portent notamment sur l’adaptation de l’organisation policière aux nouvelles réalités géographiques des bassins de criminalité.
 Le groupe de réflexion sur la sécurité au quotidien était composé de Michel Gaudin, préfet, directeur général de la police nationale (2002-2007), président, Alain Bauer, criminologue, président du conseil d’orientation de l’Observatoire national de la délinquance, rapporteur ; Joaquin Masanet et Jean-Luc Garnier, syndicalistes, membres du Conseil économique et social ; Philippe Laureau, directeur central de la sécurité publique (2005-2007) ; Pierre Monzani, directeur de l’INHES ; Renaud Vedel, directeur adjoint au cabinet du DGPN (2004-2007) ; Christophe Soullez, chef du département OND à l’INHES. »
 
* Bulletins & Revues

Emmanuel Didier, Lisa Miceli, Sophie Névanen, Philippe Robert et Renée Zauberman, « Les agressions en France depuis le milieu des années 1980 », Questions Pénales, XXI, 5, décembre 2008, 4 pages. 

*** NOMINATIONS - ELECTIONS ***

- 3. - Conseil d’administration de l’Association Française de Criminologie, 2009

* Cette année voit l’arrivée de deux nouveaux membres au Conseil d’administration, suite à l’Assemblée générale du 13 décembre 2008, Mmes Anne Rachel Van de Host et Lucie Jouvet :

Anne Rachel VAN DER HOST, criminologue, attachée au Service régional de médecine légale du CHU de Clermont-Ferrand, chargée de cours à l’Université d’Auvergne - Clermont- Ferrand 1, membre du comité de surveillance de la maison d’arrêt de Clermont-Ferrand, présidente de l’association pénitentiaire de la Maison d’Arrêt de Clermont-Ferrand.

Lucie JOUVET, docteur en sociologie (thèse sur l’erreur judiciaire), ATER à la Fac de Droit de l’université de Franche-Comté, Master 2 de sociologie, option criminologie.

* Ont été réélus : Sid Abdellaoui, Pascal Décarpes, Samantha Enderlin, Jean-Marc Elchardus, Annie Kensey et Philippe Pottier.

Sid ABDELLAOUI, maître de conférences en psychosociologie à l’Université de Rouen, délégué régional Normandie, secrétaire général adjoint de l’AFC

Pascal DECARPES, doctorant en sociologie Université Marc Bloch, (Strasbourg) - Université de Greifswald (Allemagne), chargé d’enseignement et de recherche à la chaire de criminologie de l’université de Greifswald (Allemagne), expert auprès de la DG « Liberté, sécurité et justice » de la commission européenne (2007-2010), administrateur de l’AFC (reprise de fin de mandat en 2007).

Samantha ENDERLIN, docteur en droit (exécution des peines), secrétaire générale de l’AFC.

Jean-Marc ELCHARDUS, professeur de médecine légale psychiatrique, Hôpital Édouard Herriot de Lyon.

Annie KENSEY, docteur en démographie, chef du pôle Étude et statistique à la direction de l’Administration pénitentiaire.

Philippe POTTIER, sous-directeur adjoint à la Direction de l’administration pénitentiaire (PMJ/DAP), directeur d’insertion et de probation, auteur au Dictionnaire Permanent d’Action Sociale (Éditions Législatives), vice-président de l’AFC.

* Autres membres :

 Évry ARCHER, psychiatre, chef du SMPR de Loos-lès-Lille, enseignant à l’université de Lille, expert près la Cour d’appel de Douai.

Jean-Michel BESSETTE, professeur de sociologie à l’université de Franche-Comté.

Alain BLANC, magistrat, président de chambre à la cour d’appel de Douai, président de l’AFC.

Oliver BOITARD, psychiatre des hôpitaux, praticien hospitalier, chef de service au Centre hospitalier interdépartemental de Clermont-de-l’Oise, membre du jury du prix Gabriel Tarde

Patrick COLIN, sociologue, maître de conférences à l’Université Marc Bloch de Strasbourg 2, chercheur au Laboratoire Cultures et Sociétés en Europe, UMR 7043 CNR, membre du comité de lecture de la revue « Champ Pénal / Penal Field » vice-président de l’Association Accord, délégué régional AFC-EST.

Françoise DIGNEFFE, Licenciée en philosophie, docteur en criminologie, professeur à l’École de criminologie de l’Université catholique de Louvain-la-Neuve (UCL, Belgique), Directrice de la collection « Perspectives criminologiques » aux éditions De Boeck-Wesmael (Bruxelles), membre du comité d’éthique de l’Association des services de psychiatrie et de santé mentale de l’UCL.

Bruno DOMINGO, chargé de mission responsable de la Mission d’Observation de la Délinquance de l’Agglomération Toulousaine, chercheur associé au Centre d’Études et de Recherches sur la Police (Science-Po Toulouse), Trésorier AFC, Délégué régional AFC Midi- Pyrénées.

Pierre PELISSIER, conseiller à la cour d’appel de Versailles, ancien président de l’Association nationale des juges de l’application des peines (ANJAP).

Nathalie PRZYGODZKI-LIONET, psychologue, maître de conférences à l’Université Charles de Gaulle-Lille 3, membre du comité éditorial de la revue « Champ Pénal / Penal Field », membre du jury du prix Gabriel Tarde.

Jean-Marie RENOUARD, sociologue, maître de conférences à l’Université Bordeaux 2. chercheur au CESDIP.

Emily TROMBIK, doctorante en sociologie, Université Marc Bloch, Strasbourg 2, secrétaire de la « bourse Philippe Zoummeroff ».

Léonor SAUVAGE, directrice à la Protection judiciaire de la jeunesse, trésorière adjointe de l’AFC, secrétaire du jury du « prix Gabriel Tarde ».

Jean-Louis SENON, psychiatre des Hôpitaux, professeur de psychiatrie et psychologie médicale à la faculté de Médecine et enseignant de criminologie clinique notamment à l’Institut de Sciences Criminelle de la faculté de Droit de Poitiers.

*** ATTENTION, VOUS ENTREZ DANS UN ESPACE « MILITANT » ***

  Avertissement. La rédaction d’ACP ne partage pas nécessairement le positionnement politique des personnes physiques ou morales citées dans ces rubriques « militantes ». Par la diffusion de ces informations, elle souhaite simplement favoriser le débat d’idées dans le champ pénal, au delà des travaux scientifiques que cette lettre hebdomadaire a vocation à faire connaître.

*** DEUX POIDS, DEUX MESURES ***

 - 4. - Courriel de l’ami Frédéric Ocqueteau, sous le titre « Deux poids deux mesures, est-il besoin d’épiloguer plus longtemps ?"

Date : Jeudi 5 Février 2009, 16h16 Police-enquête-fichiers. Une policière en garde à vue pour des détournements du fichier Stic
 
 PARIS, 5 fév 2009 (AFP) - Une policière a été placée en garde à vue, en décembre 2008, pour des détournements présumés d’informations sur des vedettes contenues dans le fichier Stic, recensant auteurs et victimes d’infractions, a-t-on appris jeudi de source proche de l’enquête. Cette femme gardien de la paix, en poste dans un commissariat de Charente, est soupçonnée d’avoir consulté à 500 reprises le Stic (système de traitement des infractions constatées), selon la source confirmant des informations partielles du journal Le Monde. Il s’agissait, selon la même source, de fiches de vedettes du cinéma ou de la chanson dont elle suivait la carrière dans la presse people. Elle classait ensuite les fiches avec les articles concernant ces stars dans un classeur, selon la même source, pour son "usage personnel" et "pour s’amuser".

 La jeune femme a été placée en garde à vue à l’Inspection générale de la police nationale (IGPN, "police des polices") le 15 décembre 2008 en même temps que le commandant de police Philippe Pichon, auteur de livres sur la profession de policier, soupçonné d’avoir communiqué, sans contrepartie financière, à des journalistes des fiches Stic de deux stars notamment. M. Pichon est depuis mis en examen, sous contrôle judiciaire, pour "détournement de données confidentielles" et "violation du secret professionnel". Suspendu de ses fonctions, M. Pichon doit comparaître le 26 février devant le conseil de discipline de la police et risque la suspension définitive. Il a pris comme avocats Mes Antoine Comte et William Bourdon.

 La policière n’a pas été présentée à un juge, selon la source, et aurait écopé d’une sanction administrative dont la teneur n’a pas été précisée. La Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) a dénoncé le 20 janvier dernier un "manque de rigueur" et une "absence quasi systématique" de mise à jour dans l’utilisation du Stic. rb/sla/dv

*** DÉBAT CONCERNANT LE JUGE D’INSTRUCTION ***

- 5. - Lettre ouverte de l’Association Française des Magistrats Instructeurs à Mme Rachida Dati, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice suite à la rencontre du 28 janvier 2009

 Le Président de la République vient d’annoncer le 7 janvier 2009, lors de l’audience de début d’année de la Cour de Cassation, la suppression du juge d’instruction. Vous avez souhaité, Mme le Garde des Sceaux, rencontrer l’Association Française des Magistrats Instructeurs.
 Créée en 1982, ni syndicat, ni regroupement corporatiste, notre association professionnelle est un lieu de réflexion et d’échange animé par des femmes et des hommes de terrain, principalement juges d’instruction, qui se veulent force de proposition dans une perspective dynamique et novatrice.
 Nous sommes attachés à la fonction de juge d’instruction magistrat du siège, garant d’une enquête indépendante et contradictoire, mettant les moyens de la puissance publique au service de la recherche de la vérité quels que soient les statuts des mis en cause et des victimes.
 L’AFMI souhaite aussi rappeler que la commission d’enquête parlementaire chargée de rechercher les causes des dysfonctionnements de la justice dans l’affaire dite d’Outreau n’a pas proposé de supprimer la fonction de juge d’instruction mais de confier l’instruction à un collège de magistrats. Pour mettre en œuvre cette proposition, la loi du 5 mars 2007 renforçant l‘équilibre de la procédure pénale a prévu, depuis le 1er mars 2008, l’institution des pôles de l’instruction et l’élargissement des possibilités de recours à la cosaisine, comme une première étape avant la mise en œuvre d’une instruction collégiale au 1er janvier 2010.
 Si l’AFMI n’a pas manqué de souligner les difficultés juridiques et l’absence de moyens pour l’application de cette réforme, nous souhaitons cette évolution vers une instruction en équipe, permettant des regards croisés sur les orientations d’enquête, une autorité renforcée sur les services de police judiciaire et une dépersonnalisation des dossiers, avec des avantages secondaires comme la continuité de la prise en charge des procédures et l’accompagnement des nouveaux magistrats instructeurs. 
 Nous nous étonnons que l’évaluation de la mise en œuvre des pôles de l’instruction n’ait pas été exploitée, le rapport de l’inspection des services judiciaires sur le sujet n’ayant pas été rendu public, et que l’annonce du Président de la République vienne entraver l’entrée en vigueur d’une loi adoptée par les deux assemblées.
 Dans l’attente d’un projet précis qui seul permettrait des échanges constructifs et une consultation réellement utile, l’AFMI ne peut que vous alerter sur les principes, les risques et les réalités, en jeu dans le débat qui vient d’être réouvert.
 La suppression du juge d’instruction n’est pas une réforme technique impliquant un simple transfert de compétences vers le ministère public, y compris si le statut de ce dernier devenait indépendant. 
 Elle impose une recomposition complète de l’avant procès pénal autour de la mise en œuvre de principes essentiels :
- la séparation des fonctions d’investigation et de jugement mais aussi des fonctions de poursuite et d’investigations ;
- l’effectivité des droits et moyens de la défense,
- l’effectivité d’un contrôle juridictionnel de la police judiciaire pour les actes d’enquête les plus attentatoires aux libertés et les mesures de contrainte.
 Les conditions de la mise en œuvre de ces principes doivent être étudiées, surtout dans les 95% des dossiers ne donnant pas lieu aujourd’hui à ouverture d’une information judiciaire. Alors qu’au fil des réformes législatives et de l’évolution des pratiques, le contradictoire, voire la co-construction du dossier avec la défense, a été accru devant le juge d’instruction, les conséquences de son absence sont manifestes, principalement dans les affaires faisant l’objet d’une comparution immédiate.
 Il est par ailleurs utopique d’imaginer qu’une voie procédurale unique permettrait de répondre à la diversité factuelle et juridique des affaires. Comment ne pas se rendre à l’évidence que des moyens procéduraux spécifiques sont nécessaires en phase présentencielle pour les faits de nature criminelle, au regard de la peine encourue, pour les faits complexes notamment en matière de criminalité organisée, de terrorisme, de délinquance économique et financière, en matière internationale, ou lorsque le nombre de victimes est important : catastrophes, santé publique ?
 Il est aussi indispensable de préserver, entre autres fonctions essentielles du juge d’instruction :
- la voie de la plainte avec constitution de partie civile, c’est à dire l’indispensable possibilité ouverte à une personne de contester une décision du parquet de ne pas donner de suites pénales à des faits dont elle estime être victime, l’enquête impartiale ne pouvant ensuite être conduite par celui qui l’avait initialement refusée ;
- les conditions protectrices des interrogatoires et des auditions des parties, en présence de leurs conseils.

 Le contrôle par un juge des actes d’enquête qui seraient effectués par la police judiciaire sous la direction du parquet ne peut qu’être illusoire s’il est effectué par un juge intermittent se contentant d’une appréciation de la légalité des actes. Pour éviter la confusion de tous les pouvoirs, un réel contrôle de nécessité, de proportionnalité, c’est à dire aussi d’opportunité doit exister. Seul un juge dirigeant l’enquête peut assurer ce contrôle actif dépassant la simple garantie formelle.
 Le modèle inquisitoire, symbole de la procédure pénale française, a évolué vers un renforcement accru du contradictoire. Dans son rejet hâtif, il faut se garder de l’illusion du juge neutre arbitre des demandes des parties et de l’autorité de poursuite. La vérité n’est pas la chose des parties, le juge doit être acteur de la recherche de la preuve, pouvant pallier tant l’inaction du ministère public et de la police judiciaire parfois soumis à des pressions et contingences variées que la défaillance de l’avocat d’une partie, faisant encourir le risque d’une justice à deux vitesses.
 Il s’agit d’engager avec courage la recomposition complète de l’avant procès pénal, autour de principes clairs enfin affirmés, mettant fin à la succession d’injonctions contradictoires législatives imposées à l’autorité judiciaire. Les questions essentielles des conditions d’incarcération au cours de la détention provisoire, du régime de la preuve et de la place des victimes doivent aussi recevoir des réponses.
 Nous vous prions, Madame le garde des sceaux, ministre de la Justice, de recevoir l’assurance de notre haute considération.

*** INTERNATIONAL ***

- 6. - SUISSE. Criminalité et droit pénal. Statistique des contrôles policiers de la circulation routière. Newsletter N° 1/2009 du 29 janvier 2009
des données de la statistique des contrôles policiers de la circulation routière (SCP)
Les données 2007 concernant la statistique des contrôles de vitesse (VIT) et celle des ressources à disposition des autorités policières pour les contrôles de la circulation routière (RES) sont actuellement disponibles. Les tableaux relatifs à ce domaine ont été réactualisés et sont à disposition sur le portail statistique de l’OFS.
http://www.bfs.admin.ch/bfs/portal/fr/index/themen/19/04/01/01/03.html
 Ces statistiques couvrent les années 2003-2007. Un tableau sur les chiffres-clés peut être consulté directement, alors que 6 tableaux Excel avec des données détaillées peuvent être téléchargés. Des informations statistiques sur la délinquance routière sont disponibles sur le portail statistique.
http://www.bfs.admin.ch/bfs/portal/fr/index/themen/19/04/01.html
 Des informations statistiques sur les accidents de la circulation routière sont disponibles sur le portail statistique
http://www.bfs.admin.ch/bfs/portal/fr/index/themen/11/06/blank/key/01/aktuel.html
 Les résultats du microrecensement 2005 sur le comportement de la population en matière de transports sont disponibles sur le portail statistique
http://www.portal-stat.admin.ch/mz05/index.html
Domaine Criminalité et droit pénal dans le portail :
http://www.bfs.admin.ch/bfs/portal/fr/index/themen/19.html

*** FROM CENTRE FOR PRISON STUDIES, LONDON ***

- 7. - Information from Helen Fair, Research Associate, International Centre for Prison Studies, School of Law King’s College London.
 
Youths in custody : our duty of care
http://www.guardian.co.uk/society/2009/jan/27/youth-custody
 
Jail violence a ’growing concern’
http://news.bbc.co.uk/1/hi/uk/7856644.stm
 
Jail to become sex offender unit
http://news.bbc.co.uk/1/hi/england/kent/7857601.stm
 
Planners approve extension to Featherstone prison, near Wolverhampton
http://www.birminghammail.net/news/top-stories/2009/01/29/planners-approve-extension-to-featherstone-prison-near-wolverhampton-97319-22804168/
 
Report criticises four-year wait for inquest and worries about staff shortages
http://www.newsshopper.co.uk/news/4082243.THAMESMEAD__Mobile_phone_use_still_a_problem_in_Belmarsh/
 
Another Juvenile Offender Facing Execution In Iran
http://www.rferl.org/Content/Another_Juvenile_Offender_Facing_Execution_In_Iran/1375431.html
 
Prisons in Ghana, a miserable place to be
http://www.ghanadot.com/news.gna.012809d.html

Prison inmates ’forced to move’
http://news.bbc.co.uk/1/hi/england/west_midlands/7857619.stm
 
Three weeks to transfer prisoners
http://news.bbc.co.uk/1/hi/scotland/tayside_and_central/7858646.stm
 
Reoffending to rise, warns prisons chief
http://www.ft.com/cms/s/0/8d1cf38e-ee6f-11dd-b791-0000779fd2ac.html?nclick_check=1
 
Guards may strike as prison jobs go
http://www.lep.co.uk/news/Guards-may-strike-as-prison.4929324.jp
 
Call for probe into prison deaths
http://www.eveningnews24.co.uk/content/News/story.aspx?brand=ENOnline&category=News&tBrand=enonline&tCategory=news&itemid=NOED29%20Jan%202009%2017%3A54%3A28%3A853
 
Dungavel criminals seek damages (Scotland)
http://news.bbc.co.uk/1/hi/scotland/glasgow_and_west/7858924.stm
 
Spending watchdog backs community support over prison
http://www.insidehousing.co.uk/story.aspx?storycode=6502764
 
New immigration prison to open at Gatwick this spring
http://www.corporatewatch.org.uk/?lid=3193
 
Authorities try restoring order in Colombian prisons
http://colombiareports.com/colombian-news/news/2729-authorities-try-restoring-order-in-colombian-prisons.html

New jail system aims to reform accused (Saudi Arabia)
http://www.arabnews.com/?page=1&section=0&article=118688&d=30&m=1&y=2009&pix=kingdom.jpg&category=Kingdom
 
Judiciary Urged To Quicken Trial Of Cases (Nigeria)
http://leadershipnigeria.com/news/117/ARTICLE/6161/2009-01-30.html
 
Youth Asbos must be reviewed after one year
http://www.cypnow.co.uk/bulletins/Daily-Bulletin/news/877310/?DCMP=EMC-DailyBulletin
 
Arrests of teenage girls and women reach record levels
http://www.guardian.co.uk/uk/2009/jan/29/girls-arrests-crime

* Arpenter le Champ Pénal. Directeur de la publication : Pierre V. Tournier, directeur de recherches au CNRS, Centre d’histoire sociale du XXe siècle (Université Paris 1 Panthéon Sorbonne). pierre-victor.tournier@wanadoo.fr
Diffusion directe : plus de 3 500 destinataires répertoriés, en France et à l’étranger
Les « ACP » sont mis en ligne sur
http://arpenter-champ-penal.blogspot.com