RECOMMANDATION 1340 (1997) [1] relative aux effets de la détention sur les plans familial et social
1. L’Assemblée se réfère à sa Recommandation 1257 (1995) relative aux conditions de détention dans les Etats membres du Conseil de l’Europe et à sa Directive no 503 (1995) sur le même sujet qui donnait mandat à la commission des questions sociales, de la santé et de la famille de consacrer un rapport sur les problèmes sociaux liés à la détention.
2. L’Assemblée relève que la détention pose de multiples problèmes d’ordre social, en particulier sur le plan familial, surtout pour les enfants, ainsi que sur le plan du travail, et que ces problèmes ont été peu étudiés jusqu’ici. Elle doit constater que la peine privative de liberté garantit mal le principe de la personnalisation de la peine : la famille du détenu subit, du fait de la détention d’un de ses membres, des effets subsidiaires à la peine principale, ne serait-ce que la détérioration de sa situation économique.
3. L’Assemblée attire également l’attention sur les problèmes sociaux spécifiques que rencontrent les femmes en détention du fait des stéréotypes dont elles souffrent, de la chance plus faible que celle des hommes de retrouver leur conjoint à la sortie de la prison et de retrouver un emploi, et des conséquences néfastes de la perte de leurs droits parentaux alors que les femmes incarcérées ont souvent de jeunes enfants dont elles avaient la responsabilité.
4. Le principe de la limitation de la peine dans le temps lui paraît également battu en brèche : l’effet de la peine se prolonge au-delà du temps d’incarcération et les difficultés pour un ancien justiciable à se réinsérer professionnellement l’illustrent bien.
5. Devant les effets négatifs de la détention, sur les plans familial et social, qui contredisent directement la fonction de réinsertion ou de réhabilitation de la peine, l’Assemblée confirme la teneur de sa recommandation précitée.
6. L’Assemblée recommande au Comité des Ministres d’inviter les Etats membres :
i. à réduire, en cas de peine de courte durée, les délais d’admissibilité aux congés pénitentiaires dans le souci d’éviter la rupture des liens familiaux ;
ii. à promouvoir un recours plus fréquent à des peines non privatives de liberté comme les peines de travail d’intérêt général, qui permettent au détenu non seulement de garder un emploi mais également de conserver de réels contacts familiaux ;
iii. à continuer d’offrir au plus grand nombre de détenus un emploi rémunéré pendant leur détention ;
iv. à assurer le maintien des avantages sociaux aux familles des détenus et à octroyer une aide économique d’urgence pour surmonter les difficultés économiques immédiates du fait de la perte de revenus ;
v. à développer les services sociaux en faveur des familles de détenus, notamment des enfants qui vivent en prison ou qui ont des parents détenus, et à fournir l’information nécessaire sur l’existence de tels services à l’intention des familles les plus démunies ;
vi. à améliorer les conditions de visite en prison des familles, notamment par la mise en place de lieux d’intimité appropriés ;
vii. à fournir, si besoin est, des soins médicaux, psychologiques et psychiatriques à l’intérieur des établissements pénitentiaires ;
viii. à adapter les conditions de détention aux conditions de santé, telles que la grossesse et l’accouchement, ou aux maladies pathologiques graves ;
ix. à dynamiser, intra muros, le travail de réinsertion professionnelle et à cette fin à développer un enseignement et des formations professionnelles qui soient performants et en adéquation avec les possibilités du marché du travail ;
x. à prévoir, pendant et après la détention, des procédures pour assurer une réadaptation stable et pour éliminer la dépendance à l’alcool et aux drogues ;
xi. à réduire les effets pervers du casier judiciaire qui sont pour les anciens détenus des obstacles à la réintégration sur le marché du travail ;
xii. à introduire des mesures spéciales pour les détenus étrangers telles que des possibilités d’interprétation et de traduction, la liberté de culte, le choix du régime alimentaire, et la possibilité de contacter leurs autorités consulaires ;
xiii. à élaborer des stratégies qui favorisent l’emploi des anciens détenus.
7. L’Assemblée invite instamment le Comité des Ministres :
i. à développer et à approfondir, au niveau européen, les études et la coopération sur les effets sociaux liés à la détention, comme la santé physique et mentale des détenus, la pauvreté en prison, la question des enfants en prison ou dont les parents sont détenus, les problèmes spécifiques que rencontrent les femmes incarcérées en nombre croissant, etc. ;
ii. à examiner avec attention, devant l’échec du système de détention actuel, les résultats de certaines expériences en matière d’établissements pénitentiaires en vue d’améliorer tous les systèmes de détention, compte tenu de la situation propre à chaque Etat membre du Conseil de l’Europe, en s’inspirant des expériences directes et des contributions :
a. des directeurs et des directrices des plus importants établissements pénitentiaires d’Europe ;
b. des détenus eux-mêmes, à travers les organisations internes ;
c. des associations bénévoles ;
iii. à encourager les mesures propres à diminuer les taux de récidive et à soutenir le rôle de sa famille et de sa communauté dans l’assistance à apporter au détenu, pendant et après sa détention, aux fins de sa réintégration.
Texte adopté par l’Assemblée le 22 septembre 1997 (25e séance).