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Jacques Céline "Le droit de la récidive"
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Lille 2, université du droit et de la santé Ecole doctorale des sciences juridiques, politiques et de gestion (n° 74) Faculté des sciences juridiques, politique, économique et sociales Le droit de la récidive Mémoire présenté et soutenu en vue de l’obtention du Master droit « recherche », mention « droit pénal » Droit privé par Céline Jacques Sous la direction de Monsieur Jean-Pierre Brouillaud Année 2005-2006 Ce mémoire a été publié le 29 novembre 2006 avec l’autorisation de l’auteur et l’approbation du jury de soutenance sur http://edoctorale74.univ-lille2.fr
REMERCIEMENTS Je tiens à exprimer mes plus vifs remerciements à Monsieur Brouillaud, dont la disponibilité et les précieux conseils m’ont permis de concrétiser ce projet intellectuel qui me tenait particulièrement à coeur.
LISTE DES ABREVIATIONS AJP : Actualité juridique « pénal » Bull.crim. : Bulletin criminel Cass.crim. : Cour de cassation, chambre criminelle CEDH : Cour européenne des droits de l’Homme Cons.const. : Conseil constitutionnel D : Dalloz Gaz.Pal. : Gazette du Palais JCP : Jurisclasseur « pénal » JNLC : Juridiction nationale de libération conditionnelle RS : Recueil Sirey RSC : Revue de science criminelle RPDP : Revue pénitentiaire et de droit pénal
INTRODUCTION « Qu’un criminel ne présentant qu’un faible risque de récidive soit qualifié par le législateur ou par le juge de dangereux et ce sont les libertés individuelles qui en pâtissent car ce criminel se verra infliger des mesures pénales injustifiées ou excessives. A l’inverse, qu’un délinquant dont la récidive est probable soit considéré comme inoffensif et c’est la protection de la société qui sera mise à mal [1] ». Face à la montée croissante et à la généralisation du sentiment d’insécurité, la notion de dangerosité a pris « une importance croissante au niveau de la justice [2] ». Przygodzki voit dans ce sentiment d’insécurité « un besoin fondamental de l’homme ». Pour répondre à ce besoin de contrôler son environnement, l’être humain a recours à diverses mesures concrètes mais également à un mécanisme de rationalisation à l’origine de ce que l’on peut qualifier de catégorisation sociale [3], réalisée en fonction du degré de dangerosité de chaque individu. Or, la subjectivité de ce processus remet en cause la fiabilité des jugements. En effet, catégoriser un individu, le qualifier de dangereux, implique un jugement de valeur synonyme de discrimination, et fondé sur des critères qui peuvent entraîner des conséquences graves pour les personnes jugées comme telle. Un a priori négatif va naître à son égard alors même que rien ne permet de certifier cet état, le risque zéro n’existant pas. Les psychologues et les psychiatres participent largement à cette catégorisation des individus grâce à la mission d’expertise qui leur est confiée par la justice. Ce rôle a été accentué par la loi du 9 septembre 2002 qui a prévu que les condamnés seront désormais affectés dans les établissements pour peines sur la base de « critères liés à leur éventuelle dangerosité et à leur personnalité ». Le degré de dangerosité influe donc à la fois sur le choix de la peine mais également des modalités d’exécution. La question du délinquant dangereux préoccupe fortement différentes professions ces dernières années, qu’il s’agisse des psychologues, des psychiatres, des magistrats, des fonctionnaires de l’administration pénitentiaire. Quant au législateur, son comportement à l’égard de cette notion est paradoxal dans la mesure où il recourt régulièrement à ce concept dont aucune définition claire et précise ne peut être apportée. Comment définir la dangerosité ? En fonction de quels critères ? Une telle définition peut-elle être fiable « à cent pour cent » ? Toutes ces questions sont autant de difficultés auxquelles il faut trouver une solution. La difficulté est encore accrue lorsqu’il s’agit d’entrer dans le for intérieur d’un être humain. Un certain nombre de travaux en matière psychiatrique et psychologique ont tenté de rédiger une définition de la dangerosité qui favoriserait sa prédiction. C’est à partir de plusieurs critères permettant d’établir un profil de la personne dangereuse qu’est née la technique dite du « profilage », s’agissant notamment des multirécidivistes et des tueurs en série. Certains auteurs ont démontré que la réalisation d’un acte criminel grave devait être considéré comme hautement diagnostique d’une disposition à la récidive. Cependant, d’autres, comme Cusson [4] considèrent que bien que la récidive puisse constituer un critère pertinent en soi, qualifier un individu de dangereux sur le seul fondement du passé pénal, de cette répétition d’infractions, apparaît comme insatisfaisant dans la mesure où la dangerosité ne peut se définir qu’au travers de différents éléments propres à chaque être humain. Il n’existe donc pas une seule et unique définition de la dangerosité. Des définitions très différentes ont été proposées, des définitions en application desquelles un individu sera qualifié de dangereux selon certaines mais pas selon les autres. Le législateur voit généralement dans ce concept la probabilité que l’individu ne commette une nouvelle infraction. Seul le récidiviste serait donc dangereux et mériterait de bénéficier d’un traitement particulier. Au début du siècle, était considéré comme dangereux celui qui présentait une prédisposition à commettre une infraction. Tous les délinquants étaient donc dangereux, ce qui faisait perdre tout intérêt à la notion même de dangerosité. A l’opposé de cette définition critiquée par sa largeur excessive, une définition trop étroite qui serait limitée à la certitude d’une nouvelle violation de la loi était tout autant remise en cause dans la mesure où on ne peut jamais être certain qu’une personne commettra un jour une infraction. Ce concept de dangerosité doit s’apprécier au regard de l’infraction elle-même. Il ne doit pas s’agir de simples inconduites, d’incivilités, de simples déviances, ni même d’actes dangereux pour le délinquant. C’est ainsi par exemple que les actes autodestructeurs, comme la mutilation voire le suicide, en prison notamment, relèvent du droit pénitentiaire plutôt que du droit pénal. Cette limitation peut encore être accentuée par le fait que l’acte délictueux doit être d’une certaine gravité pour que son auteur puisse être qualifié de dangereux. Il semblerait, en effet, excessif de déclarer comme tel un individu qui a l’habitude de pratiquer la fraude au stationnement payant, par exemple. Houchon va jusqu’à proposer une limitation de la liste des infractions redoutées. Seraient ainsi concernées les infractions contre les personnes et les biens [5]. Selon Koupernik, la dangerosité constitue « le degré du risque d’une conduite, mettant autrui en danger d’atteinte à l’intégrité corporelle et à la vie » [6]. Cependant, Arnaud Coche fait remarquer, à juste titre il est vrai, qu’une telle restriction ne correspond pas à la réalité juridique dans la mesure où le droit moderne lutte contre d’autres types de délinquance, notamment dans le monde de l’entreprise, de la délinquance « en col blanc [7] ». Quant à Loudet [8], il considère que le délinquant dangereux est celui qui, ayant déjà commis une infraction, est en mesure d’en commettre une autre. Il parle de dangerosité post delictum, et exclut ainsi toute dangerosité qui serait concomitante au passage à l’acte délictueux. Enfin, un dernier aspect de cette notion ne peut être oublié, il s’agit de ce que certains qualifient de dangerosité carcérale ou pénitentiaire [9]. Un détenu peut, en effet, être un danger pour ses co-détenus et les fonctionnaires de l’administration pénitentiaire sans l’être pour autant pour la société. Les personnes dangereuses, dans ce contexte, sont exclusivement celles qui risquent de commettre une infraction pénale autre que l’évasion ou encore qu’une infraction qui violerait les règles de sécurité qui règnent dans la prison [10]. En psychologie criminelle, la dangerosité est la probabilité du passage à l’acte d’un individu. Il faudra donc rechercher les indices révélateurs de cette probabilité de dépasser ce que l’on appelle « le seuil délinquanciel ». Cette notion existe dans chacun d’entre nous, tous les sujets peuvent présenter des intentions délictueuses. Il existe des critères de dangerosité classiques tels que les antécédents judiciaires, les antécédents psychiatriques, la possession et le goût des armes, l’abus d’alcool et de substances psychotropes, ou encore la faiblesse des facultés intellectuelles. Une personne dite dangereuse présentera généralement un certain nombre de traits de personnalité : immaturité, pauvreté affective et éthique, absence de culpabilité, la présence d’hallucination, des idées d’auto-accusation, un sentiment de revendication et de vengeance chez ceux qui se sentent persécutées... Chez les tueurs en série, par exemple, l’énurésie, une tendance à la pyromanie, la cruauté envers les animaux sont des éléments de personnalité très fréquents. Selon les théories de psychologie criminelle modernes, la dangerosité présente quatre points cardinaux qui sont l’alcoolisation, ou la prise de substances psychotropes, la persécution, la dépression et la désocialisation. Le phénomène de la dangerosité est déjà ancien. Il est en plein coeur de la criminologie, et plus précisément de la criminologie dite criminelle, une science qui cherche à découvrir les causes qui conduisent certains individus à commettre des infractions alors que d’autres réussissent à s’abstenir. Le 19ème siècle a été le siècle des évolutions en ce domaine. Plusieurs auteurs se sont, en effet, penchés sur la question du criminel et ont chacun apporté des conclusions qui sont à l’origine de grandes avancées en matière répressive. Tout comme aujourd’hui, l’individu dangereux était celui qui était en mesure de récidiver, celui qui n’avait pas tiré les enseignements des peines précédentes, celui qui était donc incurable. Tous ces auteurs se sont accordés à dire que la récidive devait être luttée efficacement pour protéger la société et que ces délinquants dangereux devaient être écartés du « monde civilisé ». F.J Gall [11] (1728-1828), docteur en médecine, s’est intéressé au cerveau humain et plus précisément aux localisations cérébrales. Ainsi, l’étude du crâne, c’est-à -dire la phrénologie, a permis de repérer les tendances d’un individu, les penchants qui pourraient le conduire à commettre une infraction. Selon lui, sa théorie pouvait servir à la détermination de la peine et de sa modulation. Pour cela, il a opéré une distinction entre le crime qui résulte directement du penchant auquel l’homme n’a pu résister et celui dans lequel le penchant fait défaut et dont les seules circonstances de l’infraction ont entraîné le passage à l’acte. Il en déduisait que, dans la première hypothèse, la récidive était un risque à ne pas prendre à la légère car la probabilité qu’elle ne se réalise était très élevée. Pour protéger la société du récidiviste, l’idée était déjà de prononcer une longue peine d’emprisonnement à son encontre. Cesare Lombroso (1835-1909), médecin de formation, puis professeur de psychiatrie clinique et d’anthropologie criminelle, est l’un des plus éminents membres de l’école positiviste italienne. A partir de ses recherches sur l’anatomie de crânes de milliers de criminels, il a dégagé sa théorie dite de l’homme criminel, du « criminel-né », qui est un être irrécupérable, une erreur de la nature qui doit disparaître. Selon lui, un délinquant est un homme en voie de régression vers le stade atavique, c’est-à dire un retour en arrière jusqu’à une époque primitive [12]. C’est un individu qui a subi un arrêt dans l’évolution normale qui mène à « l’honnête homme ». Ses observations lui ont permis de mettre en exergue les stigmates physiques du criminel-né. La taille des yeux et des mains, la forme du visage et du nez, le port ou non d’une barbe... sont autant d’éléments qui permettent de décrire un individu qui sera ou non un délinquant et même un récidiviste potentiel. Ce criminel-né est, selon lui, voué au crime car sa régression le rend inapte à s’adapter aux règles qui gouvernent la société et aux lois. Il parle alors de déterminisme. Il porte en lui les signes de sa folie mentale, c’est-à -dire l’absence de prédispositions qui l’auraient rendu accessible aux sentiments moraux. Dans son ouvrage L’homme criminel, il a fait un relevé du taux de récidive en France pendant une période comprise entre 1826 et 1879. « En France, les accusés récidivistes (Cours d’Assises) n’atteignaient que le chiffre de 10010 en 1826 et celui de 28010 en 1850 ;- mais en 1867, c’est-à -dire 17 ans après l’introduction du casier judiciaire, ils se sont élevés à 42010. Ils étaient de 44010 en 1871-76, de 48 en 1877, de 49 en 1878, de 50 en1879. Ceux qui ont comparu devant les tribunaux correctionnels, et qui figuraient pour 21010 en 1851-55, ont atteint, au cours des cinq années suivantes les 37, 31, 36, 38, 40, pour 010 (REINACH). Les prévenus récidivistes se sont élevés de 7 à 27010 en 1856-60, à 31 en 1860-65, à 30 en 1866-70, à 38 en 1871, à 40 en 1877-78. » [13] A partir de ces chiffres, il a constaté que les récidivistes avaient pour la plupart subi une peine d’emprisonnement inférieure à un an (64%). Viennent ensuite ceux qui ont subi une peine d’emprisonnement supérieure à un an (20%), ceux condamnés à une amende (13%), et enfin ceux qui proviennent de la réclusion (2%) et des travaux forcés (1%) [14]. Il a remarqué que la plupart de ces individus, qu’il qualifiait de « misérables » [15], étaient dépourvus de tout sens moral et qu’ils étaient dans l’impossibilité de comprendre l’immoralité de la faute commise [16]. « Ils croient avoir le droit de voler, de tuer, et rejettent la faute sur les autres qui ne les laissent point agir à leur guise » [17]. Enrico Ferri (1856-1928), professeur de droit pénal en Italie et homme politique socialiste, a développé le concept de la sociologie criminelle [18] qu’il a fondé sur la distinction entre le crime comme fait individuel et le crime comme phénomène social. A partir des facteurs anthropologiques, physiques et sociaux, il a établi une classification en cinq catégories : les criminels-nés, les criminels fous, les criminels d’habitude, les criminels d’occasion, et les criminels passionnels. Selon lui, les récidivistes appartiennent à la troisième catégorie, c’est-à dire à celle des criminels d’habitude. Ce sont ceux qui sont ancrés dans un processus de criminalité permanente en raison de différents facteurs sociaux comme le chômage, la précarité, la misère. Grâce à cette grille il a remis en cause les fondements de la responsabilité pénale, en écartant l’idée d’une faute et donc d’un libre arbitre pour privilégier celle du risque qui pèse sur la société. Les peines n’ont plus lieu d’être, il faut recourir à des mesures de défense sociale ayant pour objectif l’élimination pure et simple du délinquant. Il émet l’hypothèse de substituts pénaux destinés à protéger la société en neutralisant la dangerosité de l’individu, ce qui permettra par la même occasion de prévenir une éventuelle récidive. Ferri s’est attelé à relever les proportions spéciales de la récidive pour chaque crime entre 1877 et1881. Il en a déduit que : « La statistique de la récidive générale et spécifique nous confirme donc indirectement que la masse des criminels n’est pas anthropologiquement uniforme et que les caractères et les anomalies bio-psychiques appartiennent plus spécialement à la catégorie des criminels nés et d’habitude. » [19] Ses recherches ont permis d’aboutir à un constat : les vols sont les formes les plus répandues en cas de récidive, ils sont suivis par le vagabondage et les escroqueries. Ferri a ainsi introduit l’idée de proportionnalité des peines. Selon lui, « le problème pénal ne doit pas consister dans la fixation de telle ou telle dose de peine, qu’on suppose proportionnée à la culpabilité morale du criminel, mais il doit se réduire à établir si, par les conditions réelles et par les conditions personnelles, est nécessaire la séparation de l’individu du milieu social, pour toujours, ou pour une période plus ou moins longue, selon que le criminel est jugé ré-adaptable ou non à la vie sociale, ou bien à établir s’il ne doit point suffire d’imposer au délinquant la réparation rigoureuse du dommage causé » [20]. En d’autres termes, il ressuscite un principe qui existait déjà , à savoir celui de l’indétermination de la peine. Il prend l’exemple de la libération conditionnelle qui peut être prononcée avant le terme préfixé de la peine si le condamné semble prouver sa volonté d’amendement. Selon lui, il en résulte que la peine devrait être prolongée s’il s’avérait être trop dangereux. En matière de récidive, le constat est similaire. « Si on admet une aggravation de peine pour la première récidive, il est logique que cette aggravation soit proportionnée au nombre des récidives, pour arriver jusqu’à la réclusion ou déportation perpétuelle, et même à la mort » [21]. Ces trois auteurs ne sont pas les seuls à s’être intéressés à la question du criminel. Cependant, leurs apports ont été essentiels, et ont permis de développer le concept de récidiviste et de les « étudier d’un peu plus près ». Au début du 20ème siècle, Edmond LOCARD a publié un ouvrage : « L’identification des récidivistes » [22], dans lequel il a exposé les systèmes d’identification utilisés à l’époque par la police et les laboratoires de médecine légale de police scientifique. Il cite notamment le bertillonnage, du nom de son créateur, Alphonse Bertillon, système dans lequel on retrouve des mesures anthropométriques, un signalement scientifique sous forme de portrait et la description de marques particulières. L’échec de ce procédé a conduit les têtes pensantes de l’époque à en trouver d’autres, pour lutter notamment contre les professionnels du crime. La solution fût celle d’une entente entre les diverses polices et un accord sur le choix des modes d’identification. C’est en d’autres termes l’adoption d’un fichier international. Les Etats-Unis ont été précurseurs sur cette question de l’étude de la dangerosité et plus précisément sur l’étude des traits caractéristiques des individus dangereux : les tueurs en série. Il est certain que la France n’a pas été épargnée par ce phénomène du multirécidivisme, bien au contraire. Cependant, les Américains se sont très tôt penchés sur ce problème et ont dégagé une science très particulière connue sous le nom de « profilage ». La criminologie, qui comme nous l’avons vu, est la science du phénomène criminel, connaît une perpétuelle évolution qui se traduit notamment par la diversité des domaines qu’elle recouvre, que l’on peut qualifier de sciences criminelles. L’une d’elle est la criminalistique. Michèle Agrapart-Delmas la définit comme « l’ensemble des sciences et des techniques utilisées pour établir des faits matériels » [23]. L’envol de cette discipline est considérable depuis quelques années, notamment depuis les débuts des empreintes digitales, de l’entrée de la science « pure et dure » dans les locaux de la police scientifique. « C’est tout cet apport scientifique s’ajoutant à l’enquête criminelle et à la démarche psychologique qui constitue le « profilage » [24] ». [25] Le profilage criminologique est une méthode qui est principalement utilisée dans les affaires criminelles violentes, multiples ou non, avec ou sans mobile évident et surtout non élucidées. Cette dernière condition peut s’expliquer assez aisément dans la mesure où le profil psychologique perdrait tout intérêt si les indices, en quantité et en qualité suffisantes, permettraient la désignation d’un coupable. Son champ d’application n’est pas limité à celui des récidivistes car le profilage a déjà fait ses preuves dans bien d’autres domaines tels que les affaires d’incendie, de découvertes de cadavres dont les causes restent suspectes. Le profilage peut donc être défini comme un outil complémentaire d’investigation criminelle qui repose sur l’étude du dossier d’enquête, l’analyse du passage à l’acte, l’évaluation des mobiles et des éventuelles motivations... Grâce au décryptage de ces informations, les spécialistes vont tenter de cerner au mieux la personnalité de l’auteur et de dresser son profil. Ils pourront ensuite orienter les investigations en proposant des recommandations dans la conduite des enquêtes grâce, notamment, aux sciences humaines et criminelles. Le profilage pourra permettre le rapprochement d’affaires, les similitudes entre elles, et peut-être la détection d’éventuels récidivistes. Etudier le phénomène récidiviste, c’est donc s’intéresser aux intérêts juridiques qu’attache le droit pénal à la distinction entre les criminels qui sont encore dangereux lorsqu’ils sortent de prison et ceux qui semblent ne l’avoir jamais été. Bien que cette considération semble d’une importance capitale dans une société dans laquelle le droit pénal revêt une fonction préventive croissante, le législateur emploie rarement [26] les termes « dangereux » ou « dangerosité ». Il a plutôt tendance à les remplacer par d’autres notions qui laissent supposer un certain degré de dangerosité telle que « mesure de sûreté », « prévenir le renouvellement de l’infraction », « période de sûreté »... Ce trait de personnalité du délinquant qu’est la dangerosité permet une personnalisation de la répression. La peine choisie devra tenir compte de cette nocivité éventuelle. Cela entraînera le plus souvent un allongement de la durée de la peine d’emprisonnement, ou encore le prononcé d’une période de sûreté. Cette sévérité accrue, tant dans un objectif répressif que préventif, se retrouve également au stade de l’aménagement de la peine. Comme nous venons de le voir, le passé pénal d’un délinquant ou au contraire un casier judiciaire vierge sont les principaux critères de la dangerosité, et ce, depuis déjà longtemps. La présence de condamnations antérieures à la commission d’une nouvelle infraction aura, en effet, tendance à inciter le magistrat à juger, non pas un simple primo-délinquant qui a peutêtre agi sous le coup d’une pulsion sans intention réelle de porter atteinte à la société, mais à un délinquant d’habitude, un délinquant professionnel. Pour apprécier le degré de dangerosité, il va se fonder sur un certain nombre de critères. Le juge tiendra compte de la nature des infractions commises, de leur nombre et de leur fréquence, de leur réelle gravité... Ainsi, plus les infractions seront graves et rapprochées dans le temps, plus l’individu a de chance d’être qualifié de dangereux. D’autres éléments entrent en ligne de compte, éléments qui leur permettent de nuancer leur opinion au cas par cas. Il s’agira notamment des efforts de réadaptation et de réinsertion entrepris depuis la dernière infraction commise, et plus généralement des preuves de cette volonté de quitter le monde de la délinquance. D’autres éléments d’ordre plus intime interviendront également tels que l’existence d’une famille et d’enfants, l’âge du récidiviste. « Beaucoup de magistrats, autant par pragmatisme que par fidélité à l’idéal de réinsertion, se montrent sensibles à ces arguments » [27]. L’importance de tenir compte de cette caractéristique dans les meilleures conditions pour permettre un traitement efficace de la récidive est essentielle et c’est tout l’intérêt de la loi du 12 décembre 2005 sur le traitement de la récidive. Le législateur a ici voulu répondre à un phénomène de société qui a touché de plein fouet la France depuis 2004. La récidive d’anciens détenus, libérés précocement en application des dispositions sur les crédits de peine, a soulevé un sentiment national d’effroi et surtout d’incompréhension. Comment expliquer qu’à l’aube du 21ème siècle, le récidivisme [28] soit toujours d’actualité ? Faut il y voir un échec de la politique pénale et plus particulièrement de l’incarcération ? Pourquoi le législateur a-t-il été amené à légiférer en 2005 ? La relation entre médecine et droit doit elle être remise en cause ? En d’autres termes, la loi du 12 décembre 2005 est-elle le reflet d’un échec de la politique pénale ? Comment faut-il interpréter son adoption ? La question qui va donc nous intéresser tout au long de cette étude est de comprendre les objectifs de ce texte : cet excès de répression dans le pays des Droits de l’Homme est il l’image de la société française ? Notre étude sera en partie consacrée à ce nouveau texte de loi destiné à palier les carences déjà anciennes de l’arsenal répressif en matière de récidive. Cette loi apparaît comme un compromis entre répression et prévention, bien que ce second objectif soit difficile à cerner. Il conviendra de s’intéresser d’un peu plus près à l’évolution de cet arsenal depuis l’Ancien régime notamment, ce qui nous permettra de comprendre comment notre droit pénal actuel n’a pas pu faire face aux difficultés qui existaient déjà à l’époque. D’une répression cruelle et barbare, nous sommes passés à des peines spécifiques aux récidivistes, puis le principe d’individualisation de la peine est venu révolutionner la matière en introduisant d’autres mesures comme le suivi socio-judiciaire ou la libération conditionnelle. Le nouveau code pénal de 1994 a marqué une étape importante mais toutes les difficultés n’ont pas disparu pour autant, bien au contraire. Nous nous intéresserons à ces problèmes actuels que rencontre le législateur qui concernent des domaines très variés tels que le monde médical avec les expertises psychiatriques, ou encore le domaine plus technique de la statistique. La première partie de cette étude sera consacrée à cette période de doutes, d’incertitudes, durant laquelle le législateur est intervenu pour tenter de répondre à ce besoin croissant de sécurité. Puis, il conviendra dans notre seconde partie, de procéder à l’étude détaillée de la loi du 12 décembre 2005, loi censée apporter une réponse efficace à cette demande du citoyen français.
PARTIE I - LE TEMPS DES DOUTES Criminalité, justice pénale, prison, victime... sont autant de notions qui se rapportent à un seul et même mot : la sécurité. Le sentiment sécuritaire qui règne dans l’esprit des citoyens français est un des domaines de prédilection du monde politique. Cette préoccupation est liée à l’émotion suscitée par la souffrance des victimes, mais également par la lassitude face à cette criminalité montante. Notre société connaît depuis quelques années une augmentation du phénomène criminel, qui se traduit le plus souvent par la violence. Les chiffres eux-mêmes permettent de juger de la situation [29]. Entre mars 2005 et février 2006, ce sont 414000 atteintes volontaires à l’intégrité physique qui ont été enregistrées par les services de police et de gendarmerie. Cela représente une hausse de 7,5% par rapport aux faits constatés un an auparavant pendant la même période. Les violences non crapuleuses, c’est-à -dire celles qui n’ont pas pour objet le vol, représentent en 2005 plus de 45% de ces atteintes volontaires à l’intégrité physique. Ce taux s’est accru de plus de 13600 faits en un an, soit une augmentation de 7,8%. S’agissant des violences physiques crapuleuses, leur nombre a connu une hausse de 4,1% en 2005. En revanche, contrairement à ce que l’on pourrait penser, les violences sexuelles, qui représentent moins de 6% des atteintes volontaires à l’intégrité physique connaissent une baisse de 9%. Cependant, il faut reconsidérer ces données dans la mesure où le nombre des plaintes enregistrées est toujours inférieur au nombre total des faits subis. On peut supposer, en effet, que la honte ou la peur de se déclarer officiellement victime peut être à l’origine d’un nombre important de faits non reportés. Depuis février 2005, le nombre des atteintes volontaires à l’intégrité physique avait connu une baisse régulière d’environ 2%, mais il s’est à nouveau affiché en hausse sur douze mois consécutifs depuis juin 2005 [30] Face à un tel phénomène, le gouvernement ne peut rester insensible. Le gouvernement se doit alors de répondre aux attentes de ses citoyens en quête de sécurité. Pour cela, il est amené à prendre des mesures de plus en plus sévères. C’est le débat sur l’utilité de la peine qui est alors relancé. La question est de savoir si notre arsenal juridique est suffisamment efficace pour endiguer le crime. Est-il en mesure de sanctionner les personnes qui troublent l’ordre public, de les empêcher de récidiver ? Si tel n’est pas le cas, la politique pénale sera directement sanctionnée. Cette première partie sera consacrée aux difficultés auxquelles le législateur a dû faire face avant d’aboutir à la loi du 12 décembre 2005, qui sera l’objet de notre seconde partie. Nous étudierons, tout d’abord, dans un premier chapitre, l’évolution du phénomène récidiviste à travers les siècles et les solutions adoptées par le législateur. Le second chapitre sera consacré, quant à lui, aux obstacles qui empêchent une lutte efficace contre la récidive.
Chapitre I - Une construction progressive du droit de la récidive Dans l’esprit du non juriste, le terme de récidive prend la forme d’un drame répétitif commis par un même individu sur des personnes différentes. L’efficacité de la justice française mais également le sens de la peine et surtout de l’emprisonnement est alors remis en cause. Ces mêmes personnes s’interrogent alors sur l’utilité d’un jugement, ou d’une peine. « Comment une personne qui a été condamnée par un juge, puis incarcérée, puisse en sortir précocement en raison de lois qui permettent des libérations conditionnelles, des réductions de peine... », voilà ce qui résonne dans leur tête et surtout dans celle des victimes et de leur famille. Bien que la récidive apparaisse comme un phénomène récent dans l’esprit des citoyens français, la réalité est toute autre. La lutte contre la récidive est en effet une ancienne, une très ancienne histoire. Il y a deux siècles, ce combat était déjà placé au coeur de la politique pénale. Or, aujourd’hui, il semble que la situation ait peu évolué, aucun enseignement, ou presque, n’a été tiré du passé, et ce, malgré les efforts d’un législateur qui se voulait de plus en plus répressif [31]. Le récidiviste est d’abord apparu comme l’homme à éliminer, puis il est devenu un individu dangereux pour la société qu’il fallait écarter le plus longtemps possible. Plus récemment encore, grâce aux progrès de la médecine, on s’est attaché à l’aspect psychologique du problème. Dans ce premier chapitre, nous allons nous intéresser au récidiviste lui-même qui, comme nous le verrons dans un premier temps, a fait l’objet de nombreuses études, plus ou moins remises en cause, mais qui prouvent la permanence du phénomène depuis plusieurs siècles. Cela nous permettra de dresser un panorama des mesures que le législateur a eu l’occasion de prendre pour lutter contre la récidive et de son évolution jusqu’à la consécration du principe d’individualisation de la peine. Il conviendra ensuite de traiter de l’arsenal répressif instauré plus récemment, et des difficultés qui en ont découlé, difficultés qui sont à l’origine de la loi du 12 décembre 2005.
Section 1 - Une évolution législative sans conteste La récidive criminelle est devenue progressivement synonyme de l’échec de la peine corrective. Sont alors évoquées les notions de milieu social, de précarité, de misère. Comme nous l’avons vu dans l’introduction, certains penseurs, qui appartenaient à l’école de l’Anthropologie criminelle, se sont, à leur façon, lancés dans cette chasse contre le récidiviste sur la base de données scientifiques et biologiques. Ces recherches ont permis au législateur de faire évoluer son arsenal répressif. Nous nous intéresserons, dans un premier temps, aux efforts législatifs qui ont eu lieu pour faire face à ce problème de société avant l’adoption du code pénal de 1994 (I), puis dans un second paragraphe à la consécration du principe d’individualisation, principe essentiel de notre droit pénal (II).
I - L’état du droit avant le nouveau code pénal Comme nous l’avons déjà dit, le récidiviste est apparu à travers les siècles comme un individu anormal qu’il fallait écarter de la société pour que les habitudes nocives de ce dernier pour elle ne déteignent pas sur ses membres. Face à cette exigence soutenue par les citoyens français, le législateur a dû y répondre à toutes les époques, chacune d’elle s’étant distinguée par leurs pratiques. Nous nous intéresserons à la législation adoptée sous l’Ancien régime (A), puis à l’émergence de peines spécifiques pour les récidivistes (B).
A - Une répression cruelle et barbare sous l’Ancien Régime La récidive a toujours été au coeur des débats politiques et des politiques pénales. Les magistrats de l’Ancien Régime s’inquiétaient déjà de la montée du phénomène criminel. Il fallait trouver des mesures suffisamment efficaces pour l’éradiquer totalement. La solution trouvée était fondée sur une répression excessive. Cette répression était marquée par la cruauté et l’élimination sociale : galères, peine capitale, bannissement... D’anciennes coutumes prévoyaient par exemple qu’en cas de vol, la deuxième condamnation -la première étant punie d’une amende et d’une peine de fouet- était sanctionnée par l’essorillement. Le troisième passage à l’acte était synonyme de pendaison après que l’autre oreille ait été coupée [32]. Les coutumes, différentes selon les régions, avaient pour point commun de prôner la cruauté et même la barbarie. La répression était progressive et dépendait du nombre d’infractions commises. En matière de blasphème, une ordonnance de 1511 prévoyait une amende qui était doublée, triplée puis quadruplée avant de conduire à l’emprisonnement, au carcan puis à la suppression de la lèvre supérieure et au perçage de la langue. En cas de vol, les anciennes coutumes furent abandonnées puisqu’une pratique fût instituée : la lettre « V », comme vol, était marquée sur l’épaule du délinquant, qui était envoyait aux galères dès la première récidive. Une loi du 13 mai 1801, en continuité avec les pratiques déjà existantes, prévoyait le marquage de la lettre « R » sur l’épaule de tous les récidivistes. Toutes ces mesures se sont avérées inefficaces, mais elles permettaient de satisfaire l’opinion publique. La Révolution et le début des droits de l’Homme n’ont pas changé les données. Le récidiviste était stigmatisé et réduit à l’état de bête, et la peine de marquage subsistait. Le code pénal de 1810 instaura une peine de réclusion criminelle et correctionnelle à perpétuité en cas de récidive. Le 19ème siècle vit la naissance d’un mouvement dans lequel répression et barbarie ne sont plus associées face à la récidive. Une loi de 1832 a, en effet, généralisé les circonstances atténuantes et une autre a enfin supprimé la flétrissure [33]
B - L’apparition de peines spécifiques aux récidivistes La loi du 27 mai 1885 sur la relégation des récidivistes avait prévu leur internement perpétuel sur le territoire des colonies ou possessions françaises. L’objectif de ce texte était de les écarter de la métropole le plus longtemps possible car ils étaient marqués par une présomption irréfragable d’incorrigibilité dès qu’un certain quantum était dépassé. Le point de départ de cette loi est la récidive [34], qui ne cesse de croître depuis près d’un siècle. D’après le Compte de l’administration de la justice criminelle, en 1850, le nombre de récidivistes était de 28% de l’ensemble des accusés et de 20% du nombre des prévenus. Moins de trente ans plus tard, ces chiffres atteignaient respectivement 50 et 40%. La récidive, puissant moteur de réflexion, a entraîné un certain nombre d’innovations pénales tout au long du 19ème siècle. Cependant, elle appelle à une réforme d’ampleur capable de combiner deux objectifs : l’élimination du délinquant d’habitude d’une part, et la prévention de la récidive auprès des « petits délinquants », d’autre part. A partir de 1880, elle devient un thème d’actualité incontournable et une véritable urgence politique. Depuis 1873, l’éventualité d’un transport de ces délinquants dans les colonies d’outre-mer est évoquée. Parallèlement, diverses mesures de prévention sont proposées : la société de patronage, le secours à l’enfance et à la vieillesse abandonnées, la réforme de l’encellulement des prisons... Une réforme est pressentie. Léon Gambetta ira même jusqu’à inscrire l’idée de ces convois dans son programme électoral. Il faut écarter ces incurables de la société pour maintenir sa cohésion, telle était l’idée principale. C’est donc l’opinion publique qui dirigeait indirectement la politique pénale. Cette loi de 1885 est considérée comme un symbole du gouvernement qui se veut attentif aux demandes de ses citoyens en quête de sécurité. Il faut rassurer la population dont les membres sont de potentiels électeurs et par là même protéger les classes laborieuses de ces citoyens nuisibles. Cependant, cette loi ne sera pas exempte de critiques, dont Clemenceau se fera l’un des porteparole. Ce dernier considérait, en effet, que l’exclusion des plus faibles revenaient à se délester d’une responsabilité à savoir celle d‘aider les plus démunis. Face à ce mouvement, le gouvernement ne reste pas de marbre mais réagit rapidement. Son objectif étant l’instauration de mesures de prévention, il vote la loi du 5 août 1885 sur la libération conditionnelle. Ainsi, le but est atteint : d’un côté la société dispose d’un moyen d’éliminer les plus dangereux et de l’autre d’une mesure préventive pour les délinquants primaires. La relégation se voulait une peine pragmatique par excellence combinant l’élimination des indésirables du territoire français, mais également la mise à disposition d’une main d’oeuvre bon marché dans les colonies et enfin la possibilité pour les déportés amendés de se reconstruire une vie nouvelle. La Guyane et la Nouvelle-Calédonie [35] sont alors devenues des terres d’accueil pour ces délinquants qui viennent subir une peine perpétuelle ne pouvant être relevée que par grâce administrative. La relégation s’avère être un échec, et ce à différents niveaux. Tout d’abord, cette sanction ne dissuade pas puisque le taux de récidive n’a pas diminué depuis son entrée en vigueur. De plus, au plan purement pratique, les magistrats ont participé à son échec de façon indirecte. Ne l’utilisant qu’à de très rares occasions, ils ont alimenté la récidive en ayant recours à de courtes peines d’emprisonnement. En 1936, le Front populaire décida de suspendre les convois de forçats, et en 1938, la relégation outre-mer est abolie. Jusque 1970, elle s’effectuera sur le territoire national, date à laquelle elle sera supprimée [36]. La dernière tentative pour endiguer la récidive fût instaurée par la loi du 17 juillet 1970 sur la tutelle légale [37]. Cette peine complémentaire était facultative. Elle ne pouvait être prononcée que pour une durée maximum de dix ans. L’objectif était encore une fois de protéger la société contre les agissements des multirécidivistes en leur offrant une chance de se réinsérer. Seules cinq cent personnes y ont été soumises avant que la mesure ne tombe en désuétude et qu’elle soit supprimée par la loi du 2 février 1981. La tutelle pénale n’était pas perpétuelle puisqu’elle ne pouvait excéder une durée de dix ans à compter de l’expiration de la peine principale. Le principe d’individualisation de la peine [38] obligeait les magistrats à ordonner une enquête de personnalité et une expertise médico- psychologique. Son exécution s’effectuait soit dans un établissement pénitentiaire, soit en milieu ouvert. Progressivement, c’est dans un souci d’individualisation de la peine, de prise en compte de la personnalité du délinquant que le législateur a opéré.
II - L’individualisation de la peine dans le code pénal de 1994 Le principe d’individualisation de la peine est un principe fondamental du Droit pénal (A) car la réinsertion du délinquant dans la société rend indispensable la diversification du traitement pénal39. Cette personnalisation de la peine a été en partie rendue possible grâce à l’instauration du casier judiciaire (B), mémoire écrite du passé pénal d’un individu.
A - Un principe essentiel du droit pénal L’article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l’homme dispose que « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement, et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial ». Cela implique qu’à l’issue d’un débat contradictoire, le juge doit être en mesure de prononcer une peine qui ne soit pas prédéterminée, et qui tienne compte de la personnalité de l’auteur de l’infraction, et ce même s’il s’agit d’aggraver la peine en cas de récidive. Pour éviter les injustices de traitement entre les citoyens, il est moralement nécessaire de tenir compte des différences entre les individus. Le code pénal prévoit que le juge se doit de tenir compte de plusieurs critères lorsqu’il prononce une peine : les circonstances de l’infraction, la personnalité du délinquant et les ressources et charges du prévenu40. Ce principe n’est pas nouveau. Saleilles41 en 1897 évoquait déjà la nécessité d’individualiser les peines. Selon la doctrine positiviste, la responsabilité pénale devait être déterminée en fonction de la gravité du fait accompli. Puis on a cherché à décrypter le phénomène criminel par le biais de l’action consciente de son auteur42. Ce principe de personnalisation intervient aujourd’hui dans un cadre légal profondément modifié : disparition des minimas et des circonstances atténuantes, introduction de la responsabilité pénale des personnes morales, introduction de nouvelles peines privatives ou restrictives de droits, disparition de l’emprisonnement pour les contraventions... L’application effective de ce principe d’individualisation de la peine suppose donc que le juge soit en mesure de connaître les différents éléments énoncés par l’article 132-24 du code pénal, et notamment s‘agissant des circonstances de l’infraction. C’est à ce stade que le rôle du 39 DREAN-RIVETTE (I.), La personnalisation de la peine dans le code pénal, L’Harmattan, Paris, DL2005. 40 Art 132-24 du Code pénal 41 SALEILLES (R.), L’individualisation de la peine, Paris, 1898. 42 PAPATHEODOROU (T.), La personnalisation des peines dans le nouveau CP, RSCDPC, 1997, N°1, p.15-28. 21 casier judiciaire est très important, concernant notamment les récidivistes. En déterminant le quantum de la peine, l’une des modalités du principe de personnalisation de la peine, le juge tiendra compte des éléments contenus dans les fichiers du casier qui l’informeront sur le passé pénal du délinquant auquel il a à faire. Un récidiviste verra ainsi sa peine d’incarcération augmentée en application de ce principe. S’agissant de la personnalité du délinquant, en matière criminelle, le juge d’instruction devra constituer un dossier de personnalité comprenant un certain nombre d’éléments tels qu’une expertise psychiatrique, un examen médico-psychologique, l’audition des personnes connaissant l’intéressé, l’interrogatoire de ce dernier... Or, le parcours pénal ne s’arrête pas au jour du prononcé de la peine. En effet, l’exécution de la peine mérite également qu’on s’y intéresse. L’objectif d’une sanction pénale est entre autre de permettre au délinquant de s’amender en réfléchissant sur la portée de ses actes et en tirant les enseignements de cette période de solitude. Ce but peut être atteint bien avant le terme fixé par le juge43. C’est pourquoi la peine, qui a déjà été personnalisée le jour de son prononcé, doit pouvoir l’être à tout moment de son exécution si le comportement de l’auteur de l’acte l’exige44. Cette modulation de la peine peut se faire dans les deux sens, c’est-à -dire que l’auteur se soit amendé précocement et que ses efforts le justifient, ou qu’au contraire, il n’ait pas compris le sens de sa sanction et qu’il n’en n’ait pas respecté les modalités d’exécution. L’adaptation de la peine à l’évolution du condamné est aujourd’hui un thème d’actualité délicat45 qui remet en cause l’efficacité de la justice. Il est difficile pour les citoyens français et encore plus pour les victimes d’admettre qu’un individu qui a été condamné et incarcéré pour des actes graves comme un viol ou un meurtre puisse bénéficier d’une éventuelle atténuation de sa sanction parce qu’il s’est bien conduit lors de son séjour dans l’enceinte d’un établissement pénitentiaire. Cette question a fait l’objet d’une lente évolution. Alors que seule l’administration aurait dû être compétente en matière d’exécution des décisions, l’autorité judiciaire s’est sentie concernée par ce problème dans la mesure où ayant prononcé la peine initiale, elle s’est avérée être la mieux à même pour s’occuper de l’évolution du condamné et donc de sa sentence. 43 CABANEL (G.-P.), Pour une meilleure prévention de la récidive : rapport au premier ministre, La documentation française, Paris, 1996. 44 PORTELLI, Op. cit., note 31, p. 893 et s. 45 SANCHEZ, Op. cit. note 34. 22 Le principe d’individualisation de la peine a désormais une valeur constitutionnelle, et est reconnu à l’échelle européenne. Le comité des ministres du Conseil de l’Europe a, en effet, adopté une recommandation relative à la cohérence dans le prononcé des peines, le 19 octobre 199246, dans laquelle il a rappelé l’importance de ce principe. Le Conseil constitutionnel47 a, à son tour, reconnu la valeur de ce principe48 dans une décision de 1994. B - Le casier judiciaire : un inventaire des condamnations Celui qui récidive a nécessairement commis plusieurs infractions de même nature. Or, pour que le magistrat puisse établir cet état de récidive, il doit être en mesure de connaître le passé pénal du prévenu ou de l’accusé. Le code de l’instruction criminelle de 1808, pour répondre à ce souci d’information, avait mis en place des « sommiers judiciaires », c’est-à -dire des registres dans lesquels figuraient toutes les condamnations prononcées à l’encontre du délinquant. La loi du 5 août 1899 instaura le « casier judiciaire » qualifié de décentralisé, dans la mesure où les informations n’étaient plus centralisées à Paris mais au greffe du tribunal du lieu de naissance. Elle fût complétée par la loi du 11 juillet 1900 qui s’intéressait au droit de communication en limitant les possibilités de divulgations des informations. Cette organisation du système a ensuite évolué, en raison, notamment du développement de l’informatique. La loi du 4 janvier 1980 a remplacé le casier judiciaire décentralisé par le « casier judiciaire automatisé » ayant son siège à Nantes. Cette individualisation de la peine, s’agissant notamment des récidivistes, implique, comme nous l’avons vu, que le casier judiciaire de l’intéressé soit tenu à jour pour permettre au juge qui aurait à connaître d’une autre infraction de se faire une opinion sur son état. Cependant, cela ne suffit pas. Le « mouvement de la défense sociale » du milieu du 20ème siècle avait instauré un dossier de personnalité sur les délinquants dans un souci de rendre la justice plus humaine49. Ce dernier comprenait un certain nombre d’informations sur divers éléments tels que le milieu social, familial et professionnel, sur son passé, son état de santé physique mais 46 Recommandation n°R(92)17 du conseil des ministres du Conseil de l’Europe du 19 octobre 1992. 47 Cons. Const., n°93-334 du 20 janvier 1994, sur la loi instituant une peine incompressible. 48 « L’exécution des peines privatives de liberté en matière correctionnelle et criminelle a été conçue, non seulement pour protéger la société et assurer la punition du condamné, mais aussi pour favoriser l’amendement de celui-ci et préparer son éventuelle réinsertion » 49 PORTELLI, Op. cit. note 31, p.38 23 aussi psychique. Le code de procédure pénale de 1958 avait inséré dans son article 81, l’obligation de constituer un dossier de personnalité à la suite d’une enquête qui portait le même nom et d’une enquête médico-psychologique en matière criminelle. Sa durée d’existence fût brève et rapidement remise en cause par les juges de cassation qui se justifiaient par la nécessité de respecter le pouvoir souverain du juge50. A l’heure actuelle, ce dossier de personnalité n’a toujours pas été réintroduit dans notre législation, ce que M.Portelli51 n’hésite pas à condamner. Toutes ces mesures ont participé à la lutte contre la récidive, certaines, comme le casier judiciaire, ont même subsisté. Depuis une vingtaine d’années, l’évolution s’est faite encore plus ressentir. La récidive et les réponses apportées au phénomène ont toujours été un champ d’investigation historique essentiel de la politique pénale52 ou plutôt des politiques pénales qui se sont succédées. Or, l’enracinement progressif de la criminalité dans notre société a fait échec aux diverses mesures adoptées Section 2 - Le législateur français face à la récidive En abordant la question de la récidive pénale, le gouvernement français a manifesté sa volonté de s’attaquer aux « gros délinquants », c’est-à -dire à ceux qui sont ancrés dans une délinquance d’habitude contre laquelle les premiers messages et avertissements de la justice n’ont été d’aucune utilité. Aussi, face aux attentes des Français, en quête de sécurité, les politiques ont compris que ce combat était un enjeu électoral primordial, surtout à un an des élections présidentielles. L’impunité des délinquants, la possibilité de prononcer des réductions de peines sont à leurs yeux des incohérences inacceptables dans une démocratie comme la France, « patrie des droits de l’homme ». La récidive doit être punie, les textes doivent être appliqués à la lettre. Après un long combat mené, entre autre par Robert Badinter53, la peine capitale est supprimée en 1981. Une autre question s’est alors posée : celle de la peine de remplacement. Or, le 50 Cass. Crim., 29 avril 1960, Bull. crim. N°223 51 PORTELLI, Op. cit., note 31. 52 EMSLEY (C.), PORRET (M.), Récidive et récidivistes : de la Renaissance au XXe siècle, texte diponible à l’adresse suivante : http://calenda.revues.org. 53 BADINTER (R.), L’abolition, Fayard, 2000 24 législateur n’a pas tiré les conséquences de l’abolition puisqu’il s’est contenté de la remplacer par la peine qui lui était immédiatement inférieure : la réclusion ou la détention criminelle à perpétuité. Deux problèmes se sont posés. L’absence de nouvelle peine a, tout d’abord, entraîné un nivellement de la répression des crimes les plus graves. De plus, dans l’esprit des Français, il manquait une peine qui éliminerait les criminels les plus dangereux de la société. Pour répondre à la première difficulté évoquée, il aura fallu attendre la réforme du code pénal, c’est-à -dire plus de dix ans après l’abolition de la peine de mort pour qu’une solution soit enfin envisagée : la réclusion criminelle d’une durée de 30 ans. Ainsi, la perpétuité fût réservée aux crimes les plus graves. La prison est devenue la clef de voûte de la répression. La perpétuité fût ainsi réservée aux crimes les plus graves. S’agissant de la seconde préoccupation, la loi du 9 septembre 198654 fixa une période de sûreté de 30 ans. Cet aménagement était envisageable pour les faits antérieurement punis de la peine de mort. Ainsi, l’élimination des criminels les plus dangereux était assurée. Nous diviserons notre étude de façon chronologique en étudiant, dans un premier temps, les conséquences de l’adoption du nouveau code pénal (A), puis dans un second temps, la nouvelle approche de la récidive depuis la loi du 15 juin 2000 (B). I - La lutte contre la récidive dans le nouveau code pénal Le code pénal de 1994 a marqué une rupture avec l’arsenal répressif antérieur. Bien que la sévérité soit toujours d’actualité, le débat sur la récidive n’a pas conduit à l’adoption de mesures spécifiques pour ces délinquants. Le législateur a même été jusqu’à renoncé aux peines dites « plancher », ne conservant que la possibilité de fixer une peine maximum. Le législateur en a fait une circonstance aggravante (A), puis, dans un souci de prévention plus que de répression, il a instauré le suivi socio-judiciaire (B). A - La récidive : une circonstance aggravante Le législateur de 1994 a fait de la récidive une circonstance aggravante qui, comme son nom l’indique, a pour but d’augmenter le quantum de la peine prévue pour la même infraction qui ne serait pas commise dans un état de récidive. La justification donnée à cette technique est 54 Texte disponible à l’adresse suivante : http:// www. legifrance.gouv.fr 25 que l’individu est ancré dans un processus de délinquance et ce, malgré les avertissements de la justice. Elle peut être considérée comme une mise à l’épreuve, période pendant laquelle le délinquant doit faire ses preuves, et éviter toute déviance. Le code pénal a largement simplifié le régime de la récidive mais il reste marqué par une réelle sévérité55. Le législateur a prévu un doublement des peines correctionnelles et élargi le champ d’application du dispositif aux personnes morales. Quatre types de récidive doivent être distingués, selon qu’elle est générale ou spéciale, et qu’elle est perpétuelle ou temporaire. Elle est générale quand elle peut être constituée par la commission d’une infraction différente de celle qui a donné lieu à la première condamnation, et spéciale, lorsqu’au contraire, la deuxième infraction doit être nécessairement identique à la précédente. Elle sera perpétuelle lorsqu’elle est constituée quel que soit le délai dans lequel la nouvelle infraction a été commise, et temporaire si la seconde infraction a été commise dans un certain délai à compter de la première condamnation. Il y a tout d’abord l’hypothèse de la récidive générale et perpétuelle dans laquelle une personne qui est condamnée pour un crime ou un délit puni de dix ans d’emprisonnement commet un nouveau crime, quel que soit le temps écoulé entre les deux infractions. Le maximum de la peine encourue est alors de la réclusion à perpétuité s’il est puni de 20 ou 30 ans de réclusion criminelle, ou de 30 ans de réclusion criminelle s’il est puni d’une peine de 15 de réclusion criminelle. En cas de récidive générale et temporaire, il y aura doublement du quantum des peines d’emprisonnement et d’amende encourues si après avoir été condamné pour un crime ou un délit puni de dix ans d’emprisonnement, il commet, soit dans un délai de dix ans suivant l’expiration ou la prescription de la précédente, un autre délit puni de dix ans d’emprisonnement, soit dans un délai de cinq ans après l’expiration ou la prescription de la précédente, un délit puni d’une peine d’emprisonnement comprise entre un an et dix ans. Le troisième cas est celui d’une récidive spéciale et temporaire. Ici, les peines encourues sont doublées si la personne, déjà condamnée pour un délit puni d’une peine d’emprisonnement inférieure à dix ans, commet, dans les cinq ans qui suivent l’expiration ou la prescription de la peine précédente, le même délit ou un délit qui lui est assimilé par la loi. Enfin, on parle de récidive spéciale, temporaire et expresse dans l’hypothèse dans laquelle le doublement du maximum de l’amende est encouru si la personne, déjà condamnée pour 55 PORTELLI, Op. cit., note 31, p. 825 et s. 26 contravention de cinquième classe, commet, dans le délai d’un an à compter de l’expiration ou la prescription de la précédente peine, la même contravention. A ces quatre hypothèses s’ajoute une autre situation, celle dans laquelle la contravention « se transforme » en délit en cas de récidive. Ce dernier cas n’était pas prévu dans le code pénal de 1994, mais un certain nombre de textes de droit pénal spécial traitaient de cette question. De l’ancien code pénal, il subsistait une dizaine de contraventions qui devenaient des délits en cas de récidive, dans un délai souvent fixé à un an à compter de la première condamnation. C’était par exemple le cas de la conduite sans permis et de la plupart des infractions au code de la route. La loi du 18 juin 1999, sur la sécurité routière, a ajouté un article L413-1 au code de la route qui prévoit qu’un excès de vitesse, s’il est important, constitue une circonstance aggravante qui transforme une contravention en délit. Puis la loi du 12 juin 2003 est venue consacrer ces hypothèses d’infractions au code de la route dans la partie générale du code pénal en complétant l’article 132-11. Ainsi, le second alinéa de cet article dispose que « dans les cas où la loi prévoit que la récidive d’une contravention de la cinquième classe constitue un délit, la récidive est constituée si les faits sont commis dans le délai de trois ans à compter de l’expiration ou de la prescription de la précédente peine ». B - Une nouvelle approche de la récidive : le suivi sociojudiciaire Le code pénal n’a pas marqué une pause dans le débat sur la récidive, loin de là . Une Commission instaurée par Pierre Mehaignerie56 préconisait, dans son rapport publié en 1994, l’introduction dans le code d’une peine complémentaire de suivi post-pénal applicable à toutes les infractions criminelles. Ce fût un échec. Cependant, quelques années plus tard, la loi 98- 458 du 17 juin 199857 fût adoptée58. Celle-ci concernait la répression des infractions sexuelles et la protection des mineurs. Elle institua le suivi socio-judiciaire dans le paysage répressif français. L’objectif était de répondre à l’émotion suscitée dans l’opinion publique suite aux meurtres accompagnés de viols par des récidivistes sur des enfants. Le suivi socio-judiciaire est défini par l’article 131-36-1 alinéa 2 du Code pénal comme « l’obligation (pour le condamné) de se soumettre, sous le contrôle du juge d’application des 56 Commission d’étude pour la prévention de la récidive des criminels 57 Texte disponibleà l’adresse suivante : http:// www. admi.net/jo/19980618/JUSX9700090L.html 58 PORTELLI, Op. cit. note 31. 27 peines et pendant une durée déterminée par la juridiction de jugement, à des mesures de surveillance et d’assistance destinées à prévenir la récidive ». Cette mesure est apparue comme une « copie revue et corrigée » du sursis avec mise à l’épreuve, dans la mesure ou le texte lui-même renvoie directement aux articles du code relatifs à cette autre mesure59. L’individu condamné à un suivi ou à un sursis devra obligatoirement répondre aux convocations du juge de l’application des peines, accepter de recevoir des visites, le prévenir de ses changements d’emploi ou de résidence et enfin, obtenir du juge d’application des peines l’autorisation préalable pour tout déplacement à l’étranger. Il pourra être soumis à une ou plusieurs obligations : exercer une activité professionnelle ou suivre une formation, se soumettre à des mesures d’examen médical, de traitement ou de soins, justifier une contribution aux charges familiales ou le paiement d’une pension alimentaire, réparer les dommages causés par l’infraction. Le caractère médical du suivi socio-judiciaire n’est pas obligatoire60, mais dans la plupart des cas les dispositions de l’article 131-36-4 du code pénal qui prévoit que cette mesure « peut comprendre une injonction de soins » s’appliquent. L’injonction de soins ne pourra être prononcée par le juge de jugement que si une expertise médicale la propose. Dans les cas les plus graves, la présence de deux experts sera nécessaire61. La relation entre médecine et justice est ici très importante puisque la décision judiciaire repose sur la décision médicale. L’injonction de soins pourra également être prononcée par le juge de l’application des peines après que la mesure de suivi socio-judiciaire ait été accordée. Cette seconde hypothèse est envisageable lorsque la personne soupçonnée d’avoir commis une infraction à caractère sexuel niait son implication au moment des faits mais qu’elle a reconnu sa culpabilité quelques temps plus tard. Il pourra également être soumis à des obligations négatives : ne pas conduire certains véhicules, ne pas se livrer à l’activité professionnelle dans l’exercice de laquelle l’infraction a été commise, ne pas paraître en certains lieux ; ne pas engager de paris ; ne pas fréquenter de débits de boisson, ne pas fréquenter certains condamnés, s’abstenir d’entrer en relation avec 59 Articles 132-44 à 132-45 sur les mesures de surveillance générales ou particulières. 60 Avant 1998, une « peine de suivi médico-social » était envisagée. Elle aurait nécessairement comportée un aspect thérapeutique. 61 S’il s’agit d’un cas de meurtre ou d’assassinat d’un mineur précédé ou accompagné d’un viol, de torture, ou d’actes de barbarie. 28 certains individus (notamment la victime), ne pas détenir ou porter une arme. La cour de cassation a considéré que cette liste d’obligations devait être considérée comme limitative62. Ces similitudes ont amené les juges à préciser que le cumul de ces deux mesures était interdit63. Cependant, d’autres obligations peuvent être prononcées dans le cadre du suivi. Elles sont prévues à l’article 131-36-2 alinéa 2 : s’abstenir de paraître en tout lieu spécialement désigné, notamment les lieux accueillant habituellement des mineurs, s’abstenir de fréquenter certaines personnes ou certaines catégories de personnes et notamment des mineurs, ne pas exercer d’activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs. Ces interdictions sont significatives d’une volonté de prévenir le risque de récidive, notamment chez les pédophiles. Sur le plan de la pratique, le suivi socio-judiciaire ne peut être prononcée qu’à l’encontre des personnes condamnées pour un crime ou un délit de nature sexuelle, en cas de meurtre ou assassinat précédé ou accompagné d’un viol, de tortures ou d’actes de barbarie64, de viol ou agression sexuelle, y compris en cas d’exhibition sexuelle65, ou encore d’infractions mettant en péril des mineurs66. De plus, en vertu de l’article 763-1 du Code de procédure pénale, « la personne condamnée a un suivi socio-judiciaire est placée sous le contrôle du juge de l’application des peines dans le ressort duquel elle a sa résidence habituelle ou, si elle n’a pas en France de résidence habituelle, du juge de l’application des peines du tribunal dans le ressort duquel a son siège la juridiction qui a statué en première instance (...) ». Ce magistrat joue donc un rôle essentiel dans le bon déroulement de la mesure puisqu’il peut supprimer, modifier ou ajouter une obligation qui avait été décidée par le tribunal, ou encore prononcer une injonction de soins si une nouvelle expertise conclut que le condamné est accessible à un traitement pénal. Il peut en cas d’inobservation de ses obligations par le condamné, d’office ou sur réquisition du procureur de la République, ordonner par décision motivée la mise à exécution de l’emprisonnement tel qu’il avait été prononcé par le tribunal en application de l’article 131-36-1 alinéa 267. Le juge de l’application des peines a également 62 Cass.crim., 14 mars 1963 et 2 avril 1963 cités par PRADEL (J.) in Droit pénal général, Cujas, 1996. 63 Article 131-36-6 du Code pénal. 64 Article 2 de la loi du 17 juin 1998 instaurant l’article 221-9-1du Code pénal. 65 Article 3 de la loi du 17 juin 1998 se référant aux articles 222-23 à 222-32 du Code pénal. 66 Articles 227-22 à 227-25 du Code pénal. 67 Article 763-5 alinéa 1 du Code de procédure pénale. 29 un rôle à jouer en matière de libération du condamné dans la mesure où elle peut intervenir à une date antérieure à celle prévue dans le jugement. La loi du 17 juin 1998, modifiée par la loi « Perben II » du 9 mars 2004, a prévu que le suivi socio-judiciaire pouvait s’appliquer à l’encontre d’un individu pendant une durée de 10 ans en matière correctionnelle et 20 ans en matière criminelle68. En cas de non-respect des obligations, l’emprisonnement sera encouru. Elle prévoyait que la juridiction de jugement pouvait prononcer, en cas d’inobservation des obligations imposées, de lourdes peines d’emprisonnement : jusqu’à 2 ans en matière délictuelle et 5 ans en matière criminelle. L’objectif de cette loi était clair : prévenir la récidive des délinquants sexuels. Cette disposition avait le mérite de prendre en considération la question de la récidive dès l’apparition du risque et non pas uniquement quand ce risque s’est concrétisé. Elle ne s’intéressait pas à la récidive dans sa globalité mais à un type précis de récidive. Cette remarque fût à l’origine d’un certain nombre de critiques fondée sur son inutilité au regard des statistiques. Le taux de récidive des délinquants sexuels était en effet à l’époque très faible. Annie Kensey et Pierre Tournier ont constaté, dans une étude publiée en 199469, que les condamnés pour viol n’étaient pas ceux qui commettaient à nouveau le plus d’infractions. Parmi les 96 ex-détenus pour viol, seuls 3 ont été à nouveau condamnés pour une nouvelle infraction sexuelle70. Depuis la loi du 15 juin 200071 sur la présomption d’innocence et le renforcement des droits de la défense, le débat sur la récidive a été relancé et redirigé vers un objectif de réinsertion du condamné plutôt que d’une répression accrue. II - Le renouveau de la libération conditionnelle Le rôle de la libération conditionnelle en matière de lutte contre la récidive n’a pas toujours été reconnu. Il a fallu attendre la loi du 15 juin 2000 pour que sa participation dans ce combat soit enfin soulignée. Or, force est de constater, que cette libération anticipée joue en faveur du reclassement du délinquant, élément essentiel pour éviter la récidive. En lui permettant de « se prendre en mains », de gérer ses faits et gestes tout en étant surveillé, le délinquant a 68 Article 131-36-1 alinéa 2 du Code pénal. 69 KENSEY (A.), TOURNIER (P.), Libération sans retour ?, Travaux et documents (SCERI), n°47 et Etudes et données pénales (CESDIP), n° 69, ministère de la justice, oct. 1994, 1994. 70Dans le groupe qu’ils ont examiné, les condamnés libérés les plus réitérants étaient d’abord ceux précédemment condamnés et détenus pour vol (72 % de délinquants, 59 % de criminels) ; venaient ensuite les ex-détenus pour violences volontaires (51%), pour viol (38 %), pour meurtre (32 %), pour attentat à la pudeur (31 %), les exdétenus pour trafic de stupéfiants arrivant en septième et dernière position (14 %) 71 Texte disponible à l’adresse suivante : http:// www. legifrance.gouv.fr 30 l’occasion de s’amender en prouvant sa volonté de s’en sortir. Nous étudierons tout d’abord l’évolution historique de la mesure, ce qui nous permettra de mieux comprendre les raisons du faible recours à la libération conditionnelle (A), avant de voir ensuite les effets qu’elle a eu sur la récidive (B). A - Evolution historique de la libération conditionnelle72 La libération conditionnelle fût introduite dans notre arsenal répressif par une loi du 14 août 1885, dans un contexte économique, social et politique sensible dans la mesure où pauvreté, vagabondage et insécurité constituent le quotidien des Français. Ces derniers appellent à plus de répression, à des mesures sécuritaires. C’est dans cet objectif, que quelques mois plus tôt fût adoptée la loi sur la relégation qui prévoit, comme nous l’avons vu, « l’internement perpétuel sur le territoire des colonies ou possessions françaises des condamnés », qu’ils soient criminels ou récidivistes73. Cette mesure, qui satisfait en grande majorité la population est un obstacle à l’application de la libération conditionnelle. A l’époque, le gouvernement dispose donc de deux mesures symétriquement opposées : la première visant le criminel et surtout le récidiviste et leur éloignement de la société, et la seconde prônant, au contraire l’amendement de la personne. Robert Badinter pour résumer la situation a écrit que « la majorité républicaine avait inscrit dans ses lois la parabole du bon et du mauvais larron : au premier, sinon le paradis, du moins le purgatoire de la libération conditionnelle ; au second, l’enfer de la relégation perpétuelle 74 ». Progressivement, alors que la relégation s’essouffle, la libération conditionnelle prend, quant à elle son essor. Les oppositions s’estompent peu à peu jusqu’à ce que la mesure apparaisse, aux yeux notamment de l’administration pénitentiaire, un bon moyen de gestion des prisons. Elle apparaît alors plus comme une mesure de faveur pénitentiaire que de prévention de la récidive75. La libération conditionnelle s’est peu à peu creusée une place dans notre droit, changeant rapidement de perspectives. Dans les années 50, il ne s’agissait plus de gérer la population carcérale mais plutôt de récompenser le condamné en fonction de sa capacité d’amendement. En 1958, le code de procédure pénale confie à un nouveau magistrat, le juge de l’application des peines, le suivi de ces mesures. La mesure subit alors plusieurs modifications successives. 72 Rapport de la Commission de la libération conditionnelle du conseil supérieur de l’administration pénitentiaire de février 2000. 73 Article 1er de la loi du 29 juin 1885. 74 BADINTER (R.), La prison républicaine, Fayard, 1992, p.169. 75 FIZE (M.), Il y a 100 ans la libération conditionnelle, In revue de science criminelle, 1985, n°4, p.764 et s. 31 Ce n’est que récemment, en 2000, que sa place est remise en cause. En effet, la libération conditionnelle est rarement, et de moins en moins prononcée. L’un des objectifs de la loi de 2000 était de relancer la pratique de la libération conditionnelle. Ce projet avait déjà été proposé il y a maintenant une vingtaine d’années par Robert Badinter, mais il s’est conclu par un échec. La mise en place du placement sous surveillance électronique en 199776 et du placement sous surveillance judiciaire en 1998 ont marqué les premiers pas du processus qui ont mené quelques années plus tard à l’adoption de la loi du 15 juin 2000. Le rôle du juge de l’application de peines s’est progressivement développé avant d’être concrétisé dans cette dernière. Elle a fait des différentes modalités d’application des peines, qui n’étaient jusque-là que des mesures d’administration judiciaire non susceptibles d’appel, des véritables décisions juridictionnelles prises après un débat contradictoire, au cours duquel le détenu peut se faire assister d’un avocat, et susceptibles d’appel devant la chambre des appels correctionnels. S’agissant de la lutte contre la récidive, cette loi a eu une importance capitale en revisitant les principes qui gouvernaient jusqu’alors la libération conditionnelle. L’article 729 du code de procédure pénale dispose, en effet, que « la libération conditionnelle tend à la réinsertion des condamnés et à la prévention de la récidive ». Son objectif est simple : éviter les « sorties sèches » de prison, c’est-à -dire non préparées par le condamné qui, à sa sortie de prison se retrouve seul, sans soutien et qui rapidement risque de retourner à ses anciennes habitudes. Le législateur a étendu la compétence du juge de l’application des peines, qui peut désormais accorder cette mesure aux personnes condamnées à dix ans d’emprisonnement ou ayant une peine restant à subir inférieure à trois ans. Les demandes des autres détenus sont, elles, examinées par une juridiction régionale de la libération conditionnelle, présidée par un président de chambre ou un conseiller de cour d’appel et composé de deux juges de l’application des peines. L’intervention du garde des Sceaux, compétent jusque là à l’égard des détenus condamnés à plus de cinq ans d’emprisonnement, est supprimée. Les décisions de la juridiction régionale sont susceptibles d’appel devant la juridiction nationale de la libération conditionnelle. Les critères d’octroi de la libération conditionnelle ont également été élargis. Pour en bénéficier, le condamné doit, selon l’art 729 al 1er du code de procédure pénale77 présenter des 76 Texte disponible sur : http:// www. legifrance.gouv.fr 77 « La libération conditionnelle tend à la réinsertion du condamné et à la prévention de la récidive. Les condamnés ayant à subir une ou plusieurs peines privatives de liberté peuvent bénéficier d’une libération 32 efforts sérieux de réadaptation sociale. Avant la loi de 2000, la loi parlait de gages sérieux, expression souvent qualifiée de trop restrictive car limitée à l’exigence d’une promesse d’emploi. La loi du 15/06/2000 a par ailleurs donné une liste non limitative de ce qui constitue de tels efforts de la part du condamné : activité professionnelle, stage, vie de famille, nécessité de subir un traitement... De plus, il doit avoir déjà accompli un temps d’épreuve, c’est-à -dire une partie de sa peine. S’agissant des peines à temps, la durée de la peine accomplie doit être au moins égale à la durée de la peine qui lui reste à accomplir. Si le condamné était en état de récidive, il doit avoir accompli une durée d’incarcération au moins égale au double de la peine restant à subir. S’agissant des condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité, elle ne peut intervenir avant l’expiration d’un temps d’épreuve de 15ans. Pendant la période de libération conditionnelle, le condamné est soumis à un régime proche de celui du sursis avec mise à l’épreuve. Il bénéficie de mesures d’assistance et se trouve soumis à des mesures de contrôle et éventuellement à des obligations particulières, destinées à faciliter et à vérifier le reclassement du libéré. Leur suivi est assuré par le juge de l’application des peines avec l’assistance du service pénitentiaire d’insertion et de probation. Les mesures d’assistance ont pour objet de susciter et de seconder les efforts du condamné en vue de son reclassement social et notamment de sa réadaptation familiale et professionnelle. La durée de l’ensemble de ces mesures générales et particulières est fixée par la décision de libération conditionnelle. Leur durée et leur nature peuvent être modifiées pendant toute sa durée dans les mêmes formes qu’elles ont été ordonnées. Elle peut être révoquée dans les mêmes formes qu’elle a été ordonnée en cas de nouvelle condamnation, d’inconduite notoire ou d’inobservation des conditions imposées par le juge. Elle doit être ordonnée par ordonnance motivée du juge de l’application des peines ou de la juridiction régionale de l’application des peines, prise à l’issue d’un débat contradictoire et susceptible d’appel. Si, pendant le délai d’application des mesures de contrôle et d’assistance, le condamné s’est bien comporté, il est définitivement libéré. La peine est alors réputée avoir été exécutée dès la date du jugement et depuis l’expiration de la période de liberté sous condition. Elle laisse conditionnelle s’ils manifestent des efforts sérieux de réadaptation sociale, notamment lorsqu’ils justifient soit de l’exercice d’une activité professionnelle, soit de l’assiduité à un enseignement ou à une formation professionnelle ou encore d’un stage ou d’un emploi temporaire en vue de leur insertion sociale, soit de leur participation essentielle à la vie de famille, soit de la nécessité de subir un traitement, soit de leurs efforts en vue d’indemniser leurs victimes » 33 subsister les interdictions, déchéances et incapacités qui étaient attachées à la condamnation. De plus, elle compte pour la récidive et peut faire obstacle à l’octroi d’un sursis simple. La loi du 9 mars 200478 a crée, dans le ressort de chaque Cour d’Appel, un ou plusieurs tribunaux de l’application des peines, composés des juges de l’application des peines, qui viennent en remplacement des juridictions régionales de la libération conditionnelle, dont il reprend les compétences, avec quelques attributions annexes. Il a fallu attendre cette loi, portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, pour que la phase de l’exécution des peines devienne une véritable phase du procès pénal. Les juges doivent désormais prendre en charge la phase de l’exécution des peines en orientant et en contrôlant les aménagements qui peuvent être apportés jusqu’à l’expiration de la peine prononcée. L’article 707 du code de procédure pénale79 prévoit que la mise à exécution se fait sur décision ou sous le contrôle des autorités judiciaires, que le but est la réinsertion du condamné et la prévention de la récidive et que les moyens utilisés doivent être fonction de l’évolution de la personnalité et de la situation du condamné. B - Libération conditionnelle et prévention de la récidive Depuis le début des années 70, les admissions à la libération conditionnelle n’ont pas cessé de diminuer, alors que paradoxalement, le nombre de détenus admis à en bénéficier a progressivement augmenté. En vingt-six ans, le taux d’admission à la libération conditionnelle, prononcée par des juges de l’application des peines, est passé de 29,3% en 1973 à 14% en 199880. En 2001, 5680 condamnés ont été admis à la libération conditionnelle par le juge de l’application des peines, et 167 par le Garde des Sceaux ou la juridiction régionale de 78 COUVRAT (P.), Dispositions générales et nouvelle organisation judiciaire de l’application des peines, chronique de la RSC, juillet/septembre 2004, p.685 à 687 79 « Sur décision ou sous le contrôle des autorités judiciaires, les peines prononcées par les juridictions pénales sont, sauf circonstances insurmontables, mises à exécution de façon effective et dans les meilleurs délais. L’exécution des peines favorise, dans le respect des intérêts de la société et des droits des victimes, l’insertion ou la réinsertion des condamnés ainsi que la prévention de la récidive. A cette fin, les peines peuvent être aménagées en cours d’exécution pour tenir compte de l’évolution de la personnalité et de la situation du condamné. L’individualisation des peines doit, chaque fois que cela est possible, permettre le retour progressif du condamné à la liberté et éviter une remise en liberté sans aucune forme de suivi judiciaire ». 80 Op.cit. note 45. 34 l’application des peines81. Sur 203 révocations, seules 93 l’ont été en raison d’une nouvelle condamnation. Pierre Tournier et Annie Kensey82 se sont intéressés à cette relation entre libération conditionnelle et récidive. Pour cela, ils ont étudiés le taux de retour en prison d’un groupe de détenus, déjà condamnés pour des peines d’au moins trois d’incarcération. Ils ont ainsi fait état d’un taux de retour en prison qui va du simple au double selon que la personne a bénéficié ou non d’une libération conditionnelle83. Quatre années après leur libération84, ils se sont interrogés sur les mêmes personnes et ont pu constater que dans 50% des cas, une nouvelle infraction a été commise pendant ces quatre années. Environ 40% d’entre eux ont récidivé dans les six mois de leur sortie. Ils ont fait remarquer que l’influence du mode de sortie est importante puisque le taux de nouvelles affaires commises par les libérés après une libération anticipée est de 39,6% contre 54,5% pour les libérés en fin de peine. Les chiffres parlent d’eux-mêmes, il n’est nul doute que la libération conditionnelle a un effet bénéfique sur les détenus. Alors que l’élaboration d’un projet de reclassement engage pleinement la personne et réclame des efforts de sa part, l’incarcération joue le rôle contraire, elle la fragilise mentalement, et la laisse dans un milieu dont les vertus criminogènes ne sont plus à prouver. Cependant, les objectifs de cette mesure, aussi louables soient ils, se heurtent à une actualité de remise en cause permanente. En effet, la montée du sentiment d’insécurité, et l’augmentation des infractions sexuelles, souvent commises par des récidivistes, lui font échec. Réinsertion et réadaptation des condamnés, amendés ou non, sont loin d’être les priorités des citoyens français. La libération conditionnelle, crée avant tout pour récompenser les détenus ayant faits des efforts considérables lors de la détention, devient une mesure dont le prononcé dépend désormais du passé judiciaire et des risques de récidive. La libération conditionnelle, dont l’objectif final est la réinsertion du condamné, doit pouvoir compenser les effets difficiles de la sortie de prison. En effet, quelle que soit la durée de la peine purgée, la libération est un moment délicat à vivre. La personne libérée sans 81 Rapport de la mission parlementaire auprès de Dominique Perben, Les alternatives à la détention, les modalités d’exécution des courtes peines, la préparation des détenus à la sortie de prison, Avril 2003 82 KENSEY (A.), TOURNIER (P.), Le retour en prison, analyse diachronique (détenus libérés en 1973- détenus libérés en 1982, initialement condamnés à trois ans ou plus », Direction de l’administration pénitentiaire, Travaux et documents n°40, 1991. 83 23% en cas de libération conditionnelle contre 40% pour les libérations en fin de peines. 84 KENSEY (A.), TOURNIER (P.), Libération sans retour ? Devenir d’une cohorte de sortants de prison condamnés à une peine à temps de trois ans et plus, Ministère de la Justice. 35 préparation ni accompagnement risque de se retrouver dans un environnement familial ou social dangereux, voire criminogène, ou bien au contraire dans un isolement total, alors qu’elle aurait besoin de soutien pour se réadapter à la vie libre. Tout ceci peut l’amener à la récidive85. La libération conditionnelle est l’une des mesures les plus connues par les Français au travers des médias notamment. Cette mesure soulève souvent l’opinion surtout lorsqu’il s’agit de récidivistes. La libération de Lucien Léger, après quarante et une années passées derrière les barreaux a récemment fait la une des médias. A soixante huit ans, et après près de dix sept demandes de mise en libération conditionnelle, une décision judiciaire en sa faveur est tombée en 2005. Condamné à perpétuité en 1966 pour le meurtre d’un garçon de onze ans, le tribunal de l’application des peines d’Arras a accordé cette mesure de libération conditionnelle au plus ancien des détenus de France et à l’un des plus anciens d’Europe. Une autre libération conditionnelle célèbre est celle de Patrick Trémeau. C’est cette dernière qui, comme nous le verrons ultérieurement, a relancé le débat sur la question de la récidive. Ce violeur multirécidiviste, en effet, a été interpellé quelques mois après sa libération pour le viol de trois femmes en région parisienne. D’anciennes victimes de Trémeau se sont révoltées contre cette mesure de clémence injustifiée, critiquant le fait que bien qu’ayant averti les pouvoirs publics du risque de récidive de cet individu, il n’y a eu aucune volonté politique, aucune mesure de surveillance d’instaurées. « Les politiques, en laissant sortir Trémeau sans condition, l’ont autorisé à recommencer », a déclaré l’une d’elles86. La libération conditionnelle la plus récente concerne Jean-Marc Deperrois87. Ce dernier fût condamné à vingt de réclusion criminelle dans l’affaire de la Josacine empoisonnée au cyanure. C’est au début d’avril 2006 que le tribunal de l’application des peines d’Evreux a accepté sa demande de libération conditionnelle. Il fût condamné le 25 mai 1997 par la cour d’assises de la Seine-Maritime pour l’empoisonnement de la petite Emilie Tanay avec du sirop de « Josacine » contaminé au cyanure. La présence de poison dans le flacon de « Josacine » fût rapidement décelée. Selon l’accusation, Jean-Marc Deperrois avait introduit le cyanure de sodium dans le sirop en pensant que celui-ci était destiné au mari de sa maîtresse, Jean-Michel Tocqueville, chez qui séjournait Emilie Tanay. L’accusé a quant lui toujours clamé son innocence. 85 Op. cit. note 72. 86 BONNEFOUS (B.), Nous savions qu’il allait recommencer, 20 minutes, 27 septembre 2005, p.8. 87 Josacine : libération conditionnelle pour Deperrois, appel suspensif du parquet, sur le figaro.fr, 6 avril 2006. 36 Maintenant que nous nous sommes intéressés à l’instauration progressive d’un droit de la récidive, il conviendra ensuite de traiter des difficultés pratiques rencontrées à cet effet. Chapitre II - Une construction délicate du droit de la récidive Pédophiles en série arrêtés plusieurs années après les faits, violeurs rechutant à leur sortie de prison... Les scandales de ce type se sont multipliés depuis quelques années. Le Procureur général de Reims, Yves Charpenel a eu l’occasion de connaître d’une telle histoire : le 7 septembre 2002, un individu de 45 ans, arrêté par les policiers, avoua avoir commis quatre crimes à caractère sexuel depuis sa libération la même année. Après avoir passé douze années de sa vie derrière les barreaux, il en était sorti sans la moindre mesure de suivi post-sentenciel. Ce fait divers, parmi tant d’autres a conduit Dominique Perben, alors ministre de la justice, à adopter la loi du 9 mars 2004, à l’origine d’un arsenal plus répressif à l’égard des délinquants sexuels. Ce dernier a opéré dans la continuité de ses prédécesseurs : après la perpétuité réelle pour les violeurs d’enfants, le suivi médico-social ou encore le suivi socio-judiciaire, il fallait une nouvelle mesure permettant de les repérer plus facilement. Alors qu’en 2002, les infractions à caractère sexuel représentaient près de 25% des condamnations prononcées par les tribunaux français, selon Monsieur Lameyre, les pouvoirs publics et les autorités judiciaires ont répondu aux plaintes de plus en plus nombreuses des victimes par « un accroissement sans précédent de la répression de la criminalité sexuelle »88. Les arrestations, trop tardives, de ces récidivistes, ont ému l’opinion et ainsi relancé le débat sur le suivi de ces personnalités à risques. Un fichier des délinquants sexuels vît alors le jour : le fichier judiciaire des auteurs d’infractions sexuelles. Y seront recensées l’adresse et l’activité des personnes condamnées pour un crime ou un délit sexuel. Accessible, en temps réel, par les magistrats, les policiers et les gendarmes au cours d’enquêtes judiciaires, ce registre pourra aussi être consulté « par l’intermédiaire de l’autorité administrative, à l’occasion d’embauches dans des structures en relation avec l’enfance ou l’adolescence ». Cependant, les magistrats eux-mêmes s’interrogent sur l’utilité de cette mesure. Evelyne Sire- Marin, alors présidente du Syndicat de la magistrature, avait fait remarquer l’existence de 88 LAMEYRE (X.), Du régime spécial appliqué, en France, aux auteurs d’infractions sexuelles, Rev. sc. crim. (3), juill-sept. 2002, p. 548. 37 « nombreux fichiers ainsi que du casier judiciaire » et se demandait en quoi la création de ce nouveau dispositif pourrait être efficace pour lutter contre la récidive. « Avant de créer de nouveaux outils, mieux vaudrait améliorer l’emploi de ceux qui existent déjà 89 ». La France n’est pas le seul Etat à s’être interrogé sur la question du récidivisme. Depuis 1996, les lois américaines dites de Megan imposent aux polices des 50 États l’obligation d’« enregistrement » et de « notification publique » de la présence des ex-délinquants sexuels. Une banque de données automatisée listant les condamnés depuis 1970 est tenue à la disposition du public. En Grande-Bretagne, un programme de surveillance électronique par satellite des délinquants sexuels a été mis en place. Au Canada, les délinquants sexuels libérés subissent une thérapie et un suivi pendant une période de dix ans. Quant à l’Allemagne, une loi du 15 août 1969 autorise la castration chimique volontaire des délinquants sexuels de plus de vingt-cinq ans. Cependant, malgré tous ces efforts pour endiguer le problème, la réalité et les chiffres prouvent que sa disparition n’est pas à l’ordre du jour, bien qu’on ne puisse pas parler d’augmentation. Qu’il s’agisse des délinquants sexuels, ou des autres types de délinquance, la récidive reste d’actualité. L’année 2005, malgré l’arsenal répressif à la disposition de la justice, fût marquée par de nouveaux faits qui ont eu pour conséquence de remettre en cause son efficacité. Il conviendra de s’intéresser tout d’abord au récidiviste lui-même, et à ces rapports avec une éventuelle maladie mentale, avant d’aborder, dans un second temps, les problèmes purement techniques d’une lutte efficace contre la récidive, et au contexte d’adoption de la loi du 12 décembre 2005. Section 1 - Le récidiviste : un homme dangereux ? Le récidiviste lui-même a fait l’objet de nombreuses études. Certains se sont intéressés, comme nous l’avons vu en introduction, à l’aspect médical du problème, en étudiant le crâne du délinquant, ce qui a permis d’en dégager les spécificités. Plus tard, d’autres se sont interrogés sur l’influence de son milieu social et environnemental sur son comportement. Le récidiviste a toujours été considéré comme un être différent, à éliminer de la société, définitivement ou non. Depuis quelques années, la lumière est portée sur la dangerosité du délinquant. Monsieur Burgelin, président de la commission Santé-Justice chargeé de rédiger 89 FLEURY (E.), Le Parisien, le 23 septembre 2003. 38 un rapport sur l’aspect psychologique de la récidive, a donné une définition de la dangerosité criminologique. Il s’agit d’ « un phénomène psychosocial caractérisé par les indices révélateurs de la grande probabilité de commettre une infraction contre les personnes ou les biens »90. Elle se distingue de la dangerosité psychiatrique définie comme « un risque de passage à l’acte principalement lié à un trouble mental 91 ». Ce rapport, publié en juillet 2005, fait état d’un nouveau risque pour la société, celui que génère le malade mental, individu dangereux qu’il faut mettre à l’écart. Or, la réalité fait état d’un certain nombre de difficultés sur la question (I). La loi du 12 décembre 2005 préconise une évaluation préalable de la dangerosité du délinquant (II). I - Un système lacunaire La commission Santé-Justice a mis en évidence un certain nombre de lacunes en termes de recherche sur la dangerosité, qu’elle soit criminologique ou psychiatrique (A). De plus, elle révèle une mauvaise intégration de l’irresponsabilité pénale dans le procès (B). A - Des erreurs en matière d’expertises Les difficultés générées par les expertises ordonnées par des magistrats dans le cadre d’un procès, ont été soumises au public avec l’affaire dite d’Outreau. Cette tragédie a mis en exergue un certain nombre d’incohérences et d’erreurs majoritairement « constituées par les évaluations cliniques partiellement ou totalement erronées, par des inadéquations entre les constatations cliniques et ce que prescrit le droit92, ou par des positionnements personnelles ou idéologiques nuisibles au devoir d’objectivité des experts de la Justice 93 ». La pratique des expertises a toujours été très critiquée car le débat autour de la relation entre maladie mentale et délinquance est très ancien. Sous l’Ancien régime déjà , grâce aux travaux de Pinel, l’expert psychiatre jouait un rôle important lors des procès. Il avait pour obligation tout d’abord de soigner le malade, mais également de démontrer la relation entre la maladie et 90 Définition de Christian DEBUYST, issue du IIème cours international de criminologie de Paris en 1953, In Rapport d’information Assemblée nationale, n°1718, du 7 juillet 2004, sur le traitement de la récidive des infractions pénales, p.45. 91 Rapport de la commission Santé-Justice de juillet 2005, p.10. 92 Article 122-1 du code pénal (ancien article 64) 93 BOUCHARD (J.-P.), L’expertise mentale en France entre « pollution de la justice » et devoir d’objectivité, JCP, février 2006, p.15. 39 le passage à l’acte. Monsieur Seron94, professeur de psychiatrie et psychologie médicale, rédigea un historique sur la question et rappela qu’à la fin du 18ème siècle, beaucoup, dont Pinel, faisaient remarquer que les aliénés criminels étaient, depuis trop longtemps, négligés par la médecine95. Le psychiatre se voyait revêtu d’une tâche primordiale, à savoir être capable de prévoir les réactions d’un délinquant psychiquement anormal et les effets d’une sanction sur son comportement, qu’elle soit sévère ou au contraire indulgente. Les spécialistes des 18 et 19ème siècle ont également rappelé que certains des criminels, déclarés responsables car dépourvus de maladie mentale reconnue au moment des faits, pouvaient malgré tout, présentaient de « simples » troubles qui, confrontés à la prison, seraient réactivés et risqueraient de les conduire à récidiver. Le législateur, au début du 20ème siècle, avait envisagé d’instaurer une responsabilité pénale atténuée pour ces individus non malades au moment des faits mais souffrant cependant de troubles qui, face à un enfermement ferme, risqueraient d’empirer. Ce projet « Chaumier » fût un échec et ne vît pas le jour malgré grand nombre de rapports qui dénonçaient constamment la situation dramatique de ces individus face à l’incarcération. A l’heure actuelle, d’importants procès, comme celui de l’affaire d’Outreau, ont fait état d’erreurs graves en matière d’expertises psychiatriques qui ont eu des répercussions dramatiques sur les victimes de ces erreurs judiciaires et qui ont conduit au fiasco que tout le monde connaît. Monsieur Bouchard parle de « pollution de la justice ». Or, la justice doit être capable de tenir compte « de tous les éléments de vie et de personnalité des justiciables ». Il n’y a pas de place pour les approximations et les erreurs sur l’état mental des personnes soupçonnées. Ce dernier préconise la suppression de la distinction entre expertise « psychiatrique » et « psychologique » car il existe un chevauchement entre les questions posées aux psychiatres et aux psychologues. Ces deux notions devraient être remplacées par une autre beaucoup plus globale d’ « expertise mentale », qui serait réalisée indifféremment par l’un ou l’autre de ces experts. En unifiant les deux types d’expertise, un effectif suffisant d’experts qualifiés et compétents serait à la disposition de la justice. On pourrait se demander en quoi le problème des expertises psychologiques est important pour notre étude. La réponse apparaît dans la définition même de cette procédure. Elle sert en effet à analyser « la personnalité des auteurs, des victimes et/ou pour établir le lien 94 SENON (J.-L.), Histoire de la psychiatrie en milieu pénitentiaire de Pinel à la loi du 18 janvier 1994, Annales Médicopsychologiques, 1998, § 161 à 178. 95 SENON (J.-L.), L’expertise psychiatrique pénale : les données d’un débat, AJP, février 2006. 40 victimologique qui relie les deux »96. Elle est obligatoire en matière criminelle97 sur réquisitions du procureur de la République, sur demande du juge d’instruction ou encore du président de la chambre de l’instruction. Selon Michèle Agrapart-Delmas, il s’agit d’un long examen psychologique au cours duquel le médecin « tente de tout savoir afin de comprendre 98 ». L’objectif est que les facultés adaptatives de la personne soient repérées, c’està - dire ses facultés intellectuelles et la réussite scolaire, ses projets, le cas échéant, son métier. D’autres éléments plus personnels tels que sa sexualité, ses déviances, ses relations, éventuellement l’existence d’enfants, son passé dans sa famille, seront recueillis. « Les antécédents judiciaire, parentaux, collatéraux, qu’ils soient victimes ou auteurs, souvent les deux chez les jeunes des banlieues, sont soigneusement évoqués 99 ». Pour se faire, un avis sur la personne et la dimension cognitive sera systématiquement étudié, c’est-à -dire ses facultés de compréhension et d’expression, mais également de perception, de concentration... La connaissance des antécédents physiques et psychiatriques joue un rôle essentiel dans la compréhension du passage à l’acte. Après cette analyse superficielle, intervient une analyse plus profonde de la personnalité. Il s’agit à ce stade de détecter une éventuelle pathologie, ou névrose. Chez la plupart des récidivistes criminels de sang, les antécédents des troubles du comportement sont quasiment tout le temps les mêmes : énurésie tardive, cruauté envers les animaux, pyromanie récidivante, instabilité comportementale, souffrances familiales pendant la petite enfance, relations pathologiques avec une mère hyperprotectrice. Si le crime apparaît le plus souvent sans motivation réelle, il relève donc le plus souvent de troubles mentaux. Les schizophrènes seront souvent repérés lors d’un homicide par exemple. L’importance de l’expertise est donc considérable en matière de récidive. De faibles moyens, un manque de personnel qualifié participent donc directement à son échec. Détecter un trouble mental c’est peut être sauver quelques vies, éviter quelques viols... Si la présence d’un trouble mental est avérée, l’auteur de l’acte peut échapper à sa responsabilité, « pour tomber dans l’escarcelle de la psychiatrie 100 ». 96 AGRAPART-DELMAS (M.), De l’expertise criminelle au profilage, Favre, 2005, p.18. 97 Article 156 et s. du code de procédure pénale 98 Op. cit., note 96, p.22. 99 Ibid, p.23. 100 Ibid, p.173. 41 B - La question de l’irresponsabilité pénale Depuis 1999, le Parlement français s’intéresse de plus près à l’état des prisons. Le rapport Floch, rédigé à cet effet, mettait le doigt sur un point sensible : « la prison est finalement souvent le seul lieu d’accueil des personnes souffrant de troubles psychiatriques graves 101 ». Monsieur Senon va même jusqu’à afficher un taux de détenus atteints de troubles mentaux allant de 50 à 80%102. Dans une étude103 réalisée par messieurs Camilleri, Crochet, Gallet, et Laurencin, il est fait état d’un taux de 46% des détenus qui auraient, selon eux, des antécédents psychiatriques. Dans 31% des cas, les délits étaient révélateurs de la psychose. Aujourd’hui, peu de pays industrialisés peuvent se vanter d’une absence de malades mentaux dans leurs établissements pénitentiaires, et la France ne se démarque pas, comme nous venons de le voir. Le rapport « Burgelin » n’hésite pas à le dénoncer. Le nombre sans cesse croissant de personnes présentant des troubles psychologiques ou psychiatriques dans les prisons françaises est alarmant, surtout quand on sait que dans la plupart des cas la présence d’une psychose a été révélée par la commission de l’acte délictueux. Pourquoi de tels chiffres ? Beaucoup, comme Monsieur Burgelin, Senon ou encore Bouchard, estiment que cette augmentation constante est due, au moins en partie, à la diminution du nombre de prononcés d’irresponsabilité pénale. Le législateur, en 1810 était intervenu sur ce point en instituant, dans l’article 64 du code pénal, le principe d’irresponsabilité pénale en cas de démence de l’intéressé au moment du passage à l’acte. Une loi de 1838 prévoyait, quant à elle, les conditions du placement d’office de ces individus, qui devaient être soignés avec ou contre leur gré. Plus récemment, le code pénal de 1994104, repris le principe d’irresponsabilité pénale, en substituant l’abolition du discernement à la présence d’une démence. En prononçant l’irresponsabilité pénale d’un individu, celui-ci, au lieu d’être incarcéré, est placé dans un centre chargé de lui apporter les soins dont il a besoin, ou subi une peine atténuée. 101 MANZANERA (C.), SENON (J.-L.), Psychiatrie et justice pénale : à la difficile recherche d’un équilibre entre soigner et punir, AJP, octobre 2005, p. 354. 102 SENON (J.-L.), Psychiatrie et prison : toujours dans le champ de l’actualité, Annales Médicopsychologiques 162, 2004, p. 646 à 652. 103 CAMILLERI (C.), CROCHET (F.), GALLET (E.), LAURENCIN (G.), Les psychotiques incarcérés, Forensic 2000, 2- 3, p.48 à 52. 104 Article 122-1 du code pénal. 42 L’avantage de cette solution est de ne pas le laisser en contact avec d’autres personnes qui, elles, ne sont pas malades, et qui pourraient profiter de la situation pour entraîner le malade dans un processus contraire à sa guérison, c’est-à -dire de récidive. Parallèlement, prononcer l’irresponsabilité pénale d’un coupable est assez délicat vis-à -vis de la victime et de sa famille. Ces dernières, en effet, auront certainement des difficultés à comprendre que ce délinquant, qui a violé ou tué, puisse s’en sortir sans enfermement. Quoi qu’il en soit, la loi prévoit cette éventualité. Le jugement apparaît comme une étape essentielle au « travail de deuil » de la victime, qui a l’impression d’être vengée lorsqu’elle a réussi à obtenir des renseignements plus précis sur les faits et lorsque sa qualité de « victime » est reconnue. Le rapport de la commission Santé-Justice signale que loin d’appliquer cette disposition du code pénal qui prévoit une atténuation de la sanction, les juges, dès que le prévenu présente des troubles mentaux, a plus souvent recours à une peine alourdie. Pour Monsieur Senon, « cet effet pervers qui sur-responsabilise ceux qui, au contraire, devraient obtenir une indulgence particulière de la justice est un problème majeur dans l’organisation judiciaire de notre pays »105. Le rapport « Burgelin » avait pour objectif de faire un certain nombre de propositions en vue d’une meilleure prévention de la récidive. La commission qui a rendu le fruit de ses recherches en juillet 2005, s’est fondée sur l’importance de la prise en compte de la dangerosité des personnes condamnées, et ce, au delà même de l’exécution de la peine. Le rapport entre ce concept d’irresponsabilité pénale et celui de récidive est assez délicat à comprendre. Il s’avère, en effet, que cette question en entraîne une autre en relation directe avec le problème des expertises psychologiques. Les lacunes observées dans le point précédent106 en la matière ont des conséquences importantes sur l’efficacité de la pratique de l’irresponsabilité pénale, dans la mesure où la faible valeur reconnue à la parole des experts, compte tenu des moyens minimes dont ils disposent, limite le nombre de prononcés d’irresponsabilité. De ce fait, les individus qui présentent les troubles caractéristiques des récidivistes, des criminels de sang notamment107, et qui mériteraient d’être confiés à un établissement psychiatrique adapté à leur pathologie, se retrouvent alors entre les quatre murs d’une prison, lieu criminogène par excellence, et donc source de récidive. 105 Op.cit. note 102, p.356. 106 Voir p.42. 107 Voir introduction. 43 II - Une évaluation préalable de la dangerosité du délinquant La commission est partie d’un simple constat : la France, ou plus précisément, son système judiciaire, a des carences en matière de recherches sur la dangerosité des délinquants. Pour remédier à ces lacunes, elle propose quelques solutions. Elle préconise par exemple l’instauration d’un centre de documentation psycho-criminologique qui regrouperaient l’ensemble des expertises effectuées par les experts. Pour clarifier le rôle de ces derniers, il est également proposé de limiter leur tâche à la délivrance d’un avis médico-psychologique sur la nécessité de soins ou d’une hospitalisation, mais également sur l’opportunité d’ordonner ultérieurement une réelle expertise108. A côté de ces mesures, deux autres sont mises en avant : remettre en cause le principe d’irresponsabilité pénale (A), et placer la dangerosité du délinquant au coeur de la peine (B). A - « Vers le procès de l’irresponsabilité pénale » Toute personne souffrant de troubles mentaux ne doit pas être systématiquement considérée comme dangereuse, mais certaines le sont. La commission préconise que cette situation doit être prise en compte, tant lors de l’éventuelle déclaration d’irresponsabilité pénale qu’au moment et à l’issue de la mesure d’hospitalisation d’office ordonnée. Comme nous l’avons vu, la responsabilité pénale de l’auteur d’une infraction est subordonnée à sa faculté d’avoir pu décider librement de commettre les faits délictueux. Le code pénal distingue ainsi, selon que le discernement de la personne a été aboli par un trouble psychique ou neuropsychique, ce qui entraîne l’irresponsabilité pénale de l’intéressé109, ou simplement altéré, ce qui atténue seulement sa responsabilité110. Le juge apprécie souverainement, aidé par l’avis d’experts, si le trouble est concomitant aux faits et s’il existe un lien de causalité direct entre les deux. La commission, qui s’est fondée sur les travaux d’un groupe de travail111, recommande la mise en place d’une audience ad hoc sur l’imputabilité des faits, devant une chambre spécialisée du 108 NADJAR (E.), LEMOUSSU (P.), Rapport Burgelin : des propositions en vue d’une meilleure prévention de la récidive, AJP, septembre 2005, p.319. 109 Article 122-1 al 1 du code pénal. 110 Article 122-1 al 2 du code pénal 111 Direction des affaires criminelles et des grâces, Note d’orientation sur une possible réforme des règles applicables en matière d’irresponsabilité pénale, décembre 2003 44 tribunal de grande instance, ce qui permettrait, selon elle, « un véritable débat judiciaire ». Cette juridiction serait saisie par le juge d’instruction, qui clôturerait son information en rendant une ordonnance de non-lieu fondée sur l’irresponsabilité pénale de l’intéressé et une ordonnance motivée de cette chambre spécialisée. Si, à l’issue de cette audience, les faits poursuivis sont imputables au mis en cause, la juridiction devrait pouvoir se prononcer sur l’opportunité d’ordonner des mesures de sûreté à son encontre (placement sous surveillance électronique, suivi de protection sociale, placement dans un centre fermé de protection social). La commission souhaite entourée cette procédure de garanties. C’est pourquoi elle envisage la comparution d’un individu que si son état mental le permet. Cette mesure envisagée dans le rapport « Burgelin » doit permettre d’accroître le nombre de recours au concept d’irresponsabilité pénale. Ainsi, en permettant un prononcé plus fréquent de l’irresponsabilité pénale d’un individu, ce dernier qui, plus qu’un criminel, voire même qu’un criminel récidiviste, souffre d’une pathologie grave, verra sa situation personnelle étudiée scrupuleusement. Par conséquent, au lieu de se retrouver dans un établissement pénitentiaire, dans lequel il ne serait pas à sa place, il sera accueilli dans un hôpital psychiatrique où il bénéficiera de soins, d’un traitement personnalisé destiné à éviter de nouveaux passages à l’acte et donc la récidive. B - La dangerosité du délinquant au coeur de la peine La commission préconise encore une fois un certain nombre de mesures afin de prendre davantage en considération la dangerosité du délinquant lors du prononcé de la peine. A cet effet, elle propose une meilleure intégration de l’atténuation de la responsabilité pénale pour troubles mentaux, en application de l’article 122-2 alinéa 2. La prise en compte de cet élément suscite rarement de diminution de la peine. Cela peut s’expliquer notamment par les craintes du jury de laisser en liberté un individu qui semble souffrir de troubles du comportement. Une solution serait de donner à la justice un élément sur lequel se reposer et appuyer sa décision, comme l’avis délivré par un expert sur la question et sur ce qui peut concerner les traits de personnalité du délinquant. S’agissant du prononcé d’un sursis avec mise à l’épreuve portant obligations de soins, la commission recommande que son prononcé, mixte ou total, ne soit pas limité aux condamnations dont le quantum n’excède pas cinq ans, mais soit au contraire étendu à celles comprises entre cinq et dix ans d’emprisonnement. 45 La commission propose de relancer la distinction entre peine et mesure de sûreté, ces dernières étant définies comme une mesure de défense sociale destinée à prévenir la récidive d’un délinquant ou à neutraliser son état dangereux. Pour cela, l’instauration de trois mesures pouvant être prononcées par le juge contre un individu qui présente une dangerosité criminologique après avoir purgé sa peine ou être sorti de l’hôpital est évoquée. Il y aurait, tout d’abord, le placement sous surveillance électronique, mais également le suivi socio-judiciaire, dont le champ d’application serait étendu puisqu’il pourrait être accompagné d’une injonction de soins et d’une interdiction d’entrer en relation avec certaines personnes, de paraître dans certains lieux, de détenir ou de porter une arme. « La commission tient à souligner le caractère novateur du dispositif de l’injonction de soins, en ce qu’il permet de clarifier les fonctions et d’instaurer une meilleure collaboration entre l’autorité judiciaire, l’expert psychiatre et, par le biais du médecin coordonnateur, le praticien assurant le suivi ». La troisième mesure dont il est question est le placement dans des centres fermés de protection sociale, c’est-à -dire « des lieux fermés et sécurisés d’hébergement spécialisés dans la prise en charge d’individus particulièrement dangereux et ayant commis des faits criminels d’une gravité singulière 112 ». La stigmatisation du récidiviste en malade mental ne doit pas être généralisée, car la majorité des crimes sont commis par des délinquants ne présentant pas de maladie mentale. Cependant, la commission Santé-Justice, en s’intéressant à la question de la dangerosité du délinquant, et donc, par là même, à l’aspect psychologique du problème, a relancé le débat sur l’efficacité des liens entre justice et médecine, entre psychiatrie et délinquance. Parallèlement à ces discussions qui sont loin d’être closes, le gouvernement se heurte à d’autres difficultés, difficultés que le législateur va tenter de surmonter avec la loi 12 décembre 2005. Section 2 - Un législateur soumis à des difficultés Alors que Gérard Léonard, rapporteur de la commission des lois, avait déclaré que la proposition de loi relative au traitement de la récidive était « le fruit d’une réflexion approfondie fondée sur un diagnostic solide et incontesté 113 », M. Portelli, considère, quant à lui, que « ce n’est qu’un coup de bluff médiatique ». Toujours est-il, que l’on soit d’accord 112 NADJAR (E.), LEMOUSSU (P.), Op. cit. note 61, p. 320. 46 avec l’une ou l’autre de ces conceptions, après près de deux ans d’études, de recherches et de rapports, la loi fût finalement adoptée le 12 décembre 2005. Dans cette section, nous allons concentrer nos efforts sur les difficultés, d’ordre matériel, qui peuvent être considérées comme un ralentissement du système juridique (I), puis au contexte d’adoption de cette loi, dans un second paragraphe (II). I - Des difficultés techniques synonymes de ralentissement Si la question de la récidive est peu connue, elle est surtout mal mesurée par les outils statistiques existants (A). La raison est simple : ayant une définition juridique particulièrement stricte, aucune statistique n’est en mesure de l’évaluer avec précision. L’existence de concepts voisins de la récidive, comme celui de la réitération, participent directement à cette difficulté d’évaluation chiffrée du phénomène. S’agissant des pratiques judiciaires, la réalité montre qu’à tous les stades du procès, la circonstance aggravante de récidive n’est pas suffisamment prise en compte (B). A - La récidive et les statistiques : une conciliation délicate La notion de récidive est un concept délicat qui doit être distingué des notions voisines (1), et dont l’étroitesse empêche une bonne évaluation du phénomène (2). 1 - Des notions difficiles à discerner La première difficulté à évoquer est la délicate distinction à opérer entre récidive, concours réel d’infractions et réitération. Dans les trois cas, en effet, il y a eu commission successive de plusieurs infractions par un même délinquant. Là où le droit distingue ces trois hypothèses, beaucoup les qualifient indistinctement de récidive. La récidive légale est la situation dans laquelle, après avoir subi une première condamnation pénale définitive, qu’on appelle communément le premier terme de la récidive, le délinquant commet une nouvelle infraction, le second terme, qui va aggraver la peine initialement prévue. Comme nous l’avons vu précédemment, les articles 132-8 et suivants du code pénal, distinguent plusieurs hypothèses selon la nature de la nouvelle infraction et le délai dans lequel elle a été commise : générale et perpétuelle, générale et temporaire, spéciale et 113 Rapport de la commission des lois de l’Assemblée nationale du 7 juillet 2004, disponible à l’adresse suivante : assemblée-nationale.fr 47 temporaire, spéciale, temporaire et expresse. On parlera de « concours réel d’infractions » lorsque plusieurs infractions ont été commises par un même délinquant sans qu’aucun jugement de condamnation définitif ne soit encore intervenu. L’auteur de ces infractions multiples subira la peine de l’infraction la plus sévèrement réprimée par la loi114. Il pourra s’agir d’infractions qui ont été poursuivies en même temps et qui ont fait l’objet d’un jugement unique, et dans ce cas, les juges saisis pourront au stade du jugement et lors du prononcé de la peine régler les conséquences de la pluralité d’infractions. Il pourra également s’agir d’infractions ayant fait l’objet de plusieurs poursuites et jugements. Les conséquences d’une telle situation ne seront tirées que lors de l’exécution des peines prononcées. Toutefois, l’article 132-4 du code pénal autorise, par dérogation, les juridictions à ordonner la confusion des peines, pour éviter d’aboutir à un résultat plus sévère que celui qui résulterait d’une procédure unique. La confusion des peines est le procédé juridique par lequel une peine, qualifiée de peine absorbée, est réputée s’exécuter en même temps qu’une autre peine de même nature mais plus forte, dite absorbante. Enfin, la troisième hypothèse est celle de la réitération d’infractions. C’est la situation dans laquelle, la personne déjà condamnée définitivement, commet une nouvelle infraction dans des conditions ne correspondant pas au cadre de la récidive légale. Elle autorise le cumul des peines sans limite, sans constituer pour autant une circonstance aggravante. Il s’agira d’un délinquant, condamné définitivement pour un délit puni d’une peine inférieure à dix ans d’emprisonnement qui commet, soit une nouvelle infraction au-delà du délai de cinq ans après l’expiration ou de la prescription de la peine prononcée pour la première infraction ; soit une nouvelle infraction qui n’est pas la même que la précédente ; ou encore une nouvelle infraction qui n’est pas « assimilée » à la première au sens du code pénal115. La réitération peut être définie sous un angle différent. En effet, son acception policière ne correspond pas à sa définition judiciaire. Les services de police considèrent qu’il y a réitération quand une même personne est signalée à plusieurs reprises comme auteur d’infractions. 114 Articles 132-3 et 132-4 du code pénal. 115 -Ceux commis contre les biens qui sont le vol, l’extorsion, le chantage, l’escroquerie et l’abus de confiance (article 132-16 du code pénal) ; -Les délits d’agressions ou d’atteintes sexuelles (article 132-16-1 du même code) ; - Les délits d’homicide involontaire ou d’atteinte à l’intégrité de la personne commis à l’occasion de la conduite d’un véhicule routier et par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence (article 132-16-2 du même code). 48 Les similitudes entre ces trois notions empêchent de donner un état chiffré précis du taux de récidive puisque selon les sources, mais également selon l’auteur du relevé, les résultats seront différents. 2 - L’étroitesse de la notion de récidive Selon Pierre Tournier116 : « on ne distingue pas toujours ce qui est mesurable de ce qui ne l’est pas, ce qui a déjà été mesuré de ce qui ne l’a pas encore été. Et quand on dispose de données, de résultats de mesures effectuées avec la rigueur nécessaire, on ne se pose pas trop de questions sur les conditions de la mesure » alors même que « il ne s’agit jamais, dans les enquêtes, de la récidive légale définie dans le code pénal. » « Parmi les 326053 condamnés pour délits en 2001, 102127 avaient déjà été condamnés au moins une fois sur la période 1997-2001 à une date antérieure aux faits sanctionnés en 2001, ce qui situe le taux de récidive à 31,3% »117. Citons le cas par exemple des études menées par Infostat Justice118, qui a publié en 2003 une étude concernant la récidive observée au cours de l’année 2001. Claude Lecomte et Odile Timbart considèrent, qu’un condamné est comptabilisé dans la catégorie des récidivistes si l’infraction sanctionnée en 2001 a été commise après une précédente condamnation qu’elle soit définitive ou non. Or, l’une des conditions de l’état de récidive est que la première condamnation soit devenue définitive. M. Jean-Claude Marin, directeur des affaires criminelles et des grâces, a fait remarqué qu’il existe de nombreuses situations pour lesquelles le caractère définitif de la condamnation n’est pas acquis. C’est le cas par exemple du prévenu qui ne comparaît pas à l’audience soit personnellement, soit représenté par son avocat car il ignore la date de convocation devant le tribunal et que la signification du jugement ne lui a pas été adressée directement. Dans cette situation119, l’opposition au jugement n’a pas à être formée dans les dix jours comme le prévoit le droit commun, mais demeure recevable jusqu’à l’expiration des délais de prescription de la peine120. Il faut ajouter que cette étude ne respecte pas à la lettre de la définition de la récidive puisqu’elle ne retient pas la notion de délit 116 TOURNIER (P.), Mesure de la récidive, In Regards sur l’actualité, La documentation française, mars 1997, pages 15 et 16. 117 INFOSTAT JUSTICE, par LECOMTE (C.), et TIMBART (O.), juillet 2003, n°63, disponible à l’adresse suivante : www .justice.gouv.fr/publicat/Infostat68.pdf 118 Ibid 119 Pour l’année 2003, 24468 jugements devant les tribunaux correctionnels ont été rendus par défaut en 2001 et plus de 32400 condamnations ont été signifiées à parquet. 120 Article 492 du code de procédure pénale 49 similaire. Certains auteurs considèrent que le relevé ainsi effectué fait état de la réitération des infractions et non de la récidive121. Parmi les difficultés purement pratiques d’évaluation de la récidive, il ne faut pas oublier celle qui concerne les mineurs et leur casier judiciaire. Jusqu’à la loi du 9 mars 2004, dite loi « Perben II », les délais de conservation des informations figurant dans leur casier judiciaire étaient très courts. Le code de procédure pénale prévoyait que les fiches relatives aux mesures éducatives prononcées122, aux sanctions éducatives123, aux condamnations à des peines d’amende ou d’emprisonnement n’excédant pas deux mois, seraient effacées à la date d’expiration de la peine ou lorsque le mineur aurait atteint l’âge de la majorité. En matière de statistiques, l’évaluation de la récidive ne pouvait donc pas être très précise puisqu’à la majorité du mineur, une grande partie des informations contenues disparaissaient, un mineur ayant récidivé avant ses dix-huit ans ne pouvant pas être considéré comme tel à sa majorité. Depuis 2004124, la situation a évolué puisque désormais les fiches relatives aux mesures et sanctions éducatives sont retirées à l’expiration d’un délai de trois ans à compter du jour où elles ont été prononcées, ce qui permet d’aller au-delà de l’âge de la majorité, si la personne n’a pas, pendant ce délai soit subi une condamnation à une peine criminelle ou correctionnelle, soit exécuté une composition pénale, soit fait l’objet d’une nouvelle mesure éducative. A défaut, les fiches seront donc désormais conservées dans le casier selon les modalités de droit commun applicable aux majeurs B - La récidive et l’application de la loi pénale A tous les stades du procès pénal, le code pénal et le code de procédure pénale prévoient des règles que les magistrats se doivent de suivre pour rendre leur procédure légitime et légale. Or, la réalité est toute autre. Des exceptions de fait se font de plus en plus nombreuses. 121 MM. Michaël Janas et Éric Martin, membres de l’association nationale des juges de l’application des peines. 122 L’admonestation, la remise à parents, le placement, la liberté surveillée, la mise sous protection judiciaire, la mesure d’aide ou de réparation. 123 La confiscation d’un objet, l’interdiction de paraître et de rencontre, une mesure d’aide ou de réparation, un stage de formation civique. 124 Article 201 de la loi du 9 mars 2004, texte disponible à l’adresse suivante : www .legifrance .gouv.fr 50 1 - Un pratique pénale hétérogène Alors que la loi doit être appliquée de façon uniforme sur l’ensemble du territoire grâce aux instructions générales d’action publique125, et égalitaire entre les citoyens, « il semblerait que les pratiques judiciaires en matière de récidive soient variables et que les parquets ne relèvent pas systématiquement cette circonstance aggravante lorsqu’ils saisissent le tribunal »126. Plusieurs situations méritent d’être distinguées. La première concerne celle des magistrats qui dirigent les poursuites et qui ne relèvent pas l’état de récidive, synonyme d’aggravation de la peine car le quantum de la sanction encourue est considéré comme suffisamment élevé. La mission d’information sur le traitement de la récidive des infractions pénales estime qu’il appartient au garde des sceaux de faire usage de ses prérogatives pour unifier les pratiques pénales des parquets. Une autre hypothèse est celle dans laquelle le parquet a recours aux procédures rapides comme celle de la comparution immédiate, puisque ici, les parquetiers ne sont pas en mesure d’obtenir les informations concernant le passé pénal du prévenu dans les délais. Une autre difficulté se pose s’agissant du casier judiciaire et des informations qu’il contient. En effet, sa mise à jour n’est pas automatique. La cour de cassation a, à plusieurs reprises, relevé que le juge correctionnel ne pouvait pas ajouter de circonstances aggravantes sans l’accord du prévenu. De ce fait, si l’état de récidive est connu après que le tribunal a été saisi par le parquet, les juges du siège qui souhaitent la soulever doivent attendre que l’accord de l’intéressé ait été recueilli, ce dernier ayant intérêt, bien sûr, à ne pas le donner, au vu de la peine encourue127. Or, selon M. Jean-Claude Marin, directeur des affaires criminelles et des grâces du ministère de la justice, le délai d’enregistrement128 des condamnations pénales par le casier ne dépend pas que de la diligence de ses propres services mais résulte de la conjonction de deux délais distincts : celui nécessaire au traitement et à la saisie du jugement par les services compétents des juridictions, et celui relatif au traitement des ces informations par les 125 Article 30 du code de procédure pénale depuis la loi du 9 mars 2004. 126 Rapport d’informations de l’Assemblée nationale du 7 juillet 2004, texte disponible à l’adresse suivante : www.assemblée.nationale.fr 127 Selon l’étude menée par Infostat justice, 39% des récidivistes ont été condamnés à un emprisonnement ferme contre 10% pour les non récidivistes. 128 En 2001, ce délai atteignait 18,2 mois au TGI de Senlis, 17,4 mois à celui de Nantes, 13,4 mois à celui d’Orléans et 12,9 mois à celui de Saint-Nazaire mais 8,4 mois à celui de Nancy. (Pôle Études et évaluations (juin 2004)). 51 services du Casier. Jean-Luc Warsmann129a déclaré que l’incapacité de la justice à « être renseignée en temps réel sur l’existence des condamnations qu’elle a elle-même prononcées [ ...] a des conséquences graves sur la décision que le tribunal sera amené à rendre. Dans l’ignorance d’une ou plusieurs condamnations, non encore parvenues au casier judiciaire, le tribunal n’est pas non plus informé de l’éventuelle récidive commise par le prévenu. Il ne sait pas, en outre, au cas où il prononce une peine d’emprisonnement ferme, si celle-ci révoque des sursis qui ont été précédemment prononcés ». De plus, ce ralentissement de la transmission des informations peut être reproché aux techniques elles-mêmes qui, à l’heure d’Internet et des nouvelles technologies, se distinguent par leur archaïsme. Cette transmission est en effet effectuée par courrier ou, exceptionnellement par télécopie. 2 - La question de l’exécution des décisions de justice Le ministre de la justice a déclaré130 que « le rapprochement entre le nombre de peines d’emprisonnement ferme et le nombre des incarcérations constatées en 1999 conduit à un taux d’exécution apparent de 71 %. En tenant compte des situations particulières (plusieurs condamnations pour une même personne exécutées en une seule fois ou encore des détentions provisoires subies et non suivies d’une condamnation), ce taux a finalement été évalué à 68 %. L’inexécution de 32 % des peines trouve son origine soit dans l’application de règles juridiques soit dans des difficultés pratiques de mise à exécution. » De plus, nous ne pouvons parler des difficultés d’exécution des peines sans évoquer ce que Jean-Luc Warsmann a dénoncé sous la formule de « scandale des délais d’exécution »131des peines, qui a pour conséquence d’affecter la crédibilité des différentes mesures, qu’il s’agisse de l’emprisonnement, d’un amende, d’un travail d’intérêt général... Or, l’exécution de la première sanction apparaît comme un élément essentiel dont les vertus pédagogiques et préventives ne peuvent être ignorées. Il est indéniable que plus le retard s’accroît entre la condamnation et son exécution, moins la peine est comprise. La victime, tout d’abord ne comprend pas la raison de ces retards d’exécution, et ne réussit pas à oublier ce qu’elle a subi. La peine apparaît comme un dénouement, comme une satisfaction. Le condamné ne comprend pas non plus pourquoi son incarcération peut avoir lieu plusieurs mois après les faits alors même que sa situation a changé, et qu’il a compris la portée de ses actes. Ce retard peut 129 WARSMANN (J.L.), Rapport sur les peines alternatives à la détention, les modalités d’exécution des courtes peines, la préparation des détenus à la sortie de prison, la Documentation française, Avril 2003 130 Assemblée nationale, Journal Officiel des questions, 18 novembre 2002, page 4335 131 Op. cit. note 129, p.17 . 52 également être ressenti comme un échec aux yeux des officiers de police ou de gendarmerie qui, bien qu’ayant identifié et interpellé l’auteur des fait, n’observent pas de résultat judiciaire de leurs efforts. Ces retards ou pire encore, la non-exécution des décisions de justice contribue largement à décrédibiliser la justice et son efficacité aux yeux des citoyens. Face à cette criminalité et à la montée de l’insécurité, cette situation nourrit le sentiment d’impunité. Or, une lutte efficace contre la récidive nécessite l’application immédiate de la sanction prononcée pour la première infraction132. Le législateur de 2004 a bien compris l’enjeu puisqu’il a entrepris une réforme en matière d’exécution des peines. Tout d’abord, les différents aménagements de peines133, pourront désormais être prononcés dès l’audience du jugement pour prévenir l’effet désocialisant de la prison qui est souvent à l’origine de la récidive. De plus, le juge de l’application des peines a vu ses prérogatives augmenter puisqu’il peut désormais substituer une mesure d’aménagement à une autre qui soit mieux adaptée au condamné. Une autre avancée est celle pour le condamné à une peine d’emprisonnement n’excédant pas un an d’être convoqué par le juge de l’application des peines dans un délai compris entre dix et trente jours. Enfin, le régime des réductions de peine a été largement remanié. Le juge du siège pourra ordonner leur prononcé et la mise à exécution de l’emprisonnement si le condamné commet un crime ou un délit au cours de la période égale à la durée des réductions de peine dont il a bénéficié. Enfin, les efforts de réinsertion sociale et professionnelle des condamnés seront davantage pris en considération dans le barème d’octroi des réductions de peine supplémentaires. II - Contexte d’adoption de la loi Dès la fin de l’année 2003, Nicolas Sarkozy a pour ambition de s’attaquer aux récidivistes. Pour cela, il émettait l’idée d’instaurer une peine plancher pour ces délinquants134. Selon lui, cette solution devait leur faire comprendre que « le risque qu’ils prennent n’en vaut pas la chandelle ». Cependant, il se heurtait à un obstacle de taille. Dominique Perben, Garde des sceaux s’opposait, en effet, à cette idée, estimant que dans un Etat démocratique, il fallait laisser au juge indépendant la possibilité de tenir compte de la personnalité du délinquant et du contexte dans lequel le délit a été commis. 132 Assemblée nationale, Journal Officiel des questions du 29 décembre 2003, page 9992. 133 Tels que les placements extérieur, sous surveillance électronique ou en semi-liberté. 134 Le monde, 18-12-2003, 09-01-2004, 28601-2004 53 Ces oppositions n’ont pas empêché le législateur d’arriver à ses fins, mais le chemin fût long. Il est nécessaire de s’interresser, dans un premier temps, au processus législatif (A), avant de voir qu’il fût corroboré par l’actualité (B). A - Le processus législatif Christian Estrosi déposa la proposition de loi n°1399, le 29 janvier 2004. Ce dernier, assisté par deux autres rédacteurs, s’est fondé sur les chiffres qui faisaient état d’un taux de récidive de plus de 30%, et sur l’absence d’effet dissuasif du système. L’idée principale était la mise en oeuvre automatique d’une aggravation de la peine, dotée d’un minimum, et ne pouvant faire l’objet d’aucun aménagement, si un individu commettait un délit de même nature que certains de leurs agissements passés. L’objectif n’était pas de déroger au principe d’individualisation de la peine, mais d’instaurer un système de dissuasion fondé sur une répression accrue. Le 4 mars 2004, une mission d’information sur le traitement de la récidive des infractions pénales fût instaurée par la commission des lois. Après plus de trois mois de travaux et plus de vingt-cinq auditions135, le rapport fût déposé le 7 juin. Deux grandes idées ressortent de ce rapport : il faut sanctionner plus sévèrement les récidivistes en mettant en place des procédures adaptées et en assurant une meilleure formation des magistrats, il faut ensuite prévenir la récidive en faisant de l’application des peines une priorité afin d’éviter les « sorties sèches » de prison et en prévoyant un suivi des détenus les plus dangereux. La vie politique, qui réserve bien des surprises, instaura un nouveau gouvernement le 31 mars 2004, avec à sa tête, M. Raffarin, M. Sarkozy décrochant alors le Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie. Dominique De Villepin le remplaça au Ministère de l’Intérieur. L’opposition qui anime les deux hommes se retrouva dans la politique pénale. Le nouveau ministre de l’Intérieur s’opposa radicalement aux idées de Sarkozy sur l’automaticité de la peine. Après l’échec de la proposition de loi de janvier 2004, une nouvelle proposition de loi vît le jour en décembre, à l’initiative de Gérard Léonard et de Christian Clément. Le contenu de cette dernière différait peu de celui de leur prédécesseur. Elle se contentait de reprendre les grands principes de la première proposition et de les adapter. L’un des objectifs était d’inciter 135 De magistrats, de professeurs de droit, d’avocats, de policiers, de médecins pénitentiaires ou encore de représentants d’association de victimes. 54 les juges à incarcérer davantage les récidivistes, tout en limitant les possibilités d’atténuation ou d’individualisation de la peine. M. Léonard, rapporteur de la commission des lois, a indiqué que la mission s’était attelée à une analyse approfondie de la prise en considération de la récidive tout au long de la chaîne pénale pour permettre une éventuelle identification des dysfonctionnements du système, allant du prononcé de la peine à la libération du condamné. Elle fût adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale le 16 décembre 2004. Le Sénat, beaucoup plus méfiant, a préféré attendre les résultats des recherches confiées à une mission, présidée par Georges Fenech, sur le placement sous surveillance électronique mobile. La Commission nationale consultative des droits de l’Homme, en janvier 2004, s’est à son tour intéressé à la question, en procédant à un examen de la proposition de loi. Après avoir fait remarquer que la lutte contre la récidive était « un objectif légitime, répondant à la préoccupation des citoyens, et participant à la sécurité des personnes et des biens, conditions de l’exercice des libertés et des droits individuels 136 », elle a exprimé son soutien à toutes les mesures qui permettent de combattre la récidive, et notamment des auteurs d’infractions sexuelles. Cependant, elle n’a pas hésité à émettre quelques reproches ou plutôt quelques recommandations. Elle a rappelé la nécessité d’avoir un système procédural stable, condition sine qua non à sa cohérence, en relevant la proximité temporelle de cette loi avec celle du 9 mars 2004, ayant largement réformé notre droit. Elle a également émis sa méfiance face à certaines dispositions, dispositions qui pourraient avoir pour conséquence de restreindre le pouvoir d’appréciation de juge et son droit à l’individualisation des peines. Enfin, elle a ajouté que l’emprisonnement n’était pas la meilleure solution dans ce combat, et qu’il fallait davantage recourir à un accompagnement socio-éducatif en milieu ouvert. Après son passage devant les députés, la proposition de loi se devait d’obtenir le consentement du Sénat. Or, la lecture du texte devant la seconde chambre fût plus délicate. Cette dernière a été, en effet, particulièrement sensible aux critiques émanant du monde judiciaire, hostile à ce projet. Les sénateurs ont retenu certaines dispositions, mais se sont opposés à la plupart d’entre elles. Ils ont ainsi fait obstacle à la disposition selon laquelle le juge serait obligé de placer sous mandat de dépôt un délinquant sexuel violent récidiviste, ou encore celle qui visait à limiter le crédit de réduction de peine. 136 Avis sur la proposition de loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme, adopté le 20 janvier 2005. 55 L’avenir de ce texte était donc en suspend. Le référendum de mai 2005 n’allait pas améliorer la situation. Le « non » référendaire fût à l’origine d’une nouvelle dissolution du gouvernement en place. Jacques Chirac se devait d’en désigner les nouveaux membres. Le 31 mai, Dominique De Villepin fût placé à sa tête, suivi de Nicolas Sarkozy qui décrocha le ministère de l’Intérieur. Ce dernier ne comptait pas abandonner son projet de loi sur le traitement de la récidive, loin de là , et c’était sans compter sur l’actualité qui allait lui donner un « sérieux coup de pouce ». B - Une nécessité justifiée par l’actualité L’été 2005 est une période importante dans l’histoire de cette proposition de loi. Plusieurs faits divers (1) allaient participer directement à sa survie et lui ont donné un second souffle. Cette actualité fût corroborée par l’instauration d’une commission dite « santé-justice » chargée d’étudier les voies d’amélioration de la prise en charge médico-judiciaire des auteurs d’infractions atteints de troubles mentaux ou qui présentent un profil dangereux et de réfléchir au suivi de ces personnes (1). 1 - Quand journalisme rime avec politique La première affaire à avoir relancé le débat sur cette proposition de loi est celle qui concerne Patrick Trémeau. Cet homme, déjà condamné pour viol à deux reprises, a récidivé à peine sorti de prison. En effet, libéré depuis mai 2004, après plusieurs années passées derrière les barreaux, il ne lui a fallu qu’un mois avant qu’il ne repasse « à l’action ». Trémeau avait déjà été condamné à sept ans de réclusion criminelle en 1987 puis à seize années pour des viols commis entre 1993 et 1995 à Paris. Durant cette période, il a violé pas moins de onze femmes et tenté d’en violer deux autres. C’est grâce à l’utilisation d’un même système opératoire qu’il fût reconnu par un enquêteur qui a déjà eu l’occasion de travailler sur son cas. Les conséquences de cette affaire se sont rapidement répercutées sur les citoyens, qui ont vu dans cet individu un monstre qui ne méritait pas de sortir de prison après les premiers viols qu’il avait commis. De plus, elle a provoqué d’autant d’émotion que ses victimes avaient tenté d’alerter les autorités sur les risques encourus par sa libération. Sorti de prison en mai, il a bénéficié d’une libération anticipée suite aux remises de peine auxquelles il avait droit. Ayant refusé toute mesure de libération conditionnelle, il n’a bénéficié d’aucun suivi. 56 Cette affaire illustre parfaitement les dangers d’une remise en liberté non suivie d’un contrôle efficace, dangers qui sont à l’origine du projet de réforme du droit pénal concernant les récidivistes. Une seconde affaire concerne le meurtre de Madame Nelly Cremel, frappée à mort et tuée de plusieurs balles dans la tête. Les soupçons se sont rapidement portés sur Patrick Gateau qui fût placé en détention provisoire après sa mise en examen. Il avait été condamné en 1990 à la réclusion criminelle à perpétuité pour le meurtre d’une femme qu’il avait tuée de deux coups de fusil quelques années plus tôt. En 2003, il fût placé en libération conditionnelle. Dans une dernière affaire dite « de la Courneuve », un enfant de onze ans est tué dans la Cité des 4000. L’enquête démontrera quelques temps plus tard que les suspects qui furent interpellés étaient aussi des récidivistes. Ces faits divers ont permis aux victimes de faire entendre leur voix. Elles demandent un durcissement de la législation et un renforcement des dispositions sur la surveillance des libérés. Elles attendent beaucoup de la proposition de loi sur le traitement de la récidive. 2 - Un compromis entre justice et médecine comme enjeu de la politique pénale Le ministre de la justice et le ministre de la Solidarité, de la santé et de la Famille ont confié à la commission Santé-Justice, en juillet 2005, le soin de faire une étude sur les délinquants les plus dangereux qui présenteraient des troubles mentaux et sur les solutions de suivi de ces personnes qui pourraient être apportées. « La notion de dangerosité occupe à l’heure actuelle un rôle prépondérant en matière de justice pénale au point de constituer l’un des critères sur lesquels les magistrats, voire les autorités administratives, fondent leurs décisions portant sur la privation de liberté 137 ». La question de la dangerosité de l’individu lors de l’incarcération est donc le centre de cette étude. C’est dans une optique médicale et plus précisément psychiatrique, que les rédacteurs du rapport ont mené leurs recherches. Ils se sont intéressés aux différents troubles du comportement dont peuvent être atteints les individus et notamment les délinquants, qui peuvent constituer l’expression d’un trouble, d’une maladie psychiatrique, ou encore d’un trouble de la personnalité. 137 GIOVANNANGELLI (D.), CORNET (J.P.), MORMONT (C.), Etude comparative dans les 15 pays de l’Union européenne : les méthodes et les techniques d’évaluation de la dangerosité et du risque de récidive des personnes présumées ou avérées délinquants sexuels, Programme STOP de la commission européenne, Université de Liège, septembre 2000. 57 Le pourcentage des sujets présentant à l’incarcération des troubles mentaux était compris, en 1997138, entre 14% et 25% chez les hommes, cette proportion pouvant atteindre 30% chez les femmes. Ces chiffres ont été confirmés à plusieurs reprises par différentes études qui, à chaque fois relever un taux anormalement élevé de personnes souffrant de troubles du comportement parmi les détenus139. Les auteurs de ce rapport donnent une définition de ce qu’est la dangerosité : elle peut se définir comme « un phénomène psychosocial caractérisé par les indices révélateurs de la grande probabilité de commettre une infraction contre les personnes ou les biens 140 ». Selon eux, l’évaluation de cet état dangereux se confond avec le pronostic de la réitération ou de la récidive. C’est sous deux angles qu’ils ont divisé leur étude, en s’intéressant tout d’abord l’évaluation de la dangerosité des auteurs d’infractions, puis dans un second temps à la prise en compte de cette dangerosité dans le traitement judiciaire et médical de ces individus. C’est ainsi qu’ils en sont arrivés à préconiser divers éléments tels que le renforcement des outils nécessaires aux champs judiciaire et sanitaire, l’amélioration des expertises psychiatriques et psychologiques et le développement de ce qu’ils appellent la psycho-criminologie. Ils ont également remarquer que cette prise en considération de la dangerosité du délinquant doit se faire à tous les stades du procès pénal et pas seulement lors du prononcé de la peine, notamment lors de l’examen de la déclaration d’irresponsabilité pénale, de l’exécution et de l’aménagement de la peine ou encore après la libération. La proposition de loi a été adoptée en deuxième lecture par l’Assemblée nationale le 13 octobre 2005 et par le Sénat le 26 octobre. Le Conseil constitutionnel, par une décision en date du 8 décembre 2005, a rejeté un recours déposé le 29 novembre par plus de 60 sénateurs. La loi fût finalement promulguée le 12 décembre 2005 et publiée au Journal officiel du 13 décembre 2005. 138 Une nouvelle enquête en la matière a été réalisée en 2003, par la Direction de la recherche, de l’évaluation, des études et des statistiques du ministère chargé de la Santé : La santé des personnes entrées en prison en 2003, Etudes et Résultats n°386, mars 2005. 139 Selon une étude épidémiologique sur la santé mentale des détenus en France menée auprès de 998 personnes, confiée en 2003 par les ministères de la Justice et de la Santé à une société indépendante. Les chiffres montrent que plus d’un tiers des personnes détenues interrogées a consulté préalablement à son incarcération un psychologue, un psychiatre ou un médecin généraliste pour un motif psychiatrique. Parmi eux, 69,9% ont bénéficié d’un suivi psychiatrique ou psychologique régulier et 16% ont déjà été hospitalisés pour des raisons psychiatriques. Environ 14% des détenus souffrent de schizophrénie ou de troubles psychotiques chroniques non schizophréniques. 140 Définition de Christian DEBUYST, issue du IIème cours international de criminologie de Paris en 1953, in Rapport d’information Assemblée nationale, n°1718, du 7 juillet 2004, sur le traitement de la récidive des infractions pénales, p. 45. 58 Après l’étude de cette première partie, consacrée à la récidive comme phénomène de société, et qui nous a permis de nous familiariser avec ce concept, de connaître son parcours législatif et répressif, d’évaluer les difficultés d’appréciation qu’il suscite à l’égard du législateur, il convient maintenant d’étudier en détail le contenu de ce texte, loi qui apparaît comme la réponse à cette période de doutes et d’incertitudes sur l’arsenal répressif français. 59 PARTIE II - LE TEMPS DE LA RÉFORME La récidive est, comme nous l’avons vu dans la première partie, un phénomène qui n’est pas récent. Le législateur a toujours dû faire face à ce problème de société. D’une solution radicale d’élimination du délinquant récidiviste, il est passé à une solution de mise à l’écart perpétuelle. Aujourd’hui, en 2006, le législateur a changé d’optique. La loi du 12 décembre 2005 a marqué ce revirement. Le récidiviste apparaît désormais comme un individu dangereux qu’il faut punir sévèrement, sans oublier, qu’au nom des droits de l’Homme, il a droit d’être soutenu et assisté. Lui offrir une seconde chance est un des objectifs de ce texte. Pour Pascal Clément, Ministre de la Justice, le but est « de mettre en oeuvre un dispositif faisant baisser le taux de récidive, et non pas de le laisser se stabiliser. Il faut pour cela prendre en compte la dangerosité de certains profils de délinquants afin de mieux défendre la société. La lutte contre la récidive est une priorité de la lutte contre la délinquance »141. A cet effet, la loi soumet le récidiviste « à des règles répressives qui traversent toute la matière pénale »142, que ce soit le droit pénal de fond ou la procédure pénale. A côté de cet aspect dissuasif, dans un but de répression accrue, cette loi revêt un aspect préventif. En effet, la lutte contre la récidive implique de mieux détecter les délinquants qui pourraient être amenés à recommencer, et de mieux suivre les condamnés ayant purgé leur peine. Bien que ces deux objectifs soient clairement établis, classer les mesures proposées est une tâche bien plus délicate, tant la frontière entre les deux notions, alors que littéralement elles s’opposent, est fine. Pour éviter un classement artificiel et donc critiquable, nous préfèrerons étudier le contenu de la loi de façon chronologique. Ainsi, il s’agira dans le premier chapitre de cette seconde partie d’étudier les mesures intervenant avant le prononcé de la peine. Le second chapitre sera logiquement consacré aux apports de la loi du 12 décembre 2005 qui ont des conséquences importantes sur la période postérieure au prononcé de la peine. 141 CLEMENT (P.), Récidive, quelles réponses judiciaires ? (Mieux prévenir la récidive), AJP, octobre 2005, p.345. 142 HERZOG-EVANS (M.), Les dispositions relatives à la récidive dans la loi n°2005-1549 du 12 décembre 2005, D., 2006, n°3, Chronique p.182. 60 Chapitre I - Une prise en compte présentencielle de la récidive Ce premier chapitre sera consacré aux apports de cette nouvelle loi sur le traitement de la récidive qui ont des conséquences importantes sur le prononcé de la peine. L’une des ambitions de la loi n°2005-1549 était de créer des « sanctions post-carcérales et non post-pénales, qui soient réellement punitives et préventives de la récidive »143, mais ce n’est pas la seule. Elle entend également redonner un second souffle aux peines alternatives à l’emprisonnement, et donc n’oublie pas de s’occuper de cette phase pré-sentencielle. De plus, dans un souci de clarification du droit pénal, le législateur n’a pas hésité à remanier la définition même de la récidive et des notions voisines. Dans une première section, nous nous intéresserons à ce recadrage de la notion de récidive, dont les conséquences procédurales ne peuvent être ignorées. Puis, il s’agira ensuite, de se pencher sur les conditions du prononcé de la peine qui doivent répondre à une exigence d’individualisation. Section 1 - Un recadrage nécessaire de la notion de récidive La loi du 12 décembre 2005 se veut être une loi de clarification du droit pénal, et plus précisément des notions pénales essentielles de la vie judiciaire. C’est ainsi qu’elle entend définir ou plutôt redéfinir les notions qui concernent la répétition d’infractions. Comme l’a déclaré Madame Herzog-Evans144, « Après le terrorisme, le trafic de stupéfiants, le délinquant sexuel, puis le délinquant organisé, le récidiviste est devenu, au cours de l’année 2005, le nouveau criminel objet de détestation des Français. » La mission parlementaire présidée par Pascal Clément, Ministre de la Justice, souhaitait tout d’abord revoir le concept de réitération, souvent ignoré et pourtant très fréquent, afin d’assurer sa répression. La préparation de la seconde lecture de la proposition de loi par l’Assemblée nationale fût l’occasion pour le gouvernement de déposer un amendement, que la commission 143 ROBERT (J.-H.), Les murailles de silicium, JCP, février 2006, p.4. 144 Ibid. 61 de lois de cette chambre a retenu, reposant sur une extension du domaine d’application de la récidive (I). Cet élargissement a eu pour conséquence de réformer la procédure pénale en la matière. En effet, le dispositif de jugement des récidivistes a fait l’objet de quelques précisions, mais également de quelques dérogations au droit commun (II). I - Un remaniement des définitions Dans l’esprit des non juristes, la récidive est la situation dans laquelle se trouve une personne qui, déjà condamnée pour une première infraction à une peine, n’en a pas tiré les enseignements, et préfère en commettre une autre. Cette condition est essentielle pour que l’on soit en présence d’une récidive, à défaut de quoi, il s’agirait d’un concours réel d’infractions ». La loi de 2005 a peu innové sur cette question. En revanche, s’agissant de la réitération d’infractions, le législateur n’est pas resté muet, bien au contraire. En s’intéressant à cette hypothèse (A), la notion même de récidive a pu être recadrée (B). A - L’introduction de la « réitération » dans le code pénal Jusqu’à la loi du 12 décembre 2005, la réitération n’était qu’une conception doctrinale, dépourvue de définition légale145. Dans cette hypothèse, la Doctrine parlait de récidive avortée, de récidive dans laquelle la condition de spécialité ou de délai est absente, bien que la première condamnation soit devenue définitive146. Quoi qu’il en soit, la réitération est considérée comme la situation intermédiaire entre le concours réel d’infractions et la récidive. A défaut de définition légale, son régime n’a jamais été clairement défini. Le principe instauré en la matière était la possibilité de prononcer différentes peines pour chacune des infractions et de les additionner pour qu’elles soient purgées successivement. Certains auteurs considèrent que la seule difficulté technique soulevée par lé réitération est « la réalisation d’une addition »147. La question de l’introduction de cette notion fût largement discutée lors des débats devant les deux chambres, le Sénat reprochant aux députés de définir une notion déjà connue dans l’unique but de la sanctionner plus sévèrement. La loi a alors permis l’introduction d’un article 132-16-7 dans le code pénal, qui représente à lui seul une nouvelle sous-section, insérée au sein du chapitre sur le « régime des peines 145 BOULOC (B.), Droit pénal général, Dalloz, 2005, 19ème ed., n°655. 146 ROBERT (J.-H.), Les murailles de silicium, JCP, février 2006, p.5. 147 DESPORTES (F.), LE GUNEHEC (F.), Droit pénal général, Economica, 2004, 11ème ed., n°893. 62 applicables », et intitulée « Des peines applicables en cas de réitération d’infractions ». Cependant, avant d’aboutir à cette version de l’article 132-16-7, ce dernier a subi un certain nombre de modifications. L’Assemblée nationale avait retenu une première définition qui prévoyait qu’ « il y a réitération d’infractions pénales lorsqu’une personne a déjà été condamnée définitivement pour un crime ou un délit et commet une nouvelle infraction sans que les conditions de la récidive légale ne soient remplies ». Selon cette définition, le juge « prend en considération les antécédents du prévenu pour prononcer la peine et en déterminer le régime ». Les sénateurs craignaient que l’on aboutisse à « une dérive à l’américaine » en mettant en place un système de cumul des peines « sans limitation de quantum et sans qu’il soit possible d’ordonner leur confusion ». C’est pourquoi ils ont modifié cette rédaction en la réduisant significativement, ne retenant que la partie de pure définition de la réitération. Le rapporteur de la commission des lois de l’Assemblée nationale a malgré tout réussi à ce que soit rétablie la majeure partie des dispositions retenues par les députés en première lecture. C’est ainsi que le texte définitif a repris la proposition des sénateurs, mais qu’il fût complété par les éléments apportés par les députés avec quelques modifications. Après quelques corrections, la dernière version148 retient que le juge peut prendre en considération « l’existence de la dernière condamnation » du prévenu lorsqu’il prononce sa peine et détermine son aménagement. S’agissant du cumul des peines, dénoncé par le Sénat, à la différence de la première version, la confusion des peines n’est pas possible mais uniquement « avec les peines prononcées pour l’infraction commise en réitération ». Cette disposition est un compromis entre ce qui existait auparavant et les nécessités actuelles de lutte contre la récidive. En effet, la définition retenue de la réitération d’infractions reprend très largement les éléments que la jurisprudence elle-même retenait depuis déjà longtemps. De plus, le dispositif de cumul n’est pas non plus une innovation. La seule nouveauté est l’obligation pour le magistrat de prononcer une peine en tenant compte de la situation de réitération. L’objectif de cet ajout dans le code pénal était de clarifier la situation et surtout la pratique des juges eux-mêmes, qui, selon Madame Herzog-Evans149 « auront bien à l’esprit la nécessité de 148 « Il y a réitération d’infractions pénales lorsqu’une personne a déjà été condamnée définitivement pour un crime ou un délit et commet une nouvelle infraction qui ne répond pas aux conditions de la récidive légale. La juridiction saisie prend en considération l’existence de la précédente condamnation du prévenu pour prononcer la peine et en déterminer le régime. Les peines prononcées lors de la précédente condamnation se cumulent sans limitation de quantum et sans qu’il soit possible d’ordonner leur confusion avec les peines prononcées pour l’infraction commise en réitération. ». 149 HERZOG-EVANS (M.), Récidive : quelles réponses judiciaires ?, Récidive : surveiller et punir plus plutôt que prévenir et guérir, AJP, septembre 2005, p.306. 63 réprimer sévèrement » car « c’est partir de l’éternel postulat selon lequel accroître la sévérité des sanctions pénales préviendrait la commission de nouvelles infractions ». L’introduction de la notion de réitération dans le code pénal participe directement à cet objectif de répression de la récidive, récidive, qui, pour l’occasion a été revisitée et a subi quelques modifications, que nous allons voir maintenant. B - Le recadrage de la notion de récidive Comme nous l’avons déjà vu, la récidive exige la réunion de deux conditions, que l’on appelle les termes de la récidive. Le premier correspond à l’infraction condamnée définitivement et le second est constitué par la deuxième infraction, jugée en second lieu. De plus, la loi prévoit que ces deux infractions soient d’une certaine nature et que la seconde infraction soit jugée dans un certain délai. Une dernière condition était que les juridictions qui jugent soient françaises. La loi du 12 décembre 2005 n’a pas modifié la définition de la récidive. En revanche, le législateur s’est intéressé aux deux termes en étendant le champ d’application du phénomène récidiviste. Nous nous intéresserons tout d’abord à l’extension du domaine du premier terme de la récidive (1), puis du second (2). 1 - Extension quant au premier terme de la récidive L’extension du domaine d’application du premier terme de la récidive fût à l’origine de débats parlementaires. Le gouvernement déposa un amendement lors de la seconde lecture de la proposition de loi devant l’Assemblée nationale, qui fût retenu par la commission des lois. La loi de 2005 a ajouté un alinéa à l’article 132-16-6 du code pénal150 en permettant aux juges de prendre en compte, au titre de la récidive, les « condamnations prononcées par les juridictions pénales d’un Etat membre de l’Union européenne ». Cette nouveauté contraste avec la jurisprudence antérieure de la Cour de cassation151, qui estimait que seules les décisions rendues par des juridictions françaises pouvaient être prises en compte pour relever 150 « Les condamnations prononcées par les juridictions pénales d’un Etat membre de l’Union européenne sont prises en compte au titre de la récidive conformément aux règles prévues par la présente soussection ». 151 Cass. Crim., 17 janvier 1947, RSC. 1947, p.438. 64 l’état de récidive, en application du principe de territorialité de la loi pénale. Cependant, l’application de ce texte nécessite « l’interconnexion des casiers judiciaires nationaux152 ». Cette disposition généralise une disposition qui s’appliquait déjà en matière de délit de fausse monnaie, qui était insérée depuis début juillet dans notre code pénal153, et abroge du même coup l’article 442-16 issu de cette loi. Cependant, une difficulté se pose dans la mesure où tous les Etats n’appliquent pas le même droit pénal. Tous, par exemple, ne retiennent pas la conception tripartite des infractions en crime, délit et contravention. 2 - Extension quant au second terme de la récidive S’agissant du second terme de la récidive, la loi a permis un assouplissement de la condition de spécialité. En effet, il fût procédé à un allongement de la liste des délits qui « sont considérés, au regard de la récidive, comme une même infraction », c’est-à -dire des délits assimilés. Jusqu’alors, les articles 132-16 à -16-2 du code pénal retenaient trois séries d’assimilations : le vol, l’extorsion, le chantage, l’escroquerie, et l’abus de confiance, ou encore les délits d’agression et d’atteintes sexuelles, les délits d’homicide involontaire ou d’atteinte involontaire à l’intégrité de la personne commis à l’occasion de la conduite d’un véhicule terrestre à moteur prévus par les articles L.221-2, L.234-1, L.235-1 et L.413-1 du code de la route154. Le législateur a ajouté deux nouvelles séries d’assimilation. L’article 132-16-3, tout d’abord, énumère ainsi une liste de délits, à savoir la traite des êtres humains et le proxénétisme prévus aux articles 225-4-1, 225-4-2, 225-4-8, 225-5, 225-7 et 225-10 du code pénal, « de manière à ce que la sanction de l’un quelconque d’entre eux constitue le premier terme de la récidive de l’un quelconque des autres. 155 » De plus, l’article suivant, 132-16-4 du code pénal, assimile quant à lui les délits de violences volontaires aux personnes ainsi que les délits commis avec la circonstance aggravante de violences. C’est une conception nouvelle de l’assimilation car elle se fonde sur une circonstance aggravante et non sur les éléments constitutifs du délit. Cet article permet une 152 CLEMENT (P.), LEONARD (G.), Mission d’information sur le traitement de la récidive des infractions pénales. Vingt mesures pour placer la lutte contre la récidive au coeur de la politique pénale, Assemblée nationale, 2004, p.346. 153 Loi n°2005-750 du 4 juillet 2005 en matière de fausse monnaie, In AJP, septembre 2005, p. 304. 154 Loi n°2003-495 du 12 juin 2003. 155 Op. cit. note 149. 65 extension considérable du domaine d’application de la correctionnelle, bien que l’objectif de la loi était principalement de lutter contre les gros délinquants. C’est dans le domaine des « petits délits » qu’il est ici proposé d’agir. S’agissant de la circonstance aggravante de violences, une difficulté se pose puisque le texte ne la définit pas. Il peut aussi bien s’agir des délits contre les personnes, que contre les biens ou encore contre l’Etat. Les articles 132-71 et suivants du code pénal ne la définissent pas, ni même les dispositions relatives aux infractions que l’on peut retrouver dans le titre intitulé « Des violences ». Il appartient donc à la jurisprudence de combler cette lacune, c’est ce que la Cour de cassation s’est engagée à faire depuis déjà quelques années. C’est ainsi, qu’elle assimile à la violence les coups infligés avec ou sans l’usage d’une arme ou d’un objet quelconque, solide, liquide ou gazeux, ou encore des voies de fait qui peuvent causer un choc émotif à sa victime, qu’il y ait eu ou non contact avec le corps de cette dernière156. Il peut également s’agir d’un jet de pétards157 et même de l’envoi de nombreuses lettres anonymes menaçantes158. Cet article a une importance considérable dans la mesure où, alors que de tels chocs émotifs ne constituent, la plupart du temps qu’une contravention, s’il s’agit de la circonstance aggravante d’une infraction plus sérieuse, la violence n’est pas oubliée, bien au contraire. Comme nous venons de le préciser, la présence de violences prend de l’importance lorsqu’elles constituent une circonstance aggravante. Cependant, cette efficacité est conditionnée par le principe de légalité des délits et des peines. En d’autres termes, si le législateur n’a pas prévu expressément que la violence puisse constituer la circonstance aggravante d’une infraction, le délit en cause ne pourra pas être considéré comme assimilé. La loi du 12 décembre 2005 sur le traitement de la récidive a donc redéfini de façon plus claire la notion de récidive, mais également celle de réitération. Ce remaniement des définitions marquait un premier pas dans lé réforme, qui allait se poursuivre dans un autre domaine : la procédure. II - Les conséquences procédurales de la loi du 12 décembre 2005 La procédure pénale a fait l’objet depuis quelques années d’un certain nombre de modifications, modifications qui sont à l’origine d’une instabilité du système judiciaire et de difficultés croissantes pour les magistrats qui doivent sans cesse s’adapter aux nouvelles 156 Cass. Crim., 16 décembre 1953, D : 1954, p. 129. 157 Cass. Crim., 3 janvier 1936, DH 1936, p. 477. 158 Cass. Crim., 13 juin 1991, Bull.crim. 1991, n°253. 66 procédures issues des réformes successives. La loi du 12 décembre 2005 n’est pas une exception puisqu’elle a aussi eu des conséquences procédurales importantes que nous allons étudier maintenant. Il conviendra de s’intéresser successivement à la possibilité pour le juge correctionnel de relever d’office la circonstance aggravante de récidive (A), puis les conséquences de la loi sur le prononcé du jugement par le juge (B). A - La constatation de l’état de récidive à l’audience La loi du 12 décembre 2005 prévoit la possibilité pour un tribunal correctionnel de relever d’office la circonstance aggravante de récidive, alors même qu’elle n’était pas visée dans l’acte de poursuite. Deux conditions s’imposent cependant : l’accusé ou le prévenu doit avoir accepté d’être jugé sur ce point, et doit avoir été en mesure de présenter ses observations159. Dans son arrêt de 1979, la Cour de cassation avait interdit au juge correctionnel d’ajouter la circonstance aggravante de récidive, qui n’aurait pas été relevée dans l’acte de poursuite sans l’accord de l’intéressé, et au Ministère public d’invoquer pour la première fois en cassation « le moyen tiré de ce qu’il n’aurait pas été tenu compte de cette cause d’aggravation 160 ». Le législateur a ici consacré une jurisprudence récente de la Cour de cassation, qui se veut plus respectueuse des droits de la Défense, en insérant l’article 132-16-5 dans le code pénal161. Cette jurisprudence se borne à exiger que le prévenu ait pu s’exprimer162 et que le juge d’appel ait clairement fait état de cette faculté pour l’intéressé163. Cette règle constitue l’une des rares dispositions du texte qui n’ait pas été modifiée par le Sénat en première lecture. Cependant, cette position n’ait pas retenue par tout le monde. Le juge Portelli164, par exemple estime que « cet article est totalement inutile » car il se contente de reproduire les enseignements tirés des différentes décisions de justice. En effet, la Cour de cassation mais aussi la Cour européenne des droits de l’Homme étaient déjà intervenues sur le problème qui se rattache au principe du procès équitable. La juridiction européenne avait eu l’occasion de traiter du problème en 1999165. Elle en avait conclu qu’un tribunal correctionnel pouvait requalifier les faits dont il était saisi si cette modification avait été précédée de débats 159 Cass. Crim., 20 février 1979, Bull. crim. 1979, n°74 ; Cass. Crim., 2 juillet 1991, Bull. crim. 1991, n°290. 160 Op. cit., note 31, p.307. 161 Cass. Crim., 22 mars 2000, Cass. Crim., 27 avril 2000 162 Cass. Crim., 20 mars 1996, Bull. crim., n°123. 163 Cass. Crim., 21 novembre 2000 ? Bull. crim., n°347. 164 Op. cit. note 31 , p.56. 165 CEDH, 25 mars 1999, Pélissier et Sassi contre France, n°2544-94, §62, D2002, note DOETS. 67 contradictoires au cours desquels l’intéressé avait pu préparer sa défense efficacement et que la qualification retenue n’avait pas pour effet de substituer aux faits visés dans l’acte de poursuite de nouveaux faits. En 1991, la Cour de cassation166 s’était prononcée dans le même esprit, prévoyant que « tout prévenu a droit d’être informé d’une manière détaillée de la nature et de la cause de la prévention dont il est l’objet et qu’il doit, par la suite, être mis en mesure de se défendre tant sur les divers chefs d’infraction qui lui sont imputés que sur chacune des circonstances aggravantes susceptibles d’être retenues à sa charge ». Plus récemment encore, dans un arrêt de 2003, la Cour de cassation167 s’est prononcée sur la question en statuant ainsi : « Si la circonstance aggravante de la récidive n’a pas été mentionnée dans la citation et a été relevée d’office par les juges du second degré, il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué que le prévenu, comparant, assisté d’un avocat, a été préalablement informé de cet élément modificatif de la prévention et ainsi a été mis en mesure de se défendre spécialement sur ce point ; que dès lors, les droits de la défense n’ont pas été méconnus ». Pour certains parlementaires, cette disposition est dangereuse car les suites d’une procédure risquent de dépendre du prévenu qui aura intérêt de refuser à ce que la circonstance aggravante de récidive soit soulevée. De plus, face aux délais d’inscription des condamnations au Casier judiciaire qui ne diminuent pas, l’état de récidive ne pourra pas être observé systématiquement dès qu’il y aura lieu de l’être puisqu’il n’apparaîtra que tardivement aux yeux du magistrat en charge de l’affaire. B - Le prononcé du jugement par le tribunal correctionnel Le législateur de 2005 s’est lancé à l’attaque de la détention provisoire, comme il le fait régulièrement, et ce, de deux manières. Tout d’abord, il a encore étendu le champ d’application de la détention provisoire. A cet effet, il a ajouté, au 1° de l’article 144 du code de procédure pénale relatif aux causes de placement en détention avant jugement, l’hypothèse des risques de pression sur les familles des témoins et des victimes. A côté de ce changement qui ne concerne qu’indirectement notre sujet, le législateur s’est intéressé aux mandats de dépôt168 et d’arrêt169. 166 Cass. Crim., 2 juillet 1991, Bull. crim., n°290. 167 Cass. Crim., 13 février 2003, non publié, disponible à l’adresse suivante : www.legifrance.gouv.fr 168 Le mandat de dépôt est l’ordre donné par le juge des libertés et de la détention au chef de l’établissement pénitentiaire de recevoir et de détenir la personne à l’encontre de laquelle il est décerné. 169 Le mandat d’arrêt permet d’arrêter l’individu et de le détenir de façon prolongée. 68 En application de l’article 465 du code de procédure pénale, le mandat de dépôt ou d’arrêt peut être immédiatement délivré quand la peine prononcée est supérieure à un an. La loi de 2005 a ajouté l’article 465-1 qui énonce que lorsque les faits sont commis en état de récidive légale, le tribunal pourra, par décision spéciale et motivée, décerner un mandat de dépôt ou d’arrêt, quelle que soit la durée de la peine prononcée170. La rédaction de cette disposition a été longuement discutée. L’Assemblée nationale en avait proposé une autre version qui obligeait le juge à délivrer le mandat s’il avait à faire à un récidiviste, dans les cas de répétitions d’infractions « assimilées ». Le Sénat a cependant réussi à supprimer ce caractère d’automaticité, ainsi que le renvoi aux délits assimilés. En revanche, les sénateurs ont ajouté un second alinéa à cet article 465-1171, ce qui revient finalement à reprendre la disposition d’origine sur les délits assimilés. Cet alinéa 2 a été soumis au contrôle du Conseil constitutionnel172, au motif qu’il était contraire au principe de présomption d’innocence et à celui de l’indépendance de l’autorité judiciaire. Cette disposition était considérée comme la consécration en principe du prononcé du mandat de dépôt à l’audience alors que le principe est celui du maintien en liberté du condamné. Le Conseil constitutionnel a rejeté ces moyens considérant que cette détention provisoire n’est pas imposée sans remède au tribunal correctionnel et que le prévenu n’est pas privé du droit d’obtenir sa libération en application du droit commun. Si une peine imposée directement par le législateur et ne pouvant faire l’objet d’aucune appréciation de la part du juge est contraire au principe de nécessité des peines173, tel n’est pas le cas en l’espèce car il ne s’agit pas ici d’une obligation pour le juge de délivrer un mandat. Celui-ci a pour seule obligation de motiver sa décision. Ainsi, ni le principe d’individualisation de la peine, ni celui de l’indépendance de la justice, ou encore le principe d’égalité devant la justice ou les exigences constitutionnelles sur les droits de la défense n’ont été contredits. 170 Article 464 du code de procédure pénale. 171 « Lorsque les faits sont commis en état de récidive légale, le tribunal peut, par décision spéciale et motivée, décerner mandat de dépôt ou d’arrêt contre le prévenu, quelle que soit la durée de la peine d’emprisonnement prononcée. S’il s’agit d’une récidive légale au sens des articles 132-16-1 et 132-16-4 du code pénal, le tribunal délivre mandat de dépôt à l’audience, quel que soit le quantum de la peine prononcée, sauf s’il en décide autrement par une décision simplement motivée ». 172 Cons. const., 8 décembre 2000, Gaz Pal du 18 au 20 décembre 2005. 173 Article 8 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789. 69 Section 2 - L’importance de la personnalisation de la peine lors de son prononcé « Ce qui caractérise les criminels d’occasion c’est que chez eux le délit n’est qu’un accident dans une vie d’ailleurs honnête. Ceux-là ont été entraînés soit par une passion violente, soit par une défaillance momentanée de la volonté, soit même par l’exagération d’un sentiment généreux. L’acte commis, ils le regrettent presque aussitôt. Chez eux, à la différence des délinquants d‘habitude, il n’existe pas de tendance criminelle. La peine ne doit donc pas avoir pour but de modifier en eux une prédisposition véritable au crime. Il faut prendre soin, d’abord de ne pas les rendre pires par l’infliction même de la peine, et il faut cependant aussi intimider ces natures, restées droites au fond, sur lesquelles la crainte du châtiment peut avoir une action efficace174 ». Cette citation montre tout l’intérêt de la personnalisation de la peine : elle permet de lutter contre le récidivisme des délinquants primaires, qui, s’ils bénéficient d’une peine adaptée à leur personnalité et à l’infraction commise, aura des effets beaucoup plus bénéfiques que si elle ne l’est pas. Bien que l’emprisonnement reste la peine « de principe » en cas de récidive, la loi du 12 décembre 2006 va encore renforcer cette affirmation (I). De plus, le sursis avec mise à l’épreuve, peine opposée à l’emprisonnement, va subir certaines modifications qui vont corroborer cet « absolutisme » de la prison (II). I - Une individualisation synonyme de sévérité Le principe de personnalisation de la peine, quelle qu’elle soit, est un principe essentiel de notre droit pénal, qui, comme nous l’avons vu précédemment, revêt une valeur constitutionnelle et est reconnu à l’échelle européenne. Le législateur de 2005 n’y est pas resté insensible, et s’est prononcé dans le sens de la sévérité. En effet, la circonstance aggravante de récidive devient l’un des critères de personnalisation, c’est ce que nous verrons tout d’abord (A). Si les magistrats disposent d’un large panel de mesures et de peines pour obéir à cette exigence, il semble que le recours à l’enfermement reste la sanction la plus prononcée (B). A - La récidive, critère d’individualisation de la peine Le principe d’individualisation de la peine est posé à l’article 132-24 du code pénal qui dispose que « dans les limites fixées par la loi, la juridiction prononce les peines et fixe leur 174 GEORGES (L.), Du sursis conditionnel à l’exécution de la peine (loi du 26 mars 1891), A. Rousseau, Paris, 1895, p.462. 70 régime en fonction des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur[...] ». La commission des lois de l’Assemblée nationale, en étudiant le contenu de la proposition de loi sur le traitement de la récidive, a adopté un amendement modifiant cette disposition. Le juge devrait ainsi prendre en compte, s’il y a lieu, l’existence d’une ou plusieurs précédentes infractions pour lesquelles la personne a déjà été condamnée, qu’il y ait réitération ou récidive, afin d’apprécier la sévérité de la sanction. Ce texte n’a cependant pas été adopté, car « il privait l’article modifié de la généralité qui lui convient à raison de sa place en tête des règles de personnalisation des peines 175 ». Finalement, une autre phrase fût retenue, qui forme désormais l’alinéa 2 de l’article 132-24 du code pénal176. Ce dernier vise « la nature, le quantum et le régime des peines ». La détermination de la peine doit se faire en fonction de toute une série d’impératifs : la protection de la société, la punition du condamné, la protection des intérêts de la victime, l’insertion ou la réinsertion du condamné et la prévention de la récidive. Ces exigences sont pour la plupart des reprises d’une décision du conseil constitutionnel du 20 janvier 1994177, saisi pour se prononcer sur la proposition de loi relative à l’instauration de la perpétuité dite réelle. Madame Herzog-Evans178 considère que cette modification crée une harmonie entre cet article et l’article 707 du code de procédure pénale qui dispose que « l’exécution des peines favorise, dans le respect des intérêts de la société et des droits des victimes, l’insertion ou la réinsertion des condamnés ainsi que la prévention de la récidive ». Le législateur en introduisant ce second alinéa marque sa volonté d’accroître sa répression à l’égard des récidivistes, de les punir réellement. Cette sévérité apparaît également dans une mesure qui concerne plus précisément les violeurs « en série ». A cet effet, le législateur ajoute un alinéa à l’article 222-24 du code pénal qui permet de porter la peine encourue à vingt ans de réclusion criminelle lorsque le viol a été commis « en concours avec un ou plusieurs viols commis sur d’autres victimes ». La répétition de viols devient donc une circonstance aggravante. 175 ROBERT (J.-H.), Les murailles de silicium, JCP, février 2006, p.6. 176 « La nature, le quantum et le régime des peines prononcées sont fixés de manière à concilier la protection effective de la société, la sanction du condamné et les intérêts de la victime avec la nécessité de favoriser l’insertion ou la réinsertion du condamné et de prévenir la commission de nouvelles infractions ». 177 Cons. Const., 20 janvier 1994, n°93-334, Journal officiel du 26 janvier 1994, p.1380. 178 HERZOG-EVANS (M.), Récidive : quelles réponses judiciaires ? (Récidive : surveiller et punir plutôt que prévenir et guérir), AJP septembre 2005, p.309. 71 S’agissant de cette modification de l’article 224-24 du code pénal, il est nécessaire pour mieux la cerner de comprendre la notion de concours d’infractions et les conséquences qui en découlent. « Il y a concours d’infractions lorsqu’une une infraction est commise par une personne avant que celle-ci ait été définitivement condamnée pour une autre infraction 179 ». C’est donc la situation dans laquelle les deux infractions commises ne sont pas séparées par une condamnation devenue définitive. Le législateur de 1994, qui a tranché un long débat doctrinal et jurisprudentiel sur la question du régime à adopter dans cette situation, a opté pour le principe du cumul des peines, principe pourtant limité de telle sorte que les anciennes solutions sont pour la plupart conservées. Ainsi, selon l’article 132-3 du code pénal, en cas de procédure unique, chacune des peines encourues, qui sont de même nature, pourront être prononcées dans la limite du maximum le plus élevé. L’article 132-4 du même code dispose quant à lui qu’en cas de procédures séparées, « les peines prononcées s’exécutent cumulativement dans la limite du maximum légal ». L’hypothèse envisagée par la loi concerne plus précisément les criminels sexuels. Le viol simple est puni par la loi d’une peine de réclusion criminelle de quinze ans. Selon le principe applicable en cas de concours d’infraction faisant encourir des peines de même nature, l’article 132-2 alinéa 1er dispose que « toutefois, lorsque plusieurs peines de même nature sont encourues, il ne peut être prononcé qu’une seule peine de cette nature dans la limite du maximum légal le plus élevé ». De ce fait, en cas de concours d’infractions, l’infraction étant un viol, la peine encourue restera de quinze ans. Or, la loi du 12 décembre 2005 préfère alourdir la peine dans cette hypothèse, en prévoyant une peine de vingt années de réclusion criminelle, faisant ainsi de la répétition de viols une circonstance aggravante. Nous ne pouvons conclure ce paragraphe sans évoquer la question de la motivation des décisions d’emprisonnement. En effet, alors que les magistrats se devaient de motiver le prononcé d’une peine d’emprisonnement, en application de l’article 132-19 alinéa 2 du code pénal, la commission des lois de l’Assemblée nationale a jugé utile de supprimer cette exigence de motivation pour les peines correctionnelles. Madame Herzog Evans dénonce cette mesure qui s’oppose au caractère pédagogique de la motivation180. Ces deux formalités sont des exemples de cette répression accrue, et montrent que l’emprisonnement reste la peine la plus prononcée à l’égard des récidivistes. 179 Article 132-2 du code pénal. 180 HERZOG-EVANS (M.), Op. Cit. note 178, p.309. 72 B - L’emprisonnement : peine par excellence malgré les critiques Lombroso, dans son ouvrage L’homme criminel, avait déjà entrevu les difficultés qui se sont rapidement avérées être vraies dans la réalité pénitentiaire. « Et ce n’est point, certes, le système pénitentiaire qui prévient les récidives ; les prisons en sont, au contraire la cause principale 181 ». « En France, sur 100 individus, sortis des maisons centrales, en 1859, on put compter 33 hommes et 23 femmes qui y retournèrent l’année suivante 182 ». La politique de la fin du 19ème siècle reposait sur une distinction entre le récidiviste, c’est-à dire le délinquant d’habitude, inamendable et incorrigible, et le délinquant primaire qu’il fallait protéger des premiers pour éviter qu’ils n’entrent dans un processus de délinquance d’habitude. « Le nombre croissant des récidivistes attestant, malgré ces efforts, la faillite du système pénitentiaire, on s’est avisé que le problème de la criminalité ne pouvait être résolu que par la séparation des délinquants primaires des récidivistes. Essayer, tout en punissant les premiers, de leur éviter la prison, retirer les seconds hors du milieu social où ils ne peuvent vivre sans reprendre leurs habitudes d’activité malfaisante, tel paraît avoir été le programme que la loi du 26 mars 1891, créatrice du sursis à exécution, et la loi du 27 mai 1885, sur la relégation des récidivistes, ont tenté de réaliser 183 ». A l’époque, l’un des grands noms de la politique pénale est René Béranger, qui est à l’origine des lois du 14 août 1885 et du 26 mars 1891. Il était persuadé du bien-fondé de la valeur morale de la peine. Il était favorable à une limitation du recours aux peines, qu’il qualifiait de matérielles, comme l’emprisonnement, car selon lui, elles ont pour conséquences de créer de l’exclusion et de conduire à la récidive. Au contraire, les peines dites « morales », comme la libération conditionnelle ou encore le sursis à exécution, permettent de lutter contre ces effets néfastes. Lors de la commission d’enquête sur l’état des prisons de 1873, il fût proposé, pour faire face à l’augmentation croissante de la récidive, de procéder à un encellulement de jour et de nuit des condamnés à de courtes peines. Selon lui, c’est la multiplication de ces courtes peines d’emprisonnement qui conduit le condamné à récidiver. A plusieurs reprises il s’est 181 LOMBROSO (C.), L’homme criminel, Alcan, Paris, 1887, p. 381, texte disponible à l’adresse suivante : http://visualiseur.bnf.fr 182 Ibid, p.385. 183 GARRAUD (R.), Précis de droit criminel, RS, 14ème ed., Paris, 1926, p.1118. 73 opposé au système de la transportation, et a proposé au contraire, un système d’aggravation de la peine en cas de récidive184. Or, aujourd’hui, « un libéré de prison sur deux récidive dans les cinq ans 185 ». Préparer la sortie et éviter les sorties dites sèches, c’est réhabituer le condamné à une vie normale, lui réapprendre les gestes du quotidien. M. Warsmann avait déclaré, dans un rapport au ministre de la justice que « la personne libérée sans préparation ni accompagnement risque de se retrouver à nouveau dans un environnement familial ou social néfaste, voire criminogène, ou bien au contraire dans un isolement total, alors qu’elle aurait besoin de soutien pour se réadapter à la vie libre. Tout ceci peut l’amener à la récidive ». Or, face à cette constatation, force est de constater le faible recours aux dispositifs progressifs de préparation à la sortie, qu’il s’agisse de la libération, dont le nombre ne cesse de décroître, du placement à l’extérieur ou encore des mesures de semi-liberté. Pour éviter ces sorties non préparées, la loi du 9 mars 2004 a introduit ce qu’on appelle le « sas de sortie ». Celui-ci organise la libération progressive et accompagnée du condamné186. Depuis le début des années 70, les admissions à la libération conditionnelle187 n’ont pratiquement pas cessé de diminuer. Le nombre des condamnés remplissant les conditions légales pour être proposables à la libération conditionnelle et relevant du juge de l’application des peines a triplé entre 1973 et 1992, passant de 10162 à 34373. Jusqu’en 1996, ce chiffre a augmenté dans des proportions plus faibles, atteignant les 41624 personnes, puis a décliné en 1998 (36466). Le taux d’octroi, calculé par rapport au nombre de détenus remplissant les conditions légales pour être proposés 184 BERANGER (R.), Proposition de loi sur l’aggravation progressive des peines en cas de récidive et sur leur atténuation en cas de premier délit, RPDP, tome 8, 1883, p.550-562. 185 GUIBERT (N.), Un libéré de prison sur deux récidive dans les cinq ans, selon une étude inédite du ministère de la justice, Le Monde, le 7 mai 2004. 186 Les articles 723-20 à 723-28 du code de procédure pénale prévoient que les condamnés détenus pour lesquels il reste trois mois d’emprisonnement à subir (si la peine d’emprisonnement prononcée est inférieure à deux ans) ou six mois de détention à subir (si la peine prononcée est supérieure à deux ans d’emprisonnement et inférieure à cinq ans) doivent bénéficier, dans le mesure du possible, du régime de la semi-liberté, du placement à l’extérieur ou sous surveillance électronique. La charge de cette activité revient au directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation. Celui-ci se doit d’examiner le dossier du condamné afin de déterminer la mesure adéquate, avant de saisir le juge de l’application des peines par requête d’une proposition d’aménagement de peine. Le magistrat dispose à ce stade d’un délai de trois semaines pour accepter ou non la proposition. A défaut de réponse de ce dernier dans le délai de trois semaines, le directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation peut décider de mettre en oeuvre la mesure d’aménagement de peine. 187 Tous les chiffres qui vont suivre sont issus du rapport de la commission sur la libération conditionnelle du Ministère de la Justice de février 2000, p.15. 74 à la libération conditionnelle a mis en exergue la faiblesse des propositions : en 1997 et1998, 9 à 10% des détenus concernés seulement ont été proposés à la libération conditionnelle. En 26 ans, le taux d’admission des condamnés à des peines de réclusion criminelle supérieures à dix ans relevant de la compétence du juge de l’application des peines est passé de 29,3% en 1973 à 14% en1998. S’agissant des condamnés à perpétuité, cette baisse est encore plus flagrante. Alors que le nombre de condamnés à perpétuité a doublé en moins de trente ans, passant de 305 à 597 entre 1970 et 1999, les décisions d’admission à la libération conditionnelle était de une à cinq mesures par an entre 1978 1987, de huit à seize entre 1988 et 1992, de deux à quatre entre 1993 et 1999. En 1997, aucune mesure n’a été accordée. En 2003, 5286 personnes ont été admises à la libération conditionnelle par un juge de l’application des peines et 223 par les juridictions régionales de l’application des peines. En 2004188, 6003 personnes étaient concernées. Claude Lecomte et Odile Timbart, dans le bulletin d’information statistique du ministère de la Justice sur « les condamnés de 2001 en état de récidive »189 font remarquer que « la part des récidivistes est plus importante quand la peine est lourde ». Les chiffres font état d’un taux de 64,5% de récidivistes parmi les condamnés à un emprisonnement ferme ou mixte. Selon eux, cela s’explique par les caractéristiques des condamnés à des peines fermes. Ainsi, l’emprisonnement s’applique le plus souvent à des infractions particulièrement graves ou à des personnes dont le passé pénal est important. Grâce à la palette de sanctions à la disposition des magistrats, ces derniers peuvent moduler la sanction en fonction des antécédents. « Plus le taux d’antécédents est faible, plus la peine prononcée (en 2001) est légère ou peu contraignante ». En 2001, sur les 40000 personnes condamnées à l’enfermement ferme, 14700 avaient déjà subi une peine de cette nature, soit un taux de retour en prison de 36,7%. Ils rappellent que cette situation se rencontre beaucoup plus rarement chez les personnes ayant subi une peine d’emprisonnement avec sursis. Maintenant que nous avons étudié de façon plus précise cette question de la personnalisation de la peine et plus précisément de la peine d’emprisonnement, nous allons nous intéresser dans le second paragraphe à l’application de ce principe sur le sursis avec mise à l’épreuve. II - Les outils à la disposition du juge Le juge dispose d’un certain nombre d’outils pour individualiser une peine. Il peut s’agir de mesures qui concernent directement le condamné, comme le sursis avec mise à l’épreuve (A), 188 Les chiffres-clefs de la Justice, octobre 2005, Ministère de la Justice, p.30, disponible à l’adresse suivante : www.justice.gouv.fr 189 Infostat Justice, les condamnés de 2001 en état de récidive, juillet 2003, n°68. 75 ou encore de moyens matériels qui permettent au juge de mieux connaître la personne et d’adopter la mesure la plus adaptée (B). A - Le sursis avec mise à l’épreuve Le sursis à exécution a été introduit dans notre droit pénal avec la loi du 26 mars 1891. L’objectif était de redonner à la peine un autre objectif : l’amendement. Progressivement, la mesure s’est diversifiée : il existe le sursis dit simple, le sursis avec mise à l’épreuve, le sursis avec obligation d’accomplir un travail d’intérêt général. Ce paragraphe sera consacré au sursis avec mise à l’épreuve, mesure que la loi du 12 décembre 2005 a modifié quelque peu. Il conviendra d’étudier tout d’abord l’objet et le régime de la mesure (1), puis, dans un second temps les modifications apportées par le législateur en 2005 (2). 1 - Objet du sursis avec mise à l’épreuve Les modalités du sursis avec mise à l’épreuve sont fixées dans les articles 132-40 à 132-53 du Code pénal et 739 à 747 du Code de procédure pénale. Le sursis avec mise à l’épreuve est une peine applicable aux condamnations à l’emprisonnement prononcées pour une durée de cinq ans au plus, en répression d’un crime ou d’un délit de droit commun190. Il n’est applicable qu’aux seules personnes physiques et peut bénéficier aux récidivistes, contrairement au sursis simple.Le probationnaire ne subit pas la peine assortie de sursis pendant la durée de l’épreuve. Les autres peines non assorties de sursis sont exécutoires. Le condamné est dispensé d’exécuter la peine privative de liberté, à la condition de se soumettre à certaines obligations ou interdictions fixées par le tribunal correctionnel, la cour d’assises ou le juge de l’application des peines pendant un délai d’épreuve déterminé, qui ne peut être inférieur à dixhuit mois, ni supérieur à trois ans191. L’épreuve contient des mesures de contrôle imposées par la loi, des obligations particulières déterminées judiciairement et des mesures d’aide. Tous les condamnés sont soumis impérativement aux mesures de contrôle de l’article 132-44 du Code pénal : répondre aux convocations du juge de l’application des peines ou du travailleur social désigné, recevoir les visites de l’agent de probation et lui communiquer toutes les informations utiles, prévenir l’agent de probation de ses changements d’emploi, prévenir l’agent de probation de ses changements de résidence et de déplacement supérieur à 15 jours et rendre compte de son retour, solliciter l’autorisation du JAP pour se rendre à l’étranger ou 190 Article 132-41 du code pénal. 191 Article 132-40 du code pénal. Le seuil plancher de dix-huit mois sera ramené à un an à compter du 31 décembre 2006. 76 en cas de changement de résidence qui ferait obstacle à l’exécution des obligations de l’épreuve. Les obligations particulières figurent dans la liste de l’article 132-45 du Code pénal. C’est une liste limitative et non automatique. Il s’agit de démarches positives soit pour favoriser sa réinsertion (établir une résidence, exercer une activité professionnelle, suivre un enseignement ou se soumettre à un traitement médical) ; soit pour le contraindre à acquitter ses dettes (contributions aux charges familiales, réparation du dommage causé par l’infraction ou paiement des sommes au Trésor). Les autres obligations sont des interdictions portant sur des activités, des déplacements ou des rencontres dangereuses pour le condamné ou des tiers. Les mesures d’aides ont pour objet de seconder les efforts du condamné en vue de son reclassement social. Le contrôle du respect des mesures imposées est confié au juge de l’application192 des peines, assisté du service pénitentiaire d’insertion et de probation. Le juge peut toujours modifier la liste des obligations particulières mises à la charge du probationnaire par la juridiction de jugement ou prévoir lui-même certaines obligations193. Le délai d’épreuve peut être réduit en cas d’exécution parfaite des obligations de l’épreuve par le tribunal correctionnel statuant comme juridiction d’application des peines194 après un an minimum d’épreuve. Le délai peut également être prolongé, de trois ans maximum, en cas de non respect des mesures de contrôle et obligations ou en cas de commission d’une infraction suivi d’une condamnation n’ayant pas entraîné la révocation du sursis. En cas de non respect des obligations, le sursis prononcé peut être totalement ou partiellement révoqué. 2 - Une mesure mise à l’épreuve par le législateur Le sursis avec mise à l’épreuve a fait l’objet d’une modification de son champ d’application (a). De plus, l’allongement de la période sûreté pouvant être prononcée à l’égard des récidivistes participe à la mise à l’écart progressive du sursis avec mise à l’épreuve (b). a - La modification du champ d’application du sursis avec mise à l’épreuve Le sursis avec mise à l’épreuve a subi une double modification. En effet, les travaux parlementaires ont conduit à une réduction d’une part, et à une extension d’autre part de son champ d’application. L’Assemblée nationale avait fait une proposition, adoptée en première lecture par le Sénat, qui consister à interdire le recours à cette mesure si le délinquant avait 192 Article 740 du code de procédure pénale. 193 Article 739 du code de procédure pénale. 194 Article 743 du code de procédure pénale. 77 déjà fait l’objet de deux condamnations assorties d’un tel sursis195. Il justifiait cette proposition par le fait que sursis avec mise à l’épreuve ne permettait plus un encadrement suffisant du délinquant si celui-ci avait récidivé. Le manque de moyens matériels à la disposition des services pénitentiaires d’insertion et de probation apparaît comme la raison de cet échec196. Une autre raison invoquée pour justifier cette modification est la lutte contre le sentiment d’impunité et la valorisation du principe d’interprétation souveraine des juges. Cependant, cette disposition se limite à la récidive des délits identiques ou assimilés des articles 132-16 à 132-16-4 du code pénal. S’agissant par contre, des crimes, des délits de violences volontaires, des délits d’agressions ou d’atteintes sexuelles ou encore des délits commis avec la circonstance aggravante de violence, l’interdiction du prononcé d’un sursis s’applique dès qu’il y a déjà eu une condamnation assortie d’un sursis197. Il faut enfin préciser que cette disposition ne s’applique pas lorsqu’il s’agit d’un sursis partiel198. S’agissant maintenant de l’extension du domaine d’application du sursis avec mise à l’épreuve, les débats parlementaires ont conduit à la rédaction d’un complément à l’article 132-41 du code pénal. « Lorsqu’une personne est en état de récidive légale, il (le sursis avec mise à l’épreuve), est applicable aux condamnations à l’emprisonnement prononcées pour une durée de dix ans au plus ». En revanche, ce délai passerait à cinq ans et même à sept ans pour les « multirécidivistes ». L’article 132-42 est en effet complété par la phrase suivante : « Lorsque la personne est en état de récidive légale, ce délai peut être porté à cinq ans. Ce délai peut être porté à sept ans lorsque la personne se trouve à nouveau en état de récidive légale ». Cette phrase, dont la formulation est loin d’être claire, a pour objectif d’assurer un minimum d’enfermement ferme au récidiviste. 195 Article 132-41 du code pénal, dispose « La juridiction pénale ne peut prononcer le sursis avec mise à l’épreuve à l’encontre d’une personne ayant déjà fait l’objet de deux condamnations assorties du sursis avec mise à l’épreuve pour des délits identiques ou assimilés au sens des articles 132-16 à 132-16-4 et se trouvant en état de récidive légale [...] ». 196 HERZOG-EVANS (M.), Récidive : quelles réponses judiciaires ? (Récidive : surveiller et punir plutôt que prévenir et guérir), AJP septembre 2005, p.309 197 Article 132-41 du code pénal dispose que « Lorsqu’il s’agit soit d’un crime, soit d’un délit de violences volontaires, d’un délit d’agressions ou atteintes sexuelles ou d’un délit commis avec la circonstance aggravante de violences, la juridiction ne peut prononcer le sursis avec mise à l’épreuve à l’encontre d’une personne ayant déjà fait l’objet d’une condamnation assortie du sursis avec mise à l’épreuve pour des infractions identiques ou assimilées et se trouvant en état de récidive légale [...] ». 198 Article 132-41 du code pénal dispose que « Toutefois, ces dispositions ne sont pas applicables lorsque le sursis avec mise à l’épreuve ne porte que sur une partie de la peine d’emprisonnement prononcée en application des dispositions du dernier alinéa de l’article 132-42 ». 78 b - L’allongement de la période de sûreté Ce souci d’un enfermement minimal avant que le délinquant puisse bénéficier de mesures de faveur est également celui du législateur qui, en créant la période de sûreté voulait assurer un minimum de répression. En effet, comme l’individualisation d’une peine en cours d’exécution apparaît souvent, lorsqu’elle bénéficie aux auteurs d’infractions graves, comme une marque d’indulgence, d’impunité, la loi du 22 novembre 1978 institua la période de sûreté dans notre droit. La période de sûreté est la période pendant laquelle le délinquant ne peut pas bénéficier de mesures de faveur. Elle est applicable de plein droit si la juridiction a prononcé une peine privative de liberté, non assortie de sursis, d’une durée supérieure ou égale à dix ans. L’article 132-23 du code pénal prévoit que pour certaines infractions, la durée de cette période est de la moitié de la peine à temps ou de dix-huit ans en cas de condamnation à la perpétuité. La cour d’assises pouvait cependant élever cette durée jusqu’à vingt deux ans ou la diminuer. Ces infractions sont précisées dans le code pénal. Il s’agit par exemple du crime contre l’humanité, des meurtres aggravés ou d’empoisonnement, des tortures et actes de barbarie, des violences aggravées ayant entraîné la mort, une mutilation ou une infirmité permanente, des violences sur mineurs par un ascendant ayant entraîné une incapacité temporaire de travail de plus de huit jours... La loi du 12 décembre 2005 a porté la période de sûreté à vingt cinq ans. Cependant, cet allongement ne concerne pas les récidivistes directement, il s’agit simplement de renforcer la répression des crimes les plus graves. Cette possibilité est soumise à l’appréciation spéciale de la cour d’assises. B - Le « fichage » des individus Jusqu’à la loi du 9 mars 2004, les instruments destinés à ficher les individus ne faisaient pas défaut en France. En effet, tout d’abord, nous disposons du casier judiciaire, dans lequel figure l’identité de tous les condamnés pour crime ou délit. Le fait qu’ils aient bénéficié d’une amnistie, d’une grâce ou encore d’une réhabilitation ne fait pas disparaître les condamnations du bulletin numéro 1, c’est-à -dire de celui qui peut être consulté par des magistrats ou des officiers de police judiciaire sous l’autorité d’un juge. De plus, depuis 1987, s’est ajouté le fichier des empreintes digitales au casier judiciaire. S’agissant plus particulièrement des délinquants sexuels, il existe depuis 1998 un fichier des empreintes génétiques. Enfin, un nouveau fichier a vu le jour en 2001 : il s’agit du système de traitement des infractions constatées. La loi du 9 mars 2004 a crée le fichier judiciaire national des auteurs d’infractions 79 sexuelles199. L’objectif de ce nouveau dispositif est, selon Pascal Clément, d’améliorer la sécurité quotidienne des Français. Opérationnel depuis le 30 juin 2005, ce fichier se présente comme un outil informatique à la disposition des autorités judiciaires, de police et de gendarmerie. Le but final du fichier est de prévenir le renouvellement des infractions à caractère sexuel et de faciliter l’identification de leurs auteurs. Le ministre de la justice y voit un outil psychologique à effet dissuasif. Ainsi, toute personne coupable d’infraction à caractère sexuel sera inscrite dans ce fichier. Cela permettra aux enquêteurs qui recueillent des plaintes de viol d’interroger le fichier pour identifier le plus vite possible d’éventuels suspects. Dès sa mise à disposition de la justice, plus de 20000 délinquants y étaient répertoriés. Ces derniers se doivent de justifier régulièrement200 leur adresse et de signaler tout changement de domicile dans les quinze jours du déménagement. Ce fichier est alimenté par les procureurs de la République et les juges d’instruction mais également par les services de police et de gendarmerie. Les informations sont conservées pendant vingt ou trente ans selon la gravité de l’infraction commise, sauf en cas de non lieu, relaxe ou acquittement, de cessation ou mainlevée d’une mesure de contrôle judiciaire, de décès de l’intéressé ou encore sur ordre du procureur de la République. La loi du 12 décembre 2005 est venue compléter la loi de 2004 sur la question des fichiers. Elle a en effet modifié le régime applicable au fichier national automatisé, en étendant la liste des infractions concernées et le droit de consultation des officiers de police judiciaire. Désormais, toutes les infractions violentes et pas seulement sexuelles sont concernées. De plus, les officiers de police judiciaire ont désormais le droit de le consulter à partir de l’identité d’une personne gardée à vue pour une enquête de flagrance ou préliminaire ou encore sur commission rogatoire, sur instruction soit du procureur de la République, soit du juge d’instruction, et ce, quelque soit l’infraction en cause201. 199 Article 706-53-1 et suivants du code de procédure pénale 200 Une fois par an ou tous les six mois selon la gravité des faits commis. 201 Article 706-53-7 du code de procédure pénale. 80 Les procédures spéciales de l’article 706-47 du code de procédure pénale202 sont étendues aux auteurs de meurtres ou assassinats commis avec tortures ou actes de barbarie, de crimes de tortures ou actes de barbarie et même de meurtres ou d’assassinats commis en état de récidive légale. De plus, les agents de police et de gendarmerie sont désormais admis à constituer de nouveaux fichiers automatisés grâce aux informations collectées au cours de leurs enquêtes, si ces dernières concernent des crimes ou délits qui portent atteinte aux personnes et qui sont punis de plus de cinq ans, ou portent atteinte aux biens et sont punis de plus de sept ans d’emprisonnement. Ces informations peuvent être recueillies au cours des enquêtes, ou dans le cadre de commissions rogatoires, ou au cours des recherches sur une mort ou une disparition inquiétante. S’agissant des personnes qui peuvent apparaître dans ce fichier, la loi ne prévoit pas de limites quant à leur âge. Les mineurs auteurs de ces infractions n’y échappent donc pas. De plus, les suspects ne sont pas les seuls à pouvoir y être répertoriés. En effet, les personnes susceptibles de pouvoir fournir des renseignements, les victimes et même les personnes qui font l’objet d’une recherche pour cause de mort ou de disparition inquiétants pourront apparaître. La liberté individuelle ne sort pas indemne de cette réforme. Depuis quelques années, la sécurité est devenue une préoccupation politique primordiale à l’origine d’une consécration législative progressive. Il y a d’abord eu la loi du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation de la justice, puis la loi du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne, et enfin la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure. Pour répondre à ce courant sécuritaire, la tendance a été d’accroître la place accordée à l’enquête de police et l’augmentation des pouvoirs confiés aux forces de sécurité. Ces derniers ont obtenu la maîtrise croissante de l’information, et ce, grâce à l’outil informatique. La loi de 2003 est la consécration maximum de ce droit à l’accès à l’information. En effet, elle a largement élargi le contenu du fichier national automatisé des empreintes génétiques en l’étendant aux personnes à l’encontre desquelles il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner 202 Les dispositions du présent titre sont applicables aux procédures concernant les infractions de meurtre ou d’assassinat d’un mineur précédé ou accompagné d’un viol, de tortures ou d’actes de barbarie ou pour les infractions d’agression ou d’atteintes sexuelles ou de proxénétisme à l’égard d’un mineur, ou de recours à la prostitution d’un mineur prévues par les articles 222-23 à 222-31, 225-7 (1º), 225-7-1, 225-12-1, 225-12-2 et 227-22 à 227-27 du code pénal. Ces dispositions sont également applicables aux procédures concernant les crimes de meurtre ou assassinat commis avec tortures ou actes de barbarie, les crimes de tortures ou d’actes de barbarie et les meurtres ou assassinats commis en état de récidive légale. 81 qu’elles ont commis l’une des infractions visées. Auparavant, il ne concernait que les personnes condamnées pour des crimes sexuels, homicides volontaires, actes de terrorisme et crimes graves portant atteinte aux personnes et aux biens. Les empreintes génétiques d’un simple suspect pourront donc être conservées, alors même qu’il n’a pas été reconnu coupable de quoi que ce soit. C’est ici le principe de la présomption d’innocence qui est bafoué. De plus, ces empreintes pourront être comparées à celles du fichier à la libre initiative d’un officier de police. La Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés, en octobre 2002, s’était prononcée sur la question, condamnant notamment la possibilité de conserver des informations sur des personnes sans limitation d’âge, ce qui pose le problème du signalement des mineurs au regard des dispositions relatives à la responsabilité pénale des mineurs. Dans une décision du 13 mars 2003, le conseil constitutionnel a considéré que cette loi ne méconnaissait en rien les principes constitutionnels applicables à la responsabilité pénale des mineurs203.De plus, la commission relève le risque de faire jouer aux fichiers un rôle de casier judiciaire parallèle moins contrôlé. Cette extension du champ d’application du fichier national automatisé marque un glissement vers une plus large place à l’appréciation subjective du policier. Il semble, en effet, que la notion de vraisemblance ne repose plus sur la base d’indices, signes apparents et objectifs, mais sur l’apparence de la réalité204. Le problème de la durée de conservation des données en entraîne un autre : celui du droit à l’oubli. Cette question se rapproche de celle de la prescription qui repose sur l’idée selon laquelle au bout d’un certain temps, il est préférable d’oublier l’infraction plutôt que d’en raviver le souvenir. Les progrès de l’informatique ont été à l’origine d’un certain nombre d’atteintes au droit à la protection de la vie privée puisqu’il permet une conservation illimitée des informations. L’informatisation nécessite donc une procédure de destruction de l’information205, à défaut de quoi le droit à l’oubli, que Kayser définit comme le « droit indispensable pour que le poids du passé n’écrase pas un homme en lui faisant perdre le sentiment de sa liberté et en l’empêchant d’amender sa personnalité 206 », serait violé. Selon 203 Cons. Const., Dec° n°2003-467DC du 13 mars 2003, loi sur la sécurité intérieure, Considérant 37. 204 BERTRAND (M.), VERPEAUX (M.), in Petites Affiches, 18 septembre 2003. 205 CHARBONNEAU (C.), PANSIER (F.-J.), Le système de traitement des infractions constatées ou les faits infractionnels à l’épreuve de la « memory STIC », Petites Affiches, 24 août 2001, p.3. 206 KAYSER (P.), La protection de la vie privée par le droit, Protection du secret de la vie privée, Economica, 3ème Ed., 1995, p.605. 82 l’article 6 de la loi du 6 janvier 1978, modifiée en 2004, les données ne doivent pas être conservées pendant une durée supérieure à celle nécessaire aux finalités du fichier. Cette nouvelle version du texte n’a pas repris cette ancienne disposition qui imposait la fixation de la durée de conservation des informations lors de la création du fichier. S’agissant du fichier national automatisé, les informations peuvent être conservées jusqu’à quarante ans selon la gravité de l’infraction, ce qui est très long. Ces remarques sont applicables aux différents fichiers crées depuis, comme le fichier judiciaire national des auteurs d’infractions sexuelles, dont le champ d’application a été élargi par la loi du 12 décembre 2005, s’agissant notamment du fichage des mineurs, mais également de la durée de conservation des informations qui peut apparaître comme une violation du droit à l’oubli. Il conviendra maintenant d’étudier de façon plus précise les conséquences de la loi du 12 décembre 2005 sur la période qui suit le prononcé du jugement. Chapitre II - L’après jugement, étape essentielle du processus Comme nous l’avons vu dans la première partie, la loi du 15 juin 2000, complétée par celle du 9 mars 2004, ont permis ce qu’on appelle la juridictionnalisation de l’application des peines. La période postérieure au prononcé d’un jugement est devenue une véritable phase du procès pénal. « C’est une discipline répressive comme les autres 207 ». Depuis la généralisation des recours contre toutes les décisions d’aménagement de peine, Madame Herzog-Evans considère que le législateur traite la matière « à la même aune que le droit pénal de fond et le droit pénal processuel 208 ». Cette discipline n’est plus exempte de réforme. La loi du 12 décembre 2005 illustre parfaitement cette remarque. En effet, ce texte a contribué à la modification de plusieurs mesures d’aménagement, qu’il s’agisse de la libération conditionnelle, des crédits de réduction de peine, ou encore de la suspension de peine pour raisons médicales. Nous nous intéresserons dans ce chapitre à tous ces changements. 207 HERZOG-EVANS (M.), Récidive : quelles réponses judiciaires ? (Récidive : surveiller et punir plutôt que prévenir et guérir), AJP septembre 2005, p.310 208 Ibid. 83 De telles modifications ne pouvaient avoir lieu sans avoir de répercussions sur le travail du juge de l’application des peines. Ce dernier, en effet, comme son nom le rappelle, est chargé du suivi des condamnés et surtout de leur peine. Il se doit de s’assurer des mesures imposées par le condamné, mais également de vérifier que la mesure reste adaptée à son bénéficiaire si celui a évolué, dans un sens ou dans l’autre. Le large éventail dont dispose le juge de l’application des peines doit lui permettre de répondre à toutes sollicitations. Il a donc un rôle essentiel. De plus, la spécificité du récidiviste a conduit le législateur, et ce, depuis plusieurs années à rechercher des mesures qui leur seraient applicables après qu’ils ont purgé leur peine. Ces mesures sont destinées au suivi post-pénal du délinquant. La mesure phare en la matière est le suivi socio-judiciaire. Ce dernier a subi également quelques modifications par la loi de décembre 2005, ajoutant des modalités d’aménagement telles que le placement sous surveillance électronique. Il s’agira donc de s’intéresser tout d’abord à l’aménagement de la peine en cours d’exécution, puis, dans un second temps, à ce que certain qualifie de double peine, c’est-à -dire le suivi postérieur des délinquants. Section 1 - Dangerosité et suivi nécessaire de l’application des peines L’article 707 du code de procédure pénale209, issu de la loi du 9 mars 2004, a pour objectif de concilier deux notions radicalement opposées : récidive et réinsertion. Cette opposition résulte directement de la solution apportée au récidivisme qu’est la répression. En effet, récidiver, c’est s’exposer à un peine plus sévère mais également à un emprisonnement plus contraignant. Selon cette disposition, le juge de l’application des peines se doit de tenir compte de l’évolution de la personnalité et de la situation du condamné. Ainsi, « chaque fois que c’est possible », il doit permettre « le retour progressif du condamné à la liberté et éviter une remise en liberté sans aucune forme de suivi judiciaire ». L’objectif de la loi de 2004 est donc 209 « L’exécution des peines favorise, dans le respect des intérêts de la société et des droits des victimes, l’insertion ou la réinsertion des condamnés ainsi que la prévention de la récidive. A cette fin, les peines peuvent être aménagées en cours d’exécution pour tenir compte de l’évolution de la personnalité et de la situation du condamné. L’individualisation des peines doit, chaque fois que cela est possible, permettre le retour progressif du condamné à la liberté et éviter une remise en liberté sans aucune forme de suivi judiciaire ». 84 d’éviter les sorties de prison dites « sèches » et de privilégier la réinsertion même s’il s’agit de récidivistes. « L’aménagement et l’individualisation de la peine constituent un moyen puissant pour prévenir la récidive 210 ». Dans cette section, il conviendra d’étudier successivement l’importance du rôle du juge de l’application des peines dans ce processus d’aménagement de peine (I), puis les changements apportés à certaines mesures destinées à cet aménagement (II). I - « Un pari sur l’humain 211 » Le récidiviste est le plus souvent soumis à l’emprisonnement, une détention de longue durée par ailleurs. Bien qu’une sanction lourde semble méritée au vu de la gravité des faits commis et surtout de leur répétition, toute peine a une fin. Cette fin est synonyme de libération et donc d’éventuels dangers pour la société. La question est de savoir si un encadrement, un retour progressif vers la liberté ne serait pas plus efficace qu’une sortie directe de prison, pour éviter la récidive. Pour répondre à cette question, nous étudierons tout d’abord l’intérêt de ce glissement progressif vers la liberté (A), avant de voir ensuite, les difficultés que peut susciter cet aménagement malgré les efforts accomplis par les différents intéressés pour aboutir à une véritable relation de confiance. (B). A - Un glissement progressif vers la liberté Ce retour à la liberté est une étape souvent difficile pour le condamné qui a perdu une partie de ses repères suite à l’incarcération. C’est à ce moment qu’intervient le juge de l’application des peines, sur qui repose une tâche délicate : redonner confiance au nouveau libéré (1). Cette tâche est cependant plus délicate à réaliser que ce qu’on pourrait être amené à croire (2). 1 - Le juge de l’application des peines : moteur essentiel de l’aménagement de peine La mission première de ce magistrat est d’éviter une sortie de prison sèche, c’est-à -dire, sans aucune préparation mais également sans aucun suivi judiciaire postérieur à la libération. C’est 210 JANAS (M.), Le juge de l’application des peines : un acteur essentiel pour lutter contre la récidive, AJP, octobre 2005, p.347. 211 LAFLAQUIERE (P.), Un pari sur l’humain, AJP, octobre 2005, p.358. 85 à cette fin qu’il peut utiliser un large panel de mesures de substitution à l’emprisonnement. Une lourde tâche repose alors sur ses épaules mais également une lourde responsabilité. Il doit s’interroger sur la personnalité de l’individu, sur ses capacités de réinsertion, ou encore sur le comportement qu’il risque d’adopter en dehors des quatre murs d’une prison. De plus, cette fonction demande une réelle organisation. Compte tenu des faibles moyens matériels à la disposition du juge de l’application des peines, celui-ci doit être en mesure de mettre en place un suivi qui fait intervenir un certain nombre de travailleurs sociaux. Ces derniers sont chargés de contrôler le bon comportement du libéré, mais également de l’assister dans ses agissements quotidiens. Pour éviter la désocialisation des personnes condamnées et commencer le processus de réinsertion, les courtes peines d’emprisonnement peuvent être aménagées avant leur mise à exécution par le juge de l’application des peines. Celui-ci peut leur octroyer une semi-liberté, un placement à l’extérieur ou encore un placement sous surveillance électronique. Aux côtés de ce dispositif, la loi du 9 mars 2004 a créé une nouvelle procédure destinée à favoriser l’individualisation des fins de peine de prison. Ainsi, pour les condamnations comprises entre six mois et deux ans d’emprisonnement, cette procédure est applicable aux détenus dont le reliquat de peine est de trois mois au plus, mais également pour les condamnations comprises entre deux et cinq ans d’emprisonnement, à ceux dont le reliquat de peine est de six mois maximum. Le service pénitentiaire d’insertion et de probation peut proposer au magistrat un aménagement de la fin de la peine pour que celle-ci soit exécutée en semi-liberté, ou encore en placement à l’extérieur ou sous surveillance électronique. Le juge de l’application des peines décide alors d’homologuer ou de refuser cette proposition. L’objectif de cet aménagement de peine est de concentrer les efforts du condamné, non sur un éventuel ancrage dans la délinquance, mais dans un processus de réinsertion. Pour Michael Janas, juge de l’application des peines, « cette quête de l’insertion n’est pas une fin en soi mais un moyen performant pour éviter la réitération des infractions 212 ». Il fait remarquer, à juste titre d’ailleurs, que les chiffres eux-mêmes prouvent l’efficacité de cette technique. Pierre Tournier, dans ses différentes études sur le sujet, a mis en exergue un taux de récidive deux fois plus élevé chez les individus n’ayant pas bénéficié d’un aménagement de peine213. 212 JANAS (M.), Op. Cit. note 206, p.349. 213 TOURNIER (P.), Peines d’emprisonnement ou peines alternatives : quelle récidive ?, AJP, septembre 2005, p.315. 86 L’importance du rôle du juge de l’application des peines est indéniable. Cependant, pour répondre à cette demande d’aménagement, il doit obéir à une procédure très pointilleuse, qui rend difficile ce besoin de lutter contre la récidive. 2 - Un aménagement délicat Comme nous venons de le voir, le juge de l’application des peines doit permettre un suivi du condamné pendant qu’il purge sa peine afin de lui conférer un maximum d’efficacité. Cependant, il se heurte parfois à un refus ou à un abandon du condamné qui, face aux conditions contraignantes auxquelles il est soumis, préfère terminer de purger sa peine initiale. Il doit par exemple se présenter régulièrement aux services de l’application des peines pour faire « le point » sur l’avancée de la mesure, il doit rendre des comptes aux différents travailleurs sociaux qui le suivent. Cet aménagement, constitué par une nécessité de contrôle mais également d’assistance est donc bien plus délicat qu’il n’y paraît. S’agissant de l’assistance, tout d’abord, les contraintes sont, il est vrai, beaucoup moins pesantes, voire même inexistantes. Les travailleurs sociaux vont suivre l’individu dans ses démarches quotidiennes et le soutenir dans son objectif d’insertion. Leur aide intervient dans des domaines très divers : demande d’aide de toute sorte, difficultés pour trouver un logement, etc... La contrainte existe dans le fait que l’individu est privé d’une certaine liberté d’action, mais n’a pas pour but d’être ressentie comme telle. Il s’agit de lui redonner confiance en lui afin que ces actions, qui paraissaient insurmontables jusqu’alors, redeviennent une habitude qui lui fasse oublier son passé de délinquant. A côté de ces mesures d’assistance, un certain nombre de mesures de contrôle s’imposent à lui. Le juge de l’application des peines fixe, en effet, des obligations destinées à mobiliser toute sa concentration et ses efforts. Il s’agira par exemple de l’obliger à justifier son assiduité professionnelle, à suivre des soins ou un traitement pour le faire sortir de l’emprise de l’alcool ou de la drogue, de l’obliger à indemniser régulièrement ses victimes. « A chaque fois, il s’agira de mettre en place une dynamique qui permettra d’essayer de traiter et d’enrayer les causes de la récidive 214 ». 214 JANAS (M.), Op. Cit. note 206. 87 B - Redonner confiance : atout essentiel de l’aménagement de peine L’intérêt de ce paragraphe est de mettre en exergue l’importance de la relation qui naît entre le juge de l’application des peines et le condamné, relation essentielle pour éviter tout ancrage dans la délinquance. Nous verrons donc, tout d’abord, en quoi cette relation est importante (1), puis nous nous intéresserons aux difficultés qui empêchent une individualisation des peines dans les meilleures conditions. (2). 1 - La confiance, une relation indispensable La libération conditionnelle, par exemple, est au coeur même d’un conflit d’intérêt entre deux considérations : d’une part, c’est le meilleur moyen, en termes d’efficacité pour enrayer le récidivisme, et d’autre part, c’est parfois une incompréhension aux yeux des citoyens qui n’admettent pas qu’un individu, récidiviste qui plus est, puisse encore bénéficier de mesures de faveur après le mal commis. Pour trouver une solution qui soit un juste milieu entre ces deux exigences, les différents intervenants, juges et travailleurs sociaux, agissent à partir d’enquêtes effectuées « directement sur le terrain ». Ainsi, le passé judiciaire du délinquant est scrupuleusement étudié. Rien ne doit être oublié dans l’analyse, chaque élément a son importance. La personnalité de l’intéressé est sans cesse évaluée. Cependant, évaluer le risque de récidive est une étape très difficile à réaliser car il s’agit d’entrer dans le for intérieur de l’individu. Le juge tient compte de différents critères : la récidive constatée, d’une part, et l’éventualité d’une évolution dans un sens favorable à sa réinsertion, d’autre part. Ainsi, celui qui a commis une infraction alors qu’il était en état de récidive légale, purgera une peine d’incarcération plus longue, il bénéficiera de moins d’aménagements de peine destinés à l’amoindrir. Par contre, le juge devra tenir compte des efforts du condamné, et d’un éventuel « déclic215 ». Pour évaluer ces efforts, le juge de l’application des peines se doit de connaître la personne qui lui est déférée, de créer une certaine complicité, c’est-à -dire une relation de confiance. « Dire que, dans certains dossiers, la responsabilité de libérer est d’une grande lourdeur relève de l’euphémisme : cette responsabilité est écrasante. Parce qu’elle exige de la clarté, une 215 JANAS (M.), Op. Cit. note 206, p.348. 88 lucidité acérée, de la détermination et bien souvent du courage 216 », Monsieur Laflaquière, Vice-président du tribunal de grande instance de Toulouse et Président du tribunal de l’application des peines, est fier de « cette justice de réhabilitation ». C’est pourquoi, à défaut de relation de confiance entre le magistrat et le condamné, ce travail perdrait une partie de son sens. Cette relation entre deux êtres humains est forcément orientée en fonction d’un certain nombre de considérations. En effet, le juge, pour se faire une opinion sur la personne qui lui est présentée, et créer ce sentiment d’intimité, de confidentialité, doit se fonder sur un « tressage serré, associant les éléments techniques et objectifs 217 ». Ces éléments sont issus du casier judiciaire, des informations recueillies par les différents intervenants sociaux. A partir de ces renseignements, le juge est en mesure de prononcer des permissions de sortir, ou encore des travaux d’intérêt général, et ce, même pour des criminels qui ont commis des infractions d’une gravité importante. Pour Monsieur Laflaquière, ces mesures sont devenues de véritables institutions pour des détenus de longue durée qui peuvent ainsi « faire la démonstration de leurs capacités de réinsertion sociale et professionnelle 218 ». Cette confiance mutuelle est donc essentielle, elle conditionne l’efficacité de la mesure prononcée par le juge de l’application des peines après une longue réflexion. 2 - Des difficultés matérielles La mesure de libération conditionnelle illustre parfaitement la nécessité de cette relation de confiance. Pour Monsieur Laflaquière, « ce n’est pas par hasard si cette institution plus que centenaire, une doyenne d’humanité en quelque sorte, a survécu aux coups bas portés par quelques récidivistes, et demeure le meilleur outil de prévention de la récidive 219 ». Ce dernier avoue ne pas être plus inquiet à l’égard des récidivistes qui bénéficient d’une libération conditionnelle que des autres. Cependant, si l’individualisation de la peine est le principe général, et un principe aux vertus indéniables, il semble qu’il soit peu appliqué. Or, la récidive est favorisée par une justice qui se refuse à individualiser les peines. Il faut cependant relativiser cette affirmation, qui ne justifie pas l’incompétence ou l’absence d’efforts des magistrats eux-mêmes. Il faut savoir que sur les 8 364 emplois de magistrats comptabilisés en 2002220, les juges de l’application des 216 LAFLAQUIERE (P.), Un pari sur l’humain, AJP, octobre 2005, p.358. 217 Ibid. 218 Ibid. 219 Ibid, p.359. 220 Annuaire statistique de la Justice, année 2003, page 15. 89 peines n’étaient que 250, soit 3,5 % du corps des magistrats. Or, au 1er juillet 2003, 170000 personnes étaient sous leur autorité. Une simple division permet de faire état de la situation : un juge de l’application des peines était à cette date chargé de 680 dossiers. Un suivi personnalisé efficace du condamné apparaissait comme une illusion. Monsieur Clément, ministre de la Justice, avait dénoncé en juillet 2004, dans le cadre de la mission parlementaire, « la misère de l’application des peines ». Alors que la place du juge de l’application doit être mise à l’honneur, ils sont désignés comme « les grands oubliés de la justice pénale 221 ». « Comme l’ont souligné tant le rapport de M. Jean-Luc WARSMANN222, que celui de la commission des lois de l’Assemblée nationale sur la prévention de la récidive223, sans un nombre suffisant de professionnels, aucun suivi efficace des peines alternatives à la détention, aucune préparation des détenus à la sortie de prison, ni aucun aménagement de peine ne seront possibles ou, en tout cas, ne constitueront un gage satisfaisant de prévention de la récidive ». Ce problème d’effectif ne concerne pas que les magistrats, il touche également les conseillers d’insertion et de probation chargés d’une double mission : le suivi en milieu fermé mais aussi en milieu ouvert des condamnés., qui n’étaient que 2473 en 2003, et 2518 en 2004. Dans le second paragraphe, nous nous intéresserons aux modifications apportées par la loi du 12 décembre 2005 sur certaines modalités d’aménagement de peines et les conséquences engendrées sur le travail du juge de l’application des peines. II - Les apports de la loi du 12 décembre 2005 sur l’aménagement de peine Depuis que la phase exécutoire du procès est devenue une véritable partie du procès, le législateur est intervenu à plusieurs reprises. La loi du 12 décembre 2005 ne fait pas exception. Ce sont les concepts de suspension et de réduction de peines (A), d’une part, qui ont été modifiés, puis le régime de la libération conditionnelle (B), d’autre part. 221 CLEMENT (P.), LEONARD (G.), La lutte contre la récidive au coeur de la politique pénale, Assemblée nationale, Rapport juillet 2004, p.50-51. 222 Rapport de la mission parlementaire auprès de M. Dominique PERBEN, garde des Sceaux, ministre de la Justice, confiée à M. Jean-Luc WARSMANN, député des Ardennes, 28 avril 2003. 223 Rapport d’information de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. 90 A - Les concepts de suspension et de réduction de peine La suspension de peine (1) est conditionnée par des raisons médicales. Cette mesure fût instauré par la loi du 4 mars 2002 et ajoutée à l’article 720-1-1 du code de procédure pénale. Le régime des réductions de peine fût quant à lui récemment modifié par la loi du 9 mars 2004 qui les a transformées en crédits de réductions de peine. Nous nous intéresserons à cette question dans un second temps (2). 1- La suspension de peine pour raison médicale L’ancien article 720-1-1 du code de procédure pénale avait placé ces considérations sanitaires comme une condition d’ordre ou de sécurité publique. En 2004, une opposition est née entre la juridiction nationale de libération conditionnelle et la cour de cassation à ce sujet. La question était de savoir si un individu malade, proche de la mort était susceptible de récidiver ou méritait-t-il une suspension de sa peine pour finir ses jours auprès de ses proches comme tout être humain digne de ce nom ? La juridiction nationale de la libération conditionnelle avait retenu224 cette condition de sécurité publique alors que la cour de cassation l’avait rejetée225. Il a fallu attendre la loi « Perben II » pour que la question soit clairement tranchée. Depuis cette loi, les suspensions de peine, en tant que mesure d’aménagement de peine, doivent tenir compte de cet impératif de sécurité publique. Le législateur de 2005 est cependant intervenu pour modifier le régime de cet aménagement de peine concernant plus particulièrement les récidivistes. L’article 720-1-1 contient désormais une nouvelle disposition qui prévoit que la suspension de peine pour raison médicale est prononcée en fonction de l’état de santé du condamné « sauf s’il existe un risque grave de renouvellement de l’infraction 226 ». Ce complément montre la volonté du législateur de tenir compte de la dangerosité du délinquant, considération sur laquelle repose toute la loi. De plus, le texte précise le rôle du juge de l’application des peines en la matière. En effet, alors que ce dernier pouvait jusqu’alors exiger une expertise du condamné à tout moment pour 224 JNLC, 11 juillet 2003, affaire 03LC056, AJP 2003, p.31. 225 Cass. Crim., 12 février 2003, D 2003, p.1065, note M.Herzog-Evans. 226 Article 720-1-1 alinéa 1er du code de procédure pénale : « Sauf s’il existe un risque grave de renouvellement de l’infraction, la suspension peut également être ordonnée, quelle que soit la nature de la peine ou la durée de la peine restant à subir, et pour une durée qui n’a pas à être déterminée, pour les condamnés dont il est établi qu’ils sont atteints d’une pathologie engageant le pronostic vital ou que leur état de santé est durablement incompatible avec le maintien en détention, hors les cas d’hospitalisation des personnes détenues en établissement de santé pour troubles mentaux. » 91 s’assurer du respect des conditions posées par l’article 720-1-1, cette faculté est désormais limitée à un expertise tous les six mois227. Ces dispositions ne sont applicables qu’aux suspensions de peine en cours à la date d’entrée en vigueur de la loi, quelle que soit la date des faits ayant donné lieu à la condamnation. 2 - Les crédits de réduction de peine Les modifications apportées aux crédits de réductions de peine peuvent apparaître comme surprenantes puisqu’ils ne furent introduits dans notre droit que quelques lois plus tôt. La loi du 9 mars 2004 a instauré, depuis le 1er janvier 2005, le crédit de réductions de peine. Ce système prévoit que les réductions de peine, qui étaient jusque là consenties en raison de la bonne conduite du condamné, seront désormais déduites de la période d’emprisonnement restant à subir. Cependant, ce dispositif repose encore une fois sur cette relation de confiance dans la mesure toute nouvelle infraction commise pendant une période égale à la durée du crédit de réductions de peine obtenu pourra entraîner l’incarcération de la personne pour un laps de temps équivalent, en plus de la condamnation prononcée pour les nouveaux faits commis. L’intérêt est de permettre au nouveau détenu de connaître, dès son arrivée dans l’enceinte de la prison, sa date prévisionnelle de sortie. L’autre objectif est de favoriser la gestion de la population carcérale et de conférer aux travailleurs sociaux des bases certaines pour orienter l’accompagnement du condamné. Ce dernier se sent pleinement mobilisé et est incité à un meilleur comportement en milieu fermé. Ainsi, il peut refaire des projets et imaginer sa nouvelle vie en dehors de la détention. Enfin, l’effet dissuasif du procédé ne peut être ignoré puisque reposant sur la responsabilisation de l’individu, il contribue directement à prévenir la récidive. Le législateur de 2005 décida de réduire la portée de la loi du 9 mars 2004 sur ces nouveaux crédits concernant les récidivistes. Jusqu’alors, la spécificité de ces délinquants apparaissait à travers une restriction sur les réductions de peine supplémentaires uniquement. En effet, il existe un double système de réduction de peine. L’article 721 du code de procédure pénale prévoit tout d’abord un dispositif de réduction de peine quasi-automatique et surtout valable 227 Article 720-1-1 avant dernier alinéa du code de procédure pénale dispose que « si la suspension de peine a été ordonnée pour une condamnation prononcée en matière criminelle, une expertise médicale destinée à vérifier que les conditions de la suspension de peine sont toujours remplies doit intervenir tous les six mois ». 92 pour tous les détenus, à défaut de mauvaise conduite de leur part. Désormais228, les détenus récidivistes ne pourront bénéficier de crédits de réduction de peine qu’à hauteur de deux mois par année, un seul pour la seconde, et de cinq jours par mois pour les peines ou reliquats inférieurs à un an, contre trois mois puis deux mois par an ou sept jours par mois pour les primo délinquants. Le second procédé repose quant à lui sur les efforts de réinsertion de l’intéressé229. La loi de mars 2004 l’avait également modifié en pénalisant sévèrement les récidivistes, ces derniers ne pouvant bénéficier que de la moitié des réductions possibles. Le législateur de 2005 vise donc à pénaliser encore plus les récidivistes en réduisant considérablement les réductions de peine du premier système. Cette modification a été très discutée lors des débats parlementaires. Le Sénat notamment, avait dans un premier temps décider de supprimer cette proposition et ce pour deux raisons. 228 Article 721 alinéa 1er 3° du code de procédure pénale dispose que « Lorsque le condamné est en état de récidive légale, le crédit de réduction de peine est calculé à hauteur de deux mois la première année, d’un mois pour les années suivantes et, pour une peine inférieure à une année pleine, de cinq jours par mois ; pour les peines supérieures à un an, le total de la réduction de peine correspondant aux cinq jours par mois ne peut toutefois excéder un mois. Il n’est cependant pas tenu compte des dispositions du présent alinéa pour déterminer la date à partir de laquelle une libération conditionnelle peut être accordée au condamné, cette date étant fixée par référence à un crédit de réduction de peine qui serait calculé, conformément aux dispositions du premier alinéa ». 229 Une réduction supplémentaire de la peine peut être accordée aux condamnés qui manifestent des efforts sérieux de réadaptation sociale, notamment en passant avec succès un examen scolaire, universitaire ou professionnel traduisant l’acquisition de connaissances nouvelles, en justifiant de progrès réels dans le cadre d’un enseignement ou d’une formation, en suivant une thérapie destinée à limiter les risques de récidive ou en s’efforçant d’indemniser leurs victimes. Sauf décision du juge de l’application des peines, prise après avis de la commission de l’application des peines, les personnes condamnées pour une infraction pour laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru et qui refusent de suivre le traitement qui leur est proposé pendant leur incarcération, ne sont pas considérées comme manifestant des efforts sérieux de réadaptation sociale. Cette réduction, accordée par le juge de l’application des peines après avis de la commission de l’application des peines, ne peut excéder, si le condamné est en état de récidive légale, deux mois par année d’incarcération ou quatre jours par mois lorsque la durée d’incarcération restant à subir est inférieure à une année. Si le condamné n’est pas en état de récidive légale, ces limites sont respectivement portées à trois mois et à sept jours. Elle est prononcée en une seule fois si l’incarcération est inférieure à une année et par fraction annuelle dans le cas contraire. Sauf décision du juge de l’application des peines, prise après avis de la commission de l’application des peines, les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux personnes condamnées pour l’une des infractions mentionnées à l’article 706-47 si, lorsque leur condamnation est devenue définitive, le casier judiciaire faisait mention d’une telle condamnation. 93 La première est que la durée de la détention apparaît aux yeux des sénateurs déjà assez longue lorsqu’il s’agit de récidivistes. De plus, les empêcher de bénéficier des mêmes réductions de peine que les primo délinquants est contraire à l’esprit de cette mesure qui est de mieux gérer la population carcérale. Malgré ces remarques, l’Assemblée nationale a quant à elle adopter la mesure en l’amendant quelque peu. B - Les conséquences de la loi sur la libération conditionnelle La libération conditionnelle est, comme nous l’avons répété à plusieurs reprises la mesure phare de la lutte contre la récidive. Or, la loi du 12 décembre 2005 a modifié le régime de cette mesure, contribuant à réduire encore son prononcé, en diminution constante, et ce, malgré ses atouts. En effet, la commission des lois de l’Assemblée nationale a décidé, en adoptant un amendement du gouvernement, d’allonger le temps d’épreuve de la libération conditionnelle des récidivistes. Ainsi, la loi 230le fait passer à vingt ans lorsqu’il s’agit d’une peine à temps, alors qu’il était des deux tiers auparavant. S’agissant de la réclusion criminelle à perpétuité, les réclusionnaires ne pourront demander la libération conditionnelle qu’après une période de dix huit ans minimum et de vingt deux ans en cas de récidive, contre quinze ans avant cette loi. De tels seuils sont dangereux car ils risquent de rendre plus difficiles qu’auparavant « la détection du bon moment pour la libération, qui peut survenir à des moments très variables d’un individu à un autre 231 ». En dehors de cet allongement du temps d’épreuve de la libération conditionnelle, le gouvernement a également voulu supprimer l’une des mesures de la loi du 15 juin 2000 et insérée à l’article 729-3 du code de procédure pénale. Cette disposition permettait, en effet, à la personne condamnée à une peine inférieure ou égale à quatre ans de bénéficier d’une libération conditionnelle, sans exigence de temps d’épreuve, si elle exerçait l’autorité parentale ou qu’elle résidait avec son enfant âgé de moins de dix ans. Cette mesure a été purement et simplement supprimée pour les récidivistes. Cet abandon peut surprendre puisque cette faculté ne concernait que les condamnés à de courtes peines (quatre ans d’incarcération maximum), et donc par définition des personnes qui vraisemblablement ne sont pas des récidivistes. 230 Article 729 du code de procédure pénale. 231 LAFLAQUIERE (P.), Un pari sur l’humain, AJP, octobre 2005, p.359. 94 De plus, le législateur a ajouté certaines modalités à la libération conditionnelle. En effet, il a permis au juge de pouvoir prononcer des obligations du suivi socio-judiciaire comme par exemple l’injonction de soins ou encore le placement sous surveillance électronique mobile, si l’intéressé a été condamné pour un crime ou un délit pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru. Pour Monsieur Portelli232, cette réforme « va tout droit dans le mauvais sens ». Elle « démontre avec force une totale incompréhension de la question puisque [...] la libération conditionnelle est la meilleure réponse à la récidive. Tout ce qui tend à la restreindre est mauvais. » De manière générale, la mise en oeuvre de mesures d’individualisation des peines privatives de liberté dès la sortie de prison, participe de la prévention de la récidive, en ce qu’elle évite les « sorties sèches ». Certains aménagements tels que la semi-liberté, le placement à l’extérieur ou sous surveillance électronique et la libération conditionnelle, ne sont accordés qu’aux condamnés qui manifestent des efforts sérieux de réinsertion sociale : ils doivent justifier, par exemple, d’un emploi ou d’une recherche active d’emploi, d’une indemnisation des victimes, et/ou d’un suivi médical, ou encore d’une participation essentielle à la vie de famille. Ces aménagements permettent d’imposer aux condamnés le respect de mesures de contrôle et d’obligations particulières. La réussite de la mesure dépend ainsi des efforts de l’intéressé, du respect des différentes obligations imposées. La dangerosité de l’individu peut ainsi être prise en compte à tout moment par l’imposition, par exemple d’une d’interdiction d’entrer en relation avec les victimes, d’une interdiction de paraître dans certains lieux, de détenir ou porter une arme, ou d’une obligation de soins. Cependant, comme nous l’avons fait remarqué à plusieurs reprises, la réussite de l’individualisation des peines dans la lutte contre la récidive dépend des moyens mis à la disposition des magistrats et des autres intervenants sociaux. Section 2 - Le suivi postérieur à l’exécution de la peine Punir, prononcer une sanction à l’encontre d’un individu a pour objectif l’amendement de ce dernier mais également, dans une autre mesure, sa réinsertion, surtout s’il a été condamné à 232 PORTELLI (S.), La récidive mobiliser l’intelligence, non la peur, p. 63. Texte disponible à l’adresse suivante : http://comm.justice.lesverts.fr/articlephp3?id_article=126 95 l’incarcération. Cependant, au regard de l’actualité récente, les Français et les politiques croient de moins en moins aux bienfaits de la détention. La prison devient un lieu criminogène où beaucoup apprennent les rudiments de la délinquance au contact des « grands » de la discipline. Pour pallier à ces lacunes, la loi du 12 décembre 2005 sur le traitement de la récidive, entend instituer un certain nombre de mesures de traitement en milieu libre. Le condamné ne doit pas être lâché « dans la nature » sans aucun suivi. Il nécessite des mesures de contrôle et d’assistance. Ce système se veut répressif et préventif à la fois, pour ne pas effrayer les citoyens. En effet, pour ces derniers, aménager une peine, permettre son exécution en liberté est considéré comme une mesure de faveur synonyme d’indulgence excessive et d’impunité. Cette section sera consacrée à la principale innovation de la loi, c’est-à -dire l’institution du placement sous surveillance électronique mobile des détenus, qui peut être appliqué en tant que composante du suivi socio-judiciaire ou comme élément constitutif d’une nouvelle mesure de sûreté : « la surveillance judiciaire des personnes dangereuses ». Nous évoquerons tout d’abord un certain nombre de généralités sur le placement sous surveillance électronique mobile (I), puis nous étudierons ensuite le contexte d’application de la mesure (II). I - Généralités sur le placement sous surveillance électronique mobile Le législateur de 2005 avait en tête d’instaurer la possibilité d’une surveillance des délinquants dangereux après leur sortie de prison. Le placement sous surveillance électronique mobile est la réponse donnée à ce projet. Cependant, un certain nombre de problèmes d’ordre constitutionnel, plus que pratiques se sont posés (A). Comme nous allons le voir dans le développement, le placement sous surveillance électronique mobile peut être prononcé dans le cadre d’un suivi socio-judiciaire ou d’une surveillance judiciaire. Qu’il s’agisse de l’une ou l’autre de ces mesures, la mise en oeuvre du placement est la même (B). A - Les difficultés d’adoption La loi du 19 décembre 1997 avait consacré le placement sous surveillance électronique comme modalité d’exécution des peines privatives de liberté. A cette fin, il est censé faciliter l’aménagement de peine, et le développement des alternatives à l’incarcération visant à la réinsertion de la personne placée sous main de justice et par là même à la réduction du risque 96 de récidive. Lancée en octobre 2000, l’expérimentation du placement sous surveillance électronique s’est progressivement répandue sur tout le territoire. Dominique Perben, alors ministre de la Justice, avait souligné le bien-fondé du bracelet relevant un coût presque trois fois moins élevé que celui de la prison. Si l’objectif était que trois mille condamnés portent le bracelet d’ici 2005, la réalité est toute autre. En effet, selon l’Observatoire international des prisons, au 1er février 2004, la population carcérale était de 60905, soit une hausse de 7,3% par à février 2003. Le taux d’occupation des établissements pénitentiaires était de 124,5%. Et sur ces 60905 détenus, seuls 369 portés un bracelet, 698 en juin 2004. Monsieur Portelli parle d’échec de cette mesure233. « Elle n’a absolument rien changé au problème pénitentiaire et n’a strictement aucun effet sur la population carcérale ». Il lui reproche de n’être « qu’un mode de répression supplémentaire, mordant encore un peu plus sur le champ de la liberté ». Comment expliquer alors, dans un tel contexte, que le gouvernement ait voulu développer le système en créant le placement sous surveillance électronique mobile ? Les différentes missions qui furent chargées d’étudier le problème de la récidive proposèrent de placer sous surveillance électronique, à titre de mesure de sûreté, les délinquants sexuels les plus dangereux. Cette proposition fût largement corroborée par les évènements d’actualité qui ont choqué les Français. En avril 2005, le rapport Fenech234 fût rendu. Dans cette étude, le député Georges Fenech confirme largement le contexte d’adoption du bracelet mobile : il faut renforcer la sécurité. Le projet « s’inscrit dans un mouvement général de notre société qui réclame toujours plus de sécurité par le renforcement de la surveillance ». Votée une première fois par l’Assemblée nationale en décembre 2004, une proposition de loi de l’UMP avait été allégée par le Sénat, notamment concernant le recours au bracelet électronique. Le texte a alors été largement remanié pour être réexaminé par l’Assemblée nationale les 12 et 13 octobre 2005. L’adoption de la loi a soulevé un problème de taille : son inconstitutionnalité. En effet, la démarche du ministre de la Justice a été largement critiquée, dans la mesure où bien qu’ayant conscience du risque de violation de cette règle fondamentale de notre droit qu’est le principe de non rétroactivité, Pascal Clément demanda aux parlementaires de voter la loi et de faire en sorte qu’elle ne puisse être déférée devant le juge constitutionnel. Les divergences entre les deux chambres ont finalement été surmontées en commission mixte paritaire le 9 novembre 2005. Mais le 29 novembre, une saisine sénatoriale du Conseil 233 PORTELLI (S.), Op. cit., p.228. 234 Texte disponible à l’adresse suivante : http://lesrapports.ladocumentationfrançaise/BRP/053000267/0000.pdf 97 constitutionnel fût enregistrée pour contester l’application du placement sous surveillance électronique mobile aux personnes actuellement incarcérées ou susceptibles de l’être en exécution d’une condamnation prononcée pour des faits commis antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi. Les sénateurs avaient constaté que le placement sous surveillance électronique mobile ordonné dans le cadre de la surveillance judiciaire était une peine, et que, de ce fait, le principe de non rétroactivité de la loi pénale s’appliquait. Dans le cadre d’un placement sous surveillance électronique mobile ordonné comme composante d’un suivi socio-judiciaire, la rétroactivité du placement est interdite car le suivi socio-judiciaire est une peine complémentaire, et non une mesure de sûreté. Le Conseil constitutionnel235 a cependant rejeté cette argumentation, et ce, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, ce placement n’est qu’une mesure d’exécution de la peine et non une peine car sa mise en oeuvre ne peut se poursuivre au-delà de la durée de la peine initialement prononcée. Le placement sous surveillance électronique mobile infligé dans ces circonstances, n’a pas de caractère punitif ni disciplinaire. Il n’est pas décidé par un juge de jugement mais par un juge de l’application des peines. Le Conseil constitutionnel retient que cette mesure en relation avec la dangerosité du délinquant, et non avec sa culpabilité, poursuit un but préventif et non punitif. Le principe de non rétroactivité de la loi pénale plus sévère ne s’applique donc pas. Par contre, les principes de nécessité et de proportionnalité de la peine s’imposent. Tel est le cas en l’espèce. Le juge constitutionnel constate que le but du placement sous surveillance électronique traduit un souci de protection imminente des personnes. De plus, la portée de cette mesure est limitée à des situations très graves, puisqu’elle ne concerne que des individus condamnés à de lourdes peines d’emprisonnement chez qui un ancrage dans la délinquance ne peut être écarté. Au vu de l’objectif poursuivi et des conditions restrictives pour prononcer le placement sous surveillance électronique mobile, la coercition qui existe, à savoir la contrainte physique procurée par le port du bracelet n’est pas excessive et les garanties procédurales permettraient d’éviter d’éventuels abus. Le Conseil constitutionnel a retenu le même raisonnement s’agissant de l’application immédiate du placement sous surveillance électronique mobile à la libération conditionnelle. Les difficultés d’adoption de la loi, et plus particulièrement les dispositions relatives au placement sous surveillance électronique mobile furent donc effacées par le Conseil constitutionnel, qui rejeta l’idée d’une éventuelle inconstitutionnalité de la mesure. 235 Cons.Const., 8 décembre 2000, Gaz Pal du 18 au 20 décembre 2005. 98 B - La mise en oeuvre du placement sous surveillance électronique mobile La placement sous surveillance électronique mobile, mieux connu sous le nom de « bracelet » est une mesure juridictionnelle qui permet de surveiller à distance les allées et venues d’un individu. Le placement sous surveillance électronique mobile permet de localiser une personne soumise à cette mesure à chaque instant et en tous lieux. Ainsi, l’administration pénitentiaire est en mesure de notifier sans difficulté toutes les violations des obligations imposées et les services de police et de gendarmerie peuvent intervenir rapidement. Contrairement au placement sous surveillance électronique classique, qui ne peut que faire état de la présence ou de l’absence du condamné dans certains lieux déterminés sans préciser où il se trouve, la surveillance devient mobile grâce au système de détection par satellite. La personne n’est pas surveillée continuellement par un policier. Tous ses déplacements sont enregistrés automatiquement par des ordinateurs grâce au bracelet qu’il porte. Cette mesure est censée avoir un effet dissuasif. L’aspect purement technique du bracelet peut être confié à des concessionnaires privés, en application de l’article 763-14 du code de procédure pénale236. Tout comme le bracelet statique, le bracelet mobile est installé au plus tard une semaine avant la remise en liberté, et sera porté continuellement jusqu’au terme de la mesure237. S’agissant de la nature du placement, la réponse est délicate. En effet, alors que le placement sous surveillance électronique classique est une modalité d’exécution des peines privatives de liberté238, le placement sous surveillance électronique mobile, qui est en lui-même une nouvelle peine insérée dans le chapitre du code pénal consacré à la nature des peines, il peut 236 « Un décret en Conseil d’Etat détermine les conditions d’application du présent titre. Ce décret précise notamment les conditions dans lesquelles l’évaluation prévue par l’article 763-10 est mise en ouvre. Il précise également les conditions d’habilitation des personnes de droit privé auxquelles peuvent être confiées les prestations techniques détachables des fonctions de souveraineté concernant la mise en oeuvre du placement sous surveillance électronique mobile et relatives notamment à la conception et à la maintenance du dispositif prévu à l’article 763-12 et du traitement automatisé prévu à l’article 763-13. » 237 Article 763-12 du code de procédure pénale : « Le condamné placé sous surveillance électronique mobile est astreint au port, pendant toute la durée du placement, d’un dispositif intégrant un émetteur permettant à tout moment de déterminer à distance sa localisation sur l’ensemble du territoire national. Ce dispositif est installé sur le condamné au plus tard une semaine avant sa libération. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre de la justice. Sa mise en oeuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne et favoriser sa réinsertion sociale ». 238 Article 723-7 à 723-14 du code de procédure pénale 99 être imposé sous deux qualifications. Il peut s’agir d’une composante du suivi socio-judiciaire ou encore d’un élément constitutif de la surveillance judiciaire des personnes dangereuses. La qualification retenue fût choisie comme un juste milieu entre les deux contextes, c’est-à -dire la mesure de sûreté. Il s’agit d’ « une sanction à caractère préventif et dépourvue de but rétributif et de caractère afflictif et infamant, fondée sur la constatation d’un état dangereux239 ». Si le placement sous surveillance électronique mobile est une composante du suivi sociojudiciaire, la durée du placement, fixée par le juge de l’application des peines, ne peut excéder deux ans, renouvelable une fois si le condamné a commis un délit et deux fois en cas de crime. Quoi qu’il en soit, la durée sera inférieure à celle du suivi socio-judiciaire, qui est de dix ou de vingt ans selon l’infraction240. S’il s’agit d’un élément de la surveillance judiciaire des personnes dangereuses, ce délai de deux ans renouvelable s’applique également. Cependant, il ne peut dépassé la durée totale de la mise sous surveillance judiciaire, qui est limitée par la durée des réductions de peine ou de la libération conditionnelle sur laquelle elle est imputée. 239 Lexique des termes juridiques, Dalloz, 12ème ed., p.342. 240 Article 131-36-1 du code pénal : « Dans les cas prévus par la loi, la juridiction de jugement peut ordonner un suivi socio-judiciaire. Le suivi socio-judiciaire emporte, pour le condamné, l’obligation de se soumettre, sous le contrôle du juge de l’application des peines et pendant une durée déterminée par la juridiction de jugement, à des mesures de surveillance et d’assistance destinées à prévenir la récidive. La durée du suivi socio-judiciaire ne peut excéder dix ans en cas de condamnation pour délit ou vingt ans en cas de condamnation pour crime. Toutefois, en matière correctionnelle, cette durée peut être portée à vingt ans par décision spécialement motivée de la juridiction de jugement ; lorsqu’il s’agit d’un crime puni de trente ans de réclusion criminelle, cette durée est de trente ans ; lorsqu’il s’agit d’un crime puni de la réclusion criminelle à perpétuité, la cour d’assises peut décider que le suivi socio-judiciaire s’appliquera sans limitation de durée, sous réserve de la possibilité pour le tribunal de l’application des peines de mettre fin à la mesure à l’issue d’un délai de trente ans, selon les modalités prévues par l’article 712-7 du code de procédure pénale. La décision de condamnation fixe également la durée maximum de l’emprisonnement encouru par le condamné en cas d’inobservation des obligations qui lui sont imposées. Cet emprisonnement ne peut excéder trois ans en cas de condamnation pour délit et sept ans en cas de condamnation pour crime. Les conditions dans lesquelles le juge de l’application des peines peut ordonner, en tout ou partie, l’exécution de l’emprisonnement sont fixées par le code de procédure pénale. Le président de la juridiction, après le prononcé de la décision, avertit le condamné des obligations qui en résultent et des conséquences qu’entraînerait leur inobservation. » 100 Le port du bracelet se doit de garantir le respect de la dignité et de l’intégrité humaine, mais également de la vie privée. S’agissant de l’intégrité, la science ne permet pas encore d’évaluer la nocivité de l’émetteur sur le corps de son porteur. Quant à garantir la dignité et le respect de la vie privée, ce procédé y porte fortement atteinte puisque les moindres faits et gestes de la personne sont enregistrés et ce, même dans la plus profonde intimité. De plus, le port du bracelet peut devenir au quotidien un poids considérable eu égard au regard des individus que l’intéressé aura l’occasion de côtoyer, ou simplement des passants. Le regard moqueur, et curieux des êtres humains pourrait apparaître comme une peine supplémentaire, peine morale seulement, il est vrai, mais peine quand même. Cependant, il s’agit d’une décision de justice qui concerne un individu dangereux qui n’en n’est pas à sa première infraction. Une telle restriction à la liberté semble donc justifiée. Il a en outre un impact sur la vie de famille et de ce fait présente le caractère d’une peine. En effet, bien qu’ayant un aspect préventif, il ne peut être conçu comme une simple mesure de sûreté et doit être clairement rattaché à la notion de peine241. Un certain nombre de questions ont été soulevées à ce sujet. Comment est-il possible de parler de mesure de sûreté lorsque la mesure en question s’applique après l’exécution de la peine ? Certains magistrats et avocats considèrent que ce serait contraire à la tradition française. D’autres ont été jusqu’à invoquer une disproportion entre la restriction de liberté d’aller et venir, la liberté d’avoir une vie privée et le respect de la dignité humaine d’un côté, et la protection de la société d’autre part. Monsieur Pallez, secrétaire général de la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés, considère « qu’il peut paraître disproportionné de surveiller de façon continue des individus dans un but de prévention de la récidive alors que l’efficacité d’une telle mesure n’est pas suffisamment démontrée242 ». Cette mesure qui peut être imposée à des individus ayant déjà purgé leur peine procède selon lui « d’un déterminisme contraire à la capacité des individus à s’amender ». Les représentants de la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés rappellent notamment, à juste titre il est vrai, que " le droit à l’oubli " prévu par la loi informatique et libertés du 6 janvier 1978 est incompatible avec une surveillance électronique qui durerait trente ans. Cependant, d’un autre côté, qui est celui des victimes elles mêmes, cette mesure apparaît comme une certaine garantie de sécurité à leur égard. C’est pourquoi, Nicole Guedj, secrétaire d’Etat aux droits des victimes, n’hésite à défendre le placement sous surveillance électronique mobile qui représente selon elle « une atteinte limitée à la liberté individuelle puisqu’il ne fait pas totalement obstacle à la liberté d’aller et 241 Rapport de Monsieur Fenech : Le placement sous surveillance électronique mobile, avril 2005, p.54. 242 Ibid. 101 venir et qu’il n’empêche pas la poursuite d’une vie normale243 ». Si un individu, en raison de son passé pénal ou encore de son profil psychologique semble représenter un danger pour la société, cette mesure ne contrevient pas au principe de nécessité et de proportionnalité de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789. Finalement, la loi du 12 décembre 2005 a adopté cette mesure restrictive de liberté supplémentaire non prévue par le jugement de condamnation, mesure que certains qualifient de double peine. Le placement sous surveillance électronique mobile apparaît comme une mesure acceptable dans l’ordre juridique français. La loi ne prévoit pas d’obligations propres au placement sous surveillance électronique mobile. Il est fait implicitement référence aux obligations et mesures de contrôle rattachées au suivi socio-judiciaire et à la surveillance judiciaire. En effet, les articles 763-11 et 723-34 du code de procédure pénale se réfèrent de manière très allusive aux obligations résultant dudit placement, mais l’article 763-11 énoncé cependant que le juge de l’application des peines peut modifier, supprimer ou compléter à tout moment les obligations du placement et ce, d’office, sur réquisition du Parquet ou encore à la demande du condamné ou de son avocat. En cas de non respect des obligations imposées, le condamné serait obligé de terminer de purger sa peine d’emprisonnement. II - Contextes d’application du placement sous surveillance électronique mobile Le placement sous surveillance électronique mobile peut s’appliquer dans deux hypothèses : en cas suivi socui-judiciaire (A), ou dans la cadre d’une mesure de surveillance d’une personne dangereuse (B). A - Dans la cadre du suivi socio-judiciaire Nous verrons successivement les caractéristiques du placement sous surveillance électronique en tant que composante du suivi socio-judiciaire (1), puis les modifications mineures apportées à la mesure de suivi par la loi du 12 décembre 2005 (2). 243 Ibid. 102 1 - Le placement sous surveillance électronique : une composante du suivi socio-judiciaire Sous cette forme, la loi du 12 décembre 2005 voit dans le placement sous surveillance électronique mobile une peine qui n’est pas autonome244, mais qui dépend du suivi sociojudiciaire puisqu’il ne peut être prononcé que si la condamnation principale est supérieure à sept ans245, et n’est pas assortie d’un sursis avec mise à l’épreuve, sauf si ce dernier est partiel. Si la décision de placement est prise par le juge de jugement, celle-ci doit être expresse et être fondée sur une expertise médicale qui fait état de la dangerosité du délinquant246. Le législateur exige une motivation spéciale du juge au regard d’une seule considération : la prévention de la récidive. Le placement doit apparaître comme indispensable dans ce processus préventif. La mesure ne peut être prononcée sans le consentement éclairé de l’intéressé prononcé en présence de son avocat. Si celui ci refuse, il retourne en prison purger sa peine. Le cas échéant, le placement dure trois ans si le condamné est coupable d’un délit ou sept ans s’il s’agit d’un crime. Le prononcé de la mesure par le juge de jugement ne suffit pas. Il doit être corroboré par la décision du juge de l’application des peines. Celui-ci peut également intervenir lorsqu’un suivi socio-judiciaire a été prononcé mais sans qu’il soit assorti d’un placement sous surveillance électronique. Il peut ainsi modifier les épreuves auxquelles la personne est condamnée247. Dans cette situation, la décision prend la forme d’une ordonnance de 244 Article 131-36-9 du code pénal : « Le suivi socio-judiciaire peut également comprendre, à titre de mesure de sûreté, le placement sous surveillance électronique mobile, conformément aux dispositions de la présente section ». 245 Article 131-36-10 du code pénal : « Le placement sous surveillance électronique mobile ne peut être ordonné qu’à l’encontre d’une personne majeure condamnée à une peine privative de liberté d’une durée égale ou supérieure à sept ans et dont une expertise médicale a constaté la dangerosité, lorsque cette mesure apparaît indispensable pour prévenir la récidive à compter du jour où la privation de liberté prend fin ». 246 Ibid. 247 Article 763-3 alinéa 4 du code de procédure pénale : « Le juge de l’application des peines peut également, après avoir procédé à l’examen prévu par l’article 763-10, ordonner le placement sous surveillance électronique mobile du condamné. Le juge de l’application des peines avertit le condamné que le placement sous surveillance électronique mobile ne pourra être mis en oeuvre sans son consentement mais que, à défaut ou s’il manque à ses obligations, l’emprisonnement prononcé en application du troisième alinéa de l’article 131-36-1 du code pénal pourra être mis à exécution. Les dispositions du deuxième alinéa du présent article sont applicables ». 248 Article 712-6 alinéa 3 du code de procédure pénale 103 Dans les deux cas, le juge de l’application des peines se doit d’établir de façon claire et précise la dangerosité de la personne et se persuader du « risque de commission d’une nouvelle infraction ». A cette fin, la loi lui impose de procéder à des enquêtes, auditions, examens, et expertises249, et ce, au moins un an avant la sortie de prison. La décision finale est prise à l’issue d’un débat contradictoire, après avis de la « commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté », formation spéciale créée par la loi de 2005. De plus, dans les deux hypothèses, le prononcé du placement n’est possible que pour les infractions commises après l’entrée en vigueur de la loi. 2 - Autres modifications apportées au suivi socio-judiciaire Le suivi socio-judiciaire, institué par une loi du 17 juin 1998, avait pour objectif de permettre la surveillance et la réinsertion des condamnés ayant commis des infractions à caractère sexuel. La loi du 12 décembre 2005 est intervenue pour en modifier quelque peu le champ d’application et le contenu. C’est ainsi qu’elle a considérablement allongé la liste des infractions qui font encourir un suivi socio-judiciaire. Il concerne désormais toutes les atteintes criminelles à la vie de l’article 221-9-1 du code pénal, les enlèvements et séquestrations des articles 224-1 et 225-2 du code pénal, les actes de torture et de barbarie250 et la destruction volontaire de biens par explosif ou incendie251. L’article 717-1 du code de procédure pénale recommande d’affecter ces différents délinquants, qu’ils soient des criminels violents, meurtriers ou assassins, tortionnaires, ravisseurs ou terroristes poseurs de bombes, dans des établissements pénitentiaires spécialisés qui assureront un suivi médical et psychologique adapté. Comme nous l’avons vu, son contenu a également été élargi puisque le placement sous surveillance électronique peut être prononcé comme composante d’un suivi socio-judiciaire. 249 Article 763-10 du code de procédure pénale : « Un an au moins avant la date prévue de sa libération, la personne condamnée au placement sous surveillance électronique mobile en application des articles 131- 36-9 à 131-36-12 du code pénal fait l’objet d’un examen destiné à évaluer sa dangerosité et à mesurer le risque de commission s’une nouvelle infraction ». 250 Article 222-48-1 du code pénal : « Les personnes physiques coupables de tortures ou d’actes de barbarie ou des infractions définies aux articles 222-23 à 222-32 peuvent également être condamnées à un suivi socio-judiciaire selon les modalités prévues par les articles 131-36-1 à 131-36-13 ». 251 Article 322-18 du code pénal : « Les personnes physiques coupables des infractions définies aux articles 322-6 à 322-11 peuvent également être condamnées à un suivi socio-judiciaire selon les modalités prévues par les articles 131-36-1 à 131-36-13 ». 104 Cette mesure n’est pas la seule puisque la loi donne la possibilité au médecin traitant de prescrire des « médicaments qui entraînent une diminution de la libido 252 ». Le consentement écrit du patient est nécessaire et doit être renouvelé au moins une fois par an. Cependant, la nocivité de ce traitement, notamment sur les cancers de la prostate a été prouvée. La mise sur le marché du produit est exclusivement réservée au traitement des délinquants sexuels dans le cadre d’un suivi socio-judiciaire. Les parlementaires se sont accordés à dénoncer le nombre insuffisant de psychiatres dans le secteur public. C’est pourquoi, ils ont décidé que le recours à des psychologues en plus ou en remplacement du médecin traitant était possible. La décision appartient au condamné luimême qui choisira le praticien. En application du nouvel article 731-1 du code de procédure pénale253, qui concerne les « personnes condamnées pour une infraction pour laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru », mais contre lesquelles il n’a pas été prononcé car l’infraction a été commise avant l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 1998, et que la condamnation est en cours d’exécution après l’entrée en vigueur de la loi de 2005, le juge peut prononcer une libération conditionnelle soumise à l’observation des obligations du suivi socio-judiciaire. Le non respect des obligations entraîne seulement révocation de la libération conditionnelle. 252 Article L3711-3 du code de la santé publique : « Le médecin traitant est habilité, sans que puissent lui être opposées les dispositions de l’article 226-13 du code pénal, à informer le juge de l’application des peines ou l’agent de probation de l’interruption du traitement. Lorsque le médecin traitant informe le juge ou l’agent de probation, il en avise immédiatement le médecin coordonnateur. Le médecin traitant peut également informer de toutes difficultés survenues dans l’exécution du traitement le médecin coordonnateur qui est habilité, dans les mêmes conditions qu’à l’alinéa précédent, à prévenir le juge de l’application des peines ou l’agent de probation. Le médecin traitant peut également proposer au juge de l’application des peines d’ordonner une expertise médicale. Lorsqu’il a été agréé à cette fin, le médecin traitant est habilité à prescrire au condamné, avec le consentement écrit et renouvelé, au moins une fois par an, de ce dernier, un traitement utilisant des médicaments dont la liste est fixée par arrêté du ministre de la santé et qui entraînent une diminution de la libido, même si l’autorisation de mise sur le marché les concernant n’a pas été délivrée pour cette indication ». 253 « La personne faisant l’objet d’une libération conditionnelle peut être soumise aux obligations qui sont celles du suivi socio-judiciaire, y compris l’injonction de soins, si elle a été condamnée pour un crime ou délit pour lequel cette mesure était encourue. Cette personne peut alors être également placée sous surveillance électronique mobile dans les conditions et selon les modalités prévues par les articles 763-1à à 763-14. » 105 Enfin, s’agissant de l’obligation de soins, la loi prévoit que la thérapie pourra commencer dans l’enceinte pénitentiaire254. La disposition est étendue par la loi de 2005 à toutes les personnes coupables d’infractions qui font encourir cette peine complémentaire, même si elles n’ont pas été condamnées255. B - Dans le cadre d’une surveillance judiciaire A côté du placement sous surveillance électronique, le législateur de 2005 a crée une autre mesure : la surveillance judiciaire des personnes dangereuses. L’article 723-29 du code de procédure pénale qualifie expressément la mise sous surveillance de « mesure de sûreté, pour une raison simple : s’il s’agissait d’une peine, elle ne pourrait pas rétroagir. La qualification de mesure de sûreté n’a posé aucun problème pour le Conseil constitutionnel pour qui, la durée de la mesure reposant sur les réductions de peine rattachées à la peine, ne constitue pas une peine privative de liberté supplémentaire. Comme elle n’est pas prononcée 254 Article 763-7 du code de procédure pénale : « Lorsqu’une personne condamnée à un suivi socio-judiciaire comprenant une injonction de soins doit subir une peine privative de liberté, elle exécute cette peine dans un établissement pénitentiaire prévu par le second alinéa de l’article 717-1 et permettant de lui assurer un suivi médical et psychologique adapté. Elle est immédiatement informée par le juge de l’application des peines de la possibilité d’entreprendre un traitement. Si elle ne consent pas à suivre un traitement, cette information est renouvelée au moins une fois tous les six mois. En cas de suspension ou de fractionnement de la peine, de placement à l’extérieur sans surveillance ou de mesure de semi-liberté, les obligations résultant du suivi socio-judiciaire sont applicables ». 255 Article 717-1 alinéa 3 et 4 du code de procédure pénale : « La répartition des condamnés dans les prisons établies pour peines s’effectue compte tenu de leur catégorie pénale, de leur âge, de leur état de santé et de leur personnalité. Dans des conditions prévues par décret en Conseil d’Etat, les personnes condamnées pour une infraction pour laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru exécutent leur peine dans des établissements pénitentiaires permettant d’assurer un suivi médical et psychologique adapté. Sans préjudice des dispositions de l’article 763-7, le juge de l’application des peines peut proposer à tout condamné relevant des dispositions de l’alinéa précédent de suivre un traitement pendant la durée de sa détention, si un médecin estime que cette personne est susceptible de faire l’objet d’un tel traitement. Les dispositions des articles L. 3711-1, L. 3711-2 et L. 3711-3 du code de la santé publique sont applicables au médecin traitant du condamné détenu, qui délivre à ce dernier des attestations de suivi du traitement afin de lui permettre d’en justifier auprès du juge de l’application des peines pour l’obtention des réductions de peine prévues par l’article 721-1 ». 106 au titre de sanction par le juge de l’application des peines mais dans l’unique but de prévenir la récidive, il s’agit bel et bien d’une mesure de sûreté256 Elle peut être prononcée par le juge de l’application des peines à l’encontre des personnes condamnées à une peine privative de liberté d’une durée supérieure ou égale à dix ans pour un crime ou un délit pour lequel le suivi judiciaire est encouru. Elle s’applique immédiatement aux individus dont le risque de récidive est constaté, après l’entrée en vigueur de la loi de 2005. Madame Herzog-Evans reproche au Conseil constitutionnel de ne pas avoir tenu compte du fait que bien qu’il ne s’agit pas d’une peine, la surveillance judiciaire constitue malgré tout « une obligation imposée dans le cadre d’un aménagement de peine, ce qui aurait dû, en bonne logique, conduire à observer la règle de l’application immédiate exclusive des mesures plus sévères 257 ». Pour éviter d’éventuelles critiques, le législateur lui-même a prévu un palliatif à cette rétroactivité. En effet, l’article 42 de la loi prévoit que « s’il s’agit de personnes condamnées pour des faits commis avant cette date, les compétences confiées au juge de l’application des peines par les articles 723-29 et 723-31 sont exercées par le tribunal de l’application des peines ». De plus, s’agissant des personnes dont la condamnation a été mise à exécution avant le 1er juin 2005, il sera tenu compte des réductions de peine dont le condamné a bénéficié conformément à la version antérieure à la loi du 9 mars 2004 de l’article 721 du code de procédure pénale258. De même, pour les personnes condamnées avant l’entrée en vigueur du nouveau code pénal, « il est tenu compte de la nature des faits pour lesquels elles ont été condamnées sous l’empire des dispositions du code pénal applicables avant cette date, au regard des qualifications prévues par les dispositions du code pénal applicable à compter de cette date ». Si cette mesure ne peut être prononcée que pour prévenir la récidive, la loi exige que ce risque soit avéré259 et vérifié par une expertise médicale conduite selon l’article 712-16 du code de 256 Cons. Const., 8 décembre 2005, Gaz. Pal., du 18 au 20 décembre 2005, p.9. 257 HERZOG-EVANS (M.), Les dispositions relatives à la récidive dans la loi n°2005-1549 du 12 décembre 2005, D.2006, n°3, p.187. 258 Ancien article 721 du code de procédure pénale : « Une réduction de peine peut être accordée aux condamnés détenus en exécution d’une ou plusieurs peines privatives de liberté, s’ils ont donné des preuves suffisantes de bonne conduite [...] ». 259 Article 723-29 du code de procédure pénale : « Lorsqu’une personne a été condamnée à une peine privative de liberté d’une durée égale ou supérieure à dix ans pour un crime ou un délit pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru, le juge de l’application des peines peut, sur réquisitions du procureur de la 107 procédure pénale et dont la « conclusion fait apparaître la dangerosité du condamné ». Le juge de l’application des peines sera tenu par les conclusions de l’expert. La surveillance judiciaire peut apparaître comme un « sosie » du suivi socio-judiciaire260. La mesure est principalement destinée à infliger à des délinquants qui purgent leur peine d’emprisonnement auxquels le suivi socio-judiciaire n’a pas été infligé parce que l’infraction a été commise avant l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 1998. Le juge de l’application des peines, saisi sur réquisitions du Procureur, statuera par voie de jugement rendu à l’issue d’un débat contradictoire, en présence de l’avocat. L’intéressé devra obligatoirement donné son consentement, même si on peut pensé qu’il est obligé de le donner dans la mesure où à défaut, tout ou partie de ses réductions de peine lui sera retirée. La durée maximale de la mesure correspond au temps des réductions de peine obtenues durant la détention. Concrètement, la personne placée sous surveillance judiciaire sera sujette à un certain nombre d’obligations, tout comme le suivi socio-judiciaire. Il pourra s’agir du placement sous surveillance électronique mobile, d’une obligation de répondre aux convocations du juge, de recevoir les visites d’un travailleur social, d’obtenir l’autorisation du juge pour d’éventuels déplacements, d’une interdiction d’entrer en relation avec certaines personnes... Ces obligations sont prévues aux articles 132-44 et -45 du code pénal, à quelques exceptions, puisque, en effet, seules les obligations prévues au 2°, 3°, 8°, 9°, 12°, 13°, et 14° du second alinéa peuvent être imposées. De plus, s’ajoutent des mesures d’assistance et de contrôle destinées à faciliter et à vérifier la réinsertion de l’article261, c’est-à -dire les mesures de l’article 142-46 du code pénal, 132-44 du code pénal, sans oublier celles du suivi socio-judiciaire, de l’article 132-3-262, -2, et -3 du même code. Le placement sous surveillance électronique mobile peut, comme nous l’avons rapidement mentionné, être prononcé comme élément de la surveillance judiciaire. Dans cette hypothèse, République, ordonner à titre de mesure de sûreté et aux seules fins de prévenir une récidive dont le risque paraît avéré, qu’elle sera placée sous surveillance judiciaire dès sa libération et pendant une durée qui ne peut excéder celle correspondant au crédit de réduction de peine ou aux réductions de peines supplémentaires dont elle a bénéficié et qui n’ont pas fait l’objet d’une décision de retrait ». 260 ROBERT (J.H.), Les murailles de silicium, JCP, février 2006, p.9. 261 Article 723-33 du code de procédure pénale : « Le condamné placé sous surveillance judiciaire fait également l’objet de mesures d’assistance et de contrôle destinées à faciliter et à vérifier sa réinsertion. Ces mesures et les obligations auxquelles le condamné est astreint sont mises en oeuvre par le juge de l’application des peines assisté du service pénitentiaire d’insertion et de probation, et, le cas échéant, avec le concours des organismes habilités à cet effet ». 108 la peine privative de liberté doit être inférieure à dix ans et avoir été prononcée pour une infraction qui fait encourir le suivi socio-judiciaire. Dans tous les cas, la mesure sera suivie par le juge de l’application des peines et le service pénitentiaire d’insertion et de probation. Il pourra être mis fin à la mesure si le juge considère que la réinsertion est acquise. Par contre, en cas de violation des obligations imposées, le magistrat est en mesure de lui retirer tout ou partie de ses réductions de peine. 109 CONCLUSION La récidive, phénomène bien plus ancien que ce qu’on pourrait croire, est devenue au fil du temps un problème de société considérable exacerbé, depuis quelques années, par les médias. Bien que le législateur soit intervenu à plusieurs reprises pour tenter d’y faire face, avec des moyens souvent insuffisants compte tenu de la gravité du problème, le législateur, en 2005, a préféré intervenir une fois de plus. L’année 2004 a été sujette à un certain nombre d’infractions commises par des récidivistes à peine libérés de prison. Un sentiment d’effroi est alors né chez le citoyen français qui se retrouvait dans une situation d’incompréhension totale vis-à -vis de la justice française. La mission parlementaire chargée d’étudier la question de la récidive a alors opéré une analyse complète et approfondie de la prise en compte de ce problème tout au long du parcours judiciaire, c’est-à -dire du prononcé du jugement à la libération. L’objectif était de détecter d’éventuels dysfonctionnements dans la chaîne pénale. La place de la médecine fût remise en cause. Gérard Léonard, rapporteur de la mission, a fait état d’un système psychiatrique en faillite au regard du constat selon lequel près d’un détenu sur deux souffre de troubles du comportement. La question de l’actualisation des données figurant au Casier Judiciaire ne fût pas oubliée, loin de là . L’objectif était d’améliorer les modalités de consultation du casier en ayant recours aux nouvelles technologies de l’information tout en garantissant une actualisation plus rapide. S’agissant du principe d’individualisation de la peine, la mission n’a pas hésité à proclamer son attachement à ce principe à valeur constitutionnelle, reconnu par les plus hautes autorités européennes. L’interprétation de ce concept a conduit à mettre en exergue l’importance du suivi postérieur à la libération du condamné. Le placement sous surveillance électronique mobile est alors apparu comme l’une des solutions les plus efficaces pour garantir un suivi effectif de l’intéressé et donc une réduction du risque de récidive pour les plus dangereux. C’est à propos de cette technique du placement sous surveillance électronique mobile que les débats furent les plus houleux, en raison notamment du risque d’inconstitutionnalité du prononcé de la mesure. La question était donc de savoir s’il s’agissait plutôt d’une peine ou d’une mesure de sûreté. C’est la seconde possibilité qui fût choisie, et le placement sous 110 surveillance électronique mobile fût qualifié de mesure de sûreté. Le Conseil constitutionnel a validé cette réponse dans une décision de décembre 2005262. La Cour de cassation ne s’est quant à elle pas encore clairement prononcée sur la question depuis la promulgation de la loi. La Cour européenne des droits de l’Homme s’est trouvée récemment confrontée au problème de l’application du principe de non-rétroactivité de la loi pénale à un cas de récidive. En l’espèce, Monsieur Achour fût condamné une première fois en en 1984 pour trafic de stupéfiants, puis en 1995 pour des faits similaires. En novembre 1997, il fût condamné par le tribunal correctionnel puis par la cour d’appel de Lyon à douze années d’incarcération au motif qu’il avait agi en état de récidive légale. L’accusé forma un pourvoi en cassation qui fût rejeté. En application des anciennes dispositions du code pénal, en vigueur lors de la commission de la première infraction en 1984, la période de récidive légale était de cinq ans et devait s’achever en juillet 1991. Or, les juges se sont fondés sur les dispositions du nouveau code pénal, entré en vigueur en 1994, soit à peine un an avant la seconde infraction et ont donc porté la période de récidive légale à dix ans pour ce type d’infraction. La cour de cassation263, pour fonder son rejet avait rappelé une jurisprudence constante selon laquelle lorsqu’une loi institue un nouveau régime de récidive, il suffit que l’infraction constitutive du second terme soit postérieure à son entrée en vigueur pour qu’il s’applique immédiatement. Devant la cour européenne des droits de l’Homme, M. Achour faisait valoir que c’était de façon erronée que la récidive légale avait été relevée à son encontre : celle-ci, éteinte le 12 juillet 1991, ne pouvait revivre par l’effet du nouveau code pénal. Dans un arrêt du 10 novembre 2004264, les juges de Strasbourg avaient condamnés la France. "La chambre, après avoir constaté une application rétroactive des dispositions de l’article 132-9 du nouveau code pénal, a conclu que le requérant aurait dû, lors des secondes poursuites, être traité en délinquant primaire et non en récidiviste. Elle a estimé que la question qui lui était soumise renvoyait aux principes généraux du droit et que le principe de sécurité juridique commandait que le délai de récidive légal, apprécié conformément aux principes du droit, notamment d’interprétation stricte du droit pénal, ne soit pas déjà échu en vertu de la précédente loi." Ils ont estimé qu’une telle application du nouveau régime de récidive, alors même que le délai de récidive était échu en vertu de la précédente loi était 262 Cons.Const., 8 décembre 2000, Gaz Pal du 18 au 20 décembre 2005 263 Cass.crim., 29 fevrier 2000, dec° n°98-80518, disponible à l’adresse suivante : www.legifrance.gouv.fr 264 CEDH, Achour c/ France, dec° n°67335/01 du 10 décembre 2004, disponible à l’adresse suivante : www.echr.coe.int 111 contraire au principe de sécurité et que les juges français avaient donc fait une application rétroactive de la loi pénale. La décision de la cour européenne ne fût pas prise à une majorité écrasante : elle conclut par quatre voix contre trois à la violation de l’article 7 de la Convention. C’est pourquoi, l’examen par la Grande Chambre, apparu nécessaire, risquait de marquer, à n’en pas douter, une étape décisive. Le 29 mars 2006 [39], les juges se sont de nouveau prononcés sur la question et ont rendu un arrêt qui contredit pleinement la décision de 2004. Les juges ont relevé que la première condamnation de Monsieur Achour, figurant toujours dans son casier judiciaire n’était pas oubliée, et que l’expiration du délai de récidive n’avait pas crée de droit à l’oubli. De plus, la loi nouvelle n’a nullement changé ou étendu la peine prononcée par les premiers juges : la loi n’a pas touché à une décision définitive. Enfin, ils relèvent et concluent par là que la loi n’est nullement rétroactive : il ne s’agit pas d’un problème de rétroactivité de la loi, mais d’application successive dans le temps des lois nouvelles. Eté 2005, l’état des lieux réalisé, deux axes se sont alors dégagés : la nécessité de sanctionner plus sévèrement les récidivistes, en prévoyant notamment l’incarcération immédiate des récidivistes sexuels ou violents, d’une part, et prévenir plus efficacement le phénomène, en mesurant la dangerosité du délinquant et surtout son évolution tout au long du processus judiciaire. Bien que les termes de répression accrue et de prévention s’opposent radicalement, c’est sur jeu de mots que le législateur a misé pour lutter contre la récidive. Tout repose en réalité sur un processus de dissuasion destiné à faire réfléchir chaque détenu sur les conséquences de ses actes et les risques encourus. Cependant, en étudiant d’un peu plus près le texte même de la loi du 12 décembre 2005, il s’avère que la répression ait pris le pas sur la prévention. Le sentiment d’insécurité qui règne depuis quelques temps en France et dans l’esprit d’une grande partie de la population française semble exiger un surplus de répression plutôt que de prévention. L’égoïsme ou l’individualisme de chacun a conduit à ce texte, largement critiqué pour sa proximité à la violation de certains droits fondamentaux comme le droit au respect de la vie privée et familiale, le droit à l’oubli...
Ce constat fait, un autre s’impose. Prendre le risque de se retrouver de nouveau devant un juge pour avoir récidivé est un choix personnel. Les médias traitent régulièrement du problème, en tout cas suffisamment pour que chacun puisse connaître les conséquences encourues par la commission de certains actes. A côté du délinquant lui-même, il ne faut pas oublier la victime éventuelle, qui elle a été sujette à une agression contre sa personne ou contre ses biens alors qu’elle ne s’y attendait certainement pas, qu’elle vivait normalement son « train-train » quotidien. Les souffrances entraînées doivent être punies qu’il s’agisse d’un primo délinquant et encore plus s’il s’agit d’un récidiviste. Si ce dernier n’a pas compris la première fois la portée de ses actes il semble nécessaire de tenter de lui faire comprendre une seconde fois afin d’éradiquer définitivement son ancrage dans la délinquance. Le double objectif de la loi est donc respecté puisqu’il s’agit de réprimer plus sévèrement pour le punir des souffrances qu’il a causées, mais également d’éduquer ou plutôt de rééduquer la personne afin de la remettre sur le droit chemin. Le fait que certains droits fondamentaux accordés à chaque être humain soient entravés peut donc se comprendre et n’apparaît pas forcément comme une erreur inconcevable. En effet, en se plaçant de l’autre côté de « la barrière », c’est-à -dire du côté de la victime ou de se proches, le problème est tout autre. Comment leur expliquer que celui qui a violé pour la « X » fois, ou qui a tué une fois de plus un individu de sang froid puisse sortir indemne du processus judiciaire, sans qu’aucun de ses droits ne soit bafoué, au moins en partie. La personne violée devra, quant à elle, vivre le reste de sa vie avec le souvenir de cet instant atroce pendant lequel un être humain, en qui la justice a rendu sa confiance en le libérant prématurément de prison, n’a pas hésité à recommencer. Pire encore est le cas des proches d’une victime décédée qui devront vivre avec à l’esprit l’idée selon laquelle celui qui a pris la vie du membre de leur famille est toujours là , et pourra être amené à recommencer une fois de plus si la peine et le traitement auxquels il sera soumis ne sont pas adaptés.
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Jurisprudence Cour de cassation Cass. Crim., 3 janvier 1936, DH 1936, p. 477. Cass. Crim., 17 janvier 1947, Rev. Sc. Crim. 1947, p.438 Cass. Crim., 16 décembre 1953, D : 1954, p. 129. Cass. Crim., 29 avril 1960, Bull. crim. N°223 Cass. crim., 14 mars 1963 et 2 avril 1963 cités par PRADEL (J.) in Droit pénal général, Cujas, 1996. Cass. Crim., 20 février 1979, Bull. crim. 1979, n°7 4 Cass. Crim., 13 juin 1991, Bull.crim. 1991, n°253. Cass. Crim., 2 juillet 1991, Bull. crim. 1991, n°29 0. Cass. Crim., 20 mars 1996, Bull. crim., n°123. Cass.crim., 29 fevrier 2000, dec° n°98-80518, dispo nible à l’adresse suivante : www.legifrance.gouv.fr Cass. Crim., 22 mars 2000, Cass. Crim., 27 avril 2000 Cass. Crim., 21 novembre 2000, Bull. crim., n°347. Cass. Crim., 12 février 2003, D 2003, p.1065, note M.Herzog-Evans. Cass. Crim., 13 février 2003, non publié, disponible à l’adresse suivante : www.legifrance.gouv.fr
Autres juridictions Cons.Const., n°93-334 du 20 janvier 1994, sur la l oi instituant une peine incompressible. CEDH, 25 mars 1999, Pélissier et Sassi contre France, n°2544-94, §62, D2002, note DOETS Cons. Const., Dec° n°2003-467DC du 13 mars 2003, lo i sur la sécurité intérieure. JNLC, 11 juillet 2003, affaire 03LC056, AJP 2003, p.31. Cons.Const., 8 décembre 2000, Gaz Pal du 18 au 20 décembre 2005 CEDH, Achour c/ France, dec° n°67335/01 du 10 décem bre 2004, disponible à l’adresse suivante : www.echr.coe.int CEDH, Achour c/ France, dec° n°30324/96 du 29 mars 2006, disponible à l’adresse suivante : www.echr.coe.int
Sites Internet EMSLEY (C.), PORRET (M.), Récidive et récidivistes : de la Renaissance au XXe siècle, texte diponible à l’adresse suivante : http://calenda.revues.org. PORTELLI (S.), La récidive, mobiliser l’intelligence, non la peur, Texte disponible à l’adresse suivante : http://comm.justice.lesverts.fr/articlephp3?id_article=126 OBSERVATOIRE NATIONAL DE LA DÉLINQUANCE, Les atteintes volontaires à l’intégrité physique en 2005, disponible à l’adresse suivante : www.interieur.gouv.fr Rapport d’informations de l’Assemblée nationale du 7 juillet 2004, texte disponible à l’adresse suivante : www.assemblée.nationale.fr http://hstl.crhst.cnrs.fr/research/aci/criminocorpus/www/article.php3?id_article=4
ANNEXES LOI n° 2005-1549 du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales
[1] COCHE (A.), La détermination de la dangerosité des délinquants en Droit pénal, 2005, Presse universitaire d’Aix-Marseille, Avant-propos
[2] PRZYGODZKI-LIONET (N.) ET DUPUIS-GAUTHIER (C.), La dangerosité : émergence d’une notion et critique d’un concept, Forensic n°15, juill.-sept. 2003, p.15
[3] Ibid
[4] CUSSON (M.), Criminologie actuelle, 1998, P.U.F., Paris
[5] HOUCHON (G.), Définition et éléments constitutifs de l’état dangereux prédélictuel, in L’état dangereux prédélictuel, p373
[6] KOUPERNIK (C.), La dangerosité en cette fin de siècle, in Criminologie et psychiatrie, p.62
[7] PINATEL (J.), Le phénomène criminel, MA éditions, 1987, p. 228 : L’auteur considère le criminel en col blanc comme plus dangereux que le délinquant professionnel proprement dit. Il serait beaucoup plus redoutable car très adapté à la vie sociale, contrairement au criminel professionnel qu’il qualifie d’inadapté social
[8] LOUDET (O.), Le diagnostic de l’état dangereux. Méthodologie, in Actes du IIème Congrès international de criminologie, 1955, P.U.F., Vol.6, p.29 et s.
[9] FRANCOIS (J.), La dangerosité en milieu pénitentiaire. Opérateur social et formalité fusionnelle, in DEBUYST (C.) (Sous la dir. de), Dangerosité et justice pénale. Ambiguïté d’une pratique, p83
[10] PONCELA (P.), Droit de la peine, P.U.F., 2ème ed., 2001, p.325, 337, et 363
[11] GALL (F.J.), Histoire de la criminologie française, sous la direction de MUCCHIELLI (L.), L’Harmattan, Paris, 1994, 535 p
[12] LOMBROSO (C.), L’homme criminel, Alcan, Paris, 1887, texte disponible à l’adresse suivante : http://visualiseur.bnf.fr
[13] Op. cit., p.378
[14] Ibid p.380
[15] Ibid p.404
[16] Ibid p.393
[17] Ibid p.395
[18] FERRI (E.), La sociologie criminelle, Dalloz, 3ème ed.
[19] Op. cit., p.93
[20] Ibid, p.493
[21] Ibid, p.494
[22] LOCARD (E.), L’identification des récidivistes, La bibliothèque de Criminologie, Paris, 1908
[23] AGRAPART-DELMAS (M.), De l’expertise criminelle au profilage, Favre, 2005, p.15
[24] Ibid
[25] Ibid, p.16 : « On voit que la criminologie va inclure la médecine légale, la police scientifique et technique, la psychologie générale, criminelle, carcérale, etc., auxquelles s’ajoutent le droit, la sociologie pénale influencée par le politique »
[26] Sauf dans les dispositions relatives aux expertises psychiatriques (article 720-4 du code de procédure pénale), et au port des menottes et aux entraves (article 803 du code de procédure pénale)
[27] COCHE (A.), Op. cit. note 1
[28] BOUZAT (P.), PINATEL (J.), Traité de droit pénal et de criminologie, tomme III, n°84 : « le concept de récidivisme englobe : la récidive naturelle ou générale, qui est la délinquance à répétition intervenant en dehors de toute condamnation, la récidive sociale qui suppose une condamnation antérieure, la récidive légale telle qu’elle est définie par le code (...), la récidive pénitentiaire, définie par le séjour antérieur en prison et la récidive persistante ou multirécidive ».
[29] OBSERVATOIRE NATIONAL DE LA DÉLINQUANCE, Les atteintes volontaires à l’intégrité physique en 2005, disponible à l’adresse suivante : www.interieur.gouv.fr
[30] « En 2005, les services de police et les unités de gendarmerie ont constaté 311450 atteintes volontaires à l’intégrité physique. Cela représente une hausse de 5% par rapport à 2004, soit près de 19500 faits constatés. Le seuil des 400000 a été franchi pour la première fois. »
[31] PORTELLI (S.), La récidive, mobiliser l’intelligence, non la peur, Texte disponible à l’adresse suivante : http://comm.justice.lesverts.fr/articlephp3?id_article=126
[32] PORTELLI, Op. cit. note 31
[33] Ibid
[34] SANCHEZ (J.-L.), La relégation (Loi du 27 mai 1885), http://hstl.crhst.cnrs.fr/research/aci/criminocorpus/www/article.php3?id_article=43
[35] COLLECTIF PETIT (J.G.) ET AUTRES, Histoire des galères, bagnes et prisons, Ed. Privat, 1991
[36] SANCHEZ, Op. cit. note 34
[37] PORTELLI, Op. cit. note 31
[38] Rapport d’informations de l’Assemblée nationale du 7 juillet 2004, texte disponible à l’adresse suivante : www.assemblée.nationale.fr
[39] CEDH, Achour c/ France, dec° n°30324/96 du 29 mars 2006, disponible à l’adresse suivante : www.echr.coe.int
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