Publié le vendredi 24 novembre 2006 | http://prison.rezo.net/pour-l-abolition-des-quartiers-d/ Le placement et le maintien à l’isolement, souvent appelé "torture blanche", a fait l’objet d’une réforme en mars 2006 (décret du 21 mars 2006). Pour autant ce mode de gestion de la détention pose de nombreux problèmes ; d’autres solutions doivent être mises en oeuvre pour assurer l’ordre et la sécurité à l’intérieur des établissements pénitentiaires. La prison est un lieu d’enfermement et de privation de libertés. Cette sanction, souvent perçue comme la sanction de référence, devrait le plus souvent être une sanction de dernier recours. En effet, alors même que l’une des missions de l’administration pénitentiaire est de "réinsérer", la peine privative de liberté commence par exclure la personne de la société. Et comme si ce traitement ne suffisait pas, les personnes peuvent, de surcroît, être placées à l’isolement, plusieurs années parfois, sans même que cela soit considéré comme une sanction. Comment ce régime de détention, anti-social par définition, peut-il
permettre d’envisager une réintégration ultérieure dans la communauté ? Ban public dénonce une telle pratique et demande l’abolition des quartiers d’isolement. Le placement à l’isolement et le placement au quartier disciplinaire doivent être abolis conjointement, au risque de voir utiliser l’un, en lieu et place de l’autre. Ce document est donc le 1er des 2 documents proposés sur cette question. 1 Les textes et organes garantissant le respect des droits de l’Homme 1 Les textes et organes garantissant le respect des droits de l’Homme 1 1 Au niveau international Les principaux textes internationaux qui énoncent les principes fondamentaux, en matière de respect des droits de l’Homme, sont la Déclaration universelle des droits de l’Homme, proclamée par l’Assemblée générale des Nations Unies, le 10 décembre 1948, et la Convention européenne des droits de l’Homme. On retrouve dans la déclaration de 1948 les principes fondamentaux de la déclaration de 1789. L’article 5 de la déclaration de 1948 pose un principe inviolable : " Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants". La Convention européenne des droits de l’Homme a été ouverte à la signature le 4 novembre 1950, date à laquelle la France l’a signée ; elle l’a ratifiée le 03 mai 1974, alors qu’elle était entrée en vigueur le 03 septembre 1953. A ce jour, il est à noter que, ni le protocole n°12 (entré en vigueur le 1er avril 2005, interdisant de manière générale toute forme de discrimination), ni le protocole n°13 (entré en vigueur le 1er juillet 2003, qui abolit la peine de mort en toutes circonstances, même pour les actes commis en temps de guerre ou de danger imminent de guerre), n’ont encore été ratifiés par la France. L’article 3 de la convention pose l’interdiction de la torture : "Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants". L’article 13 affirme le droit à un recours effectif : " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles". Au niveau européen, en matière de respect des droits de l’Homme par les gouvernements, deux organes du conseil de l’Europe ont vocation à jouer un rôle : la CEDH (Cour européenne des droits de l’Homme) et le CPT (Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants). a) La CEDH agit après avoir été saisie et formule des arrêts à l’encontre des états mis en cause. S’agissant de l’isolement, la CEDH peut conclure à une violation des articles 3 ou 13 de la convention européenne des droits de l’Homme. Pour la CEDH, un comportement ne peut être considéré comme un mauvais traitement au sens de l’article 3 que s’il atteint un minimum de gravité. Ce degré minimum n’est pas dépassé par la simple exclusion d’une personne de la collectivité carcérale. Cela ne signifie pas, pour autant, que le placement à l’isolement d’un détenu n’est pas susceptible de porter atteinte aux dispositions de cet article. Il ne doit pas "conduire à un isolement social et sensoriel absolu susceptible d’entraîner une destructuration de la personnalité et constituer une forme de traitement qui ne saurait se justifier par les exigences de la sécurité, l’interdiction de torture ou de traitement inhumain inscrit à l’article 3 ayant un caractère absolu" (CEDH 18 janvier 1978, Irlande contre Royaume-Uni). Récemment (CEDH 8 juillet 2004, Ilascu et autres contre Moldova et
Russie), la cour a estimé qu’un régime d’isolement, qualifié de sévère,
revenait à violer l’article 3. L’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme fait l’objet, de plus en plus fréquemment, d’une interprétation autonome par la Cour européenne. Certaines situations amènent ainsi un constat de violation de cet article indépendamment de la violation de tout autre article. Jusqu’alors, la violation de l’article 13 pouvait même semblé superfétatoire, dès lors qu’il était conclu à la violation d’un autre article. b) Le CPT agit sur la base de la convention européenne pour la prévention de la torture et de peines ou traitements inhumains ou dégradants. Cette convention, ouverte à la signature des états membres du Conseil de l’Europe le 26 novembre 1987, est entrée en vigueur le 1er février 1989. La France l’a ratifiée le 09 janvier 1989. La Convention prévoit l’établissement d’un comité international qui est habilité à visiter tous les lieux où se trouvent des personnes privées de liberté par une autorité publique. Le Comité, composé de personnalités indépendantes, peut formuler des recommandations et suggérer des améliorations en vue de renforcer, le cas échéant, la protection des personnes visitées contre la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants. C’est un mécanisme de caractère préventif et non judiciaire. Le CPT édite des normes, dont la dernière révision date de 2006. Il a effectué 9 visites en France depuis 1991 (dont 8 dans les prisons). Dans ses rapports successifs, le CPT attire l’attention des autorités françaises ; concernant la mise à l’isolement, ses réserves tiennent tant à la durée (parfois pendant des années d’affilée) qu’au régime éminemment restrictif auquel les personnes détenues sont soumises (absence totale d’activités structurées et d’activités en commun). En outre, dès sa visite en 2000, le CPT recommande que "les garanties reconnues aux détenus à l’égard desquels des mesures d’isolement administratifs sont décidées, soient renforcées en vue de leur aménager une voie de recours efficace auprès d’une autorité indépendante, de préférence un juge". 1 2 Au niveau national A l’échelle nationale, un arrêté du ministre des Affaires étrangères,
publié au Journal officiel du 27 mars 1947, donne naissance à la
Commission consultative pour la codification du droit international et
la définition des droits et devoirs des États et des Droits de l’homme
qui rapidement devient la commission consultative des droits de l’Homme
puis se voit attribuée le qualificatif de "nationale". Le rôle de la
CNCDH (Commission nationale consultative des droits de l’Homme) est de
transmettre des avis au gouvernement, pour contribuer à perfectionner la
législation mais la commission ne se substitue ni au Conseil d’État, ni
au Parlement. Il existe donc des textes et des organes de contrôle, garantissant, au moins en théorie, le respect des droits de l’Homme, en particulier dans les lieux de privation de liberté s’agissant du champ d’action du CPT. Toutefois, il est évident que la marge de progression en matière de respect des droits fondamentaux est considérable. Nombre de situations sont potentiellement source d’actes de torture, de peines ou traitements inhumains ou dégradants : la surpopulation en maison d’arrêt, la vétusté de certains locaux, la mise à l’isolement et sa prolongation etc. 2 Evolution de la législation en France Non seulement sous la pression de la communauté internationale, mais
aussi suite à des actions individuelles, chaque gouvernement fait
évoluer sa législation. En France, sur la procédure d’isolement, avec
l’arrêt Remli du Conseil d’Etat du 30 juillet 2003, il est dorénavant
considéré que l’isolement est une mesure faisant grief, dans la mesure
où il aggrave les conditions de détention ; la mesure est susceptible de
recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif. Malgré
cela, cette possibilité est limitée dans la mesure où un arrêt du
Conseil d’Etat, du 29 décembre 2004, annule une ordonnance du juge des
référés du tribunal administratif de Montpellier du 27 mai 2004 (selon
laquelle les personnes placées à l’isolement depuis plus d’1 an n’avait
plus à faire la preuve de l’urgence de leur situation pour saisir le
juge des référés) et refuse ainsi de tenir compte d’une présomption
d’urgence au profit des isolés de longue durée. La procédure de référé
devient dès lors difficile à initiée. 3 La réalité de l’isolement et ses conséquences Pour la promenade, des dispositions sont prises pour qu’elle ait
lieu ; néanmoins, elle se déroule dans des conditions de durée et
d’espace limités. Concernant les activités telles que le travail ou la
formation, il ne peut être question, pour les personnes à l’isolement,
de se rendre dans des lieux où sont présentes des personnes soumises au
régime de détention ordinaire ; cela restreint considérablement l’accès
aux activités. En effet, peu de chefs d’établissements organisent des
activités spécifiques communes aux personnes placées à l’isolement
(comme indiqué dans les textes). D’après les chiffres du ministère de la
Justice (mars 2006), environ 500 personnes sont à l’isolement à une
date donnée, dont 150 à leur demande. 4 Vers l’abolition de l’isolement Justifier un tel traitement par des impératifs de sécurité, c’est
indexer les droits fondamentaux sur une raison plus forte, ce qui
revient à en nier le principe même. C’est également faire fi des textes
internationaux ratifiés par la France, des rapports du CPT suite à ses
visites régulières des lieux de privation de liberté, des arrêts de la
CEDH, des avis donnés par la CNCDH. Ban Public |