Publié le jeudi 9 janvier 2003 | http://prison.rezo.net/no12-prison-la-prevention-ne/ Malgré la forte prévalence du VIH et la permanence de comportements à risques, la prévention peine à s’imposer en milieu carcéral. Au rang des coupables : les conditions de vie intra-muros ainsi que le déni de la présence de drogues et d’une sexualité chez les détenus. « On a toutes les raisons de penser qu’il y a des contaminations en prison, mais il est très difficile de le montrer », résumait le Dr Julien Emmanuelli de l’Institut national de veille sanitaire lors de la 46e rencontre du Crips-Ile-de-France en juin 2002. A l’étranger, des cas ont néanmoins pu être documentés, comme ceux de VHB en Ecosse ou de VIH aux Etats-Unis. Toutes les conditions sont en effet réunies pour que le VIH fasse son nid derrière les barreaux : forte prévalence des infections virales graves [1] et poursuite des comportements à risques. Ainsi, selon une enquête menée en 1998 par l’Observatoire régional de la santé-PACA (ORS-PACA), 43 % des usagers de drogues par voie intraveineuse (UDVI), actifs à leur entrée en détention, y ont poursuivi les injections. Pis, certains déclarent les y avoir débutées et 10 % avoir partagé leur matériel. D’autres enquêtes menées sur le sujet révèlent que 20 % à 40 % des UDVI auraient procédé au moins une fois à une injection en cellule. Sevrages forcés. Pour limiter les prises de risques des UDVI, il convient tout d’abord de favoriser l’accès à la substitution. Aujourd’hui, il est en théorie possible de commencer ou de poursuivre un traitement de Méthadone® ou de Subutex® en prison. Mais il y a loin de la théorie à la pratique, même si la situation s’améliore : le nombre de traitements interrompus serait passé, selon le ministère de la Santé, de 19 % en 1999 à 5,5 % en 2001. Et le taux de traitements entamés reste très faible. En fait, la situation varie selon les établissements : dans certains, une bonne prise en charge est assurée, mais dans d’autres des médecins refusent la mise sous substitution, ils suspendent des traitements ou font basculer leurs patients du Subutex® vers la Méthadone® par crainte des trafics et du racket. « Beaucoup de praticiens restent opposés par principe à l’utilisation de tels traitements en milieu carcéral », rappelle-t-on dans le rapport Delfraissy. Une réalité qui souligne le problème de l’absence de choix du médecin en prison. L’insuffisance des budgets hospitaliers est aussi l’un des motifs évoqués. « Pourtant, souligne-t-on dans ce même rapport, les patients recevant de la Méthadone® ou du Subutex® avant l’incarcération semblent s’exposer à un risque plus grand d’avoir recours à l’injection lors de leur détention. » Sexualité taboue. Autre hypocrisie préjudiciable à la prévention : la sexualité intra-muros qui, sans être strictement interdite, n’est pas autorisée. « En prison, la sexualité n’a pas vraiment droit d’existence, elle se pratique à la sauvette dans des lieux où l’on ne peut pas amener de préservatifs, tels que les parloirs », commente François Bès. Outre le développement des aménagements de peines, la création en nombre d’unités de visites familiales pourrait en partie y remédier. Or seules trois unités sont prévues ! Quant aux relations homosexuelles, l’homophobie régnante et la crainte de représailles n’incitent pas les détenus à les assumer et donc à demander des préservatifs. La marge de manœuvre est encore plus réduite lorsqu’il s’agit de rapports imposés à des détenus démunis, contraints d’échanger leurs services contre des avantages matériels (tabac, savon, timbres, etc.), voire nulle en cas de viols. L’accès aux préservatifs se révèle par ailleurs insuffisant : ils ne sont souvent disponibles que dans les unités de consultations et de soins ambulatoires (UCSA). « Néanmoins, explique-t-on dans le rapport Delfraissy, une accessibilité plus large se heurte au rejet parfois violent de la population carcérale et du personnel de surveillance. » Florence Raynal [1] La prévalence du VIH y est 3 à 4 fois supérieure à celle de la population ; celle du VHC 4 à 5 fois, selon le rapport 2000 de la mission « Santé-justice » sur la réduction des risques de transmission du VIH et des hépatites virales en milieu carcéral . [2] Prise en charge des personnes infectées par le VIH, rapport 2002, sous la direction du Pr Delfraissy, Flammarion, collection « Médecine-sciences », Paris, 2002. |