Publié le mercredi 10 mars 2004 | http://prison.rezo.net/2002-rapport-du-cpt-sur-sa-visite/ CPT/Inf (2003) 40 Rapport au Gouvernement de la République française relatif à la visite effectuée en France par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) du 17 au 21 juin 2002 Le Gouvernement de la République française a donné son accord à la publication du rapport susmentionné du CPT et de sa réponse. TABLE DES MATIERES COPIE DE LA LETTRE TRANSMETTANT LE RAPPORT DU CPT Copie de la lettre transmettant le rapport du CPT Strasbourg, le 28 novembre 2002 Monsieur le Président, Conformément à l’article 10, paragraphe 1, de la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, j’ai l’honneur de vous adresser le rapport au Gouvernement de la France, établi par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT), à l’issue de la visite qu’il a effectuée en France du 17 au 21 juin 2002. Le rapport a été adopté par le CPT lors de sa 49e réunion qui s’est tenue du 5 au 8 novembre 2002. Les recommandations, commentaires et demandes d’information formulés par le CPT figurent en caractère gras dans le rapport (cf. les paragraphes 10, 13 à 15, 19 à 24, 26 à 29, 31 à 33, 35 et 37 à 45). Le CPT demande aux autorités françaises de fournir, dans un délai de trois mois, une réponse détaillant les mesures adoptées pour mettre en oeuvre les recommandations formulées dans ce rapport et comportant des réactions et réponses aux commentaires et demandes d’information du Comité. Il serait souhaitable, dans la mesure du possible, que les autorités françaises fournissent copie de leur réponse sur support électronique. Je reste à votre entière disposition pour toutes les questions que vous souhaiteriez me poser au sujet soit du rapport, soit de la procédure à venir. Je vous prie de croire, Monsieur le Président, à l’assurance de ma haute considération. Silvia CASALE Monsieur Jean-Pierre COCHARD RAPPORT I. INTRODUCTION 2. La délégation était composée des membres suivants du Comité : Ole Vedel RASMUSSEN (Chef de la délégation), Antoni ALEIX CAMP et Ioanna BABASSIKA. Ils étaient assistés de Bettina LUDEWIG, interprète, et accompagnés de Geneviève MAYER (Secrétaire Exécutive Adjointe) et Cyrille ORIZET, du Secrétariat du CPT. B. Contexte de la visite et établissements visités 4. La délégation a visité les lieux suivants à l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle : C. Consultations menées et coopération témoignée 6. A une exception près (cf. paragraphe 7), la délégation du CPT a bénéficié d’une excellente coopération. Le CPT tient à exprimer ses remerciements à Jean-Pierre COCHARD, agent de liaison désigné en vertu de l’article 15 de la Convention, à Michèle DUBROCARD, Sous-Directrice des Droits de l’Homme au Ministère des Affaires étrangères ainsi qu’à toutes les personnes désignées, au niveau national et local, comme agents de contact pendant la visite, pour leur précieuse assistance et disponibilité. 7. Les médecins de la délégation ont été confrontés à des difficultés d’accès aux données contenues dans les constats de lésions traumatiques de personnes privées de liberté, établis par le service médical de la ZAPI n° 3. Les données ne lui étaient accessibles que sous une forme dépersonnalisée, la communication du nom des personnes visées par lesdits constats étant subordonnée à leur consentement. 8. La question de l’accès aux dossiers médicaux/données à caractère médical, de personnes privées - ou ayant été privées de liberté - est en discussion entre le CPT et les autorités françaises depuis 1996 (cf. paragraphes 9 du document CPT/Inf (98) 7 et 8 du document CPT/Inf (2001) 10), sans qu’une solution satisfaisante n’ait encore été trouvée par les autorités. Afin de faire progresser cet état de choses, la délégation a rencontré le Président du Conseil de l’Ordre des Médecins, seule instance, d’après les autorités françaises, en mesure de trouver une solution pour l’avenir. 9. Bien qu’en pratique aucune difficulté n’ait surgi, le Comité souhaite néanmoins évoquer la note de service n° 235/2002 du Directeur de la police aux frontières concernant la visite de sa délégation. Cette note prévoyait que les membres de la délégation "ne pourraient pas pénétrer dans des lieux où des personnes sont entendues dans le cadre d’une procédure judiciaire, ni prendre connaissance de la procédure motivant la garde à vue, sauf à obtenir l’autorisation formelle de l’autorité judiciaire." Le CPT rappelle que cette question s’était déjà posée lors de la visite périodique de 1996 (cf. paragraphe 10 du document CPT/Inf (98) 7) et demande aux autorités françaises de veiller, lors de futures visites, à ce que les instructions données prévoient clairement que, conformément à l’article 8, 2(c) de la Convention, le CPT ait accès immédiatement et directement à tout lieu où se trouvent des personnes privées de liberté, pour quelque motif que ce soit ainsi qu’aux pièces de procédure comportant des informations nécessaires au Comité pour l’accomplissement de sa tâche. II. CONSTATATIONS FAITES DURANT LA VISITE ET MESURES PRECONISEES 11. La délégation a recueilli un certain nombre d’allégations de mauvais traitements de ressortissants étrangers de la part de membres des forces de police, à l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle (CDG), lors de contrôles passeport ou de demandes d’asile, ainsi que lors de tentatives d’embarquement. Ces allégations visaient des gifles, coups de pied, coups de poings, coups de matraques, le menottage serré, ainsi que des menaces et insultes. En outre, plusieurs personnes maintenues avec lesquelles la délégation s’est entretenue ont aussi déclaré qu’on leur avait scotché la bouche, lors de tentatives d’embarquement. 12. Le CPT souhaite faire état d’un cas méritant une attention particulière : 13. La délégation a aussi eu connaissance d’allégations de mauvais traitements physiques qui auraient été infligés au cours de la première quinzaine du mois de mai 2002 à des ressortissants étrangers, lors d’un transfert de personnes de la ZAPI n° 2 vers la ZAPI n° 3 par des membres de l’équipe chargée de leur escorte. Apparemment, ceux-ci demandaient aux ressortissants étrangers s’ils étaient "musulmans ou chrétiens". S’ils répondaient "chrétiens", ils n’étaient pas frappés. 14. Le CPT recommande que le Ministre de l’Intérieur, de la Sécurité Intérieure et des Libertés Locales fasse rappeler fermement, de manière appropriée et à intervalles réguliers, aux membres des différentes forces de l’ordre intervenant à l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle que les mauvais traitements physiques, menaces ou insultes de ressortissants étrangers, pour quelque raison que ce soit, sont inacceptables et que tout abus constaté sera sévèrement sanctionné. 15. Le CPT souhaite également recevoir pour 2001 et le premier semestre 2002, en ce qui concerne l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle, le nombre de plaintes pour mauvais traitements déposées à l’encontre de membres de la police aux frontières ou de membres chargés des escortes et des suites données à ces plaintes (éventuelles procédures disciplinaires/pénales). 2. Eloignement forcé de ressortissants étrangers par voie aérienne 17. Selon les différentes instructions et circulaires fournies à la délégation, y compris le mémento relatif aux "techniques d’éloignement des étrangers par voie aérienne" (note d’instructions DGPN/DICCILEC/DIR n° 96-09872 du 28 novembre 1996), l’éloignement par voie aérienne connaît deux niveaux de sécurité : le départ sans escorte avec accompagnement jusqu’au pied de l’avion et le départ sous escorte jusqu’à destination. Le départ sous escorte jusqu’à destination est obligatoire pour les expulsés [5] ; dans les autres cas (non admis sur le territoire, reconduits aux frontières [6], MICONDEX [7]) la décision d’escorte jusqu’à destination sera prise en fonction des circonstances, sur base d’une circulaire ministérielle NOR INT D94/00034C du 4 février 1994 stipulant que "les personnes réfractaires à leur éloignement et les étrangers, qui en raison de leurs antécédents judiciaires seraient susceptibles d’avoir un comportement violent, dangereux pour la sécurité des voyageurs devront être escortés pendant le voyage". 18. S’agissant des moyens de coercition et de contrainte autorisés, plusieurs notes d’instruction fournies, datant de 1998 (par exemple, note DGPN/DICCILEC/SDCCT/BE/n° 98-05646 du 9 juillet 1998 sur les embarquements de reconduits à bord des aéronefs, règles à respecter par les personnels d’escorte), rappellent qu’il importe que la force utilisée pour procéder à un embarquement soit en rapport avec l’attitude de la personne à éloigner et qu’il n’est pas opportun de faire accompagner une telle personne par un nombre important de fonctionnaires ou de la menotter si par la suite elle ne sera pas escortée ou dont l’attitude calme ne justifie aucune entrave. "Lorsque les circonstances l’exigent, notamment pour assurer l’exécution de la mission en préservant l’intégrité de l’éloigné, des fonctionnaires et des tiers, la coercition peut être utilisée dans les conditions fixées par la loi, avec l’emploi de la force strictement nécessaire, sans violence physique ni verbale. A cet égard, les seuls moyens matériels qui peuvent être utilisés sont les menottes et les entraves, conformément aux dispositions de l’article 803 du Code de Procédure Pénale..." (note PN/CAB/n° 98-12265 du 1er octobre 1998 relative à l’exécution des décisions judiciaires et administratives d’éloignement du territoire national). En ce qui concerne l’acheminement à l’avion, le mémento précité relatif aux techniques d’éloignement des étrangers par voie aérienne précise aux fonctionnaires accomplissant des missions d’escorte qu’il "convient d’adapter la force et les moyens utilisés à la dangerosité, au comportement actuel et aux antécédents de l’individu [...]. L’emploi de la force ne signifie pas porter des coups mais maîtriser l’individu". Quant aux moyens matériels, il est indiqué que "les moyens de nature à entraver les membres sans blesser seront privilégiés si l’individu est récalcitrant à l’embarquement. Ainsi les bandes adhésives larges ou même les bandes de type velcro (à deux largeurs, dont la résistance est de 100 kg, et qui permettent si nécessaire de fixer l’individu au siège) qui peuvent être ôtées facilement en cas d’urgence. Les entraves à pouce (poucettes) peuvent également être utilisées. On déconseillera dans la mesure du possible les menottes administratives interdites sur certain vols ou refusées par certains commandants de bord. La présence de toute arme administrative (arme à feu, bombe lacrymogène, bâton de défense) est interdite à bord et doit être prohibée...". 19. En pratique, en ce qui concerne le recours à la force, les membres des services chargés des opérations d’éloignement rencontrés utilisaient les gestes techniques professionnels d’intervention des forces de police, des menottes et entraves. La délégation a cependant noté avec préoccupation que des membres de l’ULE ne se voyaient pas fournir de bandes adhésives/velcro, mais devaient se les procurer par leurs propres moyens. Le CPT recommande de combler cette lacune. 20. Le CPT ne saurait trop souligner la nécessité de directives précises et contraignantes concernant l’exécution de mesures d’éloignement et les méthodes et moyens à utiliser lors de telles opérations. A cet égard, les actuelles directives devraient être complétées et réactualisées sur un certain nombre de points, comme par exemple, les risques d’asphyxie posturale [8], ainsi que de syndrome dit de la "classe économique" [9], qui ne sont abordés dans aucun des documents communiqués à sa délégation. En conséquence, il recommande de rediffuser dans les plus brefs délais un ensemble cohérent de directives relatives à l’exécution des mesures d’éloignement (avec ou sans escorte jusqu’à destination), dans lesquelles il conviendrait de : 21. Faire quitter le territoire d’un Etat à un étranger qui fait l’objet d’une mesure d’éloignement et qui est déterminé à rester se révélera souvent une tâche difficile et ingrate. Le CPT l’a déjà reconnu. 3. Conditions de détention/maintien 23. Il convient également de mentionner le box vitré d’environ 1,7 m² situé au sein de la salle de rétention de l’aérogare du 2F2, destiné au placement de personnes récalcitrantes. Le CPT recommande de supprimer ce box, impropre, de par ses seules dimensions, à toute détention, quelle qu’en soit la durée. 24. Qu’il s’agisse des locaux de détention des aérogares ou de ceux de l’ULE, la délégation a été préoccupée par l’accès des personnes qui y sont placées à l’eau potable et à la nourriture. Le CPT rappelle à nouveau que le fait de ne pas permettre à une personne d’absorber de l’eau peut entraîner des conséquences dommageables pour sa santé et pourrait aisément être assimilé à un mauvais traitement. Le CPT recommande aux autorités françaises de : b. zones d’attente pour personnes en instance (ZAPI) i. hébergement et activités 27. Les personnes maintenues bénéficiaient de trois repas quotidiens copieux, variés et équilibrés. Néanmoins, à la ZAPI n° 3, la délégation a recueilli des plaintes selon lesquelles, en cas d’arrivée ou retour tardif, de telles personnes ne se voyaient rien proposer à manger. Le CPT invite les autorités à veiller à ce que les "repas tampons" prévus soient effectivement proposés à toutes les personnes maintenues arrivant à la ZAPI après l’heure du dîner. 28. En outre, à la ZAPI n° 3, de nombreuses plaintes ont été formulées à la délégation concernant les réveils excessivement matinaux (vers les quatre heures du matin) en vue de rassembler des personnes maintenues devant être soit éloignées, soit se rendre pour la journée aux audiences du Tribunal de Grande Instance. De nombreuses plaintes ont aussi été entendues sur le niveau sonore des haut-parleurs, en particulier pendant les heures de sommeil, pour faciliter les rassemblements sus-mentionnés, créant une pression psychologique délétère chez les personnes maintenues. 29. Dans les deux ZAPIs, les personnes maintenues avaient accès toute la journée à une aire de promenade extérieure. C’est un développement à saluer tout particulièrement. En outre, la ZAPI n° 3 disposait d’une salle de jeux et d’activités récréatives pour les enfants, agréablement aménagée, ainsi que de deux salles de télévision pour les personnes maintenues. Par contre, la ZAPI n° 2 ne bénéficiait d’aucune infrastructure récréative pour les personnes hébergées. Le CPT recommande de remédier à cette lacune. 30. En résumé, de l’avis du CPT, ces deux ZAPIs ont permis une amélioration incontestable des conditions de maintien, comparées à celles prévalant auparavant (cf. CPT/Inf (2001) 10, paragraphes 48 et 49). Ces conditions, sous réserve des améliorations ci-dessus proposées, seraient satisfaisantes pour des périodes n’excédant pas 20 jours. ii. prise en charge sanitaire 32. La délégation a constaté qu’aucune des personnes non admises sur le territoire et/ou demandeurs d’asile, majeures ou mineures, hébergées dans les ZAPIs n’était vue systématiquement par un membre du service médical à son arrivée. 33. Aux paragraphes 11 et 20 ci-dessus, les questions concernant respectivement les constats de lésions traumatiques établis par le service médical de la ZAPI n° 3 et de l’examen médical, après une tentative infructueuse d’embarquement ont été exposées. A la lumière de ces développements, le CPT recommande que tout signe de blessure observé sur une personne maintenue, alléguant des mauvais traitements, soit dûment consigné par le médecin, avec les déclarations pertinentes de la personne maintenue et les conclusions du médecin (quant à la compatibilité entre les signes et les déclarations de l’intéressé) sur le formulaire prévu à cet effet. En outre, le médecin devrait remettre copie de ce formulaire à la personne maintenue. De plus, les procédures existantes devraient être revues afin d’assurer que, dès lors que des lésions compatibles avec des allégations de mauvais traitement formulées par une personne maintenue ont été consignées par un médecin, ce constat soit systématiquement porté à l’attention de l’autorité judiciaire compétente. c. autres questions relatives aux personnes maintenues 35. Dans un autre domaine, la délégation a été informée des difficultés auxquelles étaient confrontées les personnes maintenues, libérées tardivement le soir, sans accès à des moyens de transport pour quitter les ZAPIs. Le CPT souhaite obtenir les commentaires des autorités françaises sur cette question. 4. Garanties fondamentales reconnues aux étrangers privés de liberté 37. Le CPT tient à mettre en avant les réalisations faites par les autorités françaises, depuis sa dernière visite, pour améliorer l’accès des personnes maintenues en zone d’attente à des interprètes qualifiés et l’accélération de l’examen des demandes d’asile (par le renforcement des équipes de représentants qualifiés du Ministère des Affaires Etrangères chargés des auditions sur le site). La mise en place d’une permanence d’interprètes qualifiés (10), depuis août 2001, est une mesure particulièrement importante. Toutefois, compte tenu des difficultés encore observées dans les aérogares et au Bureau de police (27) à la ZAPI n° 3, le CPT invite les autorités françaises à étoffer davantage cette permanence. 38. Les observations in situ de la délégation et les plaintes recueillies de la part de personnes maintenues démontrent que les autorités françaises doivent persévérer dans leurs efforts d’information des personnes maintenues sur leur situation et leurs droits. 39. S’agissant de l’accès à un avocat, la situation n’avait pas encore évolué dans le sens recommandé par le CPT. Dans leur réponse au rapport relatif à la visite de 2000 (page 28), les autorités françaises précisent que "l’assistance d’un avocat n’est pas prévue au stade des procédures administratives préalables (refus d’admission, audition des demandeurs d’asile). Il n’est pas envisagé à l’heure actuelle de modifier cette législation." Le CPT rappelle que, de la même manière que d’autres catégories de personnes privées de liberté, les étrangers devraient, dès le début de leur privation de liberté, avoir accès à un avocat. Il recommande en conséquence aux autorités françaises de reconsidérer leur position sur ce point. 40. Un certain nombre de personnes maintenues ont fait état d’importantes difficultés auxquelles elles s’étaient heurtées pour faire enregistrer, à leur arrivée aux aubettes des aérogares, leur demande d’asile, ou ne serait-ce que leur présence. De ce fait, elles étaient contraintes de passer des périodes prolongées (certaines jusqu’à dix jours) dans la zone comprise entre le lieu de débarquement et le poste contrôle frontière (dite "zone internationale"), dépendant de la charité de passagers ou du personnel des APD pour pouvoir notamment manger. Par ailleurs, des plaintes similaires de difficultés d’enregistrement des demandes d’asile à la ZAPI n° 3 ont été entendues. D’un entretien avec le service du Ministère des Affaires Etrangères présent sur le site, il semblerait que partie des difficultés d’enregistrement des demandes d’asile serait liée à la surcharge de travail de la police aux frontières. 41. Le CPT avait également soulevé, dans son rapport, la question de l’assistance spécifique des mineurs isolés maintenus en zone d’attente. Suite à une réforme, en vigueur depuis le 5 mars 2002 [13], modifiant l’article 35 quater de l’Ordonnance de 1945 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France, le Procureur de la République doit désigner sans délai (c’est-à-dire dès l’entrée en zone d’attente) un administrateur ad hoc pour les mineurs isolés, lequel assure leur représentation dans toutes les procédures administratives et juridictionnelles relatives au maintien. B. Locaux de rétention douanière à l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle 42. La délégation a visité les locaux de rétention douanière [14] de l’aérogare 2. Aucune personne n’y était alors retenue lors de la visite. 43. L’attention de la délégation a été appelée sur la question du menottage de personnes retenues. En effet, toutes les cellules possédaient un anneau de sécurité scellé dans le mur destiné à l’entrave. Par ailleurs, les agents des douanes ont expliqué à la délégation suivre scrupuleusement les dispositions de l’instruction-cadre n° 1627 du 26 janvier 2002. Celle-ci stipule que : "Seules les personnes qui peuvent être considérées comme dangereuses pour elles-mêmes ou pour autrui, sont susceptibles de faire l’objet d’un menottage ou d’une entrave. A cet égard il est permis de considérer qu’une personne placée en retenue douanière, en raison de la commission d’un délit douanier constitutif dans le même temps d’un délit de droit commun (armes, stupéfiants,...) entre dans cette catégorie...". 44. Enfin, la délégation a également examiné en détail la procédure suivie par les agents des douanes, conformément à l’article 60 bis du Code des Douanes, en ce qui concerne les personnes soupçonnées de transporter des stupéfiants in corpore ("body-pack syndrome"). 45. Dans son rapport relatif à la visite effectuée en 2000 (paragraphe 41), le CPT avait recommandé de prendre les mesures nécessaires pour que l’ensemble des garanties contre les mauvais traitements des personnes détenues, listées aux paragraphes 31 à 36 dudit rapport (droit d’informer un proche ou un tiers de la mesure de rétention douanière, droits à l’accès à un avocat et à un médecin, y compris du choix de la personne retenue) s’appliquent aux personnes privées de liberté par tous les organes des forces de l’ordre, y compris l’administration des douanes. [1] 1 L’article 8, 2 (d) se lit comme suit : "Une Partie doit fournir au Comité les facilités suivantes pour l’accomplissement de sa tâche : [....] d) toute autre information dont dispose la Partie et qui est nécessaire au Comité pour l’accomplissement de sa tâche. En recherchant cette information, le Comité tient compte des règles de droit et de déontologie applicables au niveau national." [2] En vertu de l’article 11, paragraphe 3, de la Convention, le nom de la personne n’est pas reproduit [3] L’Unité Nationale d’Escorte, de Soutien et d’Intervention, créée en 1999 (cf. paragraphe 20 du rapport relatif à la visite 2000) est principalement chargée des reconduites aux frontières. Toutefois, elle peut être requise pour assurer, comme lors de la visite, des éloignements de non-admis avec escorte jusqu’à destination [4] L’Unité Locale d’Eloignement est placée sous l’autorité du Directeur de la Police aux Frontières (PAF) de Roissy-Charles de Gaulle et le Bourget et a pour mission de procéder aux escortes des reconduits à la frontière, y compris si nécessaire jusqu’à destination [5] Il s’agit de ressortissants étrangers dont le comportement constitue une menace grave pour l’ordre public et qui font l’objet d’un arrêté ministériel d’expulsion entraînant l’obligation de quitter le territoire français et l’interdiction d’accès ultérieur [6] L’on distingue entre étrangers reconduits du 1er type (soit des étrangers faisant l’objet d’une décision administrative ou judiciaire de reconduite à la frontière pour motif de séjour irrégulier) ; étrangers reconduits du 2e type (soit des étrangers faisant l’objet d’une décision judiciaire de reconduite à la frontière après avoir subi une peine principale d’emprisonnement pour un motif autre que l’entrée ou le séjour irréguliers) [7] Etrangers mis en examen, condamnés ou extradés [8] Cf. diverses études scientifiques récentes concernant « l’asphyxie posturale » ou les "restraint-related positional asphyxia", notamment "Positional Asphyxia - Sudden Death", U.S. Department of Justice, June 1995, et "Tödliche Zwischenfälle bei der Festnahme höchstgradig erregter Personen", Dr med Ingo Pedal et al, Archiv für Kriminologie, Jan-Feb 1999 [9] Cf. diverses études scientifiques récentes concernant le "syndrome de la classe économique", notamment "Frequency and prevention of symptomless deep-vein thrombosis in long-haul flights : a randomised trial", John Scurr et al, The Lancet Vol. 357, 12 May 2001 [10] Cette formation est prévue par l’article 4 de l’Arrêté du 23 février 1999 (NOR INT C9900104A) déterminant les modalités d’organisation et de fonctionnement de l’UNESI. Elle est spécifiée dans le document DGPN/DICCILEC/Etat-Major du 15 février 1999 [11] En principe les mineurs de moins de 13 ans non accompagnés ne sont pas placés en zone d’attente, mais pris en charge individuellement dans des hôtels de l’aéroport. Au moment de la visite, il n’y avait aucun mineur de moins de 13 ans non accompagné dans cette situation [12] L’annexe du 26 octobre 2001 précise "2.1. Le personnel de l’O.M.I. informe chaque maintenu de la législation qui lui est applicable et de ses conditions de mise en oeuvre, répond à ses interrogations ... 2.2. Le personnel de l’O.M.I. signale au poste de police, à la demande des intéressés, les informations que ceux-ci jugent nécessaires de fournir sur leur situation personnelle ... Il en est de même lorsque les personnes maintenues font part de leurs intentions de déposer une demande d’asile politique en cours de maintien en zone d’attente." [13] Loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale (article 17) [14] L’on rappellera qu’en vertu de l’article 323 (3) du Code des Douanes, les agents des douanes peuvent procéder à la retenue de toute personne prise en flagrant délit de commission d’infraction douanière. La durée de la retenue douanière est limitée à vingt-quatre heures, sauf prolongation d’une même durée autorisée par le procureur de la République (soit un maximum de quarante-huit heures) [15] Cf. document CPT/Inf (2001) 11, pp 14-16
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