Publié le mercredi 15 décembre 2004 | http://prison.rezo.net/2004-06-prevention-le-materiel-d/
En particulier à cause des doutes sur l’efficacité de l’usage d’eau de Javel pour détruire le VIH et d’autres virus dans le matériel d’injection usagé (voir feuillet 5), la recommandation de fournir aux détenus du matériel d’injection neuf et stérile est largement répandue. Dans son rapport de 1994, le Comité d’experts sur le sida et les prisons (CESP) observait que la rareté du matériel d’injection en prison conduit presque inévitablement les détenus qui continuent de s’injecter de la drogue en prison à partager le matériel d’injection : Certains consommateurs de drogues injectables ont dit que le seul endroit où ils ont partagé des aiguilles était en milieu carcéral et qu’ils ne l’auraient pas fait ailleurs. L’accès à du matériel d’injection propre permettrait aux détenus d’éviter d’avoir à partager leur matériel. Le CESP a conclu que l’échange ou la distribution de matériel d’injection stérile dans les prisons serait « inévitable ». Développements internationaux Suisse les membres du personnel ont réalisé que la distribution de matériel d’injection stérile est à leur avantage. Ils se sentent plus en sécurité, maintenant. Auparavant, lorsqu’ils fouillaient une cellule, ils avaient toujours peur de se piquer avec une aiguille cachée. Maintenant, les détenus ont le droit d’avoir une aiguille, mais uniquement dans un verre rangé dans leur armoire médicale au-dessus de leur évier. Depuis 1993, aucun employé ne s’est piqué avec une aiguille. En juin 94, une autre prison suisse - l’établissement pour femmes de Hindelbank - a amorcé un programme pilote de prévention du VIH/sida, pour une année, qui comprenait la distribution d’aiguilles. L’évaluation de ce programme par des experts indépendants a permis de constater des résultats très positifs : l’état de santé des participantes s’est amélioré ; il n’y a eu aucun nouveau cas d’infection à VIH ou à hépatite ; le partage de matériel d’injection a beaucoup diminué ; la consommation de drogue n’a pas augmenté ; les aiguilles n’ont pas été utilisées comme armes ; et seulement quelque 20% du personnel s’opposait au projet. Les conclusions de la première évaluation ont conduit à la décision de poursuivre ce programme. On a observé par ailleurs une baisse radicale du nombre de surdoses mortelles, dans cette prison, depuis l’amorce de ce programme. Depuis, d’autres prisons ont mis sur pied leur propre programme et, à la fin de 2004, la distribution de matériel d’injection stérile s’effectuait dans sept prisons, dans diverses régions de la Suisse. Allemagne Espagne Europe de l’Est La République de Moldavie a amorcé un projet pilote dans une de ses prisons, en 1999 ; au constat de son succès, on a mis en œuvre ce programme dans deux autres prisons et l,’on prévoit une expansion. Le Kirghistan a amorcé un projet pilote dans une prison en octobre 2002. En 2003, on autorisait l’expansion du programme dans les 11 prisons du pays, et cela a été complété dans toutes les prisons dès avril 2004. La République de Biélorussie a amorcé un projet pilote dans une de ses prisons en avril 2003. En 2004, des programmes semblables seront introduits dans deux autres ; et le ministère des Affaires intérieures a affirmé être préparé à en établir dans toutes les prisons du pays. Situation au Canada Les opposants affirment que la distribution de matériel d’injection stérile dans les prisons équivaudrait à fermer les yeux sur l’usage de drogue. En réalité, pourtant, ce n’est pas un appui à l’usage de drogue illicite par les détenus : c’est une mesure pragmatique de santé publique qui reconnaît que l’on trouve des drogues en prison, que des détenus s’en injectent, et que les efforts pour endiguer le phénomène sont un échec. En revanche, le choix de ne pas entreprendre de projet pilote sur la distribution de matériel d’injection stérile, alors que l’on sait que le VIH et d’autres infections se propagent dans nos prisons, pourrait être qualifié de résignation à la propagation d’infections parmi les détenus et, à terme, au reste de la communauté. Qu’avons-nous à apprendre ? Les programmes d’échange de seringues en prison sont sécuritaires On peut procéder à l’échange de matériel d’injection d’une manière qui ne menace pas la sécurité des employés et qui, au contraire, accroît leur protection. Depuis l’amorce du premier programme d’échange de seringue dans une prison, en 1992, on n’a rapporté aucun cas d’attaque à la seringue contre un employé ou un autre détenu. D’ailleurs, les détenus doivent généralement garder leur matériel d’injection à un endroit désigné dans leur cellule. Lorsque des employés entrent dans les cellules pour effectuer des fouilles, cette règle propice à leur sécurité a pour effet de réduire les possibilités d’accidents avec des seringues usagées. L’échange de seringues en prison ne fait pas augmenter l’usage de drogue Les évaluations des programmes actuels ont toutes conclu que la disponibilité de matériel d’injection ne conduit pas à une hausse du nombre d’utilisateurs de drogue, ni à une augmentation générale de la consommation, ni à une augmentation de la quantité de drogue disponible dans les prisons. L’échange de seringue en prison n’est pas une approbation de l’usage de drogues illégales et elle ne nuit pas aux programmes fondés sur l’abstinence La drogue demeure interdite dans les établissements où des programmes d’échange de seringues sont implantés. Le personnel de sécurité demeure responsable de repérer et de confisquer les drogues illégales. Cependant, il est reconnu que si, et lorsque, des drogues se rendent dans la prison et que des détenus en utilisent, la priorité doit consister à prévenir la transmission du VIH et du VHC par des pratiques d’injection risquées. Par conséquent, bien que les drogues demeurent en soi illégales, les seringues et aiguilles fournies dans le cadre du programme officiel d’échange de seringues, elles, ne le sont pas. Dans la plupart des cas, les programmes d’échange de seringues sont introduits comme un de plusieurs volets d’une approche plus complète pour contrer les méfaits liés à la drogue - incluant des programmes fondés sur l’abstinence, des traitements de la toxicomanie, des unités sans drogue, ainsi qu’une gamme de mesures de réduction des méfaits. Les évaluations effectuées ont conclu que l’un des effets des programmes d’échange de seringues en prison est de faciliter la référence des utilisateurs à des programmes de traitement de la toxicomanie, ce qui rehausse le nombre de détenus qui entreprennent de tels programmes. Les programmes d’échange de seringues sont fructueux dans divers types de prisons Les premiers programmes ont été introduits dans de petites prisons de la Suisse, mais depuis, on en a implanté avec succès dans des prisons pour hommes autant que pour femmes ; dans des établissements de petite, moyenne et grande taille ; ainsi que dans des établissements de toutes les cotes de sécurité. Après des mises en œuvre réussies dans des prisons où les ressources sont abondantes, des programmes ont été implantés dans des systèmes où les ressources sont très limitées. Il existe plusieurs modèles pour la distribution de matériel d’injection stérile, comme les distributrices automates, l’accès auprès du personnel médical ou de conseillers, et la distribution par des détenus ayant reçu une formation d’intervenants auprès des pairs. L’approche adéquate dans un établissement donné dépend de plusiques facteurs - taille de l’établissement, prévalence de l’injection de drogue, cote de sécurité, population masculine ou féminine, engagement du personnel de santé, et " stabilité " des relations entre le personnel et les détenus. Les programmes d’échange de seringues réduisent les comportements à risque et préviennent la transmission de maladies Fait encore plus important, les évaluations des programmes en place ont permis de constater que le partage déclaré de matériel d’injection avait été radicalement réduit, et qu’on n’avait rapporté aucun nouveau cas de transmission de VIH, de VHC ou de VHB. De plus, on a documenté d’autres effets positifs pour la santé, dans certaines prisons, comme une diminution des surdoses fatales et non fatales, ainsi qu’une diminution de l’incidence d’abcès et d’autres infections associées aux pratiques d’injection. Les programmes d’échange de seringues en prison fonctionnent mieux lorsque l’administration et le personnel de la prison ainsi que les détenus les appuient L’appui de l’administration et du personnel de la prison est important ; des ateliers d’éducation et des consultations,auprès du personnel correctionnel, devraient être organisés. Cela ne veut pas dire, cependant, que tous les employés des prisons où de tels programmes ont été introduits étaient en faveur de l’adoption de ces mesures. Dans plusieurs cas, comme l’on montré les évaluations, certains étaient d’abord réticents, puis ont accordé leur appui au programme lorsqu’ils ont constaté ses bienfaits. Les programmes d’échange de seringues en prison s’introduisent mieux par le biais de projets pilotes L’expérience démontre qu’une bonne façon de commencer un programme de distribution de seringues, dans un système carcéral, et de surmonter les objections, est de procéder à un projet pilote et d’en faire l’évaluation après une année de fonctionnement. Lectures complémentaires Le rapport le plus complet et détaillé à propos de l’expérience internationale en matière d’échange de seringues en prison - R. Lines, R. Jürgens, H. Stöver, D. Latishevschi, J. Nelles, L’échange de seringues en prison : Examen des données et de l’expérience internationales, Montréal, Réseau juridique canadien VIH/sida, 2004. Accessible via www.aidslaw.ca/francais/Contenu/themes/prisons.htm. Rapport détaillé sur la mise en œuvre de programmes d’échange de seringues dans toutes les prisons de l’Espagne. Une lecture incontournable pour quiconque souhaite voir comment un programme réussi d’échange de seringue s’implante en prison - Ministerio Del Interior/Ministerio De Sanidad y Consumo, Needle Exchange in Prison Framework Program, Madrid, Ministerio Del Interior/Ministerio De Sanidad y Consumo, 2002. (Accessible en anglais et en espagnol.) H. Stöver, J. Nelles, " 10 years of experience with needle and syringe exchange programmes in European prisons : A review of different evaluation studies ", International Journal of Drug Policy, 2003, 14 : 437 444. K. Dolan, S. Rutter, A. Wodak, " Prison-based syringe exchange programmes : a review of international research and development ", Addiction, 2003, 98 : 153 158. Encore pertinent pour son récit des premiers pas de l’implantation de programmes d’échange de seringues dans des prisons - R. Jürgens, VIH/sida et prisons : rapport final, Montréal, Réseau juridique canadien VIH/sida et Société canadienne du sida, 1996, aux p. 56-71 via www.aidslaw.ca/francais/Contenu/themes/prisons.htm. Pour les développements à partir de 1996, voir les nombreux articles de la Revue canadienne VIH/sida et droit via www.aidslaw.ca/francais/Contenu/docautres/bulletincanadien/bulletin-tdm.htm La première évaluation indépendante d’un programme de distribution d’aiguilles en prison (Pour exemplaires : Office fédéral de la santé publique de la Suisse, 3001 Berne, Suisse) - J. Nelles et A. Fuhrer, Prévention du VIH et de la toxicomanie dans les Établissements de Hindelbank - Rapport succinct des résultats de l’évaluation, Berne, Office fédéral de la santé publique, 1995. Un aperçu aujourd’hui désuet, mais encore pertinent, des programmes d’échange de seringues en prison - H. Stöver, Study on Assistance to Drug Users in Prisons, Lisbonne, Observatoire Européen des Drogues et des Toxicomanies, 2001 (OEDT/2001). Accessible via www.emcdda.org Troisième version révisée et mise à jour, 2004. On peut télécharger ce feuillet à partir du site Web du Réseau juridique <http://www.aidslaw.ca/francais/Contenu/themes/prisons.htm> ou le commander auprès du Centre canadien d’information sur le VIH/sida (courriel : aidssida@cpha.ca). Il est permis de faire et de distribuer (mais non de vendre) des copies de ce feuillet, en indiquant que l’information provient du Réseau juridique canadien VIH/sida. Pour information, veuillez contacter le Réseau juridique (tél. : (514) 397-6828, téléc. : (514) 397-8570, courriel : info@aidslaw.ca). This info sheet is also available in English. Financé par Santé Canada dans le cadre de la Stratégie canadienne sur le VIH/sida. Les constats, interprétations et points de vue exprimés dans cette publication sont ceux de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement les positions ou politiques officielles de Santé Canada. Site source Réseau juridique canadien VIH/sida, 2004
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