Publié le vendredi 3 mars 2006 | http://prison.rezo.net/2-une-articulation-peu/ Chapitre II Une articulation peu satisfaisante entre milieu ouvert et milieu fermé I - La réforme des services d’insertion et de probation Celle-ci a alors décidé de fusionner en une unité administrative unique, le SPIP, les deux catégories de services jusqu’alors en charge de l’insertion : les CPAL qui suivaient les personnes condamnées libres, d’une part, et les services socio-éducatifs des établissements pénitentiaires, qui prenaient en charge les détenus, d’autre part. Cette réforme répondait à quatre objectifs [2] : mutualiser les moyens et les personnels, améliorer le suivi des populations par l’harmonisation des méthodes de travail et par une plus grande continuité dans la prise en charge, mieux articuler la mission d’insertion avec les politiques publiques d’action sociale en se situant à l’échelon départemental, contribuer au développement des mesures d’aménagement de peines alternatives à la détention. La fusion a été réalisée par le décret n°99-276 du 13 avril 1999, complété par des arrêtés pris département par département : 100 SPIP se sont ainsi substitués aux 183 CPAL et 186 services socio-éducatifs. L’unification s’est concrétisée par la nomination d’un directeur du SPIP, cadre pénitentiaire à compétence départementale et par l’installation du service dans de nouveaux locaux. Soucieuses d’affirmer leur nouvelle identité, les antennes chargées du milieu ouvert ont, pour la plupart, quitté es juridictions pour s’établir dans des bureaux indépendants, fonctionnels et rénovés. Certains tribunaux, désireux de récupérer leurs locaux - ou de se séparer de services désormais indépendants- les ont parfois incitées à déménager. L’opération a été matériellement lourde pour la pénitentiaire, puisqu’il a fallu trouver des bureaux et organiser la réinstallation de services dotés d’archives conséquentes, sans pour autant interrompre leur fonctionnement. Ces mesures ont mobilisé une part significative des ressources des SPIP et elles se sont traduites par une importante progression de leurs dépenses de fonctionnement (+200 % de 1999 à 2002). Pour ce qui est des missions confiées aux SPIP, la réforme de 1999 s’est bornée à agréger les compétences des services sociaux des établissements pénitentiaires et celles des CPAL. Elle n’a opéré aucun choix ni établi aucune priorité ou spécialisation. Les SPIP doivent à la fois contribuer à la préparation et à l’exécution des décisions de justice et être le support de l’action d’insertion de la pénitentiaire. Ils doivent concilier les compétences d’un service social et celles d’un exécutant des décisions de justice, à charge pour un fonctionnaire, le directeur du SPIP, d’identifier une politique départementale d’insertion. Cette tâche est d’autant plus délicate que les SPIP doivent, au surplus, participer à la prise en charge de certaines mesures préalables aux jugements : enquêtes de personnalité (anciennement dites D49-1 en référence à l’ancien article du code de procédure pénale) dans le cadre des permanences d’orientation pénale, suivi des mesures de contrôle judiciaire, permanences de « sortie d’audience »... Dans cette hypothèse, ils interviennent parallèlement à des associations, sollicitées par les juges pour exercer le même type de missions sur les mêmes publics, ce qui a une incidence directe sur leur charge de travail et leur capacité à assurer leurs autres missions, selon que les associations en cause sont actives ou non. B - Un fonctionnement administratif qui n’est pas satisfaisant 1 - L’insuffisance des ressources humaines Sont ensuite concernés les personnels socio-éducatifs. Dans l’Indre, une étude sommaire a mis en évidence que le temps disponible par travailleur social et par condamné n’atteignait qu’une douzaine d’heures par an et se réduisait à huit heures après déduction du temps passé en permanences et réunions. Dans le Nord, le même constat est dressé et, dans l’Aisne ou dans l’Oise, la situation est aggravée par un très fort taux de renouvellement des effectifs. Au plan national, les insuffisances sont difficiles à cerner car l’outil statistique de l’administration pénitentiaire ne permet pas de calculer les ratios les plus élémentaires. Le seul qui peut l’être aisément est celui du nombre de personnes suivies (milieu ouvert et fermé) rapporté au nombre de personnels socio éducatifs (hors directeurs). Son rapprochement avec le taux de détenus par surveillant donne une illustration certes caricaturale [3], mais révélatrice par son ampleur, du décalage des taux d’encadrement en fonction des « métiers » de l’administration pénitentiaire. Tableau : Taux d’encadrement des personnes placées sous main de justice Enfin, il faut relever la faiblesse de la fonction d’encadrement au sein des SPIP. Au-delà du problème des effectifs, la difficulté tient à l’absence de perspective réelle d’évolution pour ceux des travailleurs sociaux qui ont accepté de devenir directeur départemental ou adjoint. La faible attractivité du statut des chefs de services d’insertion et de probation (CSIP) au regard des responsabilités qui leur incombent a été à l’origine d’importantes difficultés de recrutement. Aussi l’administration pénitentiaire a-t-elle engagé une importante réforme statutaire destinée à améliorer les perspectives de carrière de l’ensemble des agents [4]. Elle a obtenu des créations de postes significatives entre 1999 et 2005 pour toutes les catégories de personnel. Mais celles-ci n’ont pas encore produit la totalité de leurs effets, compte tenu des délais nécessaires au recrutement et à la formation des personnels concernés (24 mois de formation à l’ENAP pour les conseillers d’insertion et de probation). Il en résulte un taux de vacances qui tend à s’accroître (15,6 % au 1er janvier 2005 contre 14,7 % au 1er janvier 2004 et 9,3 % au 1er janvier 1999). Tableau : Evolution des créations d’emploi en loi de finances initiale 2 - Les défaillances des outils de gestion et de suivi des dossiers Le système APPI entend être le support d’une véritable modernisation du fonctionnement des SPIP et des méthodes de travail propres à chaque intervenant : JAP, directeur du SPIP, travailleur social. Ses fonctionnalités sont ambitieuses, mais son succès dépend naturellement de la capacité des agents à se l’approprier. Or des difficultés sont d’ores et déjà apparues et le déploiement de l’application, prévu pour le premier trimestre 2005, a pris du retard : à cette date, 60 % seulement des services en disposaient effectivement. Ces retards, en voie d’être rattrapés (89 % de déploiement au 1er décembre 2005), ne sont, au demeurant, pas liés uniquement à des problèmes techniques, mais aussi aux réticences des utilisateurs, constatées notamment dans le ressort des cours d’appel de Bordeaux, Colmar, Metz ainsi que dans celles de la région parisienne. 3 - L’absence de procédure adaptée d’exécution des dépenses Face à cette difficulté qui n’avait pas été anticipée, l’administration pénitentiaire a décidé, en accord avec le ministère des finances, de créer des régies d’avances auprès de chaque directeur de SPIP pour verser les aides et payer les dépenses de fonctionnement courant. Mais l’expérimentation, décidée dans 15 départements, s’est heurtée à des difficultés juridiques car elle soulevait le problème de la place respective des directeurs régionaux, des chefs d’établissement et des directeurs de SPIP dans le fonctionnement déconcentré de l’administration pénitentiaire. Cette dernière n’a pris la mesure du problème qu’après le démarrage des premières régies et elle a donc décidé de geler leur création. Au total, quatre arrêtés ont été successivement adoptés pour redéfinir le mode d’exécution des dépenses des SPIP. Mais aucune solution satisfaisante n’a été trouvée et, aujourd’hui encore, les services connaissent trois situations également critiquables : dans les quinze départements choisis pour l’expérimentation, les régies se heurtent à de telles difficultés que certaines d’entre elles ont décidé de ne plus verser d’aides directes, en Essonne par exemple ; ailleurs, ce sont toujours les régies des tribunaux qui assurent l’approvisionnement des SPIP, ce qui impose aux bénéficiaires de s’y rendre pour pouvoir disposer de leur secours ; d’autres services (à Toulouse par exemple ou à Paris) conservent une « petite caisse » et distribuent eux mêmes des aides matérielles (tickets de métro surtout) en toute irrégularité et sans aucun titre pour le faire. C - Les modalités d’une prise en charge efficace des populations placées sous main de justice tardent à être définies Dans un certain nombre de départements, ceux où est implantée une maison d’arrêt de taille moyenne, une polyvalence s’est mise en place. C’est le cas, par exemple, en Côte d’Or, dans le Cher, l’Eure, ou l’Eure et Loir. La répartition des compétences a été redéfinie pour le milieu ouvert afin de créer une bonne articulation avec le milieu fermé. Généralement, une sectorisation géographique calquée sur les circonscriptions d’action sociale a été privilégiée et les travailleurs sociaux reçoivent, en milieu fermé, les dossiers des détenus qui résident dans « leur » circonscription du milieu ouvert. En outre, les travailleurs sociaux sont parfois spécialisés dans une problématique transversale, ce qui permet au service de disposer de compétences plus précises en matière de formation ou d’action culturelle par exemple. Dans d’autres départements, la fusion des compétences milieu ouvert / milieu fermé n’a jamais été réalisée, le plus souvent parce qu’elle soulevait un obstacle de principe. Lorsque dans le ressort territorial du SPIP se trouve une très grosse maison d’arrêt ou un établissement pour peine, les détenus peuvent venir de n’importe quel endroit de France et il est alors difficile de trouver une articulation pertinente entre milieu fermé et milieu ouvert. En Haute Garonne, par exemple, deux établissements pénitentiaires sont situés sur des communes limitrophes, la maison d’arrêt de Toulouse Seysses et le centre de détention de Muret. Mais c’est une antenne spécifique « milieu fermé » qui fonctionne à Muret et qui n’a pratiquement pas de lien avec l’antenne mixte qui prend en charge, de manière globalisée, le milieu ouvert et la population incarcérée à la maison d’arrêt. Dans les grosses structures (Fresnes, Fleury Mérogis ou la Santé, par exemple), cette difficulté liée aux spécificités des populations accueillies est accentuée par un effet de taille qui rend difficile l’organisation de permanences prenant en considération les contraintes de chacun. Dans de tels cas de figure, les passerelles entre milieux ouvert et fermé se limitent à des réunions de coordination ou des échanges ponctuels. Dans le Val de Marne, par exemple, des groupes thématiques ont été constitués pour définir en commun des priorités d’action en matière de formation, de culture ou d’hébergement. Plus généralement, les antennes « milieu fermé » s’assurent systématiquement de ce que les sortants de prison disposent des coordonnées des antennes « milieu ouvert » pour y avoir recours s’ils ont besoin d’une aide d’urgence [5]. Le faible pourcentage de sortants de prisons qui l’utilisent effectivement (8,5 % en 2003) traduit l’évolution des modes d’intervention des SPIP (notamment la généralisation des dispositifs de préparation à la sortie en milieu fermé) : les principaux demandeurs d’une aide matérielle sont aujourd’hui les détenus libérés en situation de très grande exclusion. 2 - La prise en charge des populations en milieu fermé Les circulaires d’application de la réforme de 1999 avaient abordé le problème sans pour autant le résoudre. Elles prévoyaient surtout que l’élaboration d’une politique départementale d’insertion devait donner lieu à la rédaction d’engagements de services et à une refonte des règlements intérieurs. Dans les faits, ces derniers ont rarement été révisés ; quant aux engagements de service, ils se sont révélés difficiles à négocier et ont parfois achoppé sur des difficultés sérieuses (organisation de permanences d’accueil) ou dérisoires (conflit relatif à l’attribution d’un bureau). Ceux qui ont vu le jour se présentent comme des documents de compromis reflétant souvent les problèmes de cohabitation rencontrés par deux autorités devenues indépendantes et jalouses de leurs prérogatives respectives. Or la priorité accordée aux questions de sécurité et l’importance de ses pouvoirs en matière d’affectation et de discipline placent nécessairement le chef d’établissement dans une situation prééminente, qui peut avoir des conséquences sur la manière dont les conseillers d’insertion, et derrière eux le SPIP dont ils relèvent, exercent leurs fonctions. La place du SPIP et de ses agents est d’autant plus ambiguë que leur intervention est censée être différenciée. Le plus souvent, leur rôle est de mettre en cohérence et de coordonner l’action d’acteurs (surveillants, enseignants, associations...) dont aucun ne relève véritablement de leur autorité : leur pouvoir est surtout d’influence, sauf dans le cas particulier de la préparation des mesures d’aménagement de peines. Or c’est précisément dans ce domaine que la loi du 15 juin 2000 renforçant la présomption d’innocence et les droits des victimes a apporté des modifications fondamentales aux modalités de prise en charge des détenus. L’un des points essentiels de cette loi a été la juridictionnalisation des procédures d’application des peines, impliquant la décision motivée d’un magistrat prise après un débat contradictoire au cours duquel le détenu peut être assisté d’un avocat. Il en est résulté un renforcement du degré d’exigence à l’égard des SPIP pour la préparation des aménagements de peine, puisqu’ils doivent désormais contribuer à la préparation de l’avis écrit de l’administration pénitentiaire, qui figure au dossier. Le travail d’instruction correspondant doit être d’autant plus rigoureux que l’avis en question peut être utilisé comme moyen d’appel. Il en résulte une charge de plus en plus lourde pour les agents du SPIP. La tendance ne peut que s’aggraver car la loi 2004-204 du 9 mars 2004 a mis en place un mécanisme dit de « sas » ou de « nouvelle procédure d’aménagement de peine » (NPAP), qui prévoit que la situation de l’ensemble des détenus sur le point d’être libérés et considérés comme « éligibles » [6], doit être examinée par le SPIP « en temps utile », afin de déterminer la mesure d’aménagement de peine la mieux adaptée à leur personnalité. Ce dispositif a soulevé un certain nombre de difficultés dès le stade de l’identification des populations dites « éligibles », mais la réforme est entrée en vigueur et la plupart des condamnés répondant aux critères se sont vu proposer le bénéfice d’une NPAP. Pourtant, en dépit de la mobilisation des services, les éléments dont dispose la Cour montrent que le nombre de propositions d’aménagement de peines a été limité (en mars 2005, 1,34 % de l’ensemble de la population éligible). Le pouvoir de substitution des SPIP est, pour sa part, à l’origine de 14 décisions seulement depuis novembre 2004. Tableau : Premier bilan provisoire de la mise en oeuvre de la NPAP Ce constat d’échec relatif a plusieurs causes. Il semble, tout d’abord, qu’une part non négligeable des condamnés n’a pas souhaité s’inscrire dans un projet d’aménagement de peines, à leurs yeux plus contraignant que la perspective d’une libération possible à brève échéance, compte tenu du jeu des réductions de peines. Il peut aussi s’expliquer par le fait que les SPIP proposaient d’ores et déjà les mesures possibles à mettre en place compte tenu de la situation sociale (formation, travail) ou individuelle (hébergement) des condamnés. La NPAP a pour objectif d’obliger les SPIP à aller au-delà, pour mobiliser ceux des détenus qui ne sont pas spontanément demandeurs d’une mesure d’aménagement de peine. Or ce sont généralement ceux qui présentent les handicaps socio -culturels les plus lourds de telle sorte que les SPIP peuvent ne pas réussir à construire une proposition sérieuse dans les délais requis. Il n’est pas impossible, enfin, que certains JAP aient anticipé la mise en oeuvre de la NPAP en se saisissant d’office de la situation des condamnés potentiellement concernés pour mettre en place un aménagement de peines « traditionnel » dans le cadre du débat contradictoire. La situation a pu être observée à Bois d’Arcy où, au troisième trimestre 2004, on a constaté une augmentation de 39,7 % des aménagements de peines « classiques » par rapport à la même période en 2003. Cette tendance pourrait s’expliquer par le fait que la NPAP est très lourde à mettre en place et que les acteurs administratifs et judiciaires s’accordent pour traiter le maximum de dossiers dans un cadre plus simple. En milieu fermé, la juridictionnalisation des procédures et la NPAP ont donc eu un impact incontestable sur l’activité des SPIP qu’elles ont contribué à réorienter vers la préparation des mesures d’aménagement de peines. Sans être sacrifiées, leurs autres fonctions, notamment le dialogue quotidien avec les détenus et le montage d’activités socio-culturelles, en ont souffert puisque l’aggravation de la charge de travail du SPIP a réduit la disponibilité de ses agents. 3 - La prise en charge des populations en milieu ouvert La prise en charge des populations en milieu ouvert continue en effet de s’effectuer dans un contexte où, sur longue période, le nombre de mesures augmente et où les difficultés sociales et économiques des publics s’aggravent. Ces évolutions se traduisent par une augmentation du flux et du stock de dossiers qui doivent être suivis par les SPIP et sur lesquels ils devraient normalement intervenir le plus rapidement possible pour assurer l’effectivité de la peine. Or le circuit ne fonctionne pas toujours. Il n’est pas rare en effet que les délais s’accumulent avant la transmission du dossier par les services judiciaires : certaines mesures sont notifiées tardivement par les JAP et les SPIP ne peuvent intervenir qu’avec retard. Parfois, ce sont les SPIP eux mêmes qui tardent à se saisir de dossiers parce que les travailleurs sociaux sont déjà mobilisés par d’autres affaires. Les retards dans le déploiement d’APPI empêchent de cerner au niveau national l’ampleur de ce phénomène. Mais la situation n’en est pas moins alarmante. Certains services ont ainsi renoncé à traiter tous les dossiers qu’ils reçoivent et se bornent à gérer des « files d’attente » [7]. Dans le Val d’Oise, par exemple, le SPIP estime à environ 250 le stock de dossiers en attente d’affectation. Dans l’Essonne, d’après le recensement approximatif effectué à la demande de la Cour (le secteur de Longjumeau n’a pas été pris en compte), 324 dossiers étaient en attente sur les 998 pris en charge en janvier 2005, soit 32,5 %. Cette proportion élevée n’est pas seulement le reflet des spécificités de la région parisienne et de la taille des SPIP en cause. Selon une enquête de l’administration centrale de 2001, sur les 138 antennes de milieu ouvert analysées, seulement 67 % des personnes avaient été affectées à un travailleur social. Ceci tendrait à démontrer que, loin d’être exceptionnelle, la situation de l’Essonne est en fait représentative de celle de la majorité des SPIP, y compris des plus petits. Dans le Cher par exemple, le directeur du SPIP estimait que son service était parfois considéré comme le « maillon faible » de la chaîne pénale, incapable de prendre en charge l’intégralité des dossiers. Pourtant, certains départements ont su mettre en place des méthodes de travail qui permettent d’éviter de tels dysfonctionnements, à travers une approche qui vise à accroître l’individualisation des réponses apportées par le SPIP et se traduit par une différenciation du niveau du suivi selon la difficulté et l’urgence du dossier. Dans l’Indre, les mesures sont ainsi prises en charge en suivis « allégés », « intensifs » ou « dossiers sensibles » avec pour objectif de limiter à un mois le délai entre la saisine par la juridiction et la première convocation de la personne. Une démarche plus ambitieuse a été mise en place dans le Val de Marne où la différenciation du suivi a été institutionnalisée et a conduit à réorganiser le fonctionnement global du SPIP. Elle a permis d’éviter la formation de « stocks » et a augmenté l’efficacité du service en termes de « productivité ». Elle a surtout contribué à ce que le SPIP apporte la réponse adaptée à chaque personne, en l’individualisant en fonction de critères objectifs. La démarche est le support d’une véritable politique de prise en charge à partir de priorités définies en accord avec les juges. Elle permet aux travailleurs sociaux et aux conseillers d’insertion de sortir de leur isolement pour prendre des décisions, par nature difficiles, qui ne sont plus l’expression de leur seule opinion mais celle du service dans sa globalité. Ainsi, le directeur du SPIP et le JAP ont-ils la garantie que les décisions sont prises sur une base cohérente, moins subjective, qui assure une égalité de traitement entre les personnes. La démarche renforce donc l’identité du service et sa crédibilité et va dans le sens d’une plus grande professionnalisation. Malheureusement, aucun soutien n’a été accordé au Val de Marne pour mettre en place sa nouvelle politique qui n’a fait l’objet d’aucune évaluation ni d’aucune diffusion à l’égard d’autres SPIP. L’individualisation du suivi des personnes prises en charge par le SPIP du Val de marne La commission décide alors de l’intensité du suivi sauf si une prolongation de la période d’évaluation est nécessaire. Trois niveaux de suivi sont prévus : le suivi intensif (un rendez-vous mensuel environ), qui est assuré par une équipe de 21 travailleurs sociaux ; le suivi espacé (un rendez-vous trimestriel environ), qui est pris en charge par quatre travailleurs sociaux sous l’autorité d’un chef de service ; le suivi administratif, qui est effectué par quatre emplois jeunes encadrés par l’équipe du suivi espacé. Les critères de choix sont la difficulté de la situation sociale de l’intéressé, la gravité de sa situation pénale et aussi la difficulté qu’il rencontre pour remplir les obligations fixées par le juge. Cette absence d’intérêt est regrettable car l’expérience du Val de Marne, qui a été reprise dans trois autres départements, mériterait d’être étendue à d’autres départements : la principale difficulté, qui tient à la nécessité de disposer d’une équipe d’encadrement suffisamment étoffée, vient en effet d’être partiellement résolue avec la création d’emplois d’adjoints aux directeurs des SPIP, décidée dans le cadre de la réforme statutaire des corps socio-éducatifs. L’administration pénitentiaire devrait impérativement se saisir de cette expérience pour en faire le bilan et en tirer des directives pour organiser le travail des SPIP, en fonction de ses priorités. Sans empiéter sur l’autonomie de ses services, elle exercerait ainsi la fonction de pilotage et d’évaluation qu’elle tarde à mettre en oeuvre. RECOMMANDATIONS En dépit de la réforme mise en oeuvre en 1999, les insuffisances constatées dans le fonctionnement des SPIP et la prise en charge des populations qui leur sont confiées justifient que l’administration pénitentiaire y remédie. A cet effet, il serait indispensable : II - Les alternatives à l’incarcération Peines de substitution à l’incarcération ou aménagement de peines, ces alternatives forment un ensemble hétérogène mais présentent un intérêt incontestable. Elles permettent non seulement de limiter les effets désocialisants de l’incarcération, mais aussi de soustraire les condamnés aux contacts criminogènes inhérents à la fréquentation de compagnons de cellule [10]. De ce double point de vue, elles contribuent à limiter la récidive, comme semble le démontrer la seule étude disponible en la matière [11] : à partir d’un échantillon de détenus libérés en 1982, elle met en évidence le fait que le taux de nouvelles infractions commises par les sortants de prison, quatre années après leur libération, était de 54,5 % pour les condamnés en fin de peine contre 39,6 % pour les libérés conditionnels. Pour l’administration pénitentiaire, les alternatives à l’incarcération présentent deux avantages supplémentaires : celui de réduire la surpopulation carcérale et celui de limiter ses dépenses budgétaires ; leur coût est en effet très inférieur à celui de l’incarcération. Tableau : Coût quotidien de fonctionnement de l’incarcération en maison d’arrêt, en semi-liberté et sous « PSE » Paradoxalement, les dispositifs d’alternatives à l’incarcération sont peu utilisés et leur évolution est même marquée à la baisse depuis 2001. Les mesures qui concernent des publics qui ne sont pas condamnés à une peine de prison sont les plus nombreuses mais, après avoir régulièrement augmenté de 1994 à 2001, elles ont significativement diminué jusqu’en 2004. Tableau : Evolution des mesures alternatives à l’incarcération Les aménagements de peines sont, pour leur part, quantitativement limités et concernent une faible proportion des condamnés [12]. Tableau : Mesures d’aménagement de peines B - Le placement sous surveillance électronique (PSE) ou « bracelet électronique » Le PSE est actuellement géré par la seule administration pénitentiaire qui a commencé à le mettre en oeuvre à partir de 2000. En 2002 des évaluations conduites sur les quatre sites pilotes initiaux ont conclu, sur le plan technique, au bon niveau de fiabilité et de sécurité des systèmes. Un travail a également été mené en lien avec un organisme de recherche (le CNRS- CESDIP) pour évaluer la mise en oeuvre du bracelet électronique du point de vue de chaque acteur concerné [13]. Cette dispersion des procédures a eu des conséquences préjudiciables à l’efficacité du dispositif. En premier lieu, elle entraîne une grande lourdeur de gestion au sein de directions régionales dont les effectifs de personnels administratifs sont limités, alors que l’administration ne traite, en fait, qu’avec deux fournisseurs. En deuxième lieu, elle se traduit par une grande différenciation des solutions locales qui ne favorise pas la comparaison de leurs avantages et inconvénients respectifs. Enfin, elle engendre des surcoûts, chaque direction régionale gérant ses propres stocks de bracelets en vue de répondre aux décisions des juges dans les meilleurs délais, de telle sorte qu’on observe un écart important entre le nombre de bracelets disponibles et ceux effectivement utilisés. A l’évidence, une mutualisation des moyens consacrés au dispositif s’imposerait. Tableau : Ecart entre le nombre de bracelets disponibles et ceux effectivement utilisés 2 - Un dispositif contraignant Sur le plan technique, le mécanisme se compose de trois éléments : un émetteur (le bracelet électronique), un récepteur placé au lieu d’assignation qui reçoit les signaux de l’émetteur et un centre de surveillance qui centralise les messages émis par les récepteurs. Si le niveau de réception des signaux devient trop faible, le récepteur envoie automatiquement, via la ligne téléphonique, un message d’alarme au centre de surveillance. Celui-ci apprécie si l’absence est licite ou non, en fonction des horaires d’assignation fixés par le juge. Du point de vue du « placé », le dispositif du PSE est exigeant puisque l’intéressé doit avoir un domicile ou justifier d’un hébergement stable. De surcroît, il doit disposer d’une ligne de téléphone et être à jour dans le paiement de ses factures. En effet, dans le dispositif retenu en France, à l’image de ce qui se fait dans la plupart des pays étrangers ayant adopté le système, c’est le placé qui supporte le coût des communications téléphoniques. Pour le SPIP, le PSE suppose la réalisation d’une enquête qui comprend une visite à domicile. Elle est plus lourde qu’une enquête socio-éducative classique dans le cadre d’un aménagement de peine [15] car elle comprend la vérification de la faisabilité technique du PSE et celle de la motivation de l’entourage du condamné, qui subira avec lui le PSE. En outre, la mise en place du dispositif suppose l’intervention de surveillants qui peuvent contribuer à l’enquête de faisabilité technique, mais qui sont surtout chargés de la pose du bracelet émetteur sur le placé et de l’installation du récepteur à son domicile. Ils doivent programmer et mettre à jour les horaires d’assignation dans le logiciel de suivi du PSE et assurer le traitement des alarmes pour décider s’il y a lieu d’alerter les autorités judiciaires et les forces de l’ordre. Généralement, les surveillants procèdent par vérifications téléphoniques. Seuls certains centres prévoient le déplacement in situ au domicile du placé : c’est le cas, notamment, à Agen où un surveillant spécialisé dans le suivi du PSE a été doté d’un téléphone portable et d’un véhicule. 3 - Un dispositif peu utilisé Après avoir plafonné jusqu’en 2001, la montée en charge du dispositif se révèle très progressive, comme le montre le tableau suivant. Mais en dépit de l’accélération observée, le nombre de placements à l’instant « t » reste très en retrait par rapport aux objectifs fixés au plan national par le législateur. Tableau : Suivi du PSE Cette situation reflète les trois obstacles majeurs auxquels se heurte le PSE. Le premier est qu’il ne concerne qu’un public limité. Les femmes et les mineurs y ont difficilement accès, faute d’un nombre suffisant d’établissements pénitentiaires susceptibles de les accueillir à proximité de leur lieu d’assignation, si le bénéfice de la mesure devait leur être retiré. Surtout, pour que le PSE puisse être proposé et mis en place, l’intéressé doit disposer d’un logement et être capable de prendre en charge ses frais de téléphone [16], ce qui peut s’avérer lourd pour certains, puisque le coût des communications atteint 30 € par mois environ, en plus des frais d’installation. Ces exigences conduisent à exclure une part importante de la population pénale du bénéfice du PSE car les condamnés sont souvent dans une situation de grande précarité socioprofessionnelle. L’étude précitée, réalisée en 2003 par le CESDIP, a montré la spécificité du profil des « placés » de la première génération du PSE : seulement 20 % d’entre eux se déclaraient illettrés (contre 48 % des entrants en détention) et 74 % avaient suivi un enseignement secondaire ou supérieur (contre 47 %). Pour atténuer le caractère sélectif du PSE et accroître le nombre de ceux qui pourraient y prétendre, des initiatives ont été prises localement. Certains SPIP ont ainsi passé des conventions avec des organismes partenaires (avec l’office HLM local à Pontoise, avec un CHRS à Reims) pour proposer un logement à des condamnés qui pouvaient alors effectuer leur peine sous le régime du PSE. D’autres ont consenti des aides financières pour prendre en charge les frais de téléphone et leur démarche a été relayée au plan national : l’administration centrale a ouvert des crédits budgétaires à cette fin. Le second obstacle à la mise en oeuvre du PSE est lié à la place qu’il occupe par rapport aux autres mesures alternatives à l’incarcération, qui peuvent apparaître plus simples à organiser. Le PSE fait en effet intervenir plusieurs acteurs (le juge, le SPIP et le surveillant) selon des procédures qui requièrent des délais tels que, parfois, ils aboutissent à l’échec du placement lui même. Au plan national, ces facteurs expliquent la faible proportion des PSE décidés dans le cadre du contrôle judiciaire ou de l’aménagement des courtes peines. L’évaluation réalisée en 2003 par le CESDIP avait en effet montré que le cumul des délais d’enquête et d’attente pour que le dossier soit examiné en commission d’application des peines pouvait conduire à ce que le temps écoulé entre l’écrou et le début du PSE atteigne 3 mois : pour les personnes condamnées à des peines inférieures à 4 mois, le système est, dès lors, dépourvu d’intérêt. Enfin, le dernier obstacle auquel se heurte le développement du PSE est l’insuffisance des moyens de suivi. En termes de fonctionnement, le PSE a été organisé à partir des budgets des établissements et des directions régionales, les dotations additionnelles de l’administration centrale ne couvrant que les frais directement liés à l’exécution des marchés. Lors de l’expérimentation, un poste de surveillant spécialement dédié au PSE a été créé dans chacun des quatre premiers sites. Mais, ultérieurement, tous les autres « surveillants PSE » ont été choisis parmi le personnel de surveillance des établissements supports. Les SPIP, de leur côté, n’ont bénéficié d’aucun renfort spécifique. Ce n’est qu’après l’adoption de la loi du 9 mars 2004 et la relance du PSE avec des objectifs très volontaristes que des créations de postes sont intervenues (23 postes de surveillants et 50 postes de conseillers). Tant que ces créations n’auront pas produit leurs effets, les tensions en termes de personnel contribueront à limiter le recours au PSE. C - La semi-liberté La semi-liberté peut être prévue « soit lorsqu’il reste à subir par le condamné une ou plusieurs peines privatives de liberté dont la durée totale n’excède pas un an, soit lorsque le condamné a été admis au bénéfice de la libération conditionnelle, sous la condition d’avoir été soumis à titre probatoire au régime de la semi liberté. ». Elle est généralement exécutée dans des établissements spécifiques, les centres de semi-liberté (CSL), dont la liste est fixée par arrêté du Garde des Sceaux [17] et qui fonctionnent comme des établissements pénitentiaires dotés d’un budget, d’un personnel de surveillance et d’un règlement intérieur. Leur spécificité tient à ce que, dans la journée, la majorité des détenus quitte le centre. Mais la semi-liberté peut également être exécutée dans des quartiers de semi-liberté (QSL) constitués au sein d’un établissement pénitentiaire traditionnel. Les personnes concernées sont alors incarcérées dans des zones bien identifiées afin d’éviter les contacts avec les autres détenus et limiter les risques de trafic. 2 - Une mise en oeuvre qui plafonne Tableau : Evolution des placements en semi liberté La semi-liberté a surtout été utilisée par les JAP comme un substitut à l’incarcération pour les personnes condamnées à des peines de moins d’un an (près de 52 % des cas en 2003) et comme une modalité d’aménagement de peine pour faire sortir les détenus d’établissements pénitentiaires « classiques » (45 % des cas en 2003). Dans la très grande majorité des cas, le bénéfice de la semi-liberté a été accordé à des personnes incarcérées qui avaient un contrat de travail ou suivaient une formation, rémunérée ou non. Tableau : Motifs des placements en semi liberté Au plan national, le taux d’occupation des centres ou des quartiers de semi-liberté est très inférieur à celui des établissements pénitentiaires classiques. Il s’établissait ainsi à 60,6 % en octobre 2004. Mais la situation est très contrastée entre les différents centres. Certains, comme Rochefort (300 % en octobre 2004), Evreux (150 %) ou Gagny (133,3 %) souffrent d’une sur occupation chronique. D’autres sont sous-utilisés, comme Limoges (20 %), Chalon (22,2 %), Beauvais (20 %) Corbeil (55 %) ou Montargis (20 %). 3 - Des freins qui ont été identifiés Les premiers tiennent à la précarisation de la situation des détenus et au contexte économique. Le travail reste en effet le motif principal justifiant l’octroi du bénéfice de la semi-liberté. Or la dégradation du contexte économique conduit parfois à ce qu’avant même d’être exécutées, certaines mesures de semi-liberté deviennent caduques du fait de la disparition de l’emploi promis. Ces contraintes sont d’autant plus fortes que la précarisation des détenus s’aggrave. L’enquête sur le niveau d’instruction des détenus arrivants effectuée en 2002-2003 a ainsi montré que seulement 45 % des personnes interrogées indiquaient avoir exercé au moins une fois une activité professionnelle avant leur incarcération. Le second frein au développement de la semi-liberté tient à l’inadéquation des structures d’accueil. Dans de nombreux départements, l’insuffisance du nombre de places disponibles est particulièrement grave pour les mineurs (deux places en région parisienne) et les femmes, ce qui conduit, de fait, à exclure ces populations du bénéfice de la mesure. Dotées d’un nombre de places insuffisant, les structures de semi-liberté sont, au surplus généralement en mauvais état du fait de leur surpopulation même ou, plus simplement, de leur vétusté ou de leur absence d’équipements nécessaires à la vie des détenus (cour de promenade, salles d’activités, unité de soins...). La localisation de certains centres est susceptible de poser problème et explique leurs faibles taux d’occupation : le fait qu’ils puissent être isolés constitue, en soi, un frein à la possibilité d’octroyer une mesure de semi-liberté car les personnes qui pourraient en bénéficier ont souvent été privées de leur permis de conduire à la suite d’une condamnation, principale ou connexe, pour conduite en état d’ivresse... Tous ces facteurs ont un impact sur les décisions des magistrats appelés à se prononcer sur une mesure de semi-liberté : ou ils ajustent le nombre de bénéficiaires sur celui des places existantes, quitte à priver un bénéficiaire potentiel de l’octroi d’une telle mesure ; ou, au contraire, ils ne « s’auto-limitent » pas, et la décision de placement peut ne produire ses effets qu’après de longs délais ; dans cette hypothèse, l’exécution de la mesure est différée jusqu’à ce qu’une place se libère, avec le risque de voir, dans l’intervalle, la situation du condamné changer. C’est ainsi qu’à Gagny, par exemple, les délais d’attente varient de 4 à 6 mois, ce qui est peu compatible avec le caractère souvent précaire ou temporaire des emplois qui justifient la semi-liberté. La même contrainte explique que la mesure de semi-liberté ne peut pas être mise en oeuvre, dans le département de Seine et Marne, pour environ 20 % des cas qui pourraient y prétendre. Le troisième frein au développement de la semi-liberté est lié à une rigidité qui n’est que le reflet d’une insuffisance de moyens. En 2003, le procureur de la République près le Tribunal de grande instance (TGI) de Marseille faisait valoir, par exemple, que les horaires des mouvements au QSL des Baumettes conduisaient à enfermer les détenus entre 20 heures et 6 heures, ce qui est radicalement incompatible avec un aménagement de peine fondé sur un emploi flexible correspondant souvent à la réalité du monde du travail. Certains JAP essaient bien d’ajuster les horaires de sortie des détenus pour tenir compte de ces contraintes, mais ces ajustements ne sont pas toujours possibles et ne conviennent pas nécessairement à tous les condamnés pour qui ils représenteraient un allègement trop important de la peine. En outre, dans certaines structures, seules quelques heures de permanence sont organisées par les travailleurs sociaux, généralement en journée, pendant les jours ouvrables, de telle sorte que les détenus qui travaillent sont contraints de demander une autorisation d’absence à leur employeur pour pouvoir rencontrer un travailleur social. Cette situation pèse évidemment sur la qualité du suivi social ou judiciaire. Consultés en 2003, les magistrats ont admis quasi unanimement qu’ils accorderaient davantage de semi-libertés s’ils avaient l’assurance que l’effectivité et la régularité des contrôles étaient renforcées et les manquements signalés plus systématiquement. Aussi nombre d’entre eux préfèrent-ils privilégier d’autres dispositifs alternatifs à l’incarcération, dont les modalités sont proches de celles de la semi-liberté : tel est le cas des placements extérieurs mis en place avec le concours d’associations qui accueillent et encadrent les détenus et, parfois, les hébergent. A Toulouse, par exemple, le Centre de préparation à la vie active (CPVA) spécialisé dans la prise en charge des toxicomanes, se charge de placer les détenus dans des studios et de les aider à construire un projet professionnel. D - Les travaux d’intérêt général (TIG) Le nombre de TIG ne cesse de baisser. Depuis 2001 (25 411 TIG), il a diminué d’un tiers en raison de la réduction du nombre de mesures ouvertes et de celle de leur durée moyenne de prise en charge. La durée moyenne de suivi n’atteignait ainsi que 14 mois en 2003, contre 16,3 mois en 2002 et 17,2 mois en 2001. Ces évolutions dénoncées par le rapport Warsmann ont conduit le Garde des Sceaux à décider d’une relance des TIG. Des objectifs quantitatifs de progression ont été assignés aux directions régionales et aux SPIP en 2004. Pour ce qui est du « profil » des bénéficiaires de TIG, la seule étude disponible date de 1993. Elle montrait que l’âge moyen des intéressés n’était que de 28 ans et que 45 % d’entre eux étaient au chômage lors de leur condamnation. Depuis, d’après les éléments recueillis par la Cour dans un échantillon de SPIP, l’orientation des TIG vers les publics les plus jeunes s’est renforcée. Dans le Val de Marne en 2004, 43 % des TIG concernaient les jeunes de 18 à 20 ans et 39 % ceux de 21 à 25 ans. A Metz, le bilan de la journée organisée en juin 2004 pour le vingtième anniversaire de la loi de 1983 soulignait que les bénéficiaires d’un TIG constituent un public de plus en plus jeune et souvent difficile. A Paris, la proportion des « tigistes » de moins de 25 ans est de 68 %. En outre, les éléments de bilan disponibles au niveau national en 1993 ou localement en 2003 montrent que les missions exécutées par les « tigistes » étaient principalement des travaux d’entretien et de rénovation de l’environnement (21,5 % en 1993) ou des équipements (23,5 % en 1993) et de la voie publique (11,5 % en 1993). Les collectivités publiques constituaient l’essentiel des organismes d’accueil, loin devant les établissements publics et les associations (respectivement 63,9 %, 12 % et Enfin, en 1993, le TIG était surtout prononcé pour réprimer des vols mais la proportion des infractions liées à la sécurité routière était en progression. Depuis, les situations locales se sont diversifiées, de telle sorte que, en ville, les bénéficiaires de TIG sont essentiellement des condamnés pour des problèmes liés à la toxicomanie tandis qu’en zone rurale ce sont surtout les auteurs de faits liés à l’alcoolisme qui sont concernés. 2 - Les difficultés de mise en oeuvre Cette situation a conduit certains SPIP à mettre en place une organisation spécifique : dans l’Essonne, une équipe spécialisée a été constituée par des travailleurs sociaux volontaires, qui connaissent les personnels encadrant les « tigistes » et entretiennent avec eux des relations suivies ; à Paris, un pôle TIG a été constitué sur le même modèle en 1998 et s’est doté d’outils de travail qui lui permettent d’avoir une vue précise et actualisée des postes disponibles et des profils exigés pour les occuper. Mais tous les départements ne parviennent pas à se mobiliser de la même manière. Celui du Cher, par exemple, regrettait de n’avoir pas réalisé un état des lieux précis lui permettant d’avoir une bonne lisibilité des lieux d’accueil, des postes ou des habilitations à renouveler sur l’ensemble du département. Ce sont évidemment les contraintes de personnel qui expliquent de telles carences. La mise en oeuvre effective des TIG se heurte, ensuite, aux limites du réseau de partenaires susceptibles d’accueillir des publics difficiles. Le dynamisme des équipes en charge des TIG contribue à l’entretenir (comme à Paris et dans le Val de Marne) ou à le diversifier, pour répondre aux évolutions du profil des condamnés (Morbihan, Yvelines). Mais les organismes habilités ne disposent pas toujours de personnels aptes à encadrer les tigistes. En outre, le potentiel de postes que peuvent offrir les collectivités n’est pas extensible et d’autres mesures peuvent venir concurrencer les TIG : les placements extérieurs, d’abord, dans lesquels certaines associations préfèrent se spécialiser, mais également le travail non rémunéré que le juge peut proposer dans le cadre d’une proposition de composition pénale. Enfin, le TIG ne peut être utilisé que si le juge décide qu’il est approprié pour le condamné. La marge de manoeuvre de l’administration pénitentiaire est très limitée, puisqu’elle ne peut que s’attacher à convaincre. A Lyon, par exemple, l’évolution des places disponibles est régulièrement communiquée aux autorités judiciaires et des journées TIG sont organisées pour leur présenter les différents types d’accueil possibles. Mais il est difficile pour l’administration pénitentiaire d’aller au-delà. De ce point de vue, on peut s’interroger sur la portée des objectifs quantifiés de progression des TIG qui ont été fixés par l’administration pénitentiaire à chaque direction régionale. Lors de sa conférence d’orientation, celle de Marseille avait souligné que les objectifs 2004 devraient être revus à la baisse compte tenu des charges de travail occasionnées pour les SPIP par l’entrée en vigueur de la loi Perben 2. Elle précisait que ses services ne devaient pas être « engagés sur des objectifs qui, de fait, prendront un caractère secondaire ». Cette prise de position illustre la faible portée des objectifs de progression fixés au niveau central. L’absence de pouvoir réel de l’administration pour accroître le nombre de mesures prononcées par les juges l’explique évidemment, tout comme la priorité donnée au suivi du milieu fermé pour mettre en œuvre des aménagements de peines. **** Décidée en 1999 pour accroître l’efficacité de l’action de l’administration pénitentiaire en matière d’insertion, la création des SPIP est loin d’avoir produit tous ses effets. Sur le plan administratif, les dysfonctionnements relevés par la Cour démontrent que, nés de l’agrégation de structures qui fonctionnaient grâce à leur immersion au sein soit des établissements soit des tribunaux, les SPIP ont été mis en place sans que les moyens, les procédures et les outils nécessaires à leur fonctionnement aient été au préalable définis. La réforme de 1999 a, certes, permis d’accroître la lisibilité des services en leur donnant une véritable identité, comme le souligne l’administration centrale lorsqu’elle explique que les SPIP sont désormais bien identifiés par leurs partenaires institutionnels. Il y a là un acquis indéniable qui facilite le développement des partenariats indispensables pour mettre en place des actions en vue de la réinsertion. Mais, six ans après la mise en place de la réforme, ce résultat positif est le seul qui ait pu être enregistré. S’agissant de la prise en charge des personnes placées sous main de justice, le bilan dressé par la Cour illustre une réelle difficulté des services à exercer l’intégralité de leurs compétences. Ils ne maîtrisent en effet ni le volume ni les modalités de leurs interventions au titre de leurs missions préalables aux jugements et ils doivent faire face aux impératifs d’une prise en charge du milieu fermé d’autant plus lourds que la juridictionnalisation et la systématisation des procédures d’aménagement de peines doivent être assurées dans un contexte d’augmentation de la population incarcérée. Malgré les ambitions affichées en 1999, la prise en charge du milieu ouvert continue de jouer le rôle de variable d’ajustement des moyens disponibles. L’exemple de la Côte d’Or est significatif à cet égard : alors que la polyvalence avait été instituée sans difficulté en 1999, les travailleurs sociaux ont désormais le sentiment qu’elle conduit, de fait, à donner la priorité au suivi des détenus au détriment des personnes relevant du milieu ouvert. Si tel était le cas, cette réorientation de l’activité des travailleurs sociaux serait le signe de l’échec d’une réforme qui entendait être le vecteur d’une amélioration de la prise en charge des personnes placées sous main de justice, en particulier en milieu ouvert : cela aurait des conséquences d’autant plus graves que l’insuffisance du suivi socioéducatif est l’un des freins principaux au développement effectif des mesures alternatives à l’incarcération. RECOMMANDATIONS Pour contribuer à un déploiement plus efficace des alternatives l’incarcération, il conviendrait : [1] Des services constitués au sein des établissements avaient en charge, pour leur part, le suivi socio-éducatif des détenus [2] Circulaire 000338 du 15 octobre 1999 [3] En particulier, la présence des personnels de surveillance doit être organisée de manière continue au sein des établissements [4] Les décrets correspondants ont été publiés au journal officiel du 11 mai 2005 [5] Aux termes des dispositions du code de procédure pénale (article D.544) pendant les six mois suivants sa libération toute personne peut bénéficier à sa demande de l’aide du SPIP du lieu de sa résidence [6] Condamnés pour lesquels il reste soit trois mois d’emprisonnement à subir en exécution d’une peine supérieure à 6 mois mais inférieure à deux ans soit six mois d’emprisonnement à subir en exécution d’une peine supérieure à 2 ans mais inférieure à cinq ans [7] Certains interlocuteurs ont fait état d’une « norme » révélatrice de la tendance à « gérer des stocks ». Il semblerait ainsi qu’un quota ait été défini selon lequel chaque travailleur social ne devrait pas se voir affecter plus de 60 à 70 dossiers. Cette norme n’a en fait aucune existence juridique : elle n’a été fixée ni par l’administration centrale, ni par les syndicats. Elle circule de service en service sans que l’on sache très bien d’où elle vient ni quelle est sa portée : certains parlaient ainsi de 80 voire 100 dossiers [8] La peine s’interrompt pendant un laps de temps au cours duquel le condamné recouvre sa liberté. A son retour sous écrou il reprend sa peine là où il l’avait interrompue [9] Il permet aux détenus d’effectuer des travaux à l’extérieur de l’établissement pénitentiaire sous la surveillance ou non de personnels pénitentiaires, selon la décision du juge [10] Les mesures alternatives à l’emprisonnement, Michaël Janas in Regards sur l’actualité, n°300, avril 2004 [11] Des aménagements d’exception, février 2000, A. Kensey et P. Tournier, étude menée par l’administration pénitentiaire et le centre de recherche sociologique sur le droit et les institutions pénales (CESDIP) [12] L’étude précitée, publiée en 2000 sous l’égide du CESDIP a montré que, au sein de l’échantillon analysé, 82 % des détenus n’avaient bénéficié ni d’un placement extérieur, ni d’une semi-liberté ni d’une libération conditionnelle [13] Sous surveillance électronique : la mise en place du bracelet électronique en France (octobre 2000, mai 2002) Annie Kensey, Anna Pitoun, René Lévy et Pierre Tournier, octobre 2003 [14] Personnes condamnées à une peine inférieure ou égale à 1 an, ou ayant à purger un reliquat de peine inférieur ou égal à 1 an, ou à titre probatoire à la libération conditionnelle pour une durée n’excédant pas 1 an [15] Vérification de la situation familiale ou médicale, de la réalité d’une activité professionnelle ou de formation et de ses caractéristiques en termes de lieux, horaires et moyens de locomotion... [16] L’administration vient de décider qu’elle prendra désormais en charge le coût des communications téléphoniques occasionnées par le PSE [17] L’arrêté du 17 septembre 2003 en prévoyait 13 |