Publié le lundi 27 février 2006 | http://prison.rezo.net/3-la-sortie-de-prison-doit-etre/ CHAPITRE III : 1. Les mesures d’aménagement de peines sans levée d’écrou Sous certaines conditions, les détenus peuvent se trouver « hors les murs », sans levée d’écrou, ce sont les bénéficiaires d’une permission de sortir, d’un placement à l’extérieur, d’une semi-liberté ou, depuis peu, d’un placement sous surveillance électronique (PSE). Encadré 14 : Les mesures d’aménagements de peine Malgré une montée en charge progressive depuis 2000, le PSE reste peu Certaines associations s’interrogent sur le point de savoir si la mesure de En définitive, selon le CESDIP, 82 % des condamnés libérés en 2004 sont sortis en fin de peine sans avoir bénéficié ni d’un placement extérieur, ni d’une semi-liberté, ni d’une libération conditionnelle. Or, ces mesures présentent l’avantage d’être beaucoup moins onéreuses pour l’Etat que les peines d’emprisonnement. En effet, le prix de revient journalier d’un détenu s’élève à 65 €, à 22 € pour un placement sous surveillance électronique et de 12 à 18 € pour un chantier extérieur. Surtout, il est désormais établi que les mesures d’aménagement de peine contribuent à limiter la récidive. L’objectif poursuivi par cette réforme est clairement affirmé à l’article 707 Le JAP dispose alors d’un délai de trois semaines pour, après avis du procureur de la République, décider par ordonnance d’homologuer ou non la proposition. A défaut de réponse du JAP dans le délai de trois semaines, le DSPIP peut décider de mettre en œuvre la mesure d’aménagement de peine. Ce dispositif innovant de remise en liberté progressive et individualisée des condamnés confère aux services pénitentiaires d’insertion et de probation une nouvelle mission délicate mais déterminante en matière de réinsertion et de lutte contre la récidive, ce qui plaide une nouvelle fois pour le renforcement de leurs moyens. Outre la création d’un « sas » de sortie, et sans qu’il soit ici nécessaire de présenter l’ensemble des nouvelles dispositions, il convient de rappeler brièvement que la loi du 9 mars 2004 prévoit notamment : b) Les obstacles à la mise en œuvre des aménagements de peine D’une manière plus générale, le rapport précité recense trois types d’obstacles à la mise en œuvre des mesures d’aménagement de peine. ? L’absence de structures d’hébergement ? Des moyens notoirement insuffisants Les effectifs des magistrats dédiés à l’application des peines, d’une part, ceux des greffes et des SPIP affectés à cette mission, d’autre part, demeurent en nombre très insuffisant. Ainsi, sur les 8 779 emplois de magistrats comptabilisés en 2004, les juges de l’application des peines n’étaient que 295 à la fin 2004, soit 3,5 % de l’ensemble du corps des magistrats alors même que leurs missions sont considérablement étendues par la loi du 9 mars 2004. Le manque de moyens a été récemment dénoncé par les travailleurs sociaux de l’administration pénitentiaire lors d’un mouvement national et inter-syndical, le 29 novembre 2005. Ceux-ci déclaraient dans la presse : « nous n’avons pas le temps d’aller voir les détenus qui ne se manifestent pas à nous. La plupart des personnes qui sortent de maison d’arrêt n’ont pas bénéficié de la préparation nécessaire...Le manque de moyens génère la récidive ». Dans le droit fil des précédentes préconisations figurant dans le rapport de la mission parlementaire confiée au député Jean-Luc Warsmann (2003), le rapport préconise également un renforcement significatif des moyens des SPIP. D’autant que, « si les SPIP bénéficiaient de 500 emplois-jeunes, ces derniers sont amenés à disparaître (...) entraînant, de ce fait certaines difficultés. » Dans son précédent rapport (2003), le député Jean-Luc Warsmann proposait déjà le renforcement massif des SPIP par la création d’une nouvelle fonction d’agent de probation. Ainsi, « La création d’une fonction d’agent de probation, agissant au sein du service pénitentiaire d’insertion et de probation, permettrait d’adapter les effectifs du service aux besoins avec la souplesse nécessaire. En matière d’enquête par exemple, cette souplesse est indispensable pour une bonne réactivité. » Ainsi, les fonctions de conseiller d’insertion et de probation pourraient évoluer, afin de leur réserver les tâches de conception du suivi, d’orientation et de supervision, tandis que les agents de probation « agissant sous leur contrôle assureraient notamment les visites à domicile, les contrôles téléphoniques, les envois de courriers, veilleraient dans certains cas au respect des échéanciers définis par les conseillers d’insertion et de probation, en vue du remboursement des victimes, etc.... » (proposition n° 82 du rapport). Cette évolution statutaire mérite réflexion. Malgré ses avantages évidents, une telle mesure pourrait avoir pour effet d’éloigner les CIP de leur action de terrain au contact direct des détenus. Les pouvoirs publics pourraient être tentés d’utiliser ce nouveau corps d’agents de probation, moins qualifié, pour compenser ainsi à moindre coût la faiblesse numérique du corps des CIP. 2. Les mesures de libération conditionnelle 2.1. Les réformes récentes de la libération conditionnelle Actuellement, en application de l’article 729 du code de procédure pénale, la libération conditionnelle peut être accordée aux condamnés qui ont accompli au moins la moitié de leur peine. Les récidivistes, quant à eux, ne peuvent être libérés que s’ils ont effectué au moins les deux tiers de leur peine. En revanche, les personnes condamnées à la réclusion criminelle à perpétuité ne peuvent prétendre à une libération conditionnelle qu’au terme de quinze années de détention, tandis que les condamnés à une peine privative de liberté assortie d’une période de sûreté doivent attendre l’expiration de celle-ci - dix-huit ans le plus souvent - pour demander leur libération conditionnelle. L’article 729 du code de procédure pénale prévoit également que les condamnés ne peuvent bénéficier d’une libération conditionnelle que « s’ils manifestent un effort sérieux de réadaptation sociale, notamment lorsqu’ils justifient soit de l’exercice d’une activité professionnelle, soit de l’assiduité à un enseignement ou à une formation professionnelle ou encore d’un stage ou d’un emploi temporaire en vue de l’insertion sociale, soit de leur participation essentielle à la vie de famille, soit de la nécessité de subir un traitement, soit de leurs efforts en vue d’indemniser leurs victimes ». Par ailleurs, l’octroi de la libération conditionnelle est subordonné à l’accord de l’intéressé. Selon les cas, l’octroi de la libération conditionnelle est décidé par le juge de l’application des peines ou par le tribunal de l’application des peines. Le juge de l’application des peines est compétent si la durée de la peine prononcée n’excède pas dix ans ou si la peine restant à purger est inférieure ou égale à trois ans. Dans les autres cas, la libération conditionnelle est accordée par le tribunal de l’application des peines. Conformément au code pénal, la libération conditionnelle est assortie de mesures de contrôle, dont le respect est obligatoire pendant le délai d’épreuve : les unes, de droit commun, s’appliquent à tous les bénéficiaires de la libération conditionnelle, tandis que les autres dépendent de la situation spécifique du condamné. Les mesures de contrôle de droit commun visent à faciliter la surveillance de l’intéressé et à vérifier son reclassement par le service pénitentiaire d’insertion et de probation. Elles portent notamment sur l’emploi, la résidence et les déplacements. En outre, le condamné peut être obligé de résider en un lieu déterminé, d’exercer une activité professionnelle ou de suivre une formation, de se soumettre à des examens médicaux, des traitements ou des soins, y compris dans la cadre d’une hospitalisation, de contribuer aux charges familiales ou de payer les pensions alimentaires, de réparer les dommages causés, etc. Le juge peut également lui interdire de conduire certains véhicules, de fréquenter certains lieux, d’entrer en relation avec certaines personnes - notamment la victime -, d’engager des paris, ainsi que de détenir ou de porter une arme. Or, les articles 23 et 24 de la recommandation du Conseil de l’Europe, adoptée le 30 septembre 1999 invitent les Etats à « favoriser le développement des mesures permettant de réduire la durée effective de la peine purgée, en préférant les mesures individualisées, telles la libération conditionnelle, aux mesures collectives (grâces collectives, amnisties) de gestion du surpeuplement carcéral » (Art. 23). De même l’article 24 précise que « La libération conditionnelle devrait être considérée comme une des mesures les plus efficaces et les plus constructives qui, non seulement, réduit la durée de la détention mais contribue aussi de manière non négligeable à la réintégration planifiée du délinquant dans la communauté ». De nombreux pays européens sont confrontés, depuis un certain nombre Pourtant, comme l’indique une étude de mai 2005, « les taux de retour sous écrou des condamnés ayant bénéficié d’une libération conditionnelle sont, dans toutes les cohortes étudiées, plus faibles que les taux des libérés en fin de peine » [6]. La libération conditionnelle n’est pas seulement un outil essentiel contre la récidive. Elle constitue aussi un moyen de lutter contre le surpeuplement carcéral. Une autre raison qui peut expliquer le faible nombre de libérations 2.3. Des comparaisons européennes En France, les débats suscités par certaines décisions de libération conditionnelle ont conduit le Sénat à réaliser une étude (2005) visant à examiner les principales règles qui régissent les dispositifs équivalents dans divers pays européens, l’Allemagne, l’Angleterre et le pays de Galles, la Belgique, le Danemark, l’Espagne, l’Italie et les Pays-Bas. Cette étude comparative a fait apparaître, d’une part, l’individualisation croissante des décisions de libération conditionnelle et, d’autre part, la généralisation du délai d’épreuve et une meilleure prise en compte de la situation des victimes. Quelques pays font exception à cette règle et accordent la libération conditionnelle de façon automatique : les Pays-Bas, ainsi que l’Angleterre et le pays de Galles. Tous les condamnés bénéficient de la libération conditionnelle automatique aux Pays-Bas, tandis que seuls les détenus a priori considérés comme les moins dangereux en bénéficient en Angleterre et au pays de Galles. Aux Pays-Bas, aucune condition n’est requise de la part du détenu, dont la libération à mi-peine est automatique, sauf dans certains cas particuliers. En Angleterre et au pays de Galles, le Conseil de la libération conditionnelle ne se livre à une appréciation des risques qu’une libération ferait courir à la société que pour certains détenus : d’une part, ceux qui ont été condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité et, d’autre part, ceux qui ont commis une infraction sexuelle ou une autre infraction violente et que le tribunal considère comme récidivistes potentiels. b) La généralisation du délai d’épreuve c) La prise en compte de la situation des victimes En Belgique, les commissions ad hoc qui prennent actuellement les B - DES PARTENARIATS QUI RESTENT À DÉVELOPPER Si une personne incarcérée n’est pas impliquée dans une démarche personnelle d’insertion, si elle n’a pas préparée sa sortie, le rétablissement des droits sociaux risque de prendre des mois et laisse la personne sans ressource, alors tous les facteurs de récidive sont réunis. C’est la raison pour laquelle, il importe que les conditions du rétablissement des droits sociaux soient réalisées avant la sortie de prison. Pour cela, une logique de partenariat a été mise en place par l’administration pénitentiaire tant en interne (1) qu’en externe (2). 1. Un partenariat organisé en interne Tout le travail portant sur la préparation à la sortie nécessite une forte transversalité, tant au niveau des services que des différents corps de métier au sein de l’administration pénitentiaire. Toutes les catégories de personnels sont concernées, chacune dans son champ de compétence : Le partenariat interne comprend également le groupement privé lorsque l’établissement est à gestion mixte ainsi que les services de santé dans tous les établissements pénitentiaires. 1.2. Une préparation à la sortie tout au long du parcours de détention Plus concrètement, cette préparation se traduit par la possibilité d’entretiens avec les partenaires externes faisant partie des services publics de l’emploi (ANPE, Assedic par exemple) et des organismes sociaux, par le suivi des dossiers de sortie (documents d’identité, RMI, APL par exemple) et par la tenue d’un entretien dit de fin d’incarcération. Ce dernier est l’occasion, pour le travailleur social pénitentiaire référent, de faire un bilan de fin de détention avec les personnes sortantes. Dans le cadre de la préparation à la sortie, la personne détenue devrait pouvoir sortir, dans tous les cas de figure, avec a minima : un justificatif d’identité ; une attestation de couverture sociale ; un bilan de sa situation pénale et sociale ; des dossiers pré-instruits selon les cas (RMI, Assedic, APL par exemple) ; un guide d’informations sur les droits sociaux et démarches administratives, un « kit sortant », ainsi que cela est prévu dans la circulaire relative à la lutte contre l’indigence, pour les personnes indigentes. Sur ce dernier point, la commission d’indigence de chaque établissement décide, selon les cas, de l’attribution de vêtements ou d’un « kit sortant » comprenant au minimum des titres de transport, une carte téléphonique et des chèques multiservices. Ces dispositifs sont encadrés par diverses circulaires et conventions parmi lesquelles, on peut citer : En outre, les liens se développent avec les caisses d’allocations familiales (CAF) concernant le Revenu minimum d’insertion (RMI). Certains sites, par le biais d’une association agréée par la CAF, permettent à des détenus de bénéficier d’une avance sur leur droit supposé au RMI au moment de leur sortie. Le dispositif d’avance sur droit supposé n’est malheureusement pas appliqué dans tous les centres CAF. Le partenariat avec les CPAM s’accroît lui aussi, notamment autour de la CMU (couverture maladie universelle), de la CMU complémentaire et de l’aide médicale d’Etat. Ces dispositifs se sont mis en place dans la plupart des établissements pénitentiaires mais les efforts consentis et les résultats obtenus ne sont pas toujours à la hauteur des besoins des sortants de prison. Selon l’OIP « le faible niveau d’intervention de l’ANPE en prison (...) est caractéristique de l’engagement insuffisant de l’Etat en matière d’aide aux sortants. En 2003, l’Agence disposait de 63 équivalents temps plein pour l’ensemble des prisons françaises. » [10] Ce dernier chiffre doit être rapproché du nombre d’établissements pénitentiaires, soit 188. L’enquête sur les sortants de prison conduite par l’administration pénitentiaire (1997) montrait que les personnes libérées ont peu recours aux organismes d’aide à l’emploi, malgré une proportion de chômeurs importante (60 %). Moins du quart des sans-emploi sont inscrits à l’ANPE, moins de 20 % aux Assedic (pour obtenir l’allocation d’insertion). Le RMI a été sollicité par à peine 14 % des personnes sans-emploi pouvant y prétendre. « Il semblerait que ceci soit dû à un manque d’information » selon cette étude. ? Tutorat-parrainage D’une manière générale, ce dispositif consiste à accompagner les personnes en difficulté, dépourvues de réseaux personnels de relation avec les milieux professionnels, dans leur recherche d’emploi, et à contribuer avec le réseau d’accueil et de suivi des personnes à trouver des solutions à leurs problèmes extraprofessionnels. En décembre 2005, le garde des Sceaux a présenté un nouveau dispositif de parrainage des jeunes sous mandat judiciaire par des chefs d’entreprise, des professions libérales, des artisans, notamment. A la maison d’arrêt de Valence, l’association Escale est à la fois concessionnaire et organisme de formation professionnelle. Trois permanents de l’association ont accès au quartier de détention, où ils mènent des actions de formation. Les détenus rénovent et entretiennent les locaux (plomberie, hygiène, électricité, mise aux normes des cellules). Créée en 1955, cette associationn’accueille pas seulement les sortants de prison mais toute personne en difficulté passagère [13]. Elle contribue également à la préparation à la sortie grâce au réseau social dans lequel elle est impliquée et au tissu économique dans lequel elle s’est inscrite notamment par la mise en place de chantiers d’insertion [14]. Au centre pénitentiaire de Rennes, une entreprise d’insertion emploie les détenus en atelier à la réalisation de maquettes de navires 2.3. Le partenariat avec les associations En dépit de leurs actions, SPIP et associations ne parviennent pas à Une enquête du CREDOC (2002) relative à l’organisation de la prise en charge des personnes sorties de détention [15] montre que des partenariats existent mais qu’ils « se font au coup par coup, en fonction des situations et des besoins, plutôt que dans une logique de construction de parcours de préparation à la sortie ». Ainsi, outre le faible nombre de structures de réinsertion, il n’existe pas de schéma d’organisation de la prise en charge des sortants de prison au plan local. Par ailleurs, de nombreuses associations accueillent des personnes bénéficiant d’un aménagement de peine, sous le régime par exemple du « placement extérieur ». Elles emploient les sortants de prison au moyen de contrats aidés (CES auparavant, nouveaux contrats « aidés » de la loi de cohésion sociale) dont l’accès reste contingenté donc limité. Certaines associations [16] s’inquiètent aussi de la disparition des stages de type SIFE, bien que les contrats d’avenir et le Contrat d’insertion dans la vie sociale (CIVIS) pour les jeunes de moins de 26 ans, inscrits dans le plan de cohésion sociale auxquels peuvent prétendre les sortants de prison, devraient prendre le relais de ce dispositif. Dans certains cas, l’étendue des missions confiées au secteur associatif va bien au-delà du simple partenariat et s’apparenterait davantage à une délégation de service public. A titre d’exemple, la convention conclue le 11 février 2005 entre la DRSP de Paris et une association chargée de la réinsertion des détenus [17] a soulevé des critiques de la part de plusieurs syndicats pénitentiaires. La vigilance est nécessaire pour permettre le respect des missions régaliennes de l’Etat sans reléguer pour autant le monde associatif à un rôle de substitut qui freinerait ses capacités d’innovation. II - UN SUIVI POSTCARCÉRAL PLUS ENCADRÉ Il en va ainsi des privations de droits qui peuvent prolonger la condamnation. Il s’agit par exemple de l’interdiction de voter ou d’exercer A cela s’ajoute le fait que certaines professions s’imposent une obligation de moralité liée à l’absence de passé pénal. Il en est de même de certains secteurs d’activité, telles la fonction publique, les banques, les assurances, la sécurité, qui font de l’absence de passé pénal une condition sine qua non d’accès. Cette situation, qui restreint les possibilités de réinsertion sociale et professionnelle des personnes sortant de prison, appelle sans aucun doute à une réflexion sur le casier judiciaire, ses finalités, et à un ré-examen des conditions de sa divulgation. 1.1. Le casier judiciaire : contenu et destination des bulletins Le casier judiciaire peut être communiqué sous certaines conditions sous la - le bulletin numéro deux : ce bulletin est en quelque sorte la version allégée du bulletin numéro un. N’y figurent pas notamment les condamnations prononcées à l’encontre des mineurs, les condamnations avec sursis lorsque le délai de mise à l’épreuve a pris fin sans nouvelle décision, les condamnations prononcées par le tribunal de police, les décisions dont la mention a été exclue par le tribunal lors du jugement, les condamnations effacées par la réhabilitation, à l’expiration d’un délai de cinq ans, les condamnations prononcées sans sursis en application des articles 131-5 à 131-11 du code pénal (peines substituées à des peines d’emprisonnement). Le bulletin numéro deux ne peut être remis qu’à certaines autorités administratives et militaires pour des motifs strictement énumérés (accès à un emploi public, obtention d’une distinction honorifique) - le bulletin numéro trois : ce bulletin ne fait mention que des condamnations les plus graves, à savoir les peines de prison sans sursis supérieures à deux ans pour crime ou délit, inférieures à cette durée si le tribunal en décide, ainsi que les condamnations à des interdictions, déchéances, ou incapacités prononcées sans sursis à titre de substituts à l’emprisonnement et également les décisions de suivi socio-judiciaire. Le bulletin numéro trois ne peut être délivré qu’à la personne qu’il concerne. C’est ce bulletin qui est demandé par certains employeurs. 1.2. Les fonctions et les effets du casier judiciaire De fait, la problématique du casier judiciaire comporte plusieurs approches ou dimensions. Une dimension judiciaire tout d’abord, qui fait de la connaissance des antécédents l’une des conditions d’une justice efficace. Cette dimension n’est pas contestable. La restitution des antécédents judiciaires facilite en effet l’adaptation et l’individualisation de la peine et de son application. Une autre dimension du casier judiciaire est d’ordre sécuritaire. Elle s’appuie sur l’idée selon laquelle l’inscription au casier judiciaire aurait un effet dissuasif et concourrait de ce fait à la prévention de la récidive. Le débat sur cette question est évidemment ouvert et les points de vue souvent divergents. Néanmoins, il y aurait lieu de s’interroger sur la pertinence d’un lien automatique entre casier judiciaire et prévention de la récidive, ne serait-ce qu’en raison précisément du niveau élevé du taux de récidive. La lutte contre la récidive passe sans doute plus sûrement par la mise en oeuvre de dispositifs permettant aux personnes condamnées, en particulier aux personnes détenues, de se reconstruire et se réinsérer socialement et professionnellement ou pour celles qui en ont besoin d’une véritable prise en charge sanitaire, notamment psychiatrique. Pour autant, on ne peut écarter le risque que pourrait comporter dans certains cas, pour certaines situations ou professions, l’absence de toute référence aux antécédents judiciaires, notamment dans les cas où des mesures de suivi socio-judiciaire sont ordonnées. Le casier judiciaire comporte en outre une dimension sociale et professionnelle majeure. L’exigence d’un casier judiciaire vierge peut constituer un facteur d’exclusion professionnelle, et par conséquent sociale, dans la mesure où elle conditionne l’accès à de nombreux emplois. C’est le cas en ce qui concerne l’accès à l’emploi public et para-public. Les fonctionnaires de l’Etat sont régis par le statut général des fonctionnaires de l’Etat qui est du niveau de la loi. L’article 5 de la loi 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires prévoit les dispositions suivantes : Ces dispositions, certes restrictives, n’interdisent pas de facto l’accès aux concours et à l’emploi publics. On peut être privé de droits civiques pour une série importante de condamnations civiles. Il en résulte que ceux qui ont fait l’objet de telles condamnations, même pour des délits de faible gravité, se voient interdire définitivement l’entrée dans la fonction publique. La seconde condition relative au bulletin n° 2 du casier judiciaire restreint davantage encore l’accès à la fonction publique. Ceux qui pourraient y prétendre, parce que leur condamnation ne les a pas privés de leurs droits civiques, doivent en outre ne pas être concernés par une mention au bulletin n°2 du casier judiciaire qui soit incompatible avec la fonction qu’ils voudraient exercer. En outre, la pratique et la jurisprudence administratives sont très rigoureuses et peuvent aller au-delà de la loi. Ainsi, l’autorité administrative peut tenir compte des faits à l’origine d’une condamnation dont le juge pénal a décidé qu’elle ne serait pas inscrite au casier judiciaire ou qui aurait été effacé du casier. De la même façon, le prononcé d’un non-lieu est indifférent, dès lors, bien sûr, que la matérialité des faits qui avaient donné lieu à poursuite est établie. De même, un arrêt du Conseil d’Etat de 2004 confirme le rejet par l’autorité préfectorale d’une candidature au concours d’agent de surveillance chargé d’assurer le contrôle du stationnement payant sur la voie publique, « considérant que la requérante a commis des faits de vol à l’étalage, dans un centre commercial en juillet 1996, alors même que ces faits avaient été classés sans suite et qu’ils n’avaient pas été inscrits au bulletin numéro 2 du casier judiciaire, un tel comportement étant incompatible avec l’exercice de cette fonction. ». [19] Les restrictions des conditions d’accès à l’emploi concernent aussi le secteur privé, où rien n’empêche un employeur de formuler des exigences du même ordre. Certes, le code du travail stipule en son article L 121-6 que « les informations demandées, sous quelques formes que ce soit, au candidat à un emploi ou à un salarié ne peuvent avoir comme finalité que d’apprécier sa capacité à occuper l’emploi proposé ou ses aptitudes professionnelles » et ajoute que « ces informations doivent présenter un lien direct et nécessaire avec l’emploi proposé ou avec l’évaluation des aptitudes professionnelles ». Il n’en demeure pas moins que la formulation de ces conditions reste suffisamment évasive pour en permettre une interprétation très large et exiger un « casier judiciaire vierge ». C’est d’ailleurs ce qui peut être couramment constaté dans les faits, parfois jusqu’à l’outrance. Ainsi cette annonce, faite par une agence de travail temporaire, qui assortit son offre d’emploi de « barmaid » d’un casier judiciaire vierge ! La consultation des offres d’emploi est à cet égard édifiante. Par ailleurs, certaines conventions collectives de branches prévoient explicitement la production du bulletin numéro deux pour accéder à certains emplois. C’est le cas, et cela peut en effet se comprendre, des entreprises de sécurité, telles les entreprises de transports de fonds, et de certains ordres professionnels libéraux. ... En marquant ainsi la personne pendant de longues années du sceau de l’infamie, le casier judiciaire n’a-t-il pas pour effet d’une certaine manière de la condamner une seconde fois et autant de fois qu’elle aura été rejetée au cours de ces longues années ? Sans doute ne faut-il pas en la matière faire preuve d’angélisme, sans doute les situations sont-elles complexes, les risques de réitération réels, sans doute le principe de « précaution » doit-il dans un certain nombre de cas prévaloir, mais n’y aurait il-pas aussi des mesures à prendre pour circonscrire plus strictement les incapacités et les interdictions professionnelles ainsi que la production d’un bulletin numéro trois exempt de toute mention ? D’autres possibilités pourraient être envisagées, comme celle d’exiger qu’il y ait au moins un rapport direct entre les condamnations figurant au bulletin numéro trois et la nature de l’emploi en cause. Peut-être aussi les délais d’apurement automatique du casier judiciaire pourraient-ils être revus et élargies les possibilités de dispense d’inscription au casier judiciaire ou la requête en réhabilitation. 2. Les cloisonnements administratifs et institutionnels Certains SPIP ne disposent pas de régies d’avances permettant de délivrer des aides directes en urgence (numéraire, tickets restaurants, titres de transport...) destinées aux sortants de prison. C’est la raison pour laquelle, dans plusieurs départements, ce sont toujours les régies des tribunaux qui assurent l’approvisionnement des SPIP, ce qui impose aux bénéficiaires de s’y rendre pour pouvoir bénéficier d’aides d’urgence. [21] Au niveau régional, les régions disposent d’une compétence de droit commun en matière de formation professionnelle. Au niveau communal, les villes sont depuis longtemps impliquées dans les dispositifs de prévention de la délinquance à travers notamment la signature des contrats locaux de sécurité. Elles jouent un rôle important en matière d’attribution de logements sociaux. Ce contexte juridique plaide en faveur d’une collaboration accrue entre les services pénitentiaires et les collectivités territoriales. Au-delà de la simple mise à disposition de locaux aux associations, des exemples de partenariat entre les services pénitentiaires et les communes existent déjà, à l’image de celui mis en place à titre expérimental avec la commune de Chanteloup-les-Vignes dans les Yvelines. Selon Jean-Pierre Bailly, Directeur du SPIP des Yvelines, « cette expérimentation menée depuis trois ans et financée en partie sur les crédits de la politique de la ville, devrait être étendue à l’ensemble du territoire intercommunal Chanteloup-Carrières-Conflans. ». Outre la participation des SPIP notamment aux diverses structures de prévention de la délinquance ou de suivi de la politique de la ville, le nécessaire renforcement des relations entre les services pénitentiaires et les collectivités territoriales pourrait passer aussi par une évolution du statut des établissements pénitentiaires. A cet égard, la gestion des établissements pénitentiaires reste encore très peu déconcentrée. La commission d’enquête du Sénat précitée (2000) avait constaté que « la lourdeur administrative pénitentiaire et la centralisation de nombreuses décisions ne facilitaient pas la responsabilisation des acteurs concernés. Dès 1989, dans un rapport sur la modernisation du service public pénitentiaire, M. Gilbert Bonnemaison avait prôné une rénovation des modes de gestion ». Pour faciliter la responsabilisation et l’amélioration de la gestion des établissements, la commission d’enquête du Sénat recommandait l’usage de l’article 3 de la loi de 1987 relative au service public pénitentiaire. Cet article permet d’ériger des établissements pénitentiaires en établissements publics administratifs et de les doter en conséquence d’un conseil d’administration ouvert notamment aux collectivités territoriales. Il n’a reçu pratiquement aucune application depuis 1987 puisque seul l’établissement public de santé national de Fresnes bénéficie de ce statut. Au terme de son incarcération, le service médical doit en principe remettre au patient une lettre destinée au médecin de son choix (hospitalier ou libéral) comportant le nom et les coordonnées du médecin traitant en milieu pénitentiaire et les données médicales essentielles le concernant. Par ailleurs, tous les détenus doivent recevoir à leur sortie un document (remis par le greffe de l’établissement pénitentiaire et établi par le service hospitalier) leur permettant de connaître leurs droits en matière d’accès aux soins et les adresses des lieux de soins hospitaliers, des consultations médicales gratuites mises en place par les organismes humanitaires, des centres médico-psychologiques du dispositif spécialisé en matière de sida, d’alcoolisme et de toxicomanie. Concernant les détenus sous traitement, une ordonnance doit leur être remise par le médecin afin d’éviter une rupture de traitement. Lorsqu’un suivi psychologique a été entrepris en détention et qu’il s’avère nécessaire de le poursuivre, le service médico-psychologique régional (SMPR) doit contacter le secteur psychiatrique général correspondant au lieu de résidence du futur libéré afin de faciliter la poursuite des traitements. Toutes ces recommandations ne sont pas strictement appliquées et des risques de rupture du suivi médical existent concernant en premier lieu la sortie des personnes très désocialisées. Les délais de rendez-vous dans les centres médico-psychologiques sont parfois longs compte tenu du nombre insuffisant de ces structures. En janvier 2005, une consultation psychiatrique en milieu ouvert s’adressant aux auteurs d’agressions sexuelles a été mise en place au sein du Centre de santé mentale Cesame à Angers. Cette structure innovante accueille les agresseurs sexuels placés sous main de justice et propose des prises en charge personnalisées qui s’appuient tout à la fois sur les techniques de l’entretien individuel et les séances de groupe à visée psychanalytique. Cette structure a permis de combler les carences du suivi post-pénal des auteurs d’agressions sexuelles. En effet, pour diverses raisons (manque de formation, relations entre le secteur psychiatrique et la justice...), « les psychiatres libéraux et les équipes des centres médico-psychologiques (CMP) de secteur ne sont guère enchantés d’accueillir les auteurs d’agressions sexuelles dans les lieux de soins. Un grand nombre de ces personnes, pourtant en obligation de soins, n’a pas bénéficié de prise en charge pendant des mois voire des années en raison de telles réticences. » [23]. Encadré 16 : Une consultation psychiatrique, à Angers, pour les auteurs 2.4. Les relations entre les services pénitentiaires et les services sociaux Pour les autres détenus qui entrent dans les critères d’octroi (notamment avoir plus de 25 ans), un dossier de demande de RMI doit en principe être constitué par le SPIP un mois avant la libération et transmis à la Caisse d’allocations familiales (CAF). En pratique, même si le dossier est parfois préparé avant la sortie du détenu, il n’est souvent déposé à l’organisme payeur qu’à la libération effective. Les départements et les CAF peuvent convenir d’un circuit permettant aux détenus de percevoir une avance sur leurs droits le jour de leur sortie ou quelques jours plus tard s’ils changent de département. Mais en pratique, selon l’OIP, cette procédure est rarement mise en œuvre de sorte que le sortant de prison peut parfois attendre plusieurs semaines avant de percevoir le premier versement. [24] Certains libérés peuvent percevoir une allocation spécifique de solidarité dénommée « l’allocation d’insertion ». Son versement est cependant limité par de nombreuses restrictions légales. Les détenus doivent avoir effectué au moins deux mois de prison s’être inscrits comme demandeur d’emploi dans un délai de douze mois à compter de leur libération. Ils peuvent être exclus du bénéfice de cette allocation en raison du motif de leur condamnation. Il s’agit des infractions de trafic de stupéfiants (sauf si l’auteur était mineur au moment de l’infraction), d’enlèvement et séquestration de mineur de moins de quinze ans, détournement d’un moyen de transport public (détournement d’avion, de navire, etc.) et de proxénétisme. 1.1. Renforcer l’action des SPIP dans le suivi socio-éducatif des sortants de prison Pendant les six mois suivant sa libération toute personne peut d’abord bénéficier, à sa demande, de l’aide du Service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) du département de son lieu de résidence. Le SPIP doit notamment s’assurer de la continuité des actions d’insertion engagées en détention, en complémentarité avec les nombreuses associations partenaires. L’action du SPIP peut prendre la forme d’une aide au transport, au financement de nuitées d’hôtel, des repas dans l’attente de l’ouverture des droits au RMI. Depuis plusieurs mois le SPIP 91 par exemple ne dispose plus de budgets en direction des sortants de prison. D’autres SPIP ont considérablement réduit leur participation budgétaire dans le cadre de cette mission. Cette situation oblige les travailleurs sociaux à solliciter davantage le secteur associatif, lui-même en manque de moyens ou à déléguer cette mission aux assistants de service social de secteur. En Ile-de-France, le service régional d’accueil, d’information et Encadré 17 : Le service régional d’accueil, d’information et d’orientation des sortants de prison (SRAIOSP) La question est aujourd’hui posée de la généralisation de ce dispositif à l’ensemble des autres régions françaises dans la mesure où les résultats de son action sont jugés probants. Ce type de structure, éventuellement constituée à l’échelon départemental, offrirait une mutualisation des moyens et des passerelles administratives afin de favoriser l’accès aux droits. Elle serait un lieu d’accueil, d’information et d’orientation des sortants de prison qu’ils fassent l’objet ou non d’une mesure de justice, qu’ils soient hébergés ou non ; et un lieu ressource à destination des travailleurs sociaux y compris de l’administration pénitentiaire. En milieu ouvert, outre leur rôle de coordination et d’évaluation, les CIP devraient « participer à la mise en place et au suivi de programmes destinés à la réinsertion des détenus et adaptés à chaque problématique, comme il en existe déjà au Canada par exemple. Un programme de ce type vient d’être mis en place à Fresnes à destination des agresseurs sexuels pédophiles, basé sur les techniques de la psychothérapie de groupe. » [27]. Il existe actuellement des programmes spécialement dédiés aux infractions à la législation routière. Cette notion de programme peut se décliner pour l’ensemble des facteurs de délinquance, alcoolisme, toxicomanie, violence intra-familiale, difficultés d’insertion professionnelle, etc... Chaque programme doit être clairement défini dans ses objectifs et ses modalités d’action par un protocole détaillé, afin de permettre une évaluation postérieure. Depuis quelques années, la FARAPEJ milite pour la mise en place d’un Projet d’accompagnement personnalisé d’exécution de la sanction (PAPES) [28]. Ce projet d’accompagnement personnalisé serait proposé à tout condamné dès l’entrée en prison et resterait valable même après la levée d’écrou dés lors que la personne sanctionnée continuerait à être suivie en milieu ouvert (annexe n° 8). De longue date, le secteur associatif, par sa force militante, joue auprès des personnes détenues et des sortants de prison un rôle considérable, auquel notre Assemblée tient à rendre hommage. Il a développé des compétences, des savoir-faire et a mis en place des « plateaux techniques » en vue de favoriser la réinsertion des personnes placées sous main de justice. Il est le principal opérateur dans ce domaine et intervient en étroite complémentarité avec les SPIP. Les associations, parce qu’elle répondent à des besoins ciblés complètent, sans s’y substituer, l’intervention des services du secteur public, qui dans le champ de la réinsertion a une vocation plus généraliste. Par exemple, face à un jeune toxicomane, le travailleur social du SPIP aura la possibilité de l’orienter vers une association d’aide aux toxicomanes proche de son domicile et vers le club de prévention, lesquels apporteront leur connaissance de la population locale du quartier et de ses difficultés, donc de l’environnement du jeune ainsi que de sa famille, au secteur public. Ce secteur dispose en outre d’une souplesse d’organisation qui lui permet d’adapter en permanence les outils d’insertion et d’hébergement en proposant par exemple des prises en charge spécifiques pour les personnes alcooliques, toxicomanes ou les délinquants sexuels. Elle possède aussi une bonne capacité à mobiliser l’ensemble des partenaires, de l’administration pénitentiaire, des collectivités territoriales, du secteur sanitaire et social notamment. Paradoxalement, alors que la situation sociale des personnes incarcérées s’est dégradée et que la prise en charge des personnes placées sous main de justice en situation d’exclusion s’est complexifiée au fil du temps, les associations qui œuvrent à la réinsertion des détenus connaissent une situation financière toujours précaire. Les associations concernées sont pour la plupart financées sur la base d’un prix de journée qui varie entre 25 et 35 € selon les cas, prix de journée qui ne couvre que la moitié du coût réel de la prise en charge du sortant de prison. La fédération « Citoyens et Justice » [29] demande notamment que le mode de financement, aujourd’hui éclaté avec des subventions versées par au moins cinq ou six financeurs différents, soit sécurisé sous la forme d’une dotation globale dont le montant devrait être évalué de manière à répondre à l’ensemble des besoins. S’agissant des places dans les CHRS, le rapport précité du CESR de Basse-Normandie notait que dans cette région « le nombre de places disponibles dans ces structures d’hébergement se situe très en deçà des besoins réels. » [30] Récemment, l’administration pénitentiaire a effectuée une grande enquête (2005) sur l’hébergement des personnes sortants de prison [31] auprès de 137 établissements pénitentiaires qui a notamment mis en évidence les difficultés d’accéder à certaines structures d’hébergement comme les CHRS. Trois enseignements principaux ressortent de cette enquête : Dans certaines régions, comme la région parisienne, obtenir une place dans un CHRS pour un sortant de prison relève du parcours du combattant. La personne libérée devra au préalable séjourner dans un hébergement d’urgence (régulation assurée par le 115), puis sera orientée vers un service d’accueil rapide (SAR) pour une durée de trois semaines environ, avant de pouvoir bénéficier d’une place en CHRS ! Certes, l’administration pénitentiaire a signé des conventions avec quelques associations gestionnaires de CHRS lesquels réservent ainsi des places d’hébergement aux sortants de prison. A titre d’exemple, l’association ESPERER 95 dispose d’un CHRS de 11 places accueillant des hommes et des femmes placés sous main de justice (publics sous contrôle judiciaire ou qui bénéficient d’un aménagement de peine) ou en fin de peine. Mais ce type de conventionnement mériterait d’être généralisé car l’offre d’hébergement proposée aux sortants de prison reste insuffisante. Les CHRS sont fréquemment conduit à refuser des admissions faute de places disponibles [32]. En profondeur, la question de l’accès aux structures d’hébergement des sortants de prison doit être replacée dans le cadre plus général de la crise du logement social mis notamment en évidence par le dernier rapport du Haut comité pour le logement des personnes défavorisées (2005) [33]. La nouvelle loi de cohésion sociale, adoptée le 18 janvier 2005, devrait renforcer le dispositif national d’accueil, d’hébergement d’urgence et d’insertion. Le nouveau plan prévoit la création de 1 800 places en centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) et de 4 000 places en centres d’aide pour les demandeurs d’asile (CADA). Cette nouvelle loi stipule également que les personnes hébergées dans le dispositif d’urgence seront désormais considérées comme prioritaires pour l’attribution de logements locatifs sociaux. Cependant, la loi nouvelle ne donne aucun nouveau moyen ni aucune orientation concernant la réforme du fonctionnement des CHRS, lesquels restent fragiles dans la mesure où ils sont soumis à de nombreux aléas dans l’octroi des aides et des financements publics. Le renforcement de la veille sociale n’est pas non plus mis à l’ordre du jour, à l’inverse de ce que souhaitaient les acteurs associatifs et de ce qui avait été décidé par le Comité interministériel de lutte contre les exclusions en juillet 2004, concernant notamment le renforcement du 115, des services d’accueil et des équipes mobiles [34]. 2.1. Le dispositif en vigueur Confronté à ces évolutions, le législateur [35] a mis en place des instruments spécifiques de contrôle des condamnés sexuels à l’instar du suivi socio-judiciaire. Dans ce cadre, et au titre des mesures de surveillance et de contrôle destinées à prévenir la récidive comme le précise l’article 131-36-1 du code pénal, le condamné peut être contraint, d’une part, de s’abstenir de paraître en certains lieux accueillant des mineurs ou de fréquenter certaines personnes et, d’autre part, de ne pas exercer une activité professionnelle impliquant un contact habituel avec les mineurs. La durée maximale du suivi socio-judiciaire a été allongée par la loi n°2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, qui prévoit même la possibilité d’un suivi sans limitation de durée, en répression des crimes punis de la réclusion criminelle à perpétuité. Parmi les mesures de surveillance et d’assistance qui peuvent être imposées au condamné dans le cadre du suivi socio-judiciaire figure l’ensemble des obligations et interdictions prévues dans le cadre du sursis avec mise à l’épreuve [36], et plus particulièrement l’obligation de soins. Dans le cadre du sursis avec mise à l’épreuve, d’une peine de suivi socio-judiciaire ou d’un aménagement de peine d’emprisonnement, l’obligation de soins est prononcée, selon les cas, par la juridiction de jugement ou le juge de l’application des peines, avec ou sans expertise médicale préalable, qui impose à un condamné de se soumettre à des soins et à un suivi médical pendant un temps déterminé. Par ailleurs, s’il est établi après une ou plusieurs expertises médicales que l’auteur est susceptible de faire l’objet d’un traitement, une injonction de soins peut être prononcée, soit par la juridiction de jugement [37], soit, après la condamnation initiale, par le juge de l’application des peines [38]. Cette mesure est prononcée dans le cadre d’une peine de suivi socio-judiciaire, à l’encontre d’un condamné pour crime ou délit à caractère sexuel, s’il est établi après une expertise médicale que la personne est susceptible de faire l’objet d’un traitement. Le dispositif de l’injonction de soins est mis en oeuvre par deux médecins, le premier, psychiatre et « coordonnateur », est désigné dans le ressort de chaque tribunal de grande instance par le procureur de la République, le second, médecin traitant étant conseillé au condamné par le coordonnateur. 2.2. Le suivi socio-judiciaire se heurte à de nombreuses difficultés Le nombre des suivis socio-judiciaires prononcés demeure particulièrement faible : 5 en 1998, 75 en 1999, 265 en 2000, 421 en 2001 et 645 en 2002, soit moins de 8 % des délinquants sexuels incarcérés. Comme le notait déjà le rapport précité de la commission Santé-justice (2005) « la mise en œuvre d’une peine aussi spécifique que le suivi socio-judiciaire, tant en termes de durée que de coordinations entre les différents acteurs, nécessite que les juges de l’application des peines et les conseillers d’insertion et de probation soient en nombre suffisant. Or, les tribunaux souffrent actuellement d’une pénurie de moyens qui a pu, à juste titre, décourager certaines juridictions d’ordonner des suivis socio-judiciaires qui resteraient inappliqués. » D’autres éléments d’information émanant des praticiens consultés par la mission parlementaire tendent à montrer que ce dispositif est mal appliqué. Ainsi, le rôle des SPIP n’est pas défini par le décret pris en application de la loi du 17 juin 1998 précitée [40], alors même que ces services doivent assurer l’accompagnement des condamnés astreints au suivi socio-judiciaire en vue de leur éventuelle démarche vers l’offre de soins. De plus, la pénurie de médecins psychiatres dans le secteur public conduit à ce que de nombreux TGI soient dépourvus de médecin coordonnateur. En outre, la prise en charge des délinquants sexuels se heurterait également à des oppositions doctrinales d’une grande partie de cette profession. En effet, comme l’a indiqué à la mission parlementaire Mme Betty Brahmy, de nombreux psychiatres considèrent que les délinquants sexuels étant des « pervers » au sens clinique du terme, ils ne peuvent, de ce fait, être soignés et ne relèvent donc pas de la psychiatrie à la différence des « schizophrènes ». Cette position de principe, méconnue de l’opinion publique, « est d’autant plus difficile à accepter par les élus de la Nation que les délinquants sexuels font généralement l’objet d’une prise en charge psychiatrique au cours de leur incarcération. Dans ces conditions, on comprend mal pourquoi ce qui semble envisageable en milieu carcéral devient impossible en milieu ouvert. » Ce refus de prendre en charge une population, certes éminemment difficile, tiendrait également à sa relative méconnaissance par les psychiatres. En effet, la formation initiale des médecins psychiatres ne comprend aucun enseignement spécifique sur les délinquants sexuels, ce qui ne favorise pas leur investissement en tant que coordonnateur de l’injonction de soins. C’est pourquoi, afin d’améliorer l’application de l’injonction de soins, la mission souhaite que la formation initiale des psychiatres comprenne un enseignement spécifique sur les délinquants sexuels. De même, l’accès à la fonction de médecin traitant dans le cadre de l’injonction de soins devrait être réservé aux médecins ayant bénéficié d’une formation particulière en cette matière (proposition n° 17 du rapport). Enfin, une autre source des dysfonctionnements du suivi socio-judiciaire avec injonction de soins tient au fait que l’article L. 3711-1 du code de la santé publique dispose que la personne en charge du traitement doit être un médecin. Or, cette exigence constituerait une véritable entrave à la mise en œuvre de l’injonction de soins tant les postulants médecins sont rares pour exercer cette pénible mission. C’est pourquoi, la mission suggère que les titulaires d’un diplôme universitaire de troisième cycle en psychologie clinique (DESS) puissent également être proposés comme responsables du traitement du condamné sexuel par le médecin coordonnateur (proposition n° 18 du rapport). A cet égard, l’article 26 de la loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales stipule que « si la personnalité du condamné le justifie, le médecin coordonnateur peut inviter celui-ci à choisir, soit en plus du médecin traitant, soit à la place de ce dernier, un psychologue traitant dont les conditions du diplôme et les missions sont précisées par le décret prévu par l’article L. 3711-5. » Par ailleurs, le rapport de la commission santé-justice (2005) propose d’élargir le champ d’application de la peine de suivi socio-judiciaire. Si le caractère novateur du suivi socio-judiciaire a pu inciter le législateur à limiter prudemment son application aux infractions à caractère essentiellement sexuel, la commission « considère qu’il pourrait aujourd’hui être utilement étendu, d’une part, en matière d’injonction de soins, à toutes les personnes souffrant de troubles mentaux en lien avec l’infraction commise et, d’autre part, pour les autres mesures de surveillance et d’assistance, à tous les auteurs présentant un état de dangerosité criminologique (proposition n°20). ». [1] « La mise en place du bracelet électronique en France (octobre 2000, ami 2002 », Annie Kensey, Anna Pitoun, René Lévy et Pierre Tournier, octobre 2003 [2] Livre blanc sur « les difficultés liées à la mise place et à la gestion de la mesure de placement extérieur par le secteur associatif », association ESPERER 95, avril 2005 [3] Rapport d’information de la commission des lois de l’Assemblée nationale sur la mise en application de la loi 2004-204 du 9/03/04 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, n°2378, Jean-Luc Warsmann, juin 2005. [4] Etude de législation comparée du Sénat, « La libération conditionnelle », novembre 2005 [5] Tournier, 1997 et Commission Farge, 2000 [6] « Sortants de prison : variabilité des risques de retour », A. Kensey et P.V. Tournier, Cahiers de démographie pénitentiaire, mai 2005 [7] « La libération conditionnelle, une nécessité », Monique Pelletier, Le Monde, juillet 2005 [8] « Les systèmes de libération sous condition dans les Etats membres du Conseil de l’Europe », P.V. Tournier, Champ pénal, Vol. I, avril 2004 [9] Entretien le 8 décembre 2005 du rapporteur avec Mme Grosdoigt, correspondante ANPE-Justice [10] Rapport 2005 de l’OIP, p.240 [11] Etablissements de Lyon, Saint-Etienne et Valence [12] Loi du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre l’exclusion - Décret du 19 février 1999 relatif à l’insertion par l’activité économique [13] Une structure d’insertion, Bruno Faure in revue Prison-Justice n°99, mars 2004 [14] Association agréée par le Comité départemental d’insertion par l’activité économique (CDIAE) [15] CREDOC, L’organisation de la prise en charge des sorties de détention, 2002 [16] Entretien du rapporteur avec Mme Huguette Bensaïd, responsable de l’association CIFA, le 27 juin 2005 [17] Entretien du rapporteur avec M. Imanuel PAJAND, responsable du secteur insertion au sein de l’association FAIRE, le 29 mars 2005 [18] « Se réinsérer malgré les freins juridiques », Martine Herzog-Evans, Dedans-Dehors, n°20, juillet 2000 [19] Cité par Nicolas Perrault, bâtonnier du barreau des Yvelines. Deuxièmes rencontres parlementaires sur les prisons ; 7 décembre 2005. [20] Rapport de la mission parlementaire confiée à Jean-Luc Warsmann, avril 2003, p.64 [21] Garde et réinsertion, la gestion des prisons ; rapport public thématique ; Cour des comptes ; p.98 ; janvier 2006 [22] Guide méthodologique relatif à la prise en charge sanitaire des personnes détenues, Ministère de la santé, 2004 [23] « Une consultation psychiatrique pour les auteurs d’agressions sexuelles », Patrice Roy, revue SOINS n°701, décembre 2005 [24] Rapport d’activité 2005 de l’OIP, op. cit [25] Variations sur le thème de l’accompagnement, Madeleine Perret, in L’accompagnement en question, revue Prison-Justice n°99, mars 2004 [26] Visite sur place et entretien du rapporteur avec Mme Dominique Perrault, responsable du SRAIOSP, le 2 novembre 2005 [27] Rapport de la mission parlementaire confiée à Jean-Luc Warsmann, op. cité [28] « De la détention à la liberté : questions sur l’accompagnement », colloque organisé par la FARAPEJ au Sénat, mars 2005 [29] Cette fédération nationale regroupe plus d’une centaine d’associations qui exercent des missions de service public déléguées dans le domaine judiciaire [30] « La place de l’univers carcéral en Basse-Normandie », op.cit, p.346 [31] Enquête sur l’hébergement des personnes sortant de prison effectuée entre le 28 mars et le 1er avril 2005 [32] Rapport d’activité 2004 du CHRS Hermitage géré par l’association ESPERER 95 [33] « Face à la crise : l’obligation de résultat », 11ème rapport du Haut comité pour le logement des personnes défavorisées, décembre 2005 [34] « Le volet logement du plan de cohésion sociale : des intentions aux réalisations », C. Robert et D. Varoni, in Regards sur l’actualité n°311, mai 2005 [35] Loi du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu’à la protection des mineurs [36] Ces interdictions spécifiques sont prévues à l’article 131-36-2 du code pénal [37] Article 131-36-4 du code pénal [38] Article 763-3 du code de procédure pénale [39] Rapport d’information n°1718 de l’Assemblée nationale sur le traitement de la récidive des infractions pénales, juillet 2004 [40] Décret n° 2000-412 du 18 mai 2000 |