Publié le mardi 27 février 2007 | http://prison.rezo.net/19-conclusion/ CONCLUSION Le nouvel aménagement de peine proposé par la loi du 4/03/2002 a permis une grande avancée dans le traitement de pathologies lourdes ou engageant à court terme le pronostic vital de certains condamnés. Cette mesure créée sous l’influence de rapports alarmants [1] concernant la prise en charge de la santé en milieu carcéral et d’une possible nouvelle condamnation de la Cour Européenne des droits de l’homme a été perçue comme un espoir de sortie pour les condamnés de longue peine [2]. La France a notamment été condamnée le 11/07/2006 [3] pour traitement inhumain et dégradant à l’encontre d’un condamné souffrant de pathologies de nature psychiatrique et n’ayant pas reçu un encadrement suffisant et adéquat [4]. Cette suspension de peine pour raisons médicales a été à ses débuts qualifiée de mesure humanitaire. Cependant son champ d’application s’est petit à petit fermé et elle est devenue une mesure très exceptionnellement appliquée et applicable. En effet, la jurisprudence et le législateur ont contribué à la réduction de son application. Sous l’influence des courants politiques et notamment de l’opinion publique, de nouvelles conditions sont venues s’ajouter à celles fixées par le texte d’origine. Cette mesure ne devant prendre en compte que des critères médicaux, doit désormais respecter d’autres conditions telles que la prévention de la récidive. Les évolutions récentes ont permis la création [19] d’un nouvel instrument technique et juridique de plus en plus perfectionné pour tenter de concilier la prévention de la récidive et la libération anticipée d’un délinquant, il s’agit du bracelet électronique. Ce système permet de libérer un individu avant la fin de sa peine et de le surveiller en lui octroyant un périmètre en dehors duquel il ne peut se rendre entre certaines plages horaires. Appliqué à la suspension de peine pour raisons médicales, ce système permettrait de libérer plus de condamnés dont l’état de santé est jugé incompatible avec la détention, mais dont l’état physique général ferait craindre une nouvelle infraction. Actuellement, ce système reste très coûteux [20] et rencontre dans son application quelques contraintes techniques, telles que la nécessaire possession d’une ligne téléphonique par le détenu et a fortiori d’un hébergement [21], l’accord du condamné, mais également la contrainte que cela représente pour les membres de la famille d’un tel condamné libéré, qui doivent eux aussi adapter leur quotidien en fonction des horaires et lieux prévus par le juge. La loi du 4/03/2002 est un grand pas dans ce domaine [23], mais n’est pas suffisant et semble de plus disparaître peu à peu pour ne devenir qu’une suspension illusoire et fermée. L’évolution des nouvelles technologies, notamment le placement sous surveillance électronique permettrait de donner un nouveau souffle à cette loi. Cependant, de nouveaux problèmes notamment techniques viendront se greffer. En effet, un malade devant aller d’urgence à l’hôpital fera se déclencher le dispositif de surveillance, si l’information n’a pas été transmise au plus vite aux autorités compétentes. La création du bracelet électronique mobile, introduite par la loi du 12/12/2005 semble apporter une nouvelle solution. Ce dernier permettant en effet, de suivre précisément la personne [24]. Cependant, de nouveaux problèmes verront le jour, tels que des dysfonctionnements du système de surveillance électronique. [1] PRIEUR (C.), Retardé à plusieurs reprises, le projet de loi pénitentiaire ne sera pas présenté en conseil des ministres, in Le Monde, 7/03/2002, p 14, « [...] L’émotion avait été si vive que députés et sénateurs dénonçaient, après six mois de commission d’enquête parlementaire en juillet 2000, une situation carcérale « humiliante pour la République » et « indigne de la patrie des droits de l’homme » [...] ». [2] DARMON (L.), La vie suspendue à une peine, « [...] Pour la première fois, dans cette loi, le critère de la santé supplante toutes les autres considérations : tant la nature de l’acte qui a conduit à la prison, que la dangerosité supposée de la personne... Marie-Suzanne Pierrard, juge d’application des peines au tribunal de Créteil et vice-présidente de l’Association nationale des juges d’application des peines (Anjap), explique l’esprit de cette loi : « Il s’agit une loi humanitaire d’exception, qui doit permettre d’agir en urgence - en faisant sauter les verrous qui régissent les libérations conditionnelles - afin de résoudre des situations médicales lourdes et ou des situations de fin de vie. Elle suppose que la peine n’a plus de sens lorsque les détenus sont trop malades et que c’est une question de dignité humaine que de les en libérer, le temps de leur éventuel rétablissement [...] » [3] CEDH 11/07/2006, Rivière contre France, n° de requête 33834/03, « [...] En définitive, la Cour est d’avis que les autorités nationales n’ont pas, en l’espèce, et malgré des efforts d’adaptation non niables et qu’elle se garde de sous-estimer, assuré une prise en charge adéquate de l’état de santé du requérant lui permettant d’éviter des traitements contraires à l’article 3 de la Convention. Son maintien en détention, sans encadrement médical actuellement approprié constitue dès lors une épreuve particulièrement pénible et l’a soumis à une détresse ou à une épreuve d’une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention. La Cour conclut en l’espèce à un traitement inhumain et dégradant en raison du maintien en détention dans les conditions examinées ci-dessus [...] » [4] GUIBERT (N.), La France condamnée pour « traitements inhumains et dégradants », in Le Monde, 13/07/2006 [5] PRIEUR (C.), Une clémence applicable à d’autres détenus, in Le Monde, 20/09/2002, p. 10, « [...] Pour les détenus en fin de vie, il s’agit d’une petite note d’espoir [...] » [6] GUIBERT (N.), ZOUMMEROFF (P.), La prison, ça n’arrive pas qu’aux autres, éd Albin Michel, 2006, p. 160 « [...] Que faire des malades ? Marie Suzanne Pierrard avance une explication au vieillissement de la population carcérale française : de plus en plus de personnes sont condamnées pour des délits et crimes sexuels. Les personnes concernées peuvent être des hommes entre 50 et 60 ans. S’ils sont condamnés à des peines de vingt cinq ans, ils seront encore en prison à un âge très avancé [...] » [7] GUIBERT (N.), La surpopulation carcérale, reflet des politiques pénales, in Le Monde, 6/07/2006, « [...] La population pénale vieillit. L’étude établit que les plus de 50 ans ont augmenté deux fois plus vite que dans l’ensemble de la population française [...] » [8] La libération des détenus âgés, « [...] En France, il n’existe pas de limite d’âge pour l’exécution d’une condamnation. Les détenus âgés ne peuvent donc pas se prévaloir de leur âge pour obtenir une libération. En revanche, l’état de santé peut être pris en compte non seulement pour l’octroi de la grâce présidentielle, mais aussi pour l’obtention d’une décision judiciaire de libération conditionnelle [...] » [9] CERE (J.P.), Article 3 de la Convention européenne et détention prolongée d’une personne âgée et malade, in D. 2001, n°29, p. 2335, « [...] Aucun des Etats membres du Conseil de l’Europe ne connaît de limite d’âge en matière de détention[...] » [10] La libération des détenus âgés, « [...] L’assignation à domicile des détenus de plus de soixante ans en Italie : Dans la mesure où ils sont handicapés, même partiellement, et où la peine qui leur a été infligée ou qui leur reste à purger ne dépasse pas quatre ans, les condamnés âgés de plus de soixante ans peuvent exécuter leur peine à domicile ou dans un établissement de soins [...] » [11] Ibid « [...] Au Danemark, les personnes condamnées à des peines privatives de liberté peuvent, dans la mesure où elles ont besoin de soins particuliers, exécuter leur peine à l’hôpital, voire à domicile. La loi sur l’exécution des peines précise que cette possibilité n’est accordée que lorsque la détention n’est pas adaptée, notamment compte tenu de l’âge ou de l’état de santé de l’intéressé[...] ». [12] GUIBERT (N.), 110 détenus ont bénéficié de cette suspension de peine, in Le Monde, 16/06/3004, p. 14, « [...] Beaucoup, notamment les criminels sexuels, condamnés à de longues peines, ont du mal à convaincre la justice d’examiner leur cas à la seule lumière de considérations médicales [...] » [13] PICHARD (A.), La peine de mort lente, in Le Monde, 26/10/2001, p. 19, « [...] Mais abolir officiellement la peine de mort revient à poser la question de la réclusion criminelle à perpétuité, cette autre peine capitale et définitive, cette peine de mort lente qui consiste à éliminer à vie un individu de la société et à le laisser mourir dans le trou noir de l’enfer...mement [...] » [14] LAFLAQUIERE (P.), Récidive : quelles réponses judiciaires ? , Un pari sur l’humain, AJP, octobre 2005, [15] LEMONNIER (M.), Pourquoi nous avons honte, l’appel de 200 personnalités, La leçon suédoise, in Le Nouvel Observateur, 3-9 novembre 2005, n°2139, p. 34 « [...] Bien sûr toutes les prisons de Suède ne possèdent pas le même standing. Mais la philosophie reste identique. Divisées en trois niveaux (semi-ouverte, moyenne et haute sécurité), toutes proposent des cellules individuelles, des activités sportives et professionnelles, des programmes d’éducation, des thérapies comportementales (violence, toxicomanie...). Sans parler des appartements et des chambres pour les visites familiales, unités de vie avec cuisine, des douches quotidiennes, de la nourriture saine et une hygiène irréprochable ! [...] » [16] Article 720-4 du Code de procédure pénale [17] LAFLAQUIERE (P.), op. cit., « [...] Dire que, dans certains dossiers, la responsabilité de libérer est d’une grande lourdeur relève de l’euphémisme : cette responsabilité est écrasante. Parce qu’elle exige de la clarté, une lucidité acérée, de la détermination et bien souvent du courage [...] » [18] PRIEUR (C.), Après la libération de Maurice Papon, des détenus réclament la « même justice pour tous », in Le Monde, 5/11/2002, p 12, propos de Maître Noël « [...] Il ne faudrait pas que les magistrats fassent l’amalgame entre une libération conditionnelle, qui est fondée sur des gages de réinsertion, et une suspension de peine, qui doit rester une mesure humanitaire [...] » [19] Loi du 19/12/1997, concernant le placement sous surveillance électronique, comme modalité d’exécution des peines privatives de liberté, n° 97-1159, JO 20/12/1997, p. 18452, http://www.legifrance.gouv.fr/ [20] GUIBERT (N.), Délinquants sexuels : le bracelet électronique après la prison, in Le Monde, 18/12/2004, « [...] La mesure est également coûteuse : elle demande des moyens policiers de surveillance [...] » [21] Le placement sous surveillance électronique, « [...] Quelles sont les conditions matérielles devant être remplies ? [22] KOUCHNER (B.), Pourquoi nous avons honte, l’appel de 200 personnalités, Libérer les mourants, in Le Nouvel Observateur, 3-9 novembre 2005, n°2139, p. 22 [23] GUIBERT (N.), 110 détenus ont bénéficié de cette suspension de peine, in Le Monde, 16/06/2004, p. 14 « [...] Mourir dignement, dehors. Tel est l’objet de la suspension de peine pour raisons médicales [...] » [24] DE CHARRETTE (L.), Lancement du bracelet électronique mobile, in Le Figaro, 15/04/2006, « [...] La nouvelle technologie permet de localiser en permanence la personne équipée de ce « mouchard » électronique. [...] » [25] PRIEUR (C.), Vers des cellules médicalisées en détention, in Le Monde, 5/11/2002, p. 12, « [...] Parce que le nombre de personnes âgées ou dépendantes ne cesse d’augmenter en prison, notamment sous l’effet de l’allongement des peines, la direction de l’administration pénitentiaire (DAP) réfléchit aux moyens d’adapter ses prisons. Le regroupement des détenus malades ou vieillissants dans un seul établissement a été écarté, mais, dans chaque nouvelle prison, devraient êtres être créées des cellules médicalisées, à raison d’une cellule pour 150 places [...] » [26] OIP, Les conditions de détention en France, éd. La Découverte, octobre 2005, p. 131, « [...] créer « une unité expérimentale destinée à accueillir à titre transitoire des personnes condamnées à de longues peines sortant de prison, dans le cadre plus large d’un placement à l’extérieur, d’une libération conditionnelle ou d’une suspension de peine » en partenariat avec une association [...] » |