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Suicide en prison : la folie est déjà une prison sans murs

Mise en ligne : 3 novembre 2008

La prison ne vise pas à prévenir, ni à soigner. Elle est une institution disciplinaire de contrôle et de surveillance. La folie y échappe, car sous un certain angle, c’est déjà une surveillance et un contrôle du sujet.

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Texte de l'article :

D’habitude, les gardiens de prisons sont tenus à la discrétion et à la réserve à l’égard de leur détenus. Ils n’ont pas la fibre "psy" et ils n’ont pas véritablement intérêt à se soucier des personnes qu’ils surveillent. Sauf quand cela fait tâche et que les inconvénients de la surveillance à outrance dépassent les avantages de la discipline permanente. Donc, quand un syndicat pénitentiaire dit qu’une personne n’avait rien à faire dans une prison, cela a du poids. pantoptique

Ne nous mettons pas trop à espérer !

Une surveillant soucieux de ses ouailles reste un surveillant soumis à sa hiérarchie. L’appel du syndicat CGT-pénitentaire sonne bien plus comme un "débarrassez-nous de ces gens-là" que comme le soucis de trouver une solution au problème de la surveillance panoptique généralisée.

Dans la folie, il y a quelque chose de particulier qui fait que le fou peut se trouver hyper-surveillé. Rien de plus prisonnier qu’un fou, même pas besoin d’une prison pour cela, il y est déjà depuis longtemps. Je ne sais pas pour la personne décédée cette semaine, mais d’autres se plaignent de la présence d’une instance implacable qui les observe sous toutes les couture, les espionnent en continu, les écoute en permanence, etc... Dans ces conditions, la prison en rajoute sans modifier la souffrance. Elle ne fait que l’accroître.

Ce sont des faits tragiques comme ceux-là qui le révèlent. La prison ne vise pas à prévenir, ni à soigner. Elle est une institution disciplinaire de contrôle et de surveillance. La folie y échappe, car sous un certain angle, c’est déjà une surveillance et un contrôle du sujet.

suicides en prison de 2002 à 2008

Article extrait de lefigaro.fr avec AFP, 18/10/2008

"Le détenu majeur qui s’est pendu jeudi soir avec ses lacets, avait tenté de se tuer en garde à vue. « Il aurait dû être hospitalisé d’office », a déploré la GGT-pénitentiaire.

La série noire se poursuit à la maison d’arrêt de Strasbourg. Une semaine après la mort d’un adolescent qui s’était pendu avec son drap, un autre détenu, cette fois majeur, a mis fin à ses jours jeudi soir. L’administration a fourni peu de détails sur les circonstances du drame : on sait juste que cet homme s’est tué à l’aide de ses lacets. Sa mort porte à trois le nombre de suicides dans les prisons françaises en moins de deux semaines.

Le détenu était arrivé à la prison de Strasbourg jeudi en début de soirée. Signalé pour ses tendances suicidaires, il avait été examiné par un médecin avant d’être placé en cellule avec un codétenu, censé le surveiller. Ce dernier en voyant le geste désespéré de son compagnon de cellule a alerté les secours mais ceux-ci ne sont pas parvenus à le ranimer. Le détenu faisait l’objet d’une surveillance renforcée, il avait tenté de se suicider en garde à vue. Les surveillants effectuaient des rondes toutes les deux heures. C’est à la troisième, qu’ils ont retrouvé l’homme pendu, peu après minuit.

Une hausse de 18% des suicides en prison

L’UFPA d’Alsace-Lorraine a déploré le manque de personnels qui transforme les surveillants en « porte-clés » et les empêchent de faire « un vrai travail relationnel » afin de détecter « les premiers signaux d’alarme ». Pour la CGT-pénitentiaire, l’incarcération n’était pas la solution adaptée. Le syndicat a accusé « le gouvernement et le ministre de la Justice, Rachida Dati, d’aveuglement déterminé et acharné ». Selon la CGT, « cet homme aurait dû être hospitalisé d’office » mais malgré « une tentative de suicide en garde à vue », « malgré ses propos qui montraient qu’ils voulaient en finir avec la vie..., il a été incarcéré ». L’homme, qui avait déjà été emprisonné plusieurs fois pour défaut de permis ou falsification de carte grise, sortait d’une garde-à-vue pour une affaire criminelle. Son père est également incarcéré à Strasbourg depuis juillet dernier dans le cadre de la même affaire.

Ce nouveau suicide porte à 90le nombre de suicides enregistrés en prison, depuis le début de l’année 2008, un chiffre en hausse de ... 18% par rapport à l’an passé à la même époque. Mardi, un détenu de 16 ans et demi est décédé à l’hôpital une semaine après avoir tenté de se suicider dans le quartier des mineurs de la prison de Strasbourg. Il venait d’être transféré de Metz-Queuleu. Il avait déjà tenté de se tuer et avait par ailleurs partagé la cellule de Nabil L., un jeune de 16 ans qui s’était suicidé début octobre à Metz-Queuleu. Jeudi, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France pour n’avoir pas « protégé le droit à la vie » d’un détenu psychotique retrouvé pendu en 2000 dans sa cellule disciplinaire et pour « traitements inhumains », parce qu’en dépit de son état, il avait été isolé et non pas hospitalisé".