in Exemples prometteurs en matière pénale In Politique pénale en Europe,
Les éditions du Conseil de l’Europe, 2006.
II. - Est-ce que ça marche ? A propos du concept de « bonne pratique » en matière pénale
En mars 2003, le ministère du Solliciteur général du Canada nous proposait de présenter une communication [1] à la 1ère conférence d’une série sur les « Pratiques efficaces » qui avait pour thème « Pratiques efficaces en matière de mise en liberté sous condition et de réinsertion sociale » (« What Works in Conditional Release and Community Reintegration »). Dans le document de présentation, Wayne Easter, Solliciteur du Canada parlait aussi de « pratiques exemplaires » et « d’idées novatrices ». En mai 2004, sur l’initiative de l’American Society of Criminology (ASC), se tiendra, à Paris, la 1ère conférence des sociétés de criminologie sur le thème « What Works in Reducing Crime ». L’Association française de criminologie (AFC) que nous présidons sera partie prenante de cette manifestation d’importance. Pour le titre de la conférence, on a retenu la traduction suivante : « Réduire la délinquance et la criminalité : ce qui marche ». Enfin, le conseil scientifique criminologique du Conseil de l’Europe dont nous sommes membre depuis juin 2001 a entrepris d’élaborer un ouvrage de présentation « d’exemples prometteurs ». Trois occasions pour nous d’être confronté à cette façon qui se veut pragmatique de se poser les problèmes : réponse évidente au « Nothing Works » venu d’Outre Atlantique. Trois occasions de réfléchir aux conditions d’un bon usage de la notion de « bonne pratique ».
Partons d’un exemple : le placement sous surveillance électronique (PSE), introduit en France, par la loi du 19 décembre 1997. La mesure est novatrice, du moins pour la France, mais est-ce que ça marche ? est-ce une pratique efficace ? une bonne pratique ? une pratique prometteuse ? On admettra que ces différentes formulations ne sont pas équivalentes. Mais si la dernière expression est marquée par une certaine prudence, en nous projetant dans un futur, par nature, incertain, ne s’agit-il pas, en définitive, de simples figures de style pour désigner la même chose : une mesure ou une sanction pénale (MSP) qu’il convient de soutenir et de développer, voire de vendre dans telle ou telle instance internationale ?
1. - Une exigence de définitions
Avant de répondre à la question Est-ce que ça marche ?, la première exigence méthodologique n’est-elle pas de préciser ce dont on parle ? Les MSP sont souvent des objets polymorphes, une analyse pertinente pour l’une de leur modalité pouvant s’avérer erronée pour une autre. La loi de 1997 a consacré le PSE comme modalité d’exécution des peines privatives de liberté. L’article 723-7 du code de procédure pénale précise qu’en cas de condamnation à une ou plusieurs peines privatives de liberté dont la durée totale n’excède pas un an, ou lorsqu’il reste à subir par le condamné une ou plusieurs peines privatives de liberté dont la durée totale n’excède pas un an, le juge de l’application des peines (JAP) peut décider que la peine, s’exécutera sous le régime du placement sous surveillance électronique. Le PSE peut également être décidé au titre probatoire de la libération conditionnelle pour une durée n’excédant pas un an. Ainsi existe-t-il, en droit français, trois formes de PSE : l’aménagement d’une peine de moins d’un an (modalité I), l‘aménagement d’un reliquat de peine de moins d’un an (modalité II) et enfin le placement comme mesure probatoire d’une libération conditionnelle (modalité III). Ajoutons l’existence, depuis la loi du 9 septembre 2002, d’une quatrième forme du PSE comme condition particulière d’une mesure de contrôle judiciaire (modalité IV). Dans ce dernier cas bien différent, la personne n’a pas encore été jugée. Elle n’est pas placée sous écrou, contrairement aux trois autres situations. Sans préciser pour le moment le sens de la question Est-ce ça marche le PSE ?, on admettra aisément que la réponse pourra varier selon la modalité concernée, car si la mesure technique est bien la même, elle peut être appliquée dans des contextes fort différents : à l’encontre d’une personne jamais incarcérée, voire jamais condamnée (modalité IV) comme à l’encontre d’un détenu qui vient de purger quinze ans de réclusion criminelle (modalités II ou III). La première exigence méthodologique consiste donc à refuser toute réponse globale à une question dont la forme invite, malheureusement, à ce type de réaction.
2. - De la théorie sans la pratique
Quand le législateur introduit, dans l’appareil juridique, une nouvelle MSP, il va sans aucun doute la parer de bien des attributs : elle sera par nature novatrice, efficace (du moins on l’espère) et prometteuse, la démonstration étant évidemment repoussée à plus tard. L’évaluation exige un certain recul ; il faut laisser du temps au temps. Aussi la question Est-ce ça marche ? a-t-elle, lors de la phase de lancement, un sens plus trivial. Elle signifie généralement : la MSP est-elle effectivement prononcée ? Est-ce que les acteurs de la Justice qui ont ce pouvoir s’en saisissent, dans un nombre de cas significatif ? A ce niveau, la réponse sera avant tout quantitative, au sens le plus banal du terme. Ainsi, en France, d’octobre 2000 (début de l’expérimentation) au 1er mai 2002 - dix-huit mois-, 175 placements sous surveillance électronique ont été ordonnés par les juges de l’application des peines [2]. On compte 150 PSE « peines de moins d’un an » (modalité I), 22 PSE « reliquats de peines de moins d’un an » (modalité II) et 3 PSE « mesures probatoires à une LC (modalité III). Ainsi peut-on dire que le PSE « modalité II », cela ne marche pas fort, et le PSE « modalité III », ça ne marche pas du tout. Mais à partir de quel seuil peut-on dire que les chiffres deviennent significatifs et prometteurs ?
Dans la Statistique pénale annuelle du Conseil de l’Europe « SPACE II » consacrée aux MSP appliquées dans la communauté [3], prononcées une année donnée [4], nous avions été amenés à proposer deux indicateurs pour mesurer l’importance numérique de telle ou telle mesure ou sanction : un indice global d’usage (IGU) où l’on rapporte le nombre de mesures ou sanctions prononcées au nombre de condamnations privatives de liberté (sans sursis à exécution, partiel ou total), prononcées la même année, exprimé pour 100 et un indice spécifique d’usage (ISU) où l’on rapporte le nombre de mesures ou sanctions prononcées au nombre de condamnations privatives de liberté de moins d’un an (sans sursis à exécution, partiel ou total), exprimé pour 100. Ainsi, en 1999, pour le travail d’intérêt général, l’indice spécifique d’usage était de 4,7 p. 100 en Moldavie, 7,6 au Danemark, 28,7 en Suède, 32,4 en République tchèque, 34,5 en France, 36,1 en Finlande, 58,0 en Ecosse, 74,6 aux Pays-Bas, 88,4 en Angleterre et Pays de Galles. Selon la nature de la mesure ou de la sanction et, en particulier, de son caractère plus ou moins polymorphe, ces indices sont plus ou moins pertinents. Il suffit de penser aux différentes modalités du PSE à la française.
Mais indépendamment de la question technique du calcul des indicateurs que nous n’aborderons pas ici [5], on voit bien le caractère dissymétrique de l’interprétation de ces chiffres : s’ils sont faibles, on est effectivement en droit de dire que cela ne marche pas, et ces pratiques ne peuvent être ni bonnes, ni efficaces, puisque, sociologiquement, elles n’existent pas vraiment. Mais si les chiffres sont élevés, en conclure que çà marche c’est avoir une sorte de vision productiviste, à courte vue, dont on ne peut se satisfaire sans plus d’éléments d’information.
3. - Une MSP peut en cacher une autre
Quand une personne, qui n’a pas encore fait l’objet d’une détention provisoire, bénéficie d’un contrôle judiciaire socio-éducatif et se trouve ultérieurement condamnée à une peine avec sursis total, on peut penser que cette mesure individuelle de contrôle lui a réellement permis d’échapper à la prison. Si tel était la volonté du législateur, en créant cette mesure, on pourra dire Ça marche ! Mais on peut aussi affirmer que le juge d’instruction n’aurait pas eu recours à la détention provisoire, si le contrôle judiciaire n’avait pas existé, en droit. Le juge a utilisé une garantie supplémentaire qui lui était offerte. S’il en est ainsi, ce contrôle judiciaire ne joue pas son rôle d’alternative à la privation de liberté (alternative virtuelle ?) mais permet d’élargir le filet du contrôle social. C’est la théorie du net-widening. Cette même question peut en fait plus ou moins se poser pour toutes les alternatives à la détention qui permettent d’éviter l’entrée en prison [6]. Tel condamné au travail d’intérêt général (TIG) aurait-il été condamné à une peine d’emprisonnement ferme si le TIG n’avait pas existé dans les textes ? N’aurait-il pas plutôt bénéficié d’un sursis simple voire d’une amende ?
La question se pose en des termes assez différents pour les alternatives qui jouent non pas sur les entrées mais sur les durées de détention (alternatives de 2ème catégorie). Un condamné à qui il reste trois ans de réclusion criminelle à exécuter à qui est octroyée une libération conditionnelle bénéficie d’une alternative bien réelle. Il effectuera son reliquat de trois ans hors les murs. Et pourtant...
On le sait, les libérations conditionnelles sont devenues de plus en plus rares. Le Parlement français et le Gouvernement en ont bien pris conscience et ont fini par s’engager dans une réforme importante des procédures d’octroi dans le cadre de la loi du 15 juin 2000. Imaginons que la relance souhaitée de la LC soit effective. N’entraînera-t-elle pas à terme une augmentation compensatoire du quantum des peines prononcées par les juridictions, frustrées de voir « leurs » sanctions par trop « érodées » ? Ainsi une alternative de 2ème catégorie, bien réelle, au « niveau micro » - le bénéficiaire n’a aucun doute là-dessus - peut devenir bien virtuelle au niveau « macro ».
Pour les mesures de 3ème catégorie qui réduisent le temps passé derrière les murs, sans modifier le temps passé sous écrou, il est nécessaire de distinguer les mesures ab initio - prises dès le début de la détention - des autres. Prenons le cas du PSE correspondant à l’exécution d’une peine de moins d’un an (modalité I). Les juridictions ne seront-elles pas désormais encouragées à prononcer des peines d’emprisonnement ferme de moins d’un an dans des cas où auparavant elles auraient accordé le sursis, sachant que le condamné pourra échapper à la détention grâce au bracelet électronique ? Raisonnement des plus aléatoires car on peut imaginer le scénario catastrophe suivant : un tribunal correctionnel prononce une peine d’emprisonnement ferme de six mois par exemple, plutôt qu’un sursis avec mise à l’épreuve, pensant que celle-ci sera exécutée dans le cadre d’un placement sous surveillance électronique, mais le JAP auquel revient la décision de placement s’y refuse. Loin d’être alors une alternative à la privation de liberté, le PSE favorise le recours à la prison.
En revanche, le PSE en fin de peine ne pose pas le même type d’interrogation (modalité II). Par ailleurs, le cas des mesures probatoires à la libération conditionnelle est particulier : semi-liberté, placement à l’extérieur, PSE selon la modalité III. Leur existence peut favoriser l’octroi de la LC en augmentant les garanties sur lesquelles peut s’appuyer le JAP. Mais elle peut retarder la mise en libération conditionnelle. Sans ces mesures, la LC aurait pu être effective à compter de la date t ; avec ses mesures, le détenu sort seulement à la date à t + t’ ; alternative virtuelle puisqu’elle a, en réalité, pour effet d’augmenter le temps de détention. Les mesures et sanctions pénales auraient-elles une parenté avec Janus ?
4 . - Prononcer n’est pas mettre à exécution
Supposons qu’une MSP innovante soit effectivement prononcée, chaque année, dans un nombre de cas significatif, et qui plus est, à bon escient. Les analystes les moins difficiles en concluront, nous l’avons vu, que Ça marche ; d’autres seraient en droit de se poser la question de la mise à exécution effective de ces MSP. Sujet délicat s’il en est, car ce que l’on entend par mise à exécution correspond à des exigences très différentes selon la nature de la MSP, mais aussi à des attentes de la part de l’analyste plus ou moins contraignantes pour la personne mise en cause.
La mise à exécution d’une peine peut se limiter à un simple enregistrement : il en est ainsi du sursis simple (sursis à exécution d’une peine d’emprisonnement sans suivi) qu’il suffit d’inscrire au casier judiciaire. La mise à exécution d’une peine d’emprisonnement ferme est plus complexe quand le prévenu est sorti libre de l’audience : nécessité de faire parfois appel aux services de police pour rechercher la personne, problème des délais de prescription, etc. En revanche ; il n’y a pas de problème de définition quant à la mise à exécution : la personne sera écrouée ou pas.
Les choses se compliquent pour les MSP appliquées dans la communauté. Prenons le cas de la peine de travail d’intérêt général (TIG), introduite en France en 1983, sous deux formes : comme peine principale ou comme condition d’un sursis avec mise à l’épreuve. Dans le processus de mise à exécution du TIG, quatre étapes concrètes peuvent être distinguées : a. le rendez-vous du condamné avec le JAP où il se verra notifié la sanction, b. le rendez-vous avec le conseiller d’insertion et de probation (CIP) avec lequel il examinera les conditions pratiques de la mise à exécution, c. la 1ère prise de contact du condamné avec son employeur, d. le début effectif du travail (la prise de fonction). Cette succession de rendez-vous, dans des délais définis par la loi, avec certains condamnés, très déstructurés et/ou connaissant des problèmes d’addiction et/ ou atteints de troubles mentaux, et/ou sans domicile fixe, peut tenir du parcours du combattant. Doit-on considérer qu’il y a eu mise à exécution dès que la notification du JAP a pu être effectuée ou dans une vision moins étroitement juridique attendre la prise de fonction ? On le voit sur cet exemple, l’évaluation d’une mise à exécution qui marche n’est pas sans poser des questions de définition.
5. - A vaincre sans péril
Qu’une MSP puisse être mise à exécution dans des conditions matérielles et de temps satisfaisantes est une chose. Mais parlera-t-on de bonne pratique, si, ensuite les choses se passent mal ? Quelles sortes d’incidents sera-t-on prêt à considérer comme bénins, ne remettant pas en cause la bonne exécution de la MSP ? Avec quelle indulgence ou avec quelle sévérité les manquements de la personne mise en cause seront-ils évalués ? Ici, comme ailleurs, la politique du zéro défaut, pour ne pas dire celle de la tolérance zéro peut correspondre à une politique à courte vue. Pour montrer qu’une pratique innovante est une bonne pratique, les responsables de son application ne risquent-ils pas d’être obnubilés par la question de l’incident, de l’échec, au point de détourner la mesure de son véritable objectif ? On en revient à la question précédente : pour que ça marche, c’est-à-dire pour qu’il n’y ait pas d’incident pendant l’exécution, on risque de prononcer la mesure à l’égard de condamnés faciles à gérer pour lesquels la mesure n’a pas été vraiment créée. Quant aux autres, les « clients difficiles », ils continueront à faire l’objet des bonnes vieilles méthodes qui ne marchent sans doute pas. Et les partisans, peu exigeants de la nouvelle mesure seront satisfaits : la mesure est 1/ prononcée, 2/ mise à exécution, 3/ exécutée sans incident. Que demander de plus ? C’est parfait. D’autres ont envie de se poser quelques questions complémentaires sur le devenir du condamné en terme de conditions de vie, de réinsertion, de récidive.
6. - Après la peine
Parmi les multiples fonctions des mesures et sanctions pénales se trouve, évidemment, l’idée, pour la société, de se prémunir contre une éventuelle récidive, au sens large du terme. A ce niveau, la bonne pratique n’est-elle pas celle qui assurera le zéro récidive, du moins, soyons plus réaliste, la fréquence de la récidive la plus réduite, le taux de récidive le plus faible ? Nous quittons alors les approches précédentes, aux horizons limités, pour nous projeter dans le futur des individus. Mais là encore, il y a bien des façons d’aborder cette démarche : sur quelle période veut-on prendre en compte le devenir des anciens mis en cause ? quel critère va-t-on retenir pour la « récidive », et donc, pour parler d’échec ? Une nouvelle condamnation ? Une condamnation d’une certaine gravité ? Des faits d’une certaine nature ? Pour évaluer la qualité de la MSP, va-t-on se donner un seuil de récidive au delà duquel on dira que cela ne marche pas (1 % ?, 10 % ? 20 % ? 50 %) ou va-t-on s’engager sur le terrain glissant des comparaisons entre mesures ?
Si l’on s’appuie sur notre expérience du débat public sur le sujet, dans notre pays, on est frappé du peu de rigueur des propos tenus par les uns et les autres alors que le champ est tout de même balisé par nombre de travaux en la matière [7]. Par exemple, des méthodes originales ont été développées pour comparer les taux de retour en prison [8] observés chez des condamnés à une peine privative de liberté ferme selon qu’ils ont bénéficié ou non d’une libération conditionnelle. La comparaison, on le sait, milite en faveur des LC par rapport à ce que l’on appelle parfois « les libérations sèches » (non préparées, en fin de peine) [9]. Cette technique dite des « taux comparatifs » empruntées à l’analyse démographique permet de distinguer, dans l’écart des taux, ce qui peut être attribué à la procédure de sélection des bénéficiaires de la LC et ce qui peut être attribué à la mesure elle-même : sortie préparée, assistée, contrôlée [10]. De manière générale, on ne peut pas se contenter de comparer directement le taux de récidive relatif à la MSP A et le taux de récidive relatif à la MSP B, sans tenir compte des différences de structures entre les deux populations A et B, selon des variables qui peuvent influer directement ou non sur la fréquence de la récidive. Dit d’une autre manière, derrière un bon taux de récidive peut se cacher une bonne structure socio-démographique et/ou pénale, alors que l’on espérait reconnaître les effets d’une bonne pratique !
Reste à s’interroger sur l’interprétation de ces fameux taux de récidive, même lorsqu’ils sont correctement calculés, même si l’on tient compte, autant que faire se peut, des questions méthodologiques posées par les comparaisons entre MSP. En effet les enquêtes de récidives ne prennent évidemment en compte que les nouveaux faits connus par le système pénal. Ainsi notre collègue Pierre Landreville préfère parler de « taux de reprises » [11]. Ces taux peuvent ne pas donner une image fidèle de la population de ceux qui ont de nouveau commis des actes susceptibles d’être pénalement qualifiés et, de ce fait, biaiser l’évaluation de la mesure.
7. - Coûts et avantages
Est-ce que ça marche ? Est-ce que cela vaut le coup/coût [12] ? Autre expression du langage courant, autre domaine de préoccupation en terme d’évaluation. Le grand avantage des calculs économiques, c’est que là, au moins, on sait dans quelles unités de compte on va raisonner : en euros. Ce qui donne l’apparence de la facilité : en introduisant la distinction entre coûts d’investissement et coûts de fonctionnement, en prenant en compte le nombre de personnes concernées par la MSP, en complexifiant un peu le modèle pour tenir compte des durées de prises en charge, on devrait arriver à quelque chose... Mais on risque de négliger, en chemin, tout ce qui n’entre pas dans une logique purement comptable, le prix de la liberté par exemple comme le prix des dégâts collatéraux [13] de la prison sur la famille et les proches du détenu. Reste de toute façon à mettre en relation ces coûts et les avantages. Et l’on est ramené aux points précédents.
Ces quelques remarques sont pour beaucoup d’entre elles de simple bon sens. Chacune mériterait sans doute des développements plus approfondis et plus techniques. Elles ne remettent pas en cause la nécessité, en démocratie, de l’évaluation des politiques pénales et pénitentiaires comme de toute autre politique publique, bien au contraire. Il s’agit, pour nous, d’une invitation à renoncer non à la question Est-ce que ça marche ?, mais aux réponses réductrices des zélateurs comme des contempteurs de telle ou telle innovation. Il n’y a pas de solution miracle et aucune solution, respectant les droits de la personne, n’est à rejeter d’emblée.