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Approche indisciplinaire de la question pénale (Pierre V. Tournier - Centre d’Histoire Sociale du XXème siècle)

04 A IV. Que faire des nouvelles règles pénitentiaires européennes adoptées par le Conseil de l’Europe, le 11 janvier 2006 ?

Mise en ligne : 6 avril 2007

Texte de l'article :

 in Dockès (E.) Dir. Au coeur des combats juridiques- Pensées et témoignages de juristes engagés, Dalloz, 2007, 245-258.


IV. - Que faire des nouvelles règles pénitentiaires européennes adoptées par le Conseil de l’Europe, le 11 janvier 2006 ?

Le 11 janvier 2006, le Conseil de l’Europe adoptait une nouvelle version des règles pénitentiaires européennes (RPE, voir extraits en annexe 1.), texte qui n’avait pas été actualisé depuis 1987.
Le Comité des Ministres « recommande aux gouvernements des Etats membres :
- de suivre dans l’élaboration de leurs législations ainsi que de leurs politiques et pratiques des règles contenues dans l’annexe à la présente recommandation qui remplace la Recommandation no R (87) 3 du Comité des Ministres sur les Règles pénitentiaires européennes,
- de s’assurer que la présente recommandation et son exposé des motifs soient traduits et diffusés de façon la plus large possible et plus spécifiquement parmi les autorités judiciaires, le personnel pénitentiaire et les détenus eux-mêmes » [1].

Reçu au cabinet du Garde des Sceaux, dans le cadre d’une délégation du collectif « Octobre 2001 » [2], quelques jours avant l’adoption de règles, nous nous sommes vus rappeler que ce texte n’était pas contraignant. Quant à la diffusion de la recommandation, le conseiller du Garde eut une formule des plus explicites « Le garde ne s’opposera pas à la diffusion des règles ». L’Etat de droit était sauf. 

Alors que ces nouvelles règles faisaient encore l’objet de consultations dans les Etats membres, Alain Cugno, professeur de philosophie ,en avait souligné toute l’importance politique, lors d’une réunion publique du Collectif « Octobre 2001 » le 2 décembre 2004, à l’Hôtel de Ville de Paris. Alain Cugno concluait sa brillante analyse du texte provisoire de la façon suivant : « De même que dire le droit consiste souvent à dire « Assez ! » à quelqu’un, pour qu’il ouvre les yeux sur ce qu’il fait, de même il faut dire « Assez ! » à notre manière de considérer la prison. Cette voix ne peut venir que de l’extérieur, il n’y a pas d’autres manières de s’y prendre qui peuvent nous débarrasser de nos œillères. C’est précisément la tâche de ces règles européennes que d’effectuer une telle ouverture du regard ».
 

 1. - Cela se passe à Strasbourg

Organisation intergouvernementale créée le 5 mai 1949 (Traité de Londres signé par dix Etats) le Conseil de l’Europe a pour objectif de défendre et promouvoir les droits de l’homme, la démocratie pluraliste et l’Etat de droit. C’est aujourd’hui 46 Etats membres, c’est une Europe de plus de 800 millions « d’européens » qui englobe l’Union européenne mais s’étend bien au delà des frontières de « l’Europe de Bruxelles » jusqu’à celles de l’Iran et de l’Irak (la Turquie en est membre depuis 1949) et jusqu’à celles de la Chine (la Fédération de Russie a fait son entrée en 1996).
Celles et ceux qui s’intéressent aux questions pénales connaissent généralement bien ses deux instances phares : la Cour européenne des droits de l’homme (la CEDH) et le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (le CPT). 
La « machine » qui produit conventions et recommandations dans le domaine pénal et de la Justice pénale est nettement moins connue. Ces activités sont impulsées et mises en œuvre par le Comité européen pour les problèmes criminels (CDPC), instance constituée des 46 délégations gouvernementales des Etats membres qui se réunit en séance plénière, au Palais de l’Europe, à Strasbourg, une fois par an. C’est cette structure - aidée d’un bureau du CDPC - qui va finaliser les recommandations avant qu’elles ne soient définitivement adoptées par le Comité des ministres (ministres des affaires étrangères ou leurs représentants permanents).
Dans le domaine de l’exécution des mesures et sanctions pénales, en milieu fermé comme en milieu ouvert, les recommandations sont préparées par le Conseil de Coopération pénologique (PC-CP) avant qu’elles ne soient soumises au CDPC. Le PC-CP est constitué de 7 membres élus à titre personnel, mais avec l’accord de leur gouvernement, par le CDPC ; ce sont des hauts fonctionnaires - directeurs généraux des prisons et/ou du milieu ouvert, responsables des politiques pénales - des hauts magistrats ou plus rarement des universitaires. Le Conseil est depuis peu présidé par notre collègue Sonja Snacken, professeur de criminologie à l’Université de Bruxelles (VUB), ancienne présidente de la European Society of Criminology (ESC), qui a souvent effectué des missions pour le compte du CPT [3]. 

Le rôle du Conseil de coopération pénologique

Pour mener à bien la rédaction d’une recommandation, conformément au mandat qui lui est donné par le CDPC, le Conseil de Coopération pénologique a deux solutions. La plus économique consiste, pour les 7 membres du PC-CP à faire le travail eux-mêmes, aidés par un, deux ou trois experts - nommés à titre strictement personnel - qui se trouvent ainsi associés aux deux réunions par an du Conseil, le temps de l’élaboration de la recommandation. Ce fut le cas pour la recommandation sur la surpopulation des prisons et l’inflation carcérale comme pour la recommandation sur le libération conditionnelle [4]. Seconde solution : il demande que soit constitué un « comité ad’hoc » d’experts [5] issus d’une quinzaine de pays et chargé de préparer le texte de la recommandation. C’est la solution qui fut retenue pour la préparation de la recommandation sur les nouvelles règles pénitentiaires comme pour celle relative à la gestion des condamnés à perpétuité et des condamnés à de longues peines [6]. Qui prend l’initiative d’élaborer une recommandation sur telle ou telle question ? C’est très variable. L’initiative peut venir du Secrétariat général du Conseil de l’Europe (la structure exécutive de l’organisation), elle peut naître au sein du CDPC, portée par telle délégation gouvernementale, ou au sein du bureau du CDPC, groupe restreint qui se réunit plus fréquemment, ou dans le cadre du Conseil de coopération pénologique sur proposition d’un de ses membres, voire d’un expert. C’est ainsi que le projet de réécriture des règles pénitentiaires a été présenté par Norman Bishop (Suède), en août 2000 [7]. Il faudra donc attendre 5 ans et demi pour que la recommandation soit définitivement adoptée.
Ajoutons à cette description trop rapide, que les fonctionnaires du Secrétariat général (administrateurs, chargés de mission, ...) jouent un rôle essentiel dans tout ce processus. Ils assurent la permanence face à des acteurs qui ne sont à Strasbourg que de façon épisodique (au mieux trois à quatre fois par an, pour des séjours de deux à cinq jours).

2. - Vous avez dit recommandations ?

Une recommandation du Conseil de l’Europe n’est pas un texte contraignant, sur le plan juridique, pour les Etats qui le signent. Rien à voir avec une convention, ou avec une directive adoptée par l’Union européenne. Aussi, la recommandation une fois adoptée par consensus, doit-on s’attendre à des positionnements bien différents de nos gouvernants selon les préoccupations politiciennes du moment, ou plus noblement selon les idéologies qui sous-tendent leurs politiques. Reste qu’adopter une recommandation du Conseil de l’Europe, à Strasbourg, devrait représenter un engagement politique fort, une promesse morale de ne pas prendre, à Londres Berlin ou Paris, des décisions, sur le plan législatif ou règlementaire, qui aillent à l’encontre de ce que l’on a recommandé à tous de faire. 

Des textes non diffusés

On trouve pourtant une constante dans notre pays, au delà des alternances politiques : le peu d’intérêt des parlementaires - dont certains pourtant siègent à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe [8] - comme de l’exécutif pour ce qui se passe à Strasbourg. Ainsi la condition première pour que ces recommandations aient quelques chances d’être suivies d’effet, c’est qu’elles soient connues des membres du Parlement français, des administrations concernées - et ce à tous les niveaux -, de l’ensemble des acteurs du champ pénal, de la « société civile organisée » qui peut jouer le rôle, bénéfique en la circonstance, de groupe de pression, et des citoyens dans leur ensemble. Le Conseil de l’Europe n’a évidemment les moyens, ni de médiatiser ses travaux, ni d’en assurer une diffusion massive dans l’ensemble des Etats membres, ce qui exigerait d’ailleurs la traduction dans un très grand nombre de langues différentes (il n’y a que deux langues officielles dans l’organisation, le français et l’anglais). A aucun moment du long processus de création une recommandation ne fait « événement ». Ajoutons que la présence du siège de l’organisation sur notre territoire ne crée en rien une appétence particulière des médias nationaux. Aussi la responsabilité de la diffusion des recommandations revient-elle au gouvernement de chaque pays.

On peut affirmer sans risque d’être contredit que le gouvernement français, qu’il soit de gauche ou de droite, n’a rien fait pour diffuser la recommandation du 30 septembre 1999 sur la surpopulation et l’inflation carcérale, rien pour celle du 29 novembre 2000 sur les sanctions et mesures appliquées dans la communauté (Lionel Jospin était premier ministre), rien pour celle du 24 septembre 2003 sur la LC ou du 9 octobre 2003 sur la gestion des condamnés à perpétuité et à de longues peines (Jean-Pierre Raffarin était encore à Matignon).
Naturellement des chercheurs ont fait leur travail d’analyse  [9] et la société civile a commencé à se mobiliser face à l’impéritie de l’Etat. Ainsi la FARAPEJ a-t-elle organisé, en coopération avec la l’Association française de criminologie (AFC), un colloque européen, les 23 et 24 novembre 2001, qui s’est tenu dans la salle d’audience de la Cour européenne des droits de l’homme, à Strasbourg, sur le thème « les règles pénitentiaires européennes, un outil pour l’action des associations ». Le 13 décembre 2003, le Collectif « Octobre 2001 », adressait une lettre ouverte à M. Dominique Perben, garde des sceaux, concernant l’application des recommandations de 1999 et de 2003 et demandant une audience. Ce courrier, courtois et documenté, signé par des organisations représentant des dizaines de milliers d’adhérents, restera sans réponse [10]. En 2004, le collectif « Octobre 2001 » a continué à prendre nombre d’initiatives pour faire en sorte que l’on parle et que l’on débatte des orientations définies par le Conseil de l’Europe. Les associations doivent poursuivre ce travail d’explication et de mobilisation.

 3. - Retour sur le futur

C’est en nous inspirant des travaux les plus récents du Conseil de l’Europe que nous avons été amenés à prendre parti, en 2005, dans le débat parlementaire sur le traitement de la récidive. Nous avons proposé six axes de priorité dans la perspective des élections présidentielles et élections législatives de 2007.

 Six mesures pour transformer la condition pénitentiaire  [11

(1) - Contrôle extérieur des prisons. Les règles pénitentiaires précisent à l’article 92, sous le titre Inspection gouvernementale : « Les prisons doivent être inspectées régulièrement par un organisme gouvernemental, de manière à vérifier si elles sont gérées conformément aux normes juridiques nationales et internationales, et aux dispositions des présentes Règles ». Et dans l’article 93, sous le titre Contrôle indépendant  : « Les conditions de détention et la manière dont les détenus sont traités doivent être contrôlées par un ou des organes indépendants, dont les conclusions doivent être rendues publiques. Ces organes de contrôle indépendants doivent être encouragés à coopérer avec les organismes internationaux légalement habilités à visiter les prisons ».
Nous proposons que ce contrôle indépendant soit confié à la Commission nationale de déontologie de la sécurité, autorité administrative indépendante, créé par la loi 2000-494 du 6 juin 2000. Ses compétences seront donc élargies et les moyens de son fonctionnement assurés. La question du « contrôle extérieur » a été fort bien instruire par la commission mise en place par Elisabeth Guigou alors Garde de Sceaux et présidée par Guy Canivet, premier président de la Cour de cassation. Son rapport fut déposé en mars 2000  [12] : cinq ans plus tard, ne serait-il pas temps d’agir ? D’autant plus que la France a signé, à l’occasion de la 60me session de l’Assemblée générale de l’ONU, le Protocole facultatif à la Convention des Nations Unies contre la torture. Il prévoit un système d’inspections régulières des lieux de détention afin de prévenir des pratiques abusives et d’améliorer les conditions de détention. 

(2) - Des hommes et des femmes debout. Sous le titre Régime pénitentiaire, les RPE précisent dans l’article 25, les points suivants : « Le régime prévu pour tous les détenus doit offrir un programme d’activités équilibré. Ce régime doit permettre à tous les détenus de passer chaque jour hors de leur cellule autant de temps que nécessaire pour assurer un niveau suffisant de contacts humains et sociaux. Ce régime doit aussi pourvoir aux besoins sociaux des détenus. » Dans les prisons françaises, il y a urgence à lutter contre l’oisiveté en détention. Chaque personne détenue pourra bénéficier d’une, au moins, des solutions suivantes : a. un emploi, b. une formation générale et/ou professionnelle, c. des activités culturelles et/ou de formation à la citoyenneté. Pour chacune de ces activités les personnes détenues (prévenues ou condamnées) recevront une rémunération et/ou un revenu minimum de préparation à la sortie (RMPS). 

(3) - L’exercice de la citoyenneté en détention. Dans une des premières étapes de la réécriture des RPE, on a pu lire ceci : « Sous réserve des impératifs de bon ordre, de sûreté et de sécurité, les détenus doivent être autorisés à se réunir pour débattre de questions d’intérêt commun. Les autorités pénitentiaires doivent encourager les comités représentant les détenus à communiquer avec elles concernant les modalités de l’emprisonnement ».
Une telle rédaction, proposée par le Conseil de coopération pénologique, formé, rappelons le, de personnalités de haut rang de sept pays européens a dû effrayer, par son audace, plus d’un gouvernement (dont le notre). La version définitive de l’article 50 est plus « soft ». Sous le titre Bon ordre. Approche générale, on trouve cette recommandation : « Sous réserve des impératifs de bon ordre, de sûreté et de sécurité, les détenus doivent être autorisés à discuter de questions relatives à leurs conditions générales de détention et doivent être encouragés à communiquer avec les autorités pénitentiaires à ce sujet ». Peu importe la façon de l’exprimer : il nous paraît impératif de créer, dans la loi et dans les faits, les conditions d’une véritable participation des détenus à l’organisation de la vie en détention, en s’inspirant de ce qui se fait chez nos partenaires européens. Il s’agit là d’un sujet tabou en France : la question fut pourtant abordée au sein du Conseil d’orientation stratégique (COS) constitué, en 2001, par Marylise Lebranchu, alors Ministre de la Justice, en vue de la préparation de la loi pénitentiaire. Mais, dans la dernière version de ce qui est resté à l’état de proposition, on ne trouve aucune avancée réelle sur le sujet. Dans son article 56, la proposition parle d’exercice de la citoyenneté à propos de l’enseignement, de formation professionnelle et des actions culturelles sportives et de loisirs organisés en prison. L’exercice de la citoyenneté n’exige-t-il pas de mettre en place des processus de délégations légaux, meilleur moyen de lutter contre le caïdat ?  [13]

(4) - Numerus clausus en milieu fermé comme en milieu ouvert. En ce qui concerne les locaux de détention, les RPE apportent les précisions suivantes : « Chaque détenu doit en principe être logé pendant la nuit dans une cellule individuelle, sauf lorsqu’il est considéré comme préférable pour lui qu’il cohabite avec d’autres détenus. Une cellule doit être partagée uniquement si elle est adaptée à un usage collectif et doit être occupée par des détenus reconnus aptes à cohabiter. Dans la mesure du possible, les détenus doivent pouvoir choisir avant d’être contraints de partager une cellule pendant la nuit » (Article 18 alinéas 4 à 7).
La situation actuelle ne permet évidemment pas de respecter cette recommandation. L’effectif de la population sous écrou est de 61 099 (métropole et outre-mer), soit 97,4 personnes écrouées pour 100 000 habitants. En excluant les 1 473 condamnés placés sous surveillance électronique et les 323 condamnés placés à l’extérieur sans hébergement, on obtient une densité carcérale de 59 303 détenus pour 50 302 places opérationnelles, soit 118 détenus pour 100 places. Les condamnés « placés » représentent aujourd’hui 2,9 % des personnes écrouées. 7 établissements ou quartiers ont une densité égale ou supérieure à 200 p. 100, 42 ont une densité comprise entre 150 et 200, 78 entre 100 et 150. 101 ont une densité inférieure à 100.

Aussi pensons-nous qu’il est nécessaire de mettre en place un système de contrôle strict de non dépassement des capacités de placements sous main de Justice [14]. Il s’agit donc du placement sous écrou (ensemble des établissements pénitentiaires) mais aussi du placement sans écrou, en milieu ouvert : prévenus sous contrôle judiciaire, condamnés au sursis avec mise à l’épreuve, au travail d’intérêt général ou en libération conditionnelle. Ce qui nécessite de procéder à une évaluation rigoureuse des capacités actuelles du milieu fermé comme du milieu ouvert (question de locaux et de personnels) en distinguant bien les différentes situations juridiquement possibles [15]. Cet état des lieux devrait « faire consensus » et permettre de définir, dans le même esprit, le « parc » nécessaire et ... suffisant pour le présent et pour l’avenir, en milieu fermé comme en milieu ouvert. Ce n’est pas une question de divination, mais d’évaluations rigoureuses et de choix politique. Le parc pourrait ensuite évoluer, dans une perspective réductionniste vis-à-vis de la privation de liberté, au profit de prises en charge dans la communauté.

(5) - Lutter contre l’inflation carcérale. Devant une telle situation de surpeuplement carcéral, il faut appliquer la recommandation du 30 septembre 1999 du Conseil de l’Europe sur le surpeuplement des prisons et l’inflation carcérale. Cela signifie agir sur trois fronts : le développement des alternatives réduisant les entrées en détention, des alternatives réduisant les durées de détention (sous écrou), des alternatives réduisant le temps passé derrière les murs avec maintien sous écrou. Cette même recommandation, puis celle de 24 septembre 2003 ont montré toute l’importance de la libération conditionnelle dans ce programme.

 (6) - Refonder la libération conditionnelle. Créée, en France, en 1885, la libération conditionnelle est en crise, depuis des années. Elle est octroyée à une petite minorité des détenus condamnés, alors qu’elle devrait être, selon les orientations élaborées à Strasbourg, la voie normale vers la fin de peine [16]. Il faut refonder une libération conditionnelle, appliquée au plus grand nombre, dans des conditions de sécurité satisfaisantes. Aussi doit-elle être au coeur des procédures d’aménagement des peines. Après les lois Perben 2 et Clément 1er  [17] , il faut donc tout revoir sur le sujet. On pourra se reporter à l’annexe 2 où nous indiquons quelques principes généraux et le cadre nécessaire à une telle réforme [18].
 
Nous pensons qu’un tel programme devrait être porté par la création d’un Secrétariat d’Etat à l’exécution des mesures et sanctions pénales placé auprès du Garde des Sceaux, ayant pour tâche d’élaborer un nouveau projet de loi pénitentiaire (que nous préférons appeler « loi sur l’exécution des mesures et sanctions pénales », pour en finir, une fois pour toute avec la « pénitence ») qui s’appuierait fermement sur les orientations du Conseil de l’Europe [19].

Notes:

[1] - Conseil de l’Europe, Les règles pénitentiaires européennes, Recommandation REC (2006)2, adoptées par le Comité des ministres le 11 janvier 2006, 66 pages.
- GENEPI, Les nouvelles règles pénitentiaires européennes, revue Passe Muraille, n°3, mars avril 2006, 7-32

[2] Le Collectif « Octobre 2001 » a été créé en 2000 dans la perspective du XXème anniversaire de l’abolition de la peine de mort, en France en octobre 2001 (loi du 9 octobre 1981). Travaillant sur la thématique « comment sanctionner le crime dans le respect des droits de l’homme ? », il comprend aujourd’hui 16 organisations

[3] Le Conseil comprend actuellement deux francophones : André Vallotton (Suisse) et Xavier Ronsin, avocat près la cour d’appel de Rennes

[4] - Conseil de l’Europe, Le surpeuplement des prisons et l’inflation carcérale, recommandation N°R (99) 22, adoptée par le Comité des ministres le 30 septembre 1999 et rapport élaboré avec l’assistance de A. Kuhn, P.V. Tournier et R. Walmsley, coll. Références juridiques, 2000, 212 pages.
- Conseil de l’Europe, La libération conditionnelle, Recommandation REC (2003) 22, adoptée par le Comité des ministres du Conseil de l’Europe, le 24 septembre 2003 et exposé des motifs, 59 pages

[5] Ces experts peuvent être des chercheurs ou des universitaires, mais aussi des « praticiens » : hauts fonctionnaires, magistrats, médecins, directeurs d’établissement pénitentiaire, etc.

[6] Conseil de l’Europe, La gestion par les administrations pénitentiaires des condamnés à perpétuité et des autres détenus de longue peine, Recommandation REC (2003) 23, adoptée par le Comité des ministres du Conseil de l’Europe le 9 octobre 2003 et exposé des motifs

[7] Bishop (N.), Les règles pénitentiaires européennes : pourquoi elles devraient être révisées, Conseil de l’Europe PC-CP (200) 23, 12 pages

[8] A quelques exceptions, nous pensons, par exemple à Michel Dreyfus Schmidt (sénateur socialiste), à Michel Hunault (député UDF), très actifs sur ces questions. Cette Assemblée est un organe délibératif composé de représentants désignés par les parlements nationaux des 46 Etats membres. A ne pas confondre avec le Parlement européen de l’Union européenne, élu au suffrage universel

[9] Voir les publications en français et en anglais du CESDIP : - Tournier (P.V.), Prisons d’Europe, inflation carcérale et surpopulation, Questions Pénales, 2000, XIII, 2, 4 pages. The prisons of Europe, Prison Population Inflation and Prison Overcrowding, Penal Issues, 2001, n°12, 6-9.
- Tournier (P.V.), Alternatives à la détention en Europe, Questions Pénales, 2002, XV, 4, 4 pages. Alternatives to detention in Europe, Penal Issues, 2003, 14, 15-17.
Voir aussi : - Tournier (P-V), Les modèles de libération sous condition dans les Etats membres du Conseil de l’Europe : entre principe d’égalité et individualisation, le pragmatisme, Champ pénal, Penal Field, 2004.
- Tournier (P.V.), La recommandation REC (2003) 22 du 24 septembre 2003. Plaidoyer pour la libération conditionnelle. Conférence ad hoc des directeurs d’administration pénitentiaire (CDAP) et de service de probation, Rome, 25-27 novembre 2004, Conseil de l’Europe, CDAP (2004) 1, 11 pages.

[10] Lettre publiée dans AFC-Info, n°14, février 2004, 9-11

[11] Une description succincte de ces propositions a été présentée dans Tournier (P.V.), Pour un service public pénitentiaire dont nous n’aurions plus honte, Bloc-notes, Revue Passe Murailles, n°1, novembre-décembre 2005, 19-20

[12] Commission Canivet, Commission pour l’amélioration du contrôle extérieur des établissements pénitentiaires, Rapport à Madame le Garde des Sceaux, 2000

[13] Le club « DES Maintenant en Europe », a organisé le 4 avril 2006, à Paris, un débat public sur ce thème, avec Norman Bishop : Bishop (N.), La participation des personnes détenues à l’organisation de la vie en détention, revue électronique Champ Pénal, Penal Field.

[14] Tournier (P.V), dir., Population carcérale et numerus clausus, débat autour d’un concept incertain : contributions et documents, publication du Club « DES Maintenant en Europe », sept. 2005, 35 pages

[15] Tournier (P.V.), Mosaïque pénitentiaire : une topologie mouvante, Actualité juridique. Pénal, Les Editions Dalloz, n°9/2004, 333-334. 2004

[16] Au cours du 3ème trimestre 2005 (dernières données disponibles), on a recensé, en métropole, 16 957 libérations de condamnés en fin de peine, pour 896 sorties en LC, soit 5% de LC

[17] Loi sur le traitement de la récidive des infractions pénales

[18] Des premiers éléments de la construction qui suit ont été publiés dans : Tournier (P.V.), Solutions contre la récidive, Libération, Rebonds, 18 juillet 205, 30-31

[19]  Voir aussi - Tournier (P.V.), Politiques sous influence ou recommandations sans effet ? Les politiques pénitentiaires en France et les recommandations du Conseil de l’Europe, revue Prison - Justice, à paraître.
- Tournier (P.V.), Lutter contre le crime en Europe : l’arme des droits fondamentaux, in La funcio social de la politica penitenciari, Congrés penitenciari internacional, conferència inaugural, Barcelona 2006, Ministeri de l’Interior, Generalitat de Catalunya, Departament de Justicia, Conseil d’Europa, 2007, CD