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Rapport d’Étienne BLANC, député, sur l’exécution des décisions de justice pénale concernant les personnes majeures

1 Reconnaître l’importance de l’exécution des décisions de justice pénale

Mise en ligne : 2 janvier 2008

Texte de l'article :

CHAPITRE 1ER
RECONNAÎTRE L’IMPORTANCE DE L’EXÉCUTION DES DÉCISIONS DE JUSTICE PÉNALE

L’exécution des décisions de justice pénale a pendant trop longtemps été considérée comme une matière secondaire. Deux indices traduisent ce désintérêt : l’absence d’évaluation de l’exécution des décisions de justice pénale et le manque de lisibilité des dispositions relatives à l’exécution des peines au sein du code de procédure pénale et du code pénal. L’évaluation de l’exécution des décisions de justice pénale et la création d’un code de l’exécution des peines doivent aujourd’hui être des priorités, marquant l’importance particulière que les pouvoirs publics souhaitent voir reconnue à ce domaine aussi essentiel que les poursuites, l’instruction ou le jugement dans la chaîne pénale.

I. ÉVALUER L’EXÉCUTION DES DÉCISIONS DE JUSTICE PÉNALE

La question de l’exécution des décisions de justice pénale est devenue, depuis quelques années seulement, un sujet d’intérêt et de réflexion. Pourtant, si les informations recueillies auprès des juridictions et les statistiques disponibles relatives aux juridictions franciliennes montrent effectivement qu’un certain nombre de peines ne sont pas exécutées ou sont exécutées tardivement, le manque de statistiques nationales permettant d’évaluer l’exécution des décisions de justice pénale pose de sérieuses difficultés.

L’amélioration de l’exécution des décisions pénales constitue certes un objectif du programme « Justice judiciaire » dans le cadre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Deux indicateurs de performance ont été choisis, le taux de mise à exécution et le délai moyen de mise à exécution pour quatre types de peines : l’emprisonnement ferme, le travail d’intérêt général, le sursis avec mise à l’épreuve et l’amende (indicateurs 4.1 et 4.2).

En outre, le développement des aménagements de peine a été retenu comme objectif du programme « Administration pénitentiaire ». Un indicateur relatif au pourcentage de personnes placées sous écrou et condamnées bénéficiant d’un aménagement de peine a été mis en place.

Ces objectifs et indicateurs appellent plusieurs remarques. Tout d’abord, la significativité des indicateurs est actuellement faible, puisqu’ils ne sont élaborés qu’à partir des données des sept juridictions franciliennes et non de l’ensemble des juridictions françaises. Cette insuffisance devrait, selon le ministère de la justice, être normalement résolue à partir de 2008 ou 2009 avec l’entrée en service du système informatique Cassiopée. Outre le fait que la mise en place d’un système informatique performant est une priorité pour améliorer l’efficacité de la justice pénale, la nécessité de disposer de statistiques nationales suffisamment détaillées pour permettre d’évaluer l’exécution des peines rend indispensable un déploiement de Cassiopée dans les meilleurs délais.

Ensuite et surtout, il apparaît que la pertinence des objectifs et la précision des indicateurs retenus peuvent prêter à discussion. En effet, ils ne permettent pas d’évaluer de façon aussi précise qu’il serait souhaitable l’exécution des décisions de justice pénale, tant sur un plan quantitatif que qualitatif.

Sur un plan quantitatif, il apparaîtrait utile, compte tenu des difficultés particulières de mise à exécution des jugements contradictoires à signifier - sur lesquelles nous reviendrons - ainsi que des jugements par défaut, de distinguer les délais et les taux d’exécution en fonction de la nature du jugement. Une telle distinction permettrait de mesurer précisément l’évolution des délais et taux d’exécution pour les jugements contradictoires, les jugements contradictoires à signifier et les jugements par défaut et d’évaluer la pertinence des solutions retenues pour améliorer l’exécution de ces différents types de décisions.

Sur un plan qualitatif, le choix de ne retenir que quatre peines (emprisonnement ferme, travail d’intérêt général, sursis avec mise à l’épreuve et amende) pour les indicateurs relatifs à l’exécution des peines apparaît trop restrictif. En effet, d’autres peines, telles que la suspension ou l’annulation du permis de conduire ou les confiscations d’objets ayant servi à commettre l’infraction, sont quantitativement importantes, tandis que de nouvelles peines, telles que le suivi socio-judiciaire ou le stage de citoyenneté, ont été créées au cours des dernières années. Une évaluation de l’exécution de l’ensemble des peines prévues par le code pénal apparaît tout aussi indispensable que celle des quatre peines retenues.

Concernant la peine de suivi socio-judiciaire, les conditions de son exécution feront l’objet d’une étude approfondie dans le cadre des travaux à venir de la mission d’information sur l’exécution des décisions de justice pénale. Dès lors, la mission estime particulièrement nécessaire que l’exécution de cette peine donne lieu à une évaluation extrêmement précise par le Gouvernement.

Enfin, la fixation dans le programme « Administration pénitentiaire » d’un objectif relatif au développement des aménagements de peine peut se comprendre dans le sens où il est indispensable que l’Administration pénitentiaire, dont la mission ne se limite pas à la garde et à la sécurité mais consiste aussi à favoriser la réinsertion sociale des personnes qui lui sont confiées par l’autorité judiciaire, doit s’investir pour permettre le développement des aménagements de peine. Toutefois, les décisions d’aménagement de peine ne relèvent pas de la compétence de l’Administration pénitentiaire mais de celle des juges de l’application des peines ou du tribunal de l’application des peines, sauf lorsqu’elles sont ramenées à exécution par le directeur du SPIP en cas de silence du JAP dans le cadre de la « nouvelle procédure d’aménagement de peine » (NPAP), en application de l’article 723-24 du code de procédure pénale.

Assigner un objectif à une administration qui n’a pas à titre principal la maîtrise des décisions ne semble pas correspondre à la logique de performance et de responsabilisation de la LOLF. Cependant, certaines évolutions tendant à renforcer le rôle des SPIP dans le domaine des aménagements de peine seront proposées par la mission. Le développement des aménagements de peine devrait donc devenir un objectif partagé entre la justice judiciaire et l’Administration pénitentiaire.

Afin de mesurer les évolutions des aménagements de peine mis en œuvre par les juridictions de l’application des peines et par les SPIP, la mission estime nécessaire que le développement des aménagements de peine devienne un objectif tant pour le programme « Justice judiciaire » que pour le programme « Administration pénitentiaire », mais aussi que les différents aménagements de peine soient distingués au sein de chaque objectif.

Proposition n° 1

Modifier les objectifs et les indicateurs fixés en application de la loi organique relative aux lois de finances, afin de permettre une évaluation quantitative et qualitative efficace de l’exécution des décisions de justice pénale.

II. CRÉER UN CODE DE L’EXÉCUTION DES PEINES

Les dispositions relatives à l’exécution des peines sont aujourd’hui regroupées dans le Livre cinquième du code de procédure pénale intitulé « Des procédures d’exécution », comptant plus de cent articles numérotés de 707 à 803-4. Les articles réglementaires, de trois natures différentes (décrets en Conseil d’État, décrets simples et arrêtés), sont encore plus nombreux : il s’agit des articles R. 57-1 à R. 249-8, D. 48 à D. 599 et A. 38-2 à A. 53. Certaines dispositions, relatives à la semi-liberté et au placement sous surveillance électronique, qui constituent des modalités d’exécution de la peine d’emprisonnement, figurent également dans le code pénal.

Ces dispositions ont été insérées dans ces deux codes au fur et à mesure de la prise d’importance de l’exécution des décisions de justice pénale, sans que l’architecture et la cohérence d’ensemble des dispositions soient véritablement établies. Leur place dans le code de procédure pénale est d’ailleurs, pour certaines de ces dispositions, discutable : certaines règles sont effectivement des règles de procédure, mais d’autres sont de véritables règles de fond. Par exemple, au sein des dispositions relatives à la libération conditionnelle cohabitent des dispositions sur les conditions de fond que doit réunir le condamné pour bénéficier de cet aménagement de peine (article 729) et des dispositions de procédure relatives à la juridiction compétente (article 730) ou aux modalités d’exécution de la mesure (article 732).

Surtout, l’organisation de ces dispositions les rend difficilement lisibles tant pour le justiciable que pour les magistrats chargés de l’exécution et de l’application des peines et les personnels des SPIP et de l’Administration pénitentiaire. Ce manque de lisibilité du droit de l’exécution des peines est souligné par l’ensemble des personnes entendues par la mission et critiqué par la doctrine : « L’ajout répété de règles partielles et le plus souvent contradictoires, selon l’orientation des politiques répressives du moment, engendre de multiples difficultés juridiques qui sont le plus souvent inutiles » [1].

En conséquence, la mission formule le vœu - soutenu par les interlocuteurs de la mission, par le comité d’orientation restreint de la loi pénitentiaire  [2] ainsi que par une partie de la doctrine  [3] - que l’organisation de ces dispositions soit rationalisée et que soit créé un code spécifique relatif à l’exécution des peines.

Le code de l’exécution des peines regrouperait l’ensemble des dispositions relatives d’une part à la mise à exécution des sanctions, d’autre part à l’application des peines, ainsi que les règles relatives aux juridictions et services chargés de la mise en œuvre de ces dispositions. L’expression « exécution des peines » apparaît comme la plus adaptée, dans la mesure où « le droit de la peine comprend deux ensembles : celui de la mise à exécution de la peine et celui de l’application de la peine, dominé par le principe d’individualisation » [4].

Proposition n° 2

Créer un code de l’exécution des peines.

Notes:

[1] Martine Herzog-Evans, Juridictionnalisation de l’application des peines : le bilan, XVIIIème congrès de l’Association française de droit pénal, Revue pénitentiaire et de droit pénal, numéro spécial 2007, Le droit de l’exécution des peines, une jurisprudence en mouvement, page 179

[2] Comité d’orientation restreint de la loi pénitentiaire, Orientations et préconisations, page 59

[3] Philippe Bonfils, rapport de synthèse du XVIIIème congrès de l’Association française de droit pénal, Revue pénitentiaire et de droit pénal, numéro spécial 2007, Le droit de l’exécution des peines, une jurisprudence en mouvement, page 197

[4] Jean Pradel, rapport introductif du XVIIIème congrès de l’Association française de droit pénal, Revue pénitentiaire et de droit pénal, numéro spécial 2007, Le droit de l’exécution des peines, une jurisprudence en mouvement, page 7