Séance relative au droit à la sécurité
Présentation par Eric Péchillon
Je vous propose ici un certain nombre de réflexions (pas toujours bien formulées), mais qui serviront de base à une présentation de la problématique de la séance de lundi.
Cette séance porte finalement sur deux types de questions :
- Quelles sont les obligations de l’administration pénitentiaire visant à garantir la santé et la protection physique et psychologique des détenus ?
- Comment l’Etat peut-il donner une effectivité au droit à la sécurité des individus privés de leur liberté d’aller et de venir ? Doit-il le faire de manière préventive en modifiant certaines pratiques ou ne peut-il le faire que de façon réparatrice en organisant un mécanisme rapide et certain d’indemnisation ? Il est fort probable qu’un système mixte pourra être proposé afin de donner un sens à cette liberté fondamentale.
La mission de sécurité inscrite dans la loi de 1987 a jusqu’à présent été entendue comme une obligation pour l’administration pénitentiaire de protéger l’ensemble de la population des risques que peut faire courir la population pénale.
En pratique, cela se traduit par la mise en place d’une réglementation destinée à offrir les moyens de lutter contre les risques d’évasion. Cette lutte a d’ailleurs conduit à considérer la population pénale dans son ensemble comme potentiellement dangereuse.
L’administration pénitentiaire considère donc qu’elle a des obligations vis-à-vis de l’extérieur, qui justifient certaines atteintes aux droits fondamentaux des détenus.
Toutefois, une lecture constructive des textes internationaux et constitutionnels montre que l’Etat a certains devoirs vis-à-vis de l’ensemble des individus, y compris ceux privés de la liberté d’aller et de venir.
Pour l’essentiel, ces devoirs font partie des « droits créances » reconnus avec le préambule de 1946. Il s’agit ici d’un subtil mélange entre les obligations de moyens et de résultats mis à la charge de la puissance publique.
Pour pouvoir garantir l’effectivité d’un droit à la sécurité des personnes détenues, il est indispensable que notre groupe de travail parvienne à fixer en des termes clairs les contours de cette notion juridiquement incertaine.
Chaque individu libre est en mesure d’attendre des pouvoirs publics un minimum de protection. C’est d’ailleurs une obligation pour l’administration que de prendre des mesures suffisantes pour garantir la salubrité, la sécurité, la tranquillité et la santé publique. Chaque carence est susceptible d’entraîner une indemnisation des préjudices subis et ceci par un mécanisme complet de responsabilité de la puissance publique (allant de la responsabilité pour faute à la responsabilité sans faute).
En milieu pénitentiaire, les choses se compliquent singulièrement car chaque réglementation contraignante ou libérale entraîne des répercussions inattendues.
Ainsi, une surveillance intermittente justifiée par le respect du sommeil ou de l’intimité du détenu conduit à amoindrir les chances d’indemnisation des préjudices.
Il est donc nécessaire de concevoir un droit à la sécurité en se basant à la fois sur les libertés fondamentales de l’individu et sur les attentes légitimes à l’encontre de l’administration.
Il nous faudra réfléchir sur la protection de l’intégrité physique et psychologique du détenu au moment de l’affectation en cellule et poser le principe d’une protection contre les violences exercées par les co-détenus (la protection contre les personnels existe dans les textes).
Par contre, affirmer une protection de l’individu contre lui-même ne va pas de soi pour des raisons tant juridiques que pratiques.
Il est possible d’anticiper un certain nombre de difficultés en travaillant non pas sur les libertés, mais sur les obligations positives pesant sur les services de l’Etat.
Nous retrouvons ici le problème délicat du statut des prévenus qui sont « usagers » du service public de la justice et « pris en charge » par l’administration pénitentiaire. Les obligations de l’Etat ne sont pas exactement les mêmes à l’égard de ces deux catégories d’individus.
Le droit à la sécurité passe également par un droit « à la santé », entendu comme un droit à recevoir des soins adaptés à son état. Actuellement la loi de 1994 met en place un mécanisme qui retire cette activité à l’administration pénitentiaire pour la confier aux services médicaux. L’amélioration est notable mais perfectible.
Notre groupe de travail devra notamment réfléchir à des problèmes théoriques comme le libre choix du médecin, la continuité des soins, mais également à des problèmes concrets comme la prise en charge des malades mentaux, des handicapés, et les femmes enceintes.
A chaque fois, nous devrons qualifier leur statut pour savoir s’ils doivent être qualifiés de détenu malade ou de malade détenu. Le terme malade n’est d’ailleurs pas adapté aux femmes enceintes et aux vieillards.
Il faudra également que le groupe de travail arrête une position sur les mesures de suspension médicale de peine.
Pour être effectif, un droit doit être contraignant pour celui qui doit le mettre en œuvre et sanctionner en cas de mauvaise utilisation.