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Avis CNDS 17 novembre 2008 (2006-136)

Type : PDF

Taille : 2.5 Mo

Date : 22-10-2009

(2006) Saisine 2006-136 sur les conditions du placement à l’isolement d’office

Mise en ligne : 22 octobre 2009

Texte de l'article :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
COMMISSION NATIONALE DE DÉONTOLOGIE DE LA SÉCURITÉ
Saisine n°2006-136


AVIS ET RECOMMANDATIONS
de la Commission nationale de déontologie de la sécurité
à la suite de sa saisine, le 18 décembre 2006,
par M. Louis MERMAZ, sénateur de l’Isère


La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 18 décembre 2006, par M. Louis MERMAZ, sénateur de l’Isère, des conditions du placement à l’isolement de M. M.G. à la maison centrale de Saint-Maur, à la suite de la découverte d’armes factices le 12 avril 2006, puis à la maison centrale de Lannemezan, des conditions de son transfèrement de la maison centrale de Saint-Maur à la maison centrale de Lannemezan et du déroulement des examens médicaux qu’il a subis à l’extérieur de la maison centrale de Lannemezan.
La Commission a pris connaissance de l’expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Paris, déposée le 19 mars 2007, et de l’enquête de l’Inspection des services pénitentiaires (ISP), ordonnée à la demande de la Commission par le garde des Sceaux. Malgré deux demandes écrites adressées au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Châteauroux, elle n’a obtenu aucune réponse concernant une enquête qui aurait été diligentée suite à la découverte d’armes factices à la maison centrale de Saint-Maur le 12 avril 2006.
La Commission a entendu M. M.G., M. P., directeur de la maison centrale de Saint-Maur, Mme K.L., directrice adjointe du centre pénitentiaire de Lannemezan et M. P.B., premier surveillant à la maison centrale de Lannemezan.

> LES FAITS

M. M.G., né le 30 septembre 1959, détenu depuis le 27 juin 1985, a été condamné par deux fois pour homicide volontaire. Il s’est évadé en 1992 de la maison centrale de Clairvaux. Lors de cette évasion, un surveillant a été abattu par les fuyards. M. M.G. a été arrêté en août 1993. Depuis son retour en prison, il aurait passé au total, par périodes successives, douze ans, six mois et quinze jours à l’isolement. Il a de nouveau en 2003 tenté de s’évader, en prenant des personnes en otage, de la maison centrale de Moulins Yzeure. M. M.G. indique qu’il a été transféré entre cinquante-six et cinquante-huit fois ; l’administration pénitentiaire précise qu’il a séjourné à plusieurs reprises à la maison centrale de Saint-Maur : du 22 novembre 2001 au 13 décembre 2002, du 24 octobre 2005 au 23 novembre 2005, du 7 décembre 2005 au 14 avril 2006. Il est retourné à Saint-Maur le 26 octobre 2006, où il se trouvait le jour de son audition, le 6 novembre 2007.
Interrogé sur le comportement général de M. M.G., M. P., directeur de la maison centrale de Saint-Maur, a indiqué qu’il n’avait pas de relations conflictuelles avec les autres détenus ou avec le personnel de l’administration pénitentiaire. Pendant tout son séjour à Saint-Maur,
M. M.G. n’a fait l’objet d’aucune procédure disciplinaire et n’a participé à aucun mouvement collectif. M. P. a précisé qu’aucun mouvement collectif n’avait eu lieu pendant le séjour de M. M.G. à Saint-Maur, en dehors du refus de réintégration après son placement à l’isolement le 12 avril 2006, refus auquel M. M.G. n’a pas pris part.
Dans l’après-midi du 12 avril 2006, le cours de philosophie que suivait M. M.G. à la maison centrale de Saint-Maur a été interrompu par un surveillant. Ce dernier a fait sortir les personnes détenues de la salle de classe pour les emmener dans le bâtiment réservé aux activités socioculturelles. Les surveillants présents ont laissé entendre que des armes avaient été découvertes. Après quelques minutes d’attente, chacun a rejoint son unité.
Plusieurs détenus ont été palpés, trois détenus, dont M. M.G., ont été fouillés à corps.
Lors de sa fouille, il indique que trois surveillants et deux brigadiers étaient présents. Un brigadier lui a indiqué que des armes avaient été découvertes et a laissé entendre qu’il était suspecté. Puis les détenus de son unité (C32) ont été placés dans les cellules vides de l’unité C22, en travaux. Une fouille générale du bâtiment C a été entreprise par les surveillants. Vers 20h00, M. M.G. et les détenus de son unité ont réintégré leur cellule un par un. Toutes ses affaires étaient en désordre dans sa cellule.
Trente minutes plus tard, le capitaine D. est arrivé avec environ une dizaine d’autres agents. M. M.G. a été menotté et emmené au quartier d’isolement (QI). Durant le trajet, il a été rejoint par M. P. Selon M. M.G., il a de nouveau été fouillé à nu en arrivant au QI, en présence de la dizaine de personnels qui l’avait escorté et de M. P., qui lui a ensuite expliqué que des armes factices avaient été découvertes dans les douches. M. P. indique pour sa part que M. M.G. a été fouillé dans sa cellule, par un surveillant, en présence d’un gradé, les autres personnes se trouvant dans le couloir du QI. Vers 21h00, M. De., détenu qui donnait des cours d’informatique à M. M.G., a également été placé à l’isolement.
M. M.G. est convaincu que les armes factices ont été introduites et dissimulées par un surveillant stagiaire. A l’appui de sa thèse, il indique que les surveillants chargés du sondage des barreaux n’ont rien découvert entre 14h00 et 15h00 à l’unité C32. Entre 15h00 et 16h15, un briefing des surveillants a lieu et tous les mouvements des détenus sont interrompus. Pourtant, à 15h00, un surveillant stagiaire est venu voir un codétenu, M. P.R., pour lui proposer d’aller à la douche. Ce dernier, surpris par cette proposition, a refusé. Vers 15h15, il a de nouveau été sollicité et a de nouveau refusé. Peu de temps après, le surveillant stagiaire a découvert les armes dans les douches. M. P. a pour sa part précisé que le contrôle des douches n’était pas concomitant au sondage des barreaux. Le 13 avril 2006, un débat contradictoire a été organisé au sujet de la décision de placement à l’isolement. Le même jour, un mouvement de protestation contre le placement à l’isolement de MM. M.G. et De. a eu lieu, et plusieurs codétenus ont refusé de réintégrer leur cellule après la promenade. Le 14 avril, à 13h30, M. M.G. a été transféré vers la maison centrale de Lannemezan et M. De. vers celle de Clairvaux.
A son arrivée, M. M.G. a été reçu par Mme K.L., directrice adjointe du centre pénitentiaire de Lannemezan, qui lui a notifié sa mise à l’isolement. Deux semaines plus tard, lors d’un débat contradictoire, M. M.G. a pu présenter ses observations écrites, comme à chaque renouvellement. M. M.G. n’a pas demandé l’assistance d’un avocat lors de ces débats.
Le médecin généraliste qui a examiné M. M.G. a estimé que son état de santé était compatible avec la mesure d’isolement. A sa demande, il a rencontré un psychiatre qui, selon ses dires, a refusé de se prononcer sur la compatibilité de sa santé somatique avec la mesure d’isolement. M. M.G. était suivi par un psychiatre à Saint-Maur en raison des séquelles causées par les douze années qu’il avait déjà passées à l’isolement. Il reproche sur ce point à l’administration pénitentiaire de ne pas faire suivre son dossier médical à chaque transfèrement.
A l’isolement, les seules activités de M. M.G. consistaient en deux heures de promenade, une le matin, une l’après-midi, dans une cour de trois mètres sur sept recouverte d’un double grillage, de barreaux et de barbelés. Une bicyclette d’appartement et une barre multifonction étaient disponibles dans une cellule, mais toutes deux étaient hors d’usage. Il avait accès à la bibliothèque, dont il juge le contenu « lamentable ». Il indique avoir demandé à participer à des activités avec d’autres personnes isolées, ce qui lui a été refusé. Il a tenté à plusieurs reprises de suivre des cours par correspondance, mais ses transfèrements successifs ont rendu tout suivi impossible. Selon ses souvenirs, son dernier parloir remonte à janvier 2005, sa famille vivant dans la région de Toulon.
M. M.G. indique qu’à son arrivée à Lannemezan et durant un mois et demi, il a été palpé et fouillé à nu à chaque entrée et sortie de sa cellule. Pendant ce premier mois et demi, les médicaments prescrits dans le cadre de son traitement contre l’asthme et les allergies dont il souffre lui ont été remis par les surveillants, l’infirmière n’ayant pas le droit d’entrer directement en contact avec lui. Par la suite, il a été palpé à chaque déplacement et fouillé à nu plusieurs fois par semaine de façon aléatoire. A chaque fouille, au moins trois surveillants et un brigadier étaient présents mais en général, ils étaient plutôt cinq.
Aux environs du 25 septembre 2006, sans qu’il soit informé de la date exacte de son extraction, M. M.G. devait être conduit à l’hôpital. Le jour de son extraction, un surveillant a frappé à la porte de sa cellule à 6h00 et l’a informé qu’il serait extrait pour aller à l’hôpital. A 7h00, il a pris sa douche et a été fouillé par le personnel pénitentiaire. Lorsque le brigadier chargé de l’escorte lui a demandé s’il était au courant de cette extraction, M. M.G. lui a répondu qu’il avait été informé à 6h00. Le brigadier a alors estimé qu’il convenait d’annuler l’extraction par mesure de précaution.
Un mois plus tard, le 25 octobre 2006, M. M.G. a finalement été extrait pour son examen initialement prévu le 25 septembre. Il a décrit à la Commission le mode opératoire suivi à l’occasion de toutes les extractions qu’il a connues depuis 1993 :
« Je suis d’abord fouillé dans l’établissement, une première fois à la sortie du QI, puis une seconde fois à la sortie de l’établissement. Je suis ensuite mis dans une fourgonnette pénitentiaire, entravé aux pieds et menotté dans le dos ; trois surveillants se placent à l’avant du véhicule et deux à l’arrière avec moi. Notre véhicule est escorté par des véhicules de la police ou de la gendarmerie, jamais moins de trois. Arrivé à l’hôpital, quatre surveillants m’encadrent durant tout le trajet entre le véhicule et la salle où je suis examiné. Sur ce trajet, les policiers ou gendarmes sont positionnés à espace régulier. J’entre dans une pièce où je me déshabille en présence des surveillants qui me détachent les mains pour m’enlever le haut puis me les rattachent et font de même pour le bas.
« Lors de mon examen chez le neurologue à Toulouse, le 25 octobre 2006, cinq surveillants étaient présents, six gendarmes armés munis de gilet pare-balles, équipés en tenue de maintien de l’ordre. Trois étaient postés à côté de la fenêtre et trois à côté du lit. Deux ou trois autres gendarmes étaient présents devant la porte, dans la pièce, et deux ou trois autres devant la porte, dans le couloir. Dans un tel climat de tension, les médecins sont très stressés, mais aucun n’a fait de remarque sur les entraves. Au contraire, un neurologue de Lannemezan a demandé que je sois rapidement remenotté dès la fin des examens ; il a préféré ne pas procéder à certains examens de coordination qui nécessitaient que je sois démenotté et désentravé (levée du bras droit et de la jambe gauche). »
Interrogé par la Commission M. M.G. a précisé qu’il n’était pas menotté au mobilier hospitalier.
Le 26 octobre 2006 au matin, vers 5h00, M. M.G. est sorti du QI de Lannemezan pour être transféré au quartier arrivant de Saint-Maur, où il est resté une semaine avant d’être placé en détention normale. Selon M. M.G., M. De. est sorti du QI de Clairvaux dès le mois d’août 2006.
M. M.G. affirme qu’il n’a jamais été auditionné par un quelconque service judiciaire concernant la découverte d’armes factices. L’Inspection l’a interrogé dans les mois qui ont suivi son retour à Saint-Maur, à la suite de la saisine de la CNDS.

> AVIS

Concernant le placement à l’isolement de M. M.G.
Opportunité du placement à l’isolement

Pendant toute sa détention à la maison centrale de Saint-Maur, M. M.G. n’a fait l’objet d’aucune sanction disciplinaire et les fonctionnaires entendus par la Commission s’accordent sur le fait qu’il a toujours été « correct » avec eux et n’a rencontré aucun problème relationnel avec les autres détenus et les personnels de l’administration pénitentiaire.
Interrogé sur les raisons qui ont motivé le placement à l’isolement de M. M.G., M. P. a expliqué que les personnels de Saint-Maur étaient en état d’alerte permanente depuis que l’état-major de sécurité l’avait informé environ deux mois auparavant qu’une personne interpellée par la gendarmerie ou par la police nationale avait indiqué qu’un projet d’évasion d’envergure se préparait à Saint-Maur. M. M.G. ayant accès aux douches où les armes factices ont été découvertes, et au regard de sa personnalité, de son influence en détention et de son histoire, il a estimé qu’il était impossible qu’il ne soit pas impliqué dans la présence de ces armes, ou informé de la présence de celles-ci. M. P. précise qu’il n’a, en revanche, jamais pensé que M. M.G. les avait personnellement placées à cet endroit. Le directeur précise avoir également été inquiété par la demande d’une visiteuse de prison de Fresnes, qui voulait rencontrer un détenu qui venait d’arriver de Fresnes et qui avait demandé à être dans la même aile que M. M.G. M. P. a indiqué qu’il n’avait pas d’élément concret permettant d’impliquer ce dernier dans la présence des armes factices en détention. Le directeur régional de l’administration pénitentiaire de Paris a approuvé le placement à l’isolement.
M. P. a indiqué qu’à la suite de sa saisine du parquet, des fonctionnaires de police sont venus à la centrale et ont saisi les armes factices. Selon ses souvenirs, son adjoint et l’élève stagiaire qui a découvert les armes factices sont les deux seules personnes qui ont été entendues. Il a indiqué qu’à sa connaissance, aucune enquête n’avait été diligentée par l’administration pénitentiaire. En mai ou juin 2006, il a adressé un rapport à la Direction de l’administration pénitentiaire, dans lequel il a fait part de ses interrogations concernant l’implication de M. M.G. dans la présence des armes factices. Il a été muté en août 2006 ; il n’a jamais été informé des suites judiciaires de son signalement.
Il n’en reste pas moins qu’au regard des informations reçues par l’administration pénitentiaire, de ses constatations et des antécédents judiciaires du détenu, la mise à l’isolement était justifiée.

Opportunité de la prolongation de l’isolement après le transfèrement de M. M.G. vers Lannemezan
Mme K.L., qui a décidé de prolonger l’isolement de M. M.G. à Lannemezan, indique qu’elle ne disposait pas d’éléments précis sur ce qui s’était déroulé à Saint-Maur, mais a précisé qu’il était indiqué dans le dossier de M. M.G. qu’il aurait été à l’origine d’un mouvement collectif, sans qu’aucun élément ne permette d’affirmer qu’il en était l’instigateur.
Interrogée sur la nécessité de placer M. M.G. à l’isolement alors qu’il venait d’être transféré d’établissement, Mme K.L. a indiqué que M. M.G. ayant été placé à l’isolement en urgence à Saint-Maur, transféré à Lannemezan en urgence, et au regard de son profil, une telle décision s’imposait.
Par une décision du 29 juin 2006, notifiée à M. M.G. le 4 juillet 2006, la responsable de l’état major de sécurité à l’administration centrale a motivé la prolongation de l’isolement de
M. M.G. en énonçant un ensemble de faits antérieurs au 12 avril 2006, dont certains relèvent de la simple suspicion, puis un rappel de la découverte d’armes factices et du mouvement collectif qui a suivi le placement de M. M.G. à l’isolement, pour finir sur son profil pénal.
Interrogée sur le maintien à l’isolement de M. M.G. jusqu’à la fin du mois d’octobre 2006, alors que le rapport de l’Inspection des services pénitentiaires remis à la Commission indique que l’administration centrale avait reçu des informations dès le mois de juillet 2006 laissant entendre que M. M.G. pouvait être étranger à cette affaire, Mme K.L. a indiqué que, selon ses souvenirs, elle n’avait été informée de cette situation qu’au mois de septembre 2006. Ni l’administration centrale, ni Mme K.L. n’ont pourtant jugé opportun de demander la fin de la mesure d’isolement de M. M.G. Mme K.L. justifie son choix en expliquant que très rapidement, son transfèrement vers Saint-Maur avait été programmé.
La Commission ne peut souscrire au maintien à l’isolement d’un détenu alors que les premiers motifs invoqués ont été écartés.
Dans les différentes décisions de prolongation transmises à la Commission, aucune justification n’apparaît quant à la nécessité de prolonger l’isolement de M. M.G. après son transfèrement, contrairement à ce qui était préconisé par la circulaire DAP 2006-3092 PMJ4/24-05-2006 du 24 mai 2006 prise en application de deux décrets n°2006-337 et 2006-
338 du 21 mars 2006 entrés en vigueur le 1er juin 2006, relatifs au placement à l’isolement : « En cas de transfert suivi d’une nouvelle décision de placement à l’isolement, il convient notamment de rappeler dans la motivation en quoi le transfert n’a pas été suffisant pour assurer la sécurité des personnes ou de l’établissement. »
Les deux décrets précités du 21 mars 2006 ont partiellement réformé le placement à l’isolement et le régime de détention à l’isolement. Avant l’entrée en vigueur de ces textes, le placement à l’isolement était prévu par les articles D.283-1 et suivants du Code de procédure pénale. En conformité avec la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 et depuis l’arrêt du Conseil d’Etat du 30 juillet 2003 Remli [1], la décision de placement à l’isolement doit être motivée de façon précise et circonstanciée, au regard de risques avérés et actuels de troubles à l’ordre et à la discipline.
Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, la Commission tient pour établi que le retour en détention ordinaire de M. M.G. aurait dû être effectué, soit dès son arrivée à Lannemezan, soit au plus tard au mois de juillet. Selon M. P., au moment de son transfèrement, M. M.G. a été « échangé » avec M. T., un détenu qui se trouvait à l’isolement à Lannemezan. La Commission souhaite que lui soient communiquées des informations sur le taux d’occupation de la maison centrale de Lannemezan à l’époque des faits et sur la cellule occupée par M. T. à Lannemezan, afin d’ôter tout doute quant à l’éventualité d’un séjour de M. M.G. à l’isolement faute de place à Lannemezan en détention ordinaire.

Déroulement de la procédure de placement

Par jugement du 7 juin 2007, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du garde des Sceaux en date du 28 avril 2007 portant prolongation du placement à l’isolement de M. M.G. Le tribunal s’est fondé sur le fait que la consultation de la commission d’application des peines, qui est une formalité préalable, avait été effectuée après cette décision.

Compatibilité de l’état de santé de M. M .G. avec la mesure d’isolement

Tous les détenus placés à l’isolement sont examinés par un généraliste deux fois par semaine, conformément aux articles D.283-1-3 et D.381 du Code de procédure pénale.
M. M.G. a également reçu la visite d’un médecin psychiatre. Seul l’avis du médecin généraliste de l’unité de consultations et de soins ambulatoires (UCSA) est sollicité en ce qui concerne la compatibilité avec l’isolement. Mme K.L. a précisé que M. M.G. a été suivi par un psychiatre et par des infirmières psychologues. S’ils avaient constaté des conséquences néfastes de cette mesure sur le plan psychique, ils en auraient fait part à la direction.
Par un certificat médical du 22 juin 2006, le médecin généraliste a conclu : « Aucune contre indication d’ordre somatique à son maintien à l’isolement. » La Commission ne dispose en revanche d’aucune indication sur la compatibilité de l’état de santé psychique de M. M.G. avec son maintien à l’isolement. Le rapport d’expertise psychiatrique rédigé en mars 2007 a cependant donné un éclairage différent quant à l’impact de la mesure sur M. M.G, ainsi qu’il sera indiqué ci-après.

Concernant les conditions de détention de M. M.G. à l’isolement
Fouilles à nu régulières

Interrogée sur la régularité des fouilles à nu pratiquées sur M. M.G., Mme K.L. a indiqué qu’elle n’a donné aucune consigne particulière le concernant. Elle a précisé que pour tout mouvement interne à l’établissement, les détenus placés à l’isolement font l’objet d’une palpation à l’entrée et à la sortie de la cellule. Le quartier d’isolement de Lannemezan dispose d’un portique de détection de métaux ; à chaque mouvement, les détenus isolés passent sous ce portique.
M. P.B. est premier surveillant. Il était responsable du bâtiment C, où se trouvent le quartier disciplinaire et le quartier d’isolement. Il a confirmé les dires de Mme K.L.
Toujours selon M. P.B., les fouilles à corps ne sont pas systématiques. Elles se font à l’instinct, en fonction des comportements, des circonstances et des ordres. Elles sont ciblées et inopinées. Sur la base de ces critères, il a précisé qu’il est possible que M. M.G. ait fait l’objet de fouilles à corps environ trois ou quatre fois par semaine, peut-être plus, mais pas de façon systématique, toujours inopinée. Il était également fouillé à corps à chaque fois qu’il recevait une visite au sein du quartier : avocat, aumônier, instituteur, conseiller d’insertion et de probation, visiteur de prison… Le règlement impose de plus une fouille à corps à chaque entrée ou sortie du bâtiment C.
Selon M. P.B., les fouilles à corps ne font pas l’objet d’une inscription dans un registre, contrairement aux fouilles de cellule, mais le registre mentionne le nom des personnes ayant rendu visite à un isolé, ainsi que les jours et heures de ces visites. M. P.B. ne se souvient pas avoir découvert d’objets interdits sur M. M.G.
M. P.B. a indiqué que la fouille se déroulait en présence d’un seul fonctionnaire, toujours de sexe masculin, soit en cellule, soit à la douche, soit dans un lieu isolé à l’abri des regards ; avec deux autres agents placés devant le lieu de la fouille.

Dans une décision Frérot c/ la France du 12 juin 2007, et sur des constatations similaires, la France a été condamnée pour la violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. » [2]
Au regard des témoignages de M. M.G. et de M. P.B., la Commission tient pour établi que pendant toute la durée de son isolement à la maison centrale de Lannemezan, soit plus de six mois, M. M.G. a fait l’objet de trois à quatre fouilles à nu « inopinées » hebdomadaires et d’un nombre difficilement calculable de fouilles à nu à chaque entrée, à chaque sortie du bâtiment C, notamment pour se rendre à l’UCSA, et à chaque fois qu’il a reçu des visites à l’intérieur du quartier d’isolement.
La Commission en déduit que les fouilles intégrales que M. M.G. a subies alors qu’il était détenu à la maison centrale de Lannemezan, entre avril 2006 et octobre 2006, s’analysent en un traitement dégradant au sens de l’article 3 précité, en raison de leur fréquence et de leur absence de justification.
Activités réduites au minimum Mme K.L. et M. P.B . ont confirmé que le matériel de musculation (une bicyclette d’appartement et une barre multifonction) était régulièrement hors d’usage.
Dans une circulaire (DAP 2006-3092 PMJ4/24-05-2006) du 24 mai 2006 prise en application de deux décrets nos2006-337 et 2006-338 du 21 mars 2006 entrés en vigueur le 1er juin 2006, relatifs au placement à l’isolement, le directeur de l’administration pénitentiaire a précisé : « Le quartier d’isolement doit impérativement permettre l’organisation d’activités sportives, seul ou en petit groupe. Des équipements adaptés doivent être prévus à cet effet. »
Mme K.L. a précisé que M. M.G. était inscrit à une formation à distance qu’il suivait avec peu d’assiduité. Ayant été transféré environ soixante fois en treize ans, la CNDS estime que M. M.G. n’est pas en mesure de suivre une formation à distance.
Mme K.L. et M. P.B. ont confirmé qu’à la centrale de Lannemezan, la pratique interdit les activités en commun entre les personnes isolées. Cette situation de principe est contraire à l’article D.283-1-2 du Code de procédure pénale : « Toutefois, le chef d’établissement organise, dans toute la mesure du possible et en fonction de la personnalité du détenu, des activités communes aux détenus placés à l’isolement. »
Dans la circulaire relative au placement à l’isolement du 24 mai 2006 précitée, le directeur de l’administration pénitentiaire a précisé : « Le chef d’établissement doit favoriser, si la personnalité du détenu et les motifs de l’isolement le permettent, le regroupement avec un ou plusieurs autres détenus isolés. […] Des espaces spécifiques aux activités en commun pourront être aménagés au sein des quartiers d’isolement, en particulier lorsqu’ils sont de taille importante. »

La principale activité de M. M.G. consistait donc à se rendre deux fois par jour dans une des cinq cours de promenade communes au quartier disciplinaire. La Commission se rallie à l’analyse du Comité européen de prévention de la torture, selon laquelle « Les quartiers d’isolement visités à la maison centrale de Moulins Yzeure et à la maison d’arrêt de Seysses étaient contigus aux quartiers disciplinaires des établissements en question (les cours de promenade étant partagées) et le personnel en service était le même, ce qui venait renforcer cette impression de flou entre la mesure de sécurité et la mesure disciplinaire ». Cette situation, qui prévaut également à la maison centrale de Lannemezan et dans plusieurs établissements visités par la Commission, entretient le flou entre la mesure d’isolement et la mise au quartier disciplinaire qui ne peut dépasser quarante-cinq jours.

Absence de visites familiales
Selon Mme K.L., la dernière visite au parloir de M. M.G. remonte à 2004. Il n’a reçu aucune visite à Lannemezan.

Durée totale d’isolement
Il ressort de la décision de prolongation de l’isolement du 29 juin 2006 que son isolement, entrecoupé de périodes de détention ordinaire inférieures à un an, a commencé le 1er octobre 1993. Il totaliserait une durée de douze ans et six mois d’isolement. Cette situation est contraire à toutes les recommandations internationales en la matière :

  • recommandations du comité européen pour la prévention de la torture (CPT) : « En tous cas, toutes les formes de mise à l’isolement devraient être de la durée la plus brève possible. » [ extrait des standards du CPT ] ;
  • recommandations du Comité des Nations Unies contre la torture adressées à la France le 3 avril 2006 : « Le Comité recommande que l’État partie prenne les mesures nécessaires pour que l’isolement cellulaire demeure une mesure exceptionnelle et limitée dans le temps, en accord avec les normes internationales. » ;
  • règles pénitentiaires européennes : Règle 53.1. : « Le recours à des mesures de haute sécurité ou de sûreté n’est autorisé que dans des circonstances exceptionnelles. » ; Règle 53.3. : « La nature de ces mesures, leur durée et les motifs permettant d’y recourir doivent être déterminés par le droit interne. »

Conséquences de l’isolement sur la santé de M. M.G.

Le rapport d’expertise rédigé le 19 mars 2007 à la demande du juge des référés du tribunal administratif de Paris conclut ainsi : « Au total, pour nous, M. M.G. présente sans nul doute un syndrome de privation sociosensorielle important qui apparaît comme la conséquence de sa mise à l’isolement. Cet état de fait entraîne donc des conséquences négatives sur son état de santé psychique. (…)
Ainsi, pensons-nous que la prolongation de la mesure d’isolement dont fait l’objet M. M.G. comporterait, si elle était réactualisée, sans nul doute des risques d’aggravation de son état de santé psychique actuel, qui est déjà, d’après ce qu’il en décrit, assez notablement dégradé.
La vie carcérale, en général, opère une réduction de sensorium qui se trouve majorée considérablement, pensons-nous, au quartier d’isolement. Cette désafférentation sensorielle partielle (de la vue et du goût, notamment) s’accompagne, chez M. M.G., d’une déconnexion encore partielle, mais susceptible de se compléter, ce qu’elle fera dans une moindre mesure, s’il n’est plus isolé, des afférences intellectuelles dont il peut bénéficier par l’intermédiaire de la lecture et de l’échange de correspondance (qu’il a pratiqué, nous dit-il, longtemps, mais dont il ne se dit désormais plus capable). (…) ».

Concernant le déroulement des extractions médicales
Mesures de sécurités prises au cours des extractions médicales

Les détenus sont fouillés par palpation à la sortie de leur cellule. Ils sont emmenés au local « fouille » où ils sont fouillés à nu minutieusement, ainsi que leurs vêtements. Les détenus isolés sont escortés en permanence au sein de l’établissement pénitentiaire par un premier surveillant et par un surveillant. Pendant leurs déplacements, les autres mouvements en détention sont bloqués afin qu’ils ne rencontrent personne. Ils sont fouillés à nu à la sortie du QI. Ils sont systématiquement entravés et menottés puis placés dans un box d’attente. Pour les détenus particulièrement surveillés (DPS) et les détenus à risque majeur (DRM), une escorte par les forces de l’ordre est appelée à la demande de la direction. Elle est plus ou moins étoffée selon le profil et le trajet : dans le cas de M. M.G., le véhicule qui le transporte, avec les personnels de l’administration pénitentiaire est précédé par deux motards, et parfois un véhicule de police ou gendarmerie. Un autre véhicule ferme le convoi.
A l’arrivée, M. P.B. et le responsable policier rencontrent le médecin et lui demandent la nature de l’examen et les contraintes particulières que cela peut entraîner en termes de sécurité. Puis le médecin leur présente le lieu de la consultation qui est fouillé et débarrassé de tous les objets qui pourraient être dangereux. Des consignes de sécurité sont communiquées au personnel médical. En général, ils demandent à l’escorte de maintenir les entraves et, très souvent, de rester proche d’eux pour assurer leur sécurité. En fonction de la disposition des locaux, le dispositif de sécurité est adapté : un fonctionnaire est placé devant chaque ouverture à l’intérieur de la pièce, devant chaque porte et devant chaque fenêtre à l’extérieur. Lors de sa dernière extraction, l’examen médical de M. M.G. avait été organisé dans une grande pièce au rez-de-chaussée disposant de trois portes et d’une grande baie vitrée (équivalant à deux fenêtres) : six personnels de l’escorte étaient postés à l’intérieur de la pièce ; à l’extérieur, deux gendarmes étaient présents devant chaque porte (six gendarmes), deux se trouvaient devant la baie vitrée et un gendarme sécurisait les lieux depuis le véhicule.
M. M.G. a donc fait l’objet d’une première fouille à nu à la sortie du QI, comme indiqué précédemment. Il a fait l’objet d’une deuxième fouille avant de sortir de l’établissement avec l’escorte. A son retour, il a été de nouveau fouillé à son arrivée à l’établissement, conformément à l’article D.275 du Code de procédure pénale, puis à l’arrivée au QI.
La Commission considère que deux sur quatre de ces fouilles à nu ne sont pas justifiées. M. M.G. était entravé et menotté lors de ses examens médicaux, le dernier s’étant déroulé en présence de six fonctionnaires de l’escorte à l’intérieur de la salle, alors que neuf gendarmes sécurisaient les lieux à l’extérieur.
Plusieurs dispositions du Code de procédure pénale, et notamment des articles D.275, précité, D.283-4, D.294 et D.397 s’appliquent en matière d’extraction médicale.
A la lecture de ces articles, un équilibre doit être trouvé entre la sécurité des personnes et la confidentialité des consultations médicales. En l’espèce, la Commission estime que la surabondance des moyens de sécurité mis en oeuvre lors des extractions médicales de M. M.G. – fouillé à nu à quatre reprises, sous la surveillance permanente d’au moins deux fonctionnaires au sein de l’établissement dans lequel il ne peut rencontrer aucun détenu, soumission à un examen médical avec maintien des entraves, pratiqué en présence de six fonctionnaires de l’escorte – a été disproportionnée par rapport au respect de la confidentialité de ces examens.

Concernant le transfèrement de M. M.G. vers Lannemezan

Lors de son audition, M. P. a indiqué que la Direction centrale, qui était dans une logique de transfèrement avec M. M.G., ne souhaitait pas qu’il reste à l’isolement à Saint-Maur. Son transfèrement était décidé avant le mouvement collectif dans lequel M. P. affirme que M. M.G. n’a eu aucune implication.
La Commission regrette que l’administration pénitentiaire ne trouve pas de moyens plus respectueux de la dignité de la personne de M. M.G., qui certes s’il a été incarcéré pour des faits graves, notamment une évasion en 1992, lors de laquelle un surveillant a été tué, n’en reste pas moins un homme qui doit être traité avec dignité.
Extraits du rapport d’expertise rédigé par le Dr J.B., le 19 mars 2007, à la demande du juge des référés du tribunal administratif de Paris : « M. M.G. souligne enfin l’aspect pénalisant de ses nombreux transferts par rapport à son désir de poursuivre des études par correspondance, de travailler ou de poursuivre une psychothérapie (qui, d’ailleurs, représenterait pour lui davantage un lieu d’échange que réellement thérapeutique, car nous n’avons pas réellement perçu de demande de cet ordre chez lui, mais, par contre, un désir certain de dialogue). »
Dans son rapport qui a fait suite à sa visite en France du 27 septembre au 9 octobre 2006, le Comité européen pour la prévention de la torture a constaté : « Le CPT est conscient qu’à certains moments et dans certaines situations particulières, des détenus peuvent être difficilement contrôlables et que leur transfert vers un autre établissement peut parfois s’avérer nécessaire. Toutefois, le transfert continuel d’un détenu d’un établissement vers un autre peut avoir des conséquences très néfastes sur son bien-être, ainsi que sur ses possibilités de réinsertion, et compliquer le maintien de contacts appropriés avec son avocat et sa famille. Dans son tout premier rapport sur la France relatif à la visite effectuée en 1991, le Comité avait déjà souligné ce point, en indiquant que dans le cas de transferts fréquents, les « conditions minimales pour l’existence d’un milieu de vie cohérent et suivi ne sont plus assurées. De plus, un détenu qui se trouve dans une telle situation aura de très sérieuses difficultés à maintenir des contacts appropriés avec sa famille, ses proches et son avocat.
L’effet des transfèrements successifs sur un détenu pourrait, dans certaines circonstances, constituer un traitement inhumain et dégradant. (…) il [le CPT] recommande que le système des « rotations de sécurité » soit revu, à la lumière des commentaires formulés par le CPT à la suite de la visite effectuée en 1991, et toujours d’actualité au moment de la visite en 2006.
Il serait notamment souhaitable que le détenu concerné soit informé au préalable de la mesure prise à son encontre et qu’il dispose de moyens de recours. »
L’évolution de la jurisprudence du Conseil d’Etat va également en ce sens.

> RECOMMANDATIONS
Au regard :

  • de l’absence totale d’éléments permettant d’imputer la présence d’armes factices à la maison centrale de Saint-Maur à M. M.G. ;
  • de l’absence d’enquête sur cette découverte de la part de l’administration pénitentiaire, M. M.G. n’ayant été entendu par l’Inspection qu’à la demande de la CNDS ;
  • de l’absence d’audition de M. M.G. lors de l’enquête diligentée par le procureur de la République de Châteauroux sur la découverte des armes factices ;
  • de l’absence de sanctions disciplinaires pendant son séjour à Saint-Maur ;
  • de l’absence de reproche en général sur son comportement dans les derniers temps ;
  • de la durée totale d’isolement de M. M.G. – plus de douze années – ;
  • des conditions de détention pendant six mois au QI de Lannemezan :
  • trois à quatre fouilles à nu aléatoires hebdomadaires et à chaque mouvement hors du quartier d’isolement ;
  • absence totale de contact avec les autres personnes isolées ;
  • impossibilité de faire du sport, les appareils à disposition étant défectueux ;
  • impossibilité de suivre un enseignement à distance en raison des très nombreux transfèrements ;
  • des conséquences de son isolement sur sa santé psychique constatées par une expertise du 19 mars 2007 ;
  • des déroulements des extractions médicales lors desquelles :
  • il faisait l’objet d’au moins quatre fouilles à nu ;
  • au moins un examen médical a été réalisé en présence de six fonctionnaires de l’escorte ;
  • de l’annulation d’une extraction médicale sans réel fondement ;
  • du nombre de transfèrements de M. M.G. : une soixantaine en treize ans ;
    la Commission estime que M. M.G. a été soumis à un ensemble de traitements inhumains et dégradants tout au long de sa détention au quartier d’isolement de Lannemezan.
    La Commission estime que le nombre de fouilles à nu est disproportionné par rapport au but à atteindre et à la composition des escortes prenant en charge les personnes détenues, a fortiori lorsqu’elles sont placées au quartier d’isolement et subissent dès lors quatre fouilles à nu à chaque extraction de l’établissement.
    La Commission souhaite qu’une réflexion soit engagée sur une réforme de l’article D.275 du Code de procédure pénale et de la circulaire du garde des Sceaux du 14 mars 2006 relative aux fouilles des détenus, afin de diminuer le nombre de fouilles à nu lors des extractions, voire de ne les pratiquer qu’en présence de raisons plausibles de penser que la personne dissimule des objets dangereux pour elle-même ou pour autrui, comme c’est le cas lors du placement en garde à vue.
    Les fouilles autorisées par l’article D.275 du Code de procédure pénale relèvent de la seule compétence du chef d’établissement. La Commission demande que des sanctions disciplinaires soient prises à l’encontre de M. P.B. qui a décidé, en l’absence d’ordre de Mme K.L., de procéder chaque semaine à trois à quatre fouilles à nu « inopinées » sur M. M.G. pendant sa période de détention au quartier d’isolement de la maison centrale de Lannemezan.
    S’agissant des moyens de sécurité mis en oeuvre à l’occasion des extractions, la Commission recommande qu’un équilibre soit trouvé entre les articles D.275, D.283-4, D.294 et D.397 du Code de procédure pénale, afin que les personnes extraites ne fassent pas l’objet de mesures de sécurité attentatoires à leur dignité et à la confidentialité des consultations et soins médicaux.
    La Commission souhaite que les dispositions de la circulaire précitée du 24 mai 2006 relative au placement à l’isolement, soient rappelées aux directeurs d’établissements et à toutes les autorités compétentes pour décider de la prolongation d’une mesure d’isolement, notamment en ce qui concerne la motivation de telles décisions et les conditions de vie dans les quartiers d’isolement.

    Adopté le 17 novembre 2008.
    Pour la Commission nationale de déontologie de la sécurité,
    Le Président,
    Roger BEAUVOIS
    Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis au garde des Sceaux, ministre de la Justice, dont la réponse a été la suivante :
    A réception de cette réponse, la CNDS a fait parvenir au garde des Sceaux, ministre de la Justice, le courrier suivant :
    Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis au ministre de la
    Défense.
Lire également :
Notes:

[1] Extrait de l’arrêt Remli du 30 juillet 2003 : « La mise à l’isolement, par sa nature même, prive la personne qui en fait l’objet de l’accès à celles des activités sportives, culturelles, d’enseignement, de formation et de travail rémunéré qui sont proposées de façon collective aux autres détenus, […] le placement à l’isolement d’un détenu contre son gré constitue, eu égard à l’importance de ses effets sur les conditions de détention, une décision susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir ».

[2] « La Cour note que le requérant a été confronté à des inspections anales uniquement à Fresnes, où il y avait une présomption que tout détenu revenant du parloir dissimulait des objets ou substances dans les parties les plus intimes de son corps. Dans ces conditions, la Cour comprend que les détenus concernés, tel le requérant, aient eu le sentiment d’être victimes de mesures arbitraires, d’autant que le régime de la fouille était prévu par une circulaire et laissait au chef d’établissement un large pouvoir d’appréciation.
Ce sentiment d’arbitraire, celui d’infériorité et l’angoisse qui y sont souvent associés, et celui d’une profonde atteinte à la dignité que provoque indubitablement l’obligation de se déshabiller devant autrui et de se soumettre à une inspection anale visuelle, en plus des autres mesures intrusives dans l’intimité que comportent les fouilles intégrales, caractérisent selon la Cour un degré d’humiliation dépassant celui que comporte inévitablement la fouille corporelle des détenus. De surcroît, l’humiliation ressentie par le requérant a été accentuée par le fait que ses refus de se plier à ces mesures lui ont valu, à plusieurs reprises, d’être placé en cellule disciplinaire.
La Cour en déduit que les fouilles intégrales que le requérant a subies alors qu’il était détenu à la maison d’arrêt de Fresnes, entre septembre 1994 et décembre 1996, s’analysent en un traitement dégradant au sens de l’article 3. »