Saisine n°2009-23
AVIS ET RECOMMANDATIONS
de la Commission nationale de déontologie de la sécurité
à la suite de sa saisine, le 19 février 2009,
par Mme Alima Boumediène-Thiery, sénatrice de Paris
La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 19 février 2009, par Mme Alima Boumediène-Thiery, sénatrice de Paris, des conditions dans lesquelles était assurée la garde de M. C.K., hospitalisé à l’hôpital Henri-Mondor de Créteil, en raison d’une blessure reçue lors de son interpellation, le 17 février, à la suite de son évasion de la maison centrale de Moulins, le 15 février précédent..
Le membre de la commission désigné pour procéder à des vérifications à l’hôpital, ayant été empêché d’accomplir sa mission, aucune audition n’a eu lieu.
> LES FAITS
A la suite de son évasion avec arme et utilisation d’explosifs, de la maison centrale de Moulins, le 15 février 2009, M. C.K. a été nterpellé dans la région parisienne le 17 février et blessé par balles lors d’un échange de coups de feu avec les forces de sécurité.
Il a été hospitalisé à l’hôpital Henri-Mondor de Crétil dans un premier temps sous le régime de la garde à vue. Celle-ci a été levée le 19 février au matin. A cette même date, la Commission de déontologie de la sécurité a été saisie, par une parlementaire, d’une demande d’enquête portant notamment sur le fait que M. C.K. était en permanence attaché à son lit par le poignet gauche.
Un des membres de la Commission, professeur de médecine légale, a été immédiatement désigné comme rapporteur avec mission de se rendre sur place afin de vérifier le bien-fondé des allégations contenues dans la lettre de saisine et plus généralement la comptabilité des conditions d’hospitalisation de M. C.K. avec son état de santé.
Bien qu’en vertu de l’article 6 de la loi n°2000-494 du 6 juin 2000 portant création de la CNDS, la Commission puisse décider de faire procéder à des vérifications sur place sans préavis, le Président de la Commission a pris l’attache du directeur du cabinet du Préfet de police pour le prévenir de la visite envisagée. Le Président a, dans un premier temps, reçu l’assurance qu’il n’y aurait pas d’obstacle du côté du personnel chargé de la garde de M. C.K., puis a été rappelé par son interlocuteur, l’avisant que du fait de la levée de la garde à vie, il était préférable de prendre contact avec le parquet de Créteil.
Cette démarche ayant été accomplie, le rapporteur de la Commission, qui s’en était auparavant entretenu avec le garde du service hospitalier, s’est présenté vers 17h30 à l’hôpital, où le responsable de la garde de M. C.K. lui a fait savoir qu’il ne pouvait accéder auprès de celui-ci.
Après diverses informations contradictoires, ce fonctionnaire a fini par dire qu’il fallait obtenir l’accord du cabinet de la garde des Sceaux.
A 18h30, un membre de ce cabinet, qui en avait référé à son directeur, a fait savoir qu’il n’y avait aucune opposition de la part du ministère de la Justice et que le préfet du Val de Marne était avisé pour qu’il puisse prendre les mesures nécessaires.
Aucun instruction nouvelle n’ayant été donnée au personnel chargé de la surveillance de M. C.K., le rapporteur de la Commission s’est retiré à 19h15.
> AVIS
Selon les renseignements recueillis, il apparaît établi que M. C.K. a été effectivement attaché par un poignet au lit, à l’aide de menottes. Si une telle mesure est à écarter de manière générale pour les détenus hospitalisés, les circonstances particulières de l’évasion et la personnalité de M. C.K. auraient pu expliquer que des mesures de sécurité exceptionnelles soient prises à son égard, dès lors que son état de santé n’aurait pas exclu la possibilié d’une nouvelle tentative de fuite.
Cet état de santé n’ayant pu être vérifié non plus que les conditions d’hospitalisation, la Commission ne peut émettre d’avis sur l’exsitence d’un manquement à la déontologie sur ce point.
En revanche, la Commission constate la volonté délibérée de la part de fonctionnaires relevant du ministère de l’Intérieur, nécessairement informés de la démarche de la Commission, de s’opposer à l’accomplissement par l’un de ses membres, de vérifications sur place, violant ainsi les articles 5, deuxième alinée, et 6 de la loi du 6 juin 2000.
L’explication opposée par la suite à la CNDS par le ministre de l’intérieur, selon laquelle le préfet aurait dû être saisi d’une demande de permis de visite, par référence à l’article D.403 du code de procédure pénale, ne saurait être retenue, ces dispositions de nature réglementaire et qui, au demeurant, concernent les visites habituelles des familles ou des proches des condamnés, ne pouvant à l’évidence permettre de déroger aux obligations prescrites par la loi.
> RECOMMANDATIONS
La Commission nationale de déontologie de la sécurité recommande que soient rappelées aux fonctionnaires relevant du ministère de l’Intérieur, que que doit leur niveau hiérarchique, les obligations qui résultent pour eux de la loi du 6 juin 2000 et qu’en cas de renouvellement de manquements à ces obligations, des poursuites disciplinaires soient entreprises.
La Commission élève une vigoureuse protestation pour l’entrave inadmissible qui a été ainsi portée à l’exercie de sa mission, en violation de la loi, par des agents publics, qui ont pour devoit de la faire respecter et de la respecter eux-mêmes.
Elle estime que cette entrave pourrait être constitutive d’une infration pénale prévue à l’article 15 de la loi précitée du 6 juin 2000 et transmet cet avis au procureur de la République de Créteil.
Adopté le 6 avril 2009,
Pour la Commission nationale de déontologie de la sécurité,
Le Président,
Roger BEAUVOIS