Strasbourg, le 22 mars 2002
pc-cp\docs 2002\pc-cp (2001) 11rev3 - f PC-CP (2001) 11 REV3 prov
e réunion du PC-CP
Le Comité des Ministres, en vertu de l’article 15.b du Statut du Conseil de l’Europe :
Considérant qu’il est de l’intérêt des Etats membres du Conseil de l’Europe d’établir des principes communs en matière d’exécution des peines privatives de liberté, afin de renforcer la coopération internationale dans ce domaine ;
Reconnaissant que la libération conditionnelle est une des mesures les plus efficaces et les plus constructives pour prévenir la récidive et pour favoriser la réinsertion sociale des détenus, selon un processus programmé, assisté et contrôlé ;
Considérant que son usage devrait être adapté aux situations individuelles et conforme aux principes de justice et d’équité ;
Considérant que le coût financier de la détention pèse lourdement sur la société et que les études montrent que la détention a souvent des conséquences néfastes et n’assure pas la réinsertion des détenus ;
Considérant qu’il est donc souhaitable de réduire autant que possible la durée de la détention et que la libération conditionnelle, qui intervient avant que la totalité de la peine n’ait été purgée, peut contribuer, dans une large mesure, à atteindre cet objectif ;
Reconnaissant que les mesures de libération conditionnelle requièrent l’appui des responsables politiques et administratifs, des juges, des procureurs, des avocats et de l’ensemble des citoyens, qui ont par conséquent besoin d’explications précises quant aux raisons de l’aménagement des peines de prison ;
Considérant que la législation et la pratique de la libération conditionnelle devraient être conformes aux principes fondamentaux des Etats démocratiques régis par le principe de la prééminence du droit, et inspirés par l’objectif primordial de la garantie des droits de l’homme, conformément à la Convention européenne des Droits de l’Homme et à la jurisprudence de l’organe chargé de veiller à son application ;
Gardant à l’esprit la Convention européenne sur la surveillance des personnes condamnées ou libérées sous condition ;
Reconnaissant l’importance de :
- la Résolution (70) 1 sur l’organisation pratique des mesures de surveillance, d’assistance et d’aide post-pénitentiaire pour les personnes condamnées ou libérées sous condition ;
- la Résolution (76) 2 sur le traitement des détenus de longue durée ;
- la Recommandation n° R (87) 3 relative aux Règles pénitentiaires européennes ;
- la Recommandation n° R (92) 16 relative aux Règles européennes sur les sanctions et mesures appliquées dans la communauté ;
- la Recommandation n° R (92) 17 relative à la cohérence dans le prononcé des peines ;
- la Recommandation n° R (97) 12 sur le personnel chargé de l’application des sanctions et mesures ;
- la Recommandation n° R (99) 22 concernant le surpeuplement des prisons et l’inflation carcérale ;
- la Recommandation n° R (2000) 22 concernant l’amélioration de la mise en œuvre des Règles européennes sur les sanctions et mesures appliquées dans la communauté ;
Recommande aux gouvernements des Etats membres :
- d’appliquer dans leur législation, leurs politiques et leurs pratiques concernant la mesure de libération conditionnelle les principes énoncés à l’annexe de la présente recommandation et notamment d’introduire cette mesure dans leur législation si celle-ci ne la prévoit pas encore ;
- d’encourager la diffusion la plus large possible de la présente recommandation concernant la libération conditionnelle et de son exposé des motifs.
Annexe à la Recommandation n° [...]
Définition de la libération conditionnelle
1 Aux fins de la présente recommandation, on entend par libération conditionnelle la mise en liberté de détenus condamnés, assortie de conditions et de mesures de prise en charge individualisées afin qu’ils purgent le restant de leur peine dans la communauté Les amnisties et grâces collectives ne sont pas couvertes par cette définition.
2 La libération conditionnelle constitue l’une des " mesures appliquées dans la communauté ". Son introduction dans la législation et son application aux cas individuels sont régies par les Règles européennes sur les sanctions et mesures appliquées dans la communauté figurant dans la Recommandation n° R (92) 16, ainsi que par la Recommandation n° R (2000) 22 concernant l’amélioration de la mise en œuvre des Règles européennes sur les sanctions et mesures appliquées dans la communauté.
Principes généraux
3 Le but premier de la libération conditionnelle devrait être d’aider les détenus à réussir la transition de la vie carcérale à la vie dans la communauté dans le respect des lois, moyennant des conditions et des mesures de prise en charge après la libération visant cet objectif et contribuant à la sécurité publique et à la diminution de la délinquance au sein de la société.
4.a. Afin de réduire les effets délétères de la détention et de favoriser la réinsertion des détenus dans des conditions visant à garantir la sécurité de la collectivité, la législation devrait prévoir la possibilité pour tous les détenus condamnés, y compris les condamnés à perpétuité, de bénéficier de la libération conditionnelle.
b. Une exception à cette règle peut être admise pour les détenus purgeant des peines de très courte durée.
5 Au commencement de l’exécution de leur peine, les détenus devraient connaître le moment où la libération conditionnelle pourra leur être accordée du fait d’avoir purgé une période minimale (définie en termes absolus et/ou par référence à une proportion de la peine) et les critères utilisés pour déterminer s’ils peuvent bénéficier d’une libération conditionnelle (système de libération discrétionnaire) ou bien, le moment où celle-ci leur sera accordée de droit du fait d’avoir purgé une période fixe (définie en termes absolus et/ou par référence à une proportion de la peine - système de libération à période fixe).
6 La libération conditionnelle devrait être réglementée de manière à ce que la période minimale ou fixe ne soit pas trop courte, auquel cas il s’agirait d’une ingérence inacceptable dans la durée de détention décidée par le tribunal, ni si longue que l’objectif premier de la libération conditionnelle ne pourrait être atteint.
7 Tous les détenus bénéficiant d’une libération conditionnelle devraient être tenus de ne pas commettre de nouvelles infractions pénales. Il devrait en outre être possible d’imposer des conditions supplémentaires adaptées à la situation particulière de chaque détenu.
8 En principe, la libération conditionnelle devrait également être accompagnée d’une prise en charge, sous la forme de mesures d’assistance et de contrôle. La nature et l’intensité de cette prise en charge devraient être adaptées à chaque individu. Des aménagements devraient pouvoir être effectués durant toute la période de liberté conditionnelle. Dans certains cas, une prise en charge ne sera pas nécessaire ou cessera de l’être.
9 Sauf exception mentionnée ci-dessous, aucune condition ni mesure de prise en charge ne devrait être imposée pendant une durée dépassant celle de la peine restant à purger.
10 Les conditions et les mesures de prise en charge d’une durée indéterminée ne devraient s’appliquer qu’en cas de nécessité absolue aux fins de la protection de la société et conformément aux garanties énoncées dans la Règle 5 des Règles européennes sur les sanctions et mesures appliquées dans la communauté, telle que révisée dans la Recommandation n° R (2000) 22.
Préparation à la libération conditionnelle
11 La préparation à la libération conditionnelle devrait commencer suffisamment à l’avance par rapport à la date de libération prévue, et être organisée en étroite collaboration entre tous les intervenants appropriés travaillant en milieu fermé et ceux intervenant dans la prise en charge après la libération.
12 Les administrations pénitentiaires devraient veiller à ce que les détenus puissent participer à des programmes appropriés pour préparer la libération et soient encouragés à suivre des cours ou une formation qui les préparent à la vie dans la communauté. Des modalités spécifiques d’exécution des peines privatives de liberté- telles que les régimes de semi-liberté ou ouverts ou encore les placements à l’extérieur- devraient être utilisées le plus largement possible en vue de préparer la réinsertion sociale des détenus.
13 Dans le cadre de cette préparation, les détenus devraient également avoir la possibilité de nouer des contacts avec des services, des organisations et des associations de bénévoles qui pourront les aider, lorsqu’ils bénéficieront de la libération conditionnelle, à se réinsérer dans la société. A cette fin, divers types de congés pénitentiaires devraient être accordés.
14 Il conviendrait d’encourager l’examen précoce des conditions à observer après la libération et des mesures de prise en charge appropriées. Les conditions envisageables, l’aide susceptible d’être apportée, les obligations de contrôle et les conséquences éventuelles du non-respect des conditions fixées devront être soigneusement expliquées au détenu et discutées avec lui.
Octroi de la libération conditionnelle
Système de libération discrétionnaire
15 La période minimale que le détenu doit purger avant de pouvoir prétendre à la libération conditionnelle devrait être définie en conformité avec la loi.
16 Les autorités compétentes devraient engager la procédure nécessaire pour que la décision concernant la libération conditionnelle puisse être prise et appliquée (sauf si elle est négative) dès que le détenu a purgé la période minimale requise.
17 Un report du moment de la prise de décision ne devrait être possible que dans des circonstances exceptionnelles définies par la loi.
18 Les critères que les détenus doivent remplir pour pouvoir bénéficier de la libération conditionnelle devraient être clairs et explicites. Ils devraient également être réalistes en ce sens qu’ils devraient tenir compte de la personnalité des détenus, de leur situation socio-économique et de l’existence de programmes de réinsertion.
19 L’absence de possibilité d’emploi au moment de la libération ne devrait pas constituer un motif de refus ou de report de la libération conditionnelle. Des efforts devraient être déployés pour trouver d’autres formes d’activité. Le fait de ne pas disposer d’un logement permanent ne devrait pas non plus constituer un motif de refus ou de report de la libération conditionnelle. Il conviendrait plutôt de trouver une solution provisoire d’hébergement.
20 Les critères d’octroi de la libération conditionnelle devraient être appliqués de telle sorte que celle-ci puisse être accordée à tous les détenus qui remplissent un niveau minimal de garanties pour devenir des citoyens respectueux des lois.
21 Si l’autorité de décision rend une décision négative, elle devrait fixer une date en vue du réexamen de la question. En toute hypothèse, les détenus devraient pouvoir saisir une nouvelle fois l’autorité de décision dès l’apparition d’une amélioration notable de leur situation.
Système de libération à période fixe
22 La période de la peine que le détenu doit purger avant que la libération conditionnelle lui soit accordée de droit devrait être fixée par la loi.
23 Un report du moment de la libération ne devrait être possible que dans des circonstances exceptionnelles définies par la loi.
24 La décision de report devrait fixer une nouvelle date de libération.
Conditions imposées
25 Au moment d’examiner les conditions à imposer et la nécessité d’une prise en charge, l’autorité de décision devrait disposer de comptes rendus - et de préférence du témoignage direct - d’intervenants travaillant en milieu fermé connaissant bien le détenu et sa situation personnelle. Les professionnels intervenant dans la prise en charge du détenu après sa libération ou d’autres personnes connaissant sa situation sociale, devraient aussi fournir des informations, de préférence de vive voix.
26 L’autorité de décision devrait s’assurer que le détenu comprend les conditions imposées, l’aide qui peut lui être apportée, les obligations de contrôle et les conséquences éventuelles du non-respect des conditions fixées.
Exécution de la libération conditionnelle
27 L’exécution de la libération conditionnelle et des mesures de prise en charge devrait relever de la responsabilité d’une autorité d’exécution professionnelle et compétente, conformément aux Règles 7, 8 et 11 des Règles européennes sur les sanctions et mesures appliquées dans la communauté.
28 L’exécution devrait être organisée et traitée conformément aux Règles 37 à 75 des Règles européennes sur les sanctions et mesures appliquées dans la communauté et dans le respect des impératifs fondamentaux d’efficacité énoncés dans les principes 9 à 13 de la Recommandation n° R (2000) 22 concernant l’amélioration de la mise en œuvre des règles européennes sur les sanctions et mesures appliquées dans la communauté.
Non-respect des conditions imposées
29 Tout manquement grave aux conditions imposées devrait être rapidement signalé à l’autorité chargée de décider d’une éventuelle révocation. Cette autorité devrait cependant se demander si de nouveaux conseils, un autre avertissement, des conditions plus strictes ou une révocation temporaire peuvent constituer une sanction suffisante. En cas de manquement mineur, il conviendrait de recourir au conseil ou à l’avertissement. Une condamnation pour une infraction pénale commise pendant la période de liberté conditionnelle, devrait entraîner une évaluation de la nécessité d’engager une procédure de révocation.
30 En règle générale, le non-respect des conditions imposées devrait être traité conformément aux dispositions pertinentes des Règles 76 à 88 des Règles européennes sur les sanctions et mesures appliquées dans la communauté.
Garanties procédurales
31 Les décisions relatives aux décisions sur l’octroi, le report ou la révocation de la libération conditionnelle, ainsi que sur l’imposition ou la modification des conditions et des mesures qui lui sont associées, devraient être prises par des autorités établies par disposition légale et selon des procédures entourées des garanties suivantes :
a) Les condamnés devraient avoir le droit d’être entendus en personne et de se faire assister de la personne de leur choix, y compris d’un avocat.
b) L’autorité de décision devrait accorder une attention soutenue à tout élément, y compris à toute déclaration, présenté par les condamnés à l’appui de leur demande.
c) Les condamnés devraient avoir accès au dossier.
d) Les décisions devraient indiquer les motifs qui les sous-tendent et être notifiées par écrit.
32 Les condamnés devraient pouvoir introduire un recours auprès d’une autorité de décision supérieure contre le fond de la décision ou le non-respect des garanties procédurales.
33 Des procédures de recours devraient également être disponibles s’agissant de l’exécution de la libération conditionnelle.
34 Toutes les procédures de recours devraient respecter les garanties énoncées aux Règles 13 à 19 des Règles européennes sur les sanctions et mesures appliquées dans la communauté.
Méthodes destinées à améliorer la prise de décision
35 Il conviendrait d’encourager l’utilisation et la mise au point d’instruments fiables d’évaluation des risques et des besoins, qui, associés à d’autres méthodes, pourraient constituer une aide à la prise de décision.
36 Des séances d’information et/ou des programmes de formation devraient être organisés à l’intention des décideurs, avec la participation de spécialistes en droit et en sciences sociales et de tous les intervenants dans le domaine de la réinsertion des détenus libérés sous condition.
37 Des mesures devraient être adoptées afin d’assurer une certaine cohérence dans la prise de décision.
Informations et consultation sur la libération conditionnelle
38 Les responsables politiques, les autorités judiciaires, les autorités de décision et d’exécution, les responsables locaux et les associations d’aide aux victimes et aux détenus devraient recevoir des informations et être consultés sur le fonctionnement de la libération conditionnelle, ainsi que sur l’évolution de la législation et de la pratique dans ce domaine.
39 Les autorités de décision devraient recevoir des informations sur le nombre de détenus pour lesquels la libération conditionnelle a été appliquée avec succès et sur le nombre d’échecs enregistrés.
40 Des campagnes d’information devraient être organisées, via les médias et par d’autres moyens, pour tenir informé l’ensemble des citoyens du fonctionnement et de l’évolution récente de l’usage de la libération conditionnelle et de son rôle dans le système de la justice pénale. Ces informations devront être rapidement disponibles en cas d’événement dramatique rendu public pendant la période de liberté conditionnelle d’un détenu. Ce type d’événement ayant tendance à attirer l’attention des médias, il conviendra également de mettre en valeur l’objectif de la libération conditionnelle et ses aspects positifs.
Suivi, recherche et statistiques
41 Afin d’obtenir davantage d’informations sur la pertinence des systèmes de libération conditionnelle en vigueur et leur perfectionnement, des évaluations devraient être effectuées et des données statistiques compilées pour recueillir des éléments d’information sur le fonctionnement de ces systèmes et leur capacité à atteindre les objectifs premiers de la libération conditionnelle.
42 En plus des travaux de suivi et d’évaluation recommandés ci-dessus, des recherches devraient être encouragées sur le fonctionnement des systèmes de libération conditionnelle. Ces recherches pourraient par exemple porter sur les opinions, les attitudes et les représentations des autorités judiciaires, des autorités de décision et d’exécution, des victimes, de l’ensemble des citoyens et des détenus au sujet de la libération conditionnelle. Il conviendrait également d’examiner d’autres aspects, tels que le rapport entre le coût et l’efficacité de la libération conditionnelle, sa capacité à diminuer les taux de récidive, la mesure dans laquelle les bénéficiaires de cette mesure parviennent à se réinsérer dans la communauté et l’incidence de l’évolution de la libération conditionnelle sur le prononcé des sanctions et des mesures et sur leur exécution. La nature des programmes de préparation à la libération devrait aussi faire l’objet de recherches.
43 Il serait souhaitable que des statistiques soient tenues sur des points tels que le nombre de détenus ayant bénéficié d’une libération conditionnelle par rapport au nombre de détenus qui pouvaient y prétendre, la durée des peines et les infractions concernées, la proportion de la peine purgée, le nombre de révocations, les taux de condamnations ultérieures et le profil pénal et socio-démographique des détenus ayant bénéficié d’une libération conditionnelle.