CHAPITRE 4
AMÉLIORER LA MISE À EXÉCUTION ET LES CONDITIONS D’EXÉCUTION DES DÉCISIONS DE JUSTICE PÉNALE
« L’exécution d’une peine prononcée est la garantie de la crédibilité de la justice pénale. Cette crédibilité est assurée par l’effectivité : une institution, pour être respectable et utile, doit fonctionner de manière réelle et effective » [1]. La justice pénale, grâce à des progrès récents dans l’exécution des sanctions, a commencé à regagner de la crédibilité, même si de nouvelles avancées doivent être réalisées pour que la certitude et la promptitude de la sanction deviennent une réalité.
Dans son rapport sur les peines alternatives à la détention, les modalités d’exécution des courtes peines, la préparation des détenus à la sortie de prison, M. Jean-Luc Warsmann avait formulé l’idée que « lorsque le condamné est comparant, les premiers actes d’exécution doivent être accomplis dès l’audience ». Cette proposition s’est traduite notamment par la mise en place dans 176 TGI des bureaux de l’exécution des peines (BEX), qui ont permis des progrès considérables en termes de délai et de taux d’exécution des peines. Leur utilité est telle que leur généralisation est aujourd’hui une nécessité.
Outre la généralisation des BEX, d’autres progrès sont encore possibles pour améliorer la mise à exécution des peines prononcées, notamment des peines d’amende et de suspension ou de retrait de permis de conduire. Enfin, une amélioration des conditions d’exécution des peines privatives de liberté est elle aussi nécessaire, afin que ces peines puissent prendre pleinement leur sens et prévenir efficacement la récidive en favorisant la réinsertion des personnes détenues.
I. GÉNÉRALISER LES BEX
Malgré certaines difficultés d’installation qu’il conviendra de relever, les vertus des BEX sont unanimement reconnues par tous les acteurs de l’exécution des décisions de justice pénale. Leur généralisation est une nécessité, même si certaines améliorations sont possibles pour parfaire leur efficacité.
A. LES VERTUS DES BEX
Alors que l’objectif de la création des BEX était de permettre l’exécution complète ou un début d’exécution des peines prononcées immédiatement après l’audience, il est apparu à l’usage que les BEX avaient deux autres vertus, celle de permettre l’explication de la décision et celle de permettre l’information de la victime. De plus, à l’égard des victimes, le BEX ne doit pas seulement rester un lieu d’information, il doit aussi devenir le lieu de l’indemnisation.
1. Le BEX, lieu d’exécution ou de commencement d’exécution de la décision
La création des BEX avait pour objectif de porter remède à une situation absurde, caricaturale et décrédibilisante pour l’institution judiciaire : lorsqu’une peine d’amende était prononcée, le justiciable ne recevait un commandement de payer que plusieurs mois après l’audience ; en cas de condamnation à un SME ou à un TIG, la convocation n’était adressée là aussi que plusieurs mois après, alors que la situation personnelle et professionnelle de la personne condamnée pouvait avoir changé ; pis, en cas de condamnation à une peine d’emprisonnement ferme non assortie d’un mandat de dépôt à l’audience, la peine pouvait être mise à exécution plusieurs mois après l’audience, donnant à l’action de la justice une double image de lenteur incompréhensible et de manque de discernement dans les cas où la situation du condamné avait évolué.
Pour redonner du sens aux peines prononcées, la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a introduit dans le code de procédure pénale un nouvel article 707, dont le premier alinéa dispose que « les peines prononcées par les juridictions pénales sont, sauf circonstances insurmontables, mises à exécution de façon effective et dans les meilleurs délais ». L’exécution des peines « dans les meilleurs délais » est donc désormais la norme, cette expression devant être prise dans son sens le plus strict, c’est-à-dire, à chaque fois que possible, immédiatement après l’audience.
L’existence des BEX, après une phase d’expérimentation en 2004, a été consacrée par l’article D. 48-2 du code de procédure pénale, issu du décret n° 2004-1364 du 13 décembre 2004 modifiant le code de procédure pénale et relatif à l’application des peines.
Dans tous les tribunaux où ils ont été mis en place, les BEX, dont le taux de fréquentation est très satisfaisant, ont rendu possible soit l’exécution immédiate des peines soit un début d’exécution de celles-ci, sans rupture dans la chaîne pénale entre le prononcé de la peine et son exécution.
- Tout d’abord, le taux de présentation au BEX peut d’ores et déjà être considéré comme très satisfaisant. Par exemple, le TGI de Bobigny, dans lequel l’accès au BEX est prévu pour les audiences de CRPC et d’ordonnances pénales, soit huit audiences hebdomadaires qui concernent chaque année 3 000 condamnés, le taux de présentation est de l’ordre des deux tiers, et le taux d’exécution immédiate des décisions atteint un tiers.
Ce taux de présentation au BEX après l’audience est particulièrement élevé dans le cadre des audiences de CRPC, atteignant selon les juridictions 90 à quasiment 100 %, ce qui s’explique par le fait que cette procédure suppose de la part du condamné la reconnaissance des faits et l’acceptation de la sanction. Cette procédure, que l’ensemble des magistrats du parquet et du siège rencontrés par votre rapporteur s’accordent à juger globalement satisfaisante et efficace, se voit ainsi confortée par le fait que les décisions prononçant des peines d’amende ou de suspension ou retrait du permis de conduire sont généralement exécutées très rapidement.
- Pour les peines immédiatement exécutables telles que l’amende ou le retrait de permis de conduire, le BEX permet une exécution immédiate. Dans toutes les juridictions où ont été installés des terminaux de paiement par carte bancaire ou des urnes destinées à recevoir les paiements par chèque, la mission a pu constater que les justiciables étaient nombreux à se présenter après l’audience pour s’acquitter du montant de l’amende qui vient d’être prononcée [2].
Lorsque le BEX ne dispose ni d’un terminal de paiement par carte bancaire ni d’une urne pour les chèques, ce qui est malheureusement encore le cas dans une majorité de tribunaux [3], la personne condamnée à une amende se voit remettre un relevé de condamnation pénale (RCP) lui permettant, en principe et sous les réserves qui seront développées ci-après, de se présenter à la trésorerie et de s’acquitter du montant de son amende ou de demander un échelonnement du paiement sur examen de sa situation personnelle.
Couplée à la réduction de 20 % prévue depuis la loi du 9 mars 2004 par l’article 707-2 du code de procédure pénale en cas de paiement dans le mois suivant la décision, la possibilité de payer immédiatement l’amende soit au BEX soit à la trésorerie a indéniablement permis d’améliorer le taux de recouvrement des amendes, sans toutefois que les statistiques disponibles permettent de mesurer précisément l’augmentation de ce taux.
De même, et sous les réserves qui seront formulées ci-après, les peines de suspension et de retrait de permis de conduire sont largement exécutées au BEX. Cette possibilité ne peut être que considérée comme bénéfique pour le justiciable, qui a la possibilité de connaître immédiatement après l’audience les dates de début et de fin de la peine, compte tenu notamment d’une éventuelle suspension administrative dont la durée doit venir en déduction de la peine prononcée, et de commencer à l’exécuter au plus près de l’audience.
- Pour les peines « non immédiatement exécutables », qui nécessitent la remise d’une convocation devant le JAP ou le SPIP, le BEX facilite l’application de l’article 474 du code de procédure pénale, qui prévoit la délivrance obligatoire à l’issue de l’audience d’une convocation dans un délai de 10 à 30 jours devant le JAP pour les peines d’emprisonnement ferme d’une durée inférieure ou égale à un an et devant le SPIP pour les peines de SME, de sursis assorti de l’obligation d’accomplir un TIG et de TIG.
En effet, si la délivrance de ces convocations est assurée, dans les tribunaux dans lesquels un BEX n’a pas été créé ou pour les audiences pour lesquelles l’accès au BEX n’est pas prévu, en marge de l’audience par le greffier correctionnel, cette solution n’apparaît pas pleinement satisfaisante puisqu’elle perturbe le déroulement de l’audience. En revanche, le BEX apparaît comme le lieu idéal pour la remise de ces convocations, qui peut se dérouler dans des conditions plus favorables qu’à l’audience et permettre une explication des peines à exécuter.
2. Le BEX, lieu d’explication de la décision
La deuxième vertu du BEX est qu’il favorise, dans un lieu plus propice que la chambre d’audience, l’explication de la décision, non seulement au condamné mais aussi à la victime de l’infraction.
En ce qui concerne les personnes condamnées, les magistrats du siège estiment que, même en s’efforçant de faire preuve de la plus grande clarté possible dans l’explication de la peine prononcée, la solennité et la tension de l’audience empêchent dans un très grand nombre de situations la compréhension de la décision. « Les personnes condamnées ne savent pas en sortant de l’audience à quoi elles ont été condamnées » est une phrase que la mission a entendue à l’occasion de chacun de ses déplacements dans les juridictions.
Les personnels des BEX reconnaissent également cette situation et sont conscients que leur rôle ne se limite pas à faire payer une amende ou à remettre une convocation, mais consiste aussi à expliquer la décision qui a été prise. Cette fonction est dans l’ensemble appréciée comme très valorisante par les personnels des BEX et ne peut être considérée par la mission que comme un progrès très significatif : une peine mieux comprise sera une peine mieux exécutée, qui pourra plus facilement prendre son sens et atteindre son but.
En outre, certaines juridictions, dont le TGI de Bobigny, ont établi des imprimés expliquant de façon remarquablement claire et succincte les obligations découlant du prononcé de la peine, indiquant les démarches à accomplir par le condamné et précisant les coordonnées des interlocuteurs du condamné pour l’exécution de sa peine (SPIP ou associations organisant les stages de citoyenneté ou de sensibilisation à la sécurité routière) [4]. Cette initiative doit être saluée et mériterait d’être généralisée dans l’ensemble des juridictions.
3. Le BEX, lieu d’information et d’indemnisation de la victime
Le BEX a également pour mission de fournir à la victime de l’infraction qui s’était constituée partie civile des informations sur les moyens d’obtenir l’exécution de la décision d’indemnisation dont elle a bénéficié. Actuellement, les agents des BEX informent les parties civiles des différents moyens à leur disposition pour obtenir le paiement des dommages-intérêts, et notamment de la possibilité de saisir la Commission d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI) en application de l’article 706-15 du code de procédure pénale.
La mission estime que le rôle du BEX en matière d’information et d’indemnisation des victimes doit être accru : le BEX doit devenir le lieu où commence effectivement la mise à exécution du volet civil de la décision pénale, en lien avec le service d’aide au recouvrement des dommages-intérêts par les victimes d’infractions qui doit être prochainement créé.
La création de ce service, qui sera accessible à toutes les personnes ne remplissant pas les conditions d’indemnisation par la CIVI, devra permettre de rendre effectif le droit à l’indemnisation pour les victimes. Ce service aura pour mission de procéder pour le compte de la victime au recouvrement des dommages-intérêts et des frais auxquels l’auteur de l’infraction aura été condamné au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile auprès de la personne condamnée, et versera à la victime une avance forfaitaire.
Lorsqu’il aura versé cette avance, le service d’aide au recouvrement pourra, après avoir recouvré la totalité de l’indemnisation pour le compte de la victime, exercer une action récursoire contre le débiteur pour obtenir le remboursement de cette avance. La mission estime que le plafond de cette avance devra être fixé, dans un premier temps, à un minimum de 3 000 euros, montant qui soit couvrira totalement le montant de l’indemnisation accordée, soit permettra à la victime de faire face à une partie des dépenses indues que l’infraction aura causées. Ce service sera financé, comme l’actuel fonds de garantie des victimes d’infractions, par les frais de recouvrement perçus sur les personnes condamnées, qui seront de l’ordre de 15 % du montant des dommages-intérêts, et sera bien évidemment gratuit pour la victime.
La mission estime qu’il est indispensable de procéder à une révolution culturelle fondamentale dans l’exécution du volet civil des décisions de justice pénale. De même qu’une peine non exécutée perd tout sens, une condamnation à des dommages-intérêts non exécutée fait perdre à la justice sa crédibilité pour la personne condamnée et à la victime sa confiance dans la justice. L’exécution effective du volet civil des décisions de justice pénale est tout aussi essentielle que l’exécution des peines prononcées.
Dès lors, la mission estime nécessaire, afin que les condamnations à des dommages-intérêts prononcées par les juridictions pénales soient effectivement exécutées, que la victime soit invitée à faire savoir, dès le stade de sa constitution de partie civile, si elle souhaite que le service d’aide au recouvrement soit saisi - sans qu’elle ait à formuler de nouvelle demande - en cas d’absence de paiement des dommages-intérêts dans les trente jours du moment où la décision est devenue définitive. En effet, il faut impérativement éviter que les démarches que doit actuellement effectuer la victime en vue d’obtenir l’indemnisation effective ne laissent la place à d’autres démarches administratives pour saisir le service d’aide au recouvrement. Si tel était le cas, le gain pour la victime serait infime.
Le service d’aide au recouvrement devra donc être saisi automatiquement et gratuitement, si la victime le souhaite, dès lors que le condamné n’aura pas payé les dommages-intérêts auxquels il a été condamné dans les trente jours de la décision définitive. Dans un souci de rapidité et de simplicité, les dossiers de demande d’assistance au recouvrement et d’avance sur l’indemnisation devront naturellement être transmis par les juridictions par voie dématérialisée.
Proposition n° 16
Rendre effectif le droit de la victime à obtenir le paiement des dommages-intérêts prononcés :
- en accordant aux victimes saisissant le service d’aide au recouvrement une avance sur le montant de l’indemnisation dans la limite d’un montant fixé, dans un premier temps, à 3 000 euros ;
- en prévoyant la saisine automatique et gratuite du service d’aide au recouvrement, si la partie civile le souhaite, lorsque le condamné n’a pas payé les dommages-intérêts auxquels il a été condamné dans les trente jours de la décision définitive.
Enfin, la mission estime également que devrait être réglée une difficulté qui, bien qu’elle ne relève pas stricto sensu de l’exécution des décisions de justice pénale, concerne cependant l’indemnisation des victimes d’infractions. Dans le cas de ces infractions particulièrement choquantes et gênantes pour nos concitoyens que sont les destructions volontaires de véhicules, notamment par incendie, dont notre pays connaît malheureusement de trop fréquents épisodes, les victimes ne peuvent prétendre à une indemnisation par la CIVI que si elles remplissent les conditions d’indemnisation fixés par l’article 706-14 du code de procédure pénale. Or ces conditions, qui s’appliquent pour toutes les infractions contre les biens ouvrant droit à indemnisation par la CIVI, apparaissent inadaptées dans le cas particulier des destructions volontaires de véhicules.
La première condition que doit remplir la victime de l’infraction est qu’elle ne puisse « obtenir à un titre quelconque une réparation ou une indemnisation effective et suffisante de son préjudice, et qu’elle se trouve de ce fait dans une situation matérielle ou psychologique grave ». Si le premier terme de cette condition - ne pouvoir obtenir à aucun titre une indemnisation - est fréquemment rempli par les victimes d’incendies de véhicules, dès lors que leur véhicule n’est assuré que pour les dommages aux tiers, en revanche le second terme est plus compliqué à établir. La CIVI, qui se montre stricte sur cette exigence de situation matérielle ou psychologique grave, refuse ainsi certaines demandes d’indemnisation lorsque la victime n’a pas un besoin impératif de son véhicule ou qu’elle peut utiliser un réseau de transports en commun jugé suffisant. La mission estime que, compte tenu de la nécessité pour un grand nombre de nos concitoyens de pouvoir disposer d’un véhicule, la gravité du préjudice devrait être présumée et que l’exigence de situation matérielle ou psychologique grave causée par l’infraction devrait être écartée.
La seconde condition que doit remplir la victime de l’infraction tient à ses ressources : ses ressources ne doivent pas dépasser le « plafond prévu par l’article 4 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique pour bénéficier de l’aide juridictionnelle partielle, compte tenu, le cas, échéant, de ses charges de famille ». Ce plafond est actuellement fixé à 1 183,61 euros par mois : toute personne dont les revenus sont supérieurs ne peut prétendre à l’indemnisation par la CIVI. Ce montant apparaît particulièrement faible ; certains de nos concitoyens ayant des ressources supérieures, dont le véhicule est brûlé, ne sont pas en mesure d’acquérir un nouveau véhicule dont ils ont pourtant besoin. La mission propose en conséquence de doubler ce plafond de ressources afin de permettre de réparer pour un plus grand nombre de victimes l’injustice que constitue la destruction volontaire de leur véhicule.
Enfin, l’article 706-14 du code de procédure pénale limite le montant de l’indemnisation pouvant être versé au triple du montant mensuel du plafond de ressources pour bénéficier de l’aide juridictionnelle partielle, soit 3 550,83 euros. Or ce montant peut s’avérer assez éloigné de la valeur réelle du véhicule et, surtout, très insuffisant pour permettre l’acquisition d’un nouveau véhicule correspondant aux besoins de la victime. En conséquence, la mission propose, pour les destructions volontaires de véhicules, que ce plafond d’indemnisation soit porté à un montant de 5 000 euros.
Proposition n° 17
Mettre en place un système d’indemnisation des propriétaires de véhicules victimes d’une destruction volontaire de leur bien, leur permettant d’obtenir sans frais une indemnisation par la CIVI dans la limite d’un plafond de 5 000 euros.
B. L’INDISPENSABLE GÉNÉRALISATION DES BEX
Le succès des BEX tant sur le plan de l’amélioration de l’exécution des décisions que sur celui de leur explication est indéniable. Dès lors, il convient de généraliser les BEX afin que ceux-ci soient accessibles à toutes les audiences de toutes les juridictions de première instance. La question de l’extension des BEX aux cours d’appel doit également être posée, bien que la mission estime ne pas disposer d’informations suffisantes pour y répondre.
1. À toutes les juridictions correctionnelles de première instance
Des BEX existent aujourd’hui dans 175 des 181 tribunaux de grande instance. Seules six juridictions de première instance ne disposent donc pas de BEX [5].
Les six juridictions du premier degré qui n’ont pu mettre en place de BEX invoquent des difficultés immobilières qui rendraient impossible l’installation d’un BEX. Parmi ces juridictions, la mission d’information a visité le TGI de Rouen et a effectivement pu constater un manque certain de place et la difficulté d’aménager des locaux classés, qui compliquent l’installation d’un nouveau bureau destiné à l’accueil du public.
En outre, les responsables du tribunal de Rouen estiment que le BEX n’est pas indispensable, dès lors que le service de l’exécution des peines ne connaît pas de retards de traitement des décisions à exécuter et que l’obligation de remise d’une convocation dans un délai de 10 à 30 jours prévue par l’article 474 du code de procédure pénale est respectée, cette convocation étant remise à l’audience.
Toutefois, ces arguments méconnaissent l’utilité du BEX tant en termes d’exécution ou de commencement d’exécution de la sanction qu’en termes d’explication. Le BEX, notamment, facilite le paiement de l’amende dans le délai d’un mois en évitant au condamné d’avoir à se présenter à la trésorerie pour payer l’amende, permet à la personne condamnée à un retrait de permis de conduire de commencer l’exécution de sa peine et de connaître précisément sa date de fin, et permet d’obtenir des informations sur les autres peines qui ont pu être prononcées.
Pour la mission, le BEX doit être considéré comme un service rendu au justiciable, qui lui permet non seulement d’exécuter ou de commencer à exécuter immédiatement sa peine mais aussi d’obtenir des informations sur la mesure qu’il va devoir exécuter. Dès lors, le principe d’égalité impose que l’accès à ce service soit possible pour l’ensemble des justiciables, quelle que soit la juridiction qui les a condamnés.
Pour ces raisons, la mission souhaite vivement que les six juridictions n’ayant pas mis de BEX en place le fassent, par exemple en réaménageant les locaux des services de l’exécution des peines pour rendre possible l’accueil du public sans nuire aux autres tâches de ce service. Un délai d’un an doit permettre d’atteindre cet objectif : chaque TGI devra donc disposer d’un BEX avant le 31 décembre 2008.
Proposition n° 18
Installer un BEX dans les six juridictions n’en ayant pas encore créé avant le 31 décembre 2008.
2. À toutes les audiences
Les BEX sont de création récente. Des moyens importants sur le plan humain ont été alloués au ministère de la justice pour permettre leur mise en place : grâce à une « enveloppe » de 29,5 millions d’euros votée dans la loi de finances pour 2005, ont été recrutés pour être affectés dans les BEX 7 greffiers en chef placés, 102 greffiers, 216 agents de catégorie C et 400 vacataires.
Toutefois, le délai nécessaire à la formation et à l’arrivée de ces personnels supplémentaires dans les juridictions a contraint la plupart des chefs de juridiction à opérer des choix entre les audiences pour lesquelles le BEX serait accessible et celles pour lesquelles le condamné ne serait pas invité à se présenter au BEX.
Dans la plupart des juridictions, ce sont les audiences pour lesquelles les probabilités de présentation au BEX étaient les plus fortes qui ont été retenues, à savoir les audiences de CRPC, d’ordonnance pénale contraventionnelle ou délictuelle, voire de juge unique. À Paris, le BEX est accessible à tous les condamnés, quel que soit le type de l’audience au cours de laquelle l’affaire a été jugée, mais seulement trois jours après la condamnation pour permettre l’enregistrement de la décision sur la « Nouvelle chaîne pénale » par le greffe correctionnel.
Cependant, dans la plupart des tribunaux, les BEX ont conservé des horaires d’ouverture indépendants des heures de fin des audiences. Si une audience pour laquelle le BEX est en principe accessible se termine au-delà de l’horaire de fermeture du BEX, le condamné ne pourra pas s’y présenter le jour même pour payer son amende, remettre son permis de conduire ou obtenir des explications sur la peine qui a été prononcée. La mise en place d’horaires étendus d’ouverture, par exemple de 9 heures à 19 heures à Bobigny, bien que très positive, ne permet pas de résoudre cette difficulté.
Une seule juridiction parmi celles que la mission a visitées, le tribunal de grande instance de Reims, a prévu l’accès au BEX pour toutes les audiences et immédiatement après la fin de celles-ci. Compte tenu des horaires parfois tardifs de fin des audiences, des aménagements dans les temps de travail et de repos des quatre agents affectés au BEX ont été nécessaires, et rendus possibles grâce au sens aigu de la disponibilité de ces agents. Mais cette accessibilité du BEX à tous les condamnés est considérée par l’ensemble des magistrats et fonctionnaires du TGI de Reims comme un service rendu aux justiciables, qui doivent pouvoir en bénéficier quelle que soit la nature de l’audience au cours de laquelle ils ont été condamnés.
Cette généralisation du BEX à toutes les audiences est, pour la mission, une nécessité. En effet, le principe d’égalité impose que tous les justiciables soient traités de façon égale et que le service rendu soit le même pour tous. L’accès au BEX doit donc devenir la norme, à toutes les audiences de toutes les juridictions du premier degré, ce qui devrait être rendu possible avec l’affectation de personnels suffisants et l’adaptation du déroulement des audiences que la mission appelle de ses vœux.
Proposition n° 19
Généraliser les BEX à toutes les audiences.
3. Faut-il généraliser les BEX en appel ?
En appel, l’existence d’un BEX reste exceptionnelle : en effet, seules neuf cours d’appel sur trente-cinq ont créé un BEX. La mission considère qu’une évaluation est nécessaire pour se prononcer sur leur utilité et sur la question de leur généralisation. En effet, l’utilité des BEX en appel paraît, au premier abord, moins évidente qu’en première instance, dans la mesure où la plupart des décisions d’appel sont rendues après mise en délibéré, lors d’une audience de renvoi à laquelle le prévenu n’est que très rarement présent.
Toutefois, les arguments développés ci-dessus sur l’égalité d’accès au service rendu par le BEX pourraient également être invoqués en faveur de l’existence du BEX en appel. Il n’y a en effet pas de justification a priori pour priver un justiciable condamné en appel qui serait présent lors du prononcé de la décision et souhaiterait payer son amende ou obtenir des informations sur les conditions d’exécution de sa peine du service dont bénéficie le condamné en première instance.
En conséquence, la mission ne peut que conclure à la nécessité d’évaluer l’utilité des BEX en appel, afin de permettre de décider de leur généralisation ou au contraire de leur abandon.
Proposition n° 20
Évaluer l’utilité des BEX en appel pour pouvoir décider leur généralisation.
C. AMÉLIORER L’EFFICACITÉ DES BEX
Si les BEX ont déjà permis d’améliorer de façon sensible l’exécution des décisions de la justice pénale, au point que leur généralisation à toutes les audiences de toutes les juridictions du premier degré est aujourd’hui souhaitable, leur efficacité peut cependant être améliorée, en les dotant de personnels suffisants et en facilitant leur fonctionnement par une adaptation du déroulement des audiences correctionnelles.
1. Doter les BEX de personnels suffisants
Les personnels affectés dans les BEX sont soit des greffiers, soit des fonctionnaires de catégorie C, soit des vacataires. La mission estime que les affectations de fonctionnaires au sein des BEX doivent être ajustées pour permettre le bon fonctionnement de ces services, tandis que les recrutements de vacataires doivent être rationalisés conformément à la proposition déjà formulée au sujet des greffes correctionnels.
Les chefs de juridiction entendus par la mission lors de ses déplacements ont unanimement reconnu que les moyens en personnels affectés en vue de la création des BEX ont permis de mettre en place cette réforme d’organisation particulièrement utile sans mettre en péril l’équilibre des juridictions.
Plusieurs chefs de juridiction ont cependant signalé à la mission que leurs services souffraient d’une grande fragilité, toute absence d’un greffier ou d’un fonctionnaire de la juridiction étant susceptible de faire exploser les délais de traitement. En effet, les vacances temporaires de postes sont rarement remplacées, les affectations de greffiers placés étant souvent décidées sans préparation et tardivement.
En outre, la généralisation des BEX à toutes les audiences aura pour conséquence inévitable d’allonger les horaires d’ouverture des bureaux et rendra donc indispensable l’affectation de nouveaux personnels pour permettre leur bon fonctionnement.
En conséquence, la mission invite les services du ministère de la justice à évaluer les recrutements nécessaires à la généralisation des BEX à toutes les audiences et à l’extension de leur amplitude horaire d’ouverture. Les recrutements de 209 fonctionnaires de catégorie B +, B et C en équivalent temps plein travaillé prévus par le projet de loi de finances pour 2008 permettront déjà de répondre partiellement aux besoins des juridictions, mais devront vraisemblablement être complétés en 2009.
Concernant l’emploi des vacataires, la mission estime que, comme pour les greffes correctionnels, les juridictions doivent pouvoir avoir recours à la souplesse de recrutement que permet l’emploi de ces vacataires, pour pouvoir faire face à des vacances de postes ou à des surcroîts temporaires d’activité. La mission estime nécessaire que ces vacataires soient recrutés conformément aux règles du droit de la fonction publique et avec pour seule priorité l’intérêt du service, en effectuant des recrutements pour des durées de dix mois lorsque la situation le justifie.
Proposition n° 21
Permettre le bon fonctionnement des BEX, en y affectant les personnels nécessaires, compte tenu notamment des contraintes liées à l’amplitude horaire d’ouverture du BEX.
2. Faciliter l’organisation du BEX en adaptant le déroulement des audiences correctionnelles
L’efficacité des BEX peut également être renforcée par une mesure d’organisation judiciaire simple et concrète, que toutes les juridictions n’ont pourtant pas encore mise en place. En effet, pour éviter un afflux massif de condamnés vers le BEX à la fin d’une audience, il apparaît nécessaire que les audiences soient découpées en plusieurs délibérés. Cette pratique, qui s’est déjà développée dans certaines juridictions, par exemple à Reims, permet au condamné de voir un agent du BEX sans attente excessive et sans contraindre les agents à rester présents trop longtemps après la fin de l’audience.
Cette mesure simple et de bon sens, qui devrait être préconisée par voie de circulaire, ne saurait être considérée comme relevant de l’appréciation de chaque président de chambre correctionnelle, malgré les opinions contraires de certains présidents de TGI. En sus de son intérêt purement pratique d’éviter la création de files d’attente devant le BEX, cette mesure aurait en outre le mérite d’associer les juridictions de jugement à l’exécution de la décision qu’elles prononcent, en leur faisant davantage percevoir que cette exécution peut et doit dans toute la mesure du possible être immédiate ou être commencée sans rupture après le prononcé de la décision.
La mission estime que l’efficacité du BEX dépend non seulement de son accessibilité à tous les condamnés mais aussi de la fluidité de son fonctionnement et que toutes les adaptations au déroulement des audiences nécessaires pour assurer cette fluidité doivent être prises.
Proposition n° 22
Permettre un fonctionnement fluide des BEX en permettant la présentation des condamnés au fur et à mesure de l’audience.
II. AMÉLIORER LA MISE À EXÉCUTION DES PEINES PRONONCÉES
Le BEX est un outil favorisant la mise à exécution des décisions de justice pénale, dont l’efficacité a été démontrée dès ses premiers mois de fonctionnement. L’exécution de deux peines parmi les plus fréquemment prononcées par les juridictions pénales et susceptibles d’être facilement exécutées au BEX, l’amende et la suspension ou l’annulation du permis de conduire, pourrait cependant être améliorée par diverses mesures juridiques et pratiques. En outre, il conviendrait de prévoir la possibilité pour tout condamné de s’acquitter auprès du BEX du montant du droit fixe de procédure attaché à toute condamnation pénale.
A. AMÉLIORER LE RECOUVREMENT DES AMENDES
En dépit de progrès récents, le taux global de recouvrement des amendes, de 76 % en 2007, ne peut être considéré que comme insuffisant. Surtout, ce taux global de recouvrement masque de très fortes disparités selon la nature de l’amende. Si le taux de recouvrement des amendes forfaitaires majorées s’élève à 82,5 % pour les amendes de circulation routière et même à 89 % pour les amendes issues des contrôles automatiques de vitesse, en revanche le taux de recouvrement des amendes prononcées par ordonnance pénale ou par jugement correctionnel stagne à 50 %. Que signifie une condamnation à une amende prononcée par une juridiction si elle n’est pas payée dans un cas sur deux ?
En outre, le taux de recouvrement contentieux a chuté de façon spectaculaire au cours des dix dernières années, passant de 44,4 % en 1995 à 32,3 % en 2006. Ce faible taux de recouvrement contentieux peut s’expliquer partiellement par l’augmentation du taux de recouvrement spontané : plus les débiteurs d’amendes paient spontanément, plus les débiteurs restants sont récalcitrants à payer ou insolvables. Si cet argument a une part de vérité, il n’en demeure pas moins que le taux de recouvrement contentieux peut et doit encore être amélioré.
Deux séries de mesures destinées à faciliter le paiement spontané, d’une part, et à améliorer le recouvrement contentieux, d’autre part, peuvent être proposées.
1. Faciliter le paiement spontané des amendes
L’un des apports essentiels du BEX a été, nous l’avons vu, de permettre le paiement immédiat de l’amende dès l’issue de l’audience. Cette possibilité, couplée à l’incitation de la réduction des 20 %, a permis au justiciable d’entrer dans une logique nouvelle, celle du paiement volontaire, à opposer à la logique ayant dominé jusqu’alors, celle de l’attente passive de la demande de paiement du Trésor public.
Toutefois, le dispositif mis en place pour améliorer le paiement spontané des amendes peut encore être perfectionné grâce à trois séries de mesures : l’attribution au relevé de condamnation pénale du statut de titre exécutoire et l’amélioration de l’échange d’informations entre tribunaux et trésoreries, l’installation des urnes et terminaux de carte bancaire dans tous les BEX et l’institution de la possibilité de payer une amende en espèces au BEX.
a) Reconnaître au relevé de condamnation pénale valeur de titre exécutoire et améliorer l’échange d’informations entre tribunaux et trésoreries
Tous les tribunaux ne permettent pas encore le paiement des amendes dans les locaux du BEX. Au 1er octobre 2007, seuls 63 terminaux de paiement par carte bancaire et 44 urnes de dépôt de chèques ont été installés, pour 175 BEX créés. Dans l’attente de l’installation de terminaux de paiement par cartes bancaires et d’urnes dans tous les BEX, préconisée par la mission, il apparaît cependant nécessaire d’améliorer la transmission des informations entre les juridictions et les trésoreries.
En effet, lorsque le BEX ne dispose pas des équipements nécessaires pour recevoir le paiement des amendes, le condamné se voit remettre un relevé de condamnation pénale (RCP) sur lequel figurent les peines auxquelles il a été condamné, notamment le montant de l’amende. Le condamné est ensuite invité à se présenter à la trésorerie du lieu de condamnation muni de ce RCP pour s’acquitter du montant de l’amende, ou à envoyer par courrier le paiement accompagné du RCP.
En outre, même lorsque le BEX dispose d’une urne ou d’un terminal de paiement par carte bancaire, il n’est pas en mesure d’accorder des délais de paiement, que seule la trésorerie peut décider après examen de la situation de la personne condamnée.
Dans ces deux situations, il apparaît indispensable que la trésorerie puisse, sans difficulté comptable, accepter les paiements volontaires effectués sur présentation d’un RCP. Or les trésoreries ont fait savoir à la mission que lorsqu’elles reçoivent un paiement volontaire à la suite d’une condamnation pénale, le RCP est considéré comme une simple information permettant d’accepter le paiement, mais pas comme un titre exécutoire permettant d’imputer l’opération sur un plan comptable. Le montant du paiement est alors placé sur un compte dit « d’attente », avant régularisation au moment de la réception de l’extrait-finances adressé par le greffe de la juridiction.
Outre ces difficultés pratiques d’imputation comptable, le paiement volontaire de l’amende auprès de la trésorerie suscite parfois une autre difficulté : la trésorerie n’informant pas la juridiction du paiement de l’amende, le greffe lui adresse toujours l’extrait-finances. Or il arrive dans certains cas que la trésorerie ne fasse pas le lien entre l’extrait-finances reçu et le paiement effectué sur présentation du RCP, et qu’elle émette un titre de paiement pour une amende déjà payée. Cette demande de nouveau paiement ne peut que surprendre désagréablement le justiciable, tout en l’obligeant à accomplir des démarches inutiles et parfois lourdes pour prouver qu’il s’est déjà acquitté du montant de l’amende.
Le préalable au règlement de ces difficultés réside dans la dématérialisation des transmissions des informations entre les trésoreries et les tribunaux : actuellement, seules les informations relatives aux amendes forfaitaires majorées et aux ordonnances pénales circulent - depuis peu - par voie électronique. En revanche, les informations relatives aux condamnations par les juridictions correctionnelles continuent d’être transmises sur support papier. Ce sont ainsi près de 500 000 extraits-finances qui sont adressés chaque année par les tribunaux aux trésoreries et qui donnent lieu à une ressaisie des informations par les services du Trésor public, induisant une perte de temps et un risque d’erreur non négligeables. Pour mettre fin à cette anomalie, la mission estime indispensable que l’interface de communication entre Cassiopée et le logiciel utilisé par les trésoreries soit réalisée avant le 31 décembre 2009.
Par ailleurs, pour éviter les deux difficultés de l’imputation comptable et de la demande de paiement malgré un paiement volontaire antérieur, la mission formule donc deux propositions : d’une part, que le RCP ait valeur de titre exécutoire afin de permettre l’enregistrement immédiat du paiement de l’amende par la trésorerie, d’autre part, que soit mis en place un système d’information mutuelle entre les trésoreries et les tribunaux sur le paiement de l’amende. Cette information existe déjà de facto lorsque le paiement est effectué au BEX, puisque la trésorerie reçoit des documents attestant le paiement. Elle devrait être mise en place en sens inverse des trésoreries vers les juridictions, afin d’éviter l’émission d’extraits-finances pour des amendes déjà payées.
Proposition n° 23
Fluidifier les relations entre les juridictions et les trésoreries :
- en dématérialisant la transmission des informations entre les trésoreries et les tribunaux avant le 31 décembre 2009 ;
- en reconnaissant au relevé de condamnation pénale valeur de titre exécutoire pour permettre l’enregistrement immédiat du paiement de l’amende par la trésorerie ;
- en mettant en place une information mutuelle entre les trésoreries et les tribunaux sur le paiement de l’amende.
b) Achever l’installation des urnes de paiement par chèque et des terminaux de carte bancaire dans tous les BEX
Les mesures proposées ci-dessus afin de faciliter l’encaissement des amendes par les trésoreries et d’améliorer l’échange d’informations entre tribunaux et trésoreries doivent être mises en place pour les cas où le condamné ne peut effectuer le paiement qu’auprès de la trésorerie : soit lorsque le BEX ne dispose pas des équipements nécessaires pour recevoir le paiement ou lorsque le condamné souhaite payer son amende en espèces, soit lorsque le condamné demande le bénéfice de délais de paiement. L’octroi de délais de paiement ne saurait relever que de la seule compétence des agents du Trésor public, puisqu’elle suppose un examen complet de la situation fiscale et sociale de la personne.
Si le maintien du second cas de paiement auprès de la trésorerie est inévitable, la mission souhaite vivement que le premier cas disparaisse dans les meilleurs délais. En effet, la mission estime indispensable que tous les BEX soient en mesure d’accepter tous types de paiements, par carte bancaire, par chèque ou en espèces [6].
La mise en place des terminaux de paiement par carte bancaire et des urnes destinées à recevoir les paiements par chèques suppose la signature d’une convention entre la trésorerie et le tribunal. La mission souhaite que chaque juridiction ait conclu une telle convention prévoyant l’installation de ces deux dispositifs de paiement au plus tard le 31 décembre 2008, afin que chaque justiciable ait accès à la même facilité de paiement de son amende, quelle que soit la juridiction qui l’a condamné.
De plus, certaines juridictions ayant déjà conclu une convention ne sont équipées que d’un seul moyen de paiement. Ainsi, le BEX du TGI de Bobigny dispose d’un terminal de paiement par carte bancaire, mais pas d’une urne de paiement par chèque. Les raisons de sécurité invoquées pour expliquer cette absence d’urne de paiement par chèque ne sauraient justifier cette rupture d’égalité entre les justiciables, l’expérience des autres juridictions montrant que le paiement par chèque n’entraîne pas de risque particulier d’agressions au sein du tribunal. La mission estime donc que ces juridictions devront avoir modifié leur convention pour prévoir l’installation du dispositif manquant dans le même délai que celui imparti aux juridictions n’ayant pas encore conclu de convention.
Proposition n° 24
Achever la signature des conventions entre les trésoreries et les tribunaux pour permettre la généralisation de l’installation des urnes de paiement par chèque et des terminaux de carte bancaire dans tous les BEX, au plus tard le 31 décembre 2008.
c) Permettre le paiement des amendes en espèces
Actuellement, et sous réserve qu’ils disposent des équipements nécessaires, les BEX ne peuvent accepter que les paiements par chèques ou carte bancaire. Les paiements en espèces ne sont possibles qu’auprès des trésoreries. Or, certaines personnes condamnées peuvent ne pas disposer de chèques ou de carte bancaire, soit par manque de moyens, soit en raison d’une interdiction bancaire. Imposer à ces personnes de se rendre à la trésorerie est non seulement susceptible de les dissuader de payer une amende qu’elles étaient disposées à payer dès leur sortie de l’audience, mais surtout est source d’inégalité de traitement entre les personnes disposant d’un compte bancaire et de moyens de paiement et celles n’en disposant pas.
C’est pourquoi la mission estime nécessaire que le paiement des amendes en espèces auprès des BEX soit possible, tout en étant consciente des difficultés juridiques et pratiques que cette recommandation est susceptible de soulever.
Sur un plan juridique, l’obstacle empêchant aujourd’hui le paiement des amendes en espèces réside dans le fait que le BEX, lorsqu’il reçoit le paiement d’amendes en chèques ou carte bancaire, ne perçoit ces sommes qu’en qualité d’intermédiaire entre le condamné et le Trésor public. Les agents du BEX ne disposent pas de la qualité de régisseurs, contrairement aux agents du Trésor public. Dès lors, pour lever cet obstacle, il conviendrait de créer auprès des BEX des régies de recettes, comme l’article R. 946-4 du code l’organisation judiciaire en prévoit la possibilité [7].
Cette charge nouvelle pour les fonctionnaires des BEX exerçant les responsabilités de régisseurs ne doit pas être sous-estimée, mais le double objectif d’amélioration du taux de recouvrement des amendes et d’égalité de traitement des justiciables la justifie pleinement. Naturellement, cette nouvelle responsabilité devrait donner lieu à une indemnité de responsabilité, prévue par l’article R. 946-4 du code l’organisation judiciaire.
Sur un plan pratique, certains agents des BEX ont fait part à votre rapporteur de leurs réticences à recevoir des paiements en espèces, essentiellement pour des raisons de responsabilité et de sécurité. Les réticences liées à la responsabilité devraient être levées par l’institution des régies de recettes et l’attribution d’indemnités de responsabilité. Les réticences liées à la sécurité des locaux devront être levées par une sécurisation des juridictions en général et des locaux des BEX en particulier.
S’agissant de la sécurité de l’accès aux tribunaux, au 5 novembre 2007, 130 portiques sur les 154 prévus sont installés, soit 84 % d’entre eux. À la même date, 230 des 232 équipes de surveillance (soit 99 %) nécessaires à la mise en œuvre des dispositifs de sécurité sont en fonction. Ces mesures devraient permettre d’éviter l’introduction d’armes pouvant servir à des vols dans les BEX. En outre, pour garantir la sécurité des paiements effectués en espèces dans les BEX, des coffres devront être installés dans leurs locaux pour conserver les sommes jusqu’à leur remise à un agent du Trésor.
Proposition n° 25
Permettre le paiement des amendes en espèces auprès des BEX :
- en créant auprès des BEX des régies de recettes en application de l’article R. 946-4 du code l’organisation judiciaire ;
- en attribuant aux greffiers des BEX une indemnité de responsabilité en contrepartie de leurs compétences de régisseurs ;
- en sécurisant les locaux des BEX.
2. Améliorer le recouvrement contentieux des amendes
Si le développement du paiement spontané au cours des dernières années est une évolution très positive, il importe également d’améliorer le recouvrement contentieux. En effet, un recouvrement contentieux efficace constitue non seulement le gage de la crédibilité de la justice pénale mais aussi une incitation au paiement spontané. Afin de renforcer l’efficacité du recouvrement contentieux des amendes pénales, deux mesures apparaissent nécessaires à la mission : d’une part, permettre aux services du Trésor public d’accorder des remises gracieuses sur le paiement des amendes forfaitaires ; d’autre part, étendre le champ d’application de l’opposition au transfert du certificat d’immatriculation.
a) Permettre aux services du Trésor public d’accorder des remises gracieuses sur le paiement des amendes forfaitaires majorées
Dans certaines situations, le paiement d’amendes accumulées par un même justiciable peut se révéler impossible, compte tenu de sa situation personnelle au moment de la commission de l’infraction ou de l’évolution de sa situation postérieurement à la commission de l’infraction. Si les services du Trésor public disposent de la faculté d’accorder des délais de paiement pour le paiement des amendes pénales, que ces amendes soient des amendes forfaitaires majorées ou prononcées par une juridiction, ils ne peuvent pas accorder de remises gracieuses, totales ou partielles, sur le paiement de ces amendes.
Or, les services fiscaux peuvent, en application de l’article L. 247 du livre des procédures fiscales, accorder de telles remises non seulement en matière d’impôts mais aussi en matière d’amendes fiscales. L’impossibilité pour les services fiscaux d’accorder des remises sur le paiement des amendes pénales peut s’expliquer par deux raisons :
- D’une part, il serait contestable de permettre à une administration de remettre en cause une décision de l’autorité judiciaire ; cependant cet argument ne vaut que pour les amendes prononcées par les juridictions, mais pas pour les amendes forfaitaires majorées, dont il faut rappeler qu’elles représentent plus de 90 % des amendes mises en recouvrement par le Trésor public ;
- D’autre part, à la différence des impôts, qui ne sanctionnent pas une faute et pour lesquels l’octroi de remises n’équivaut pas à une exonération de responsabilité mais est destiné à prendre en compte la gêne ou l’indigence du contribuable, les amendes pénales sanctionnent un comportement fautif : permettre une exonération totale ou partielle reviendrait à priver d’effet le caractère dissuasif de l’amende pour les personnes qui se savent incapables de payer une amende, voire à encourager l’organisation d’insolvabilité pour échapper au paiement des amendes. Mais cet argument n’est valable que pour les remises sur les impôts, et pas pour les amendes fiscales qui peuvent faire l’objet de remises, alors même qu’elles sanctionnent une faute du contribuable.
À l’heure actuelle, lorsqu’un condamné ne peut payer une ou plusieurs peines d’amende en raison d’une insolvabilité, les services du Trésor public ne peuvent in fine qu’inscrire l’amende en non-valeur, c’est-à-dire renoncer au paiement de l’amende. Au vu des arguments qui justifient l’impossibilité pour les services fiscaux d’accorder des remises sur le paiement des amendes pénales, il n’apparaît pas inconcevable de permettre aux services du Trésor d’accorder des remises sur les amendes forfaitaires majorées. En effet, ces amendes n’ayant pas été décidées par une juridiction, la faculté accordée aux services fiscaux ne contredirait pas une décision judiciaire. Par ailleurs, le fait que l’amende pénale sanctionne une faute n’est pas un argument dirimant, puisque des remises sont possibles sur les amendes fiscales.
En outre, deux arguments complémentaires justifient cette proposition. D’une part, sur le plan du sens de la peine, une décision partiellement exécutée est préférable à une décision non exécutée : la décision de justice est plus crédible si elle oblige le condamné à payer une partie de son amende dans la limite permise par ses capacités, plutôt que si elle ne donne lieu à aucun effort, même modeste, de sa part. D’autre part, de façon pragmatique, il est nettement préférable pour les finances publiques de recouvrer une partie, même minime, d’une amende, plutôt que de renoncer intégralement au paiement après avoir mis en œuvre des moyens coûteux de recouvrement forcé.
Proposition n° 26
Permettre aux services du Trésor public d’accorder des remises gracieuses sur le paiement des amendes forfaitaires majorées.
b) Étendre le champ d’application de l’opposition au transfert du certificat d’immatriculation
Le recouvrement contentieux des amendes suppose des moyens de contrainte forts pour obtenir le paiement des amendes ou, à défaut, en obtenir l’équivalent par le biais d’une saisie-vente mobilière. Parmi ces moyens de contrainte figure l’opposition au transfert du certificat d’immatriculation (OTCI). L’article L. 322-1 du code de la route permet au comptable du Trésor de faire opposition à la préfecture d’immatriculation à tout transfert du certificat d’immatriculation « lorsqu’une amende forfaitaire majorée a été émise et [qu’il] constate que le contrevenant n’habite plus à l’adresse enregistrée au fichier national des immatriculations ».
Cette dernière condition est en fait très restrictive : si une personne solvable refuse de payer une ou plusieurs amendes forfaitaires majorées dont elle est redevable, mais que son adresse est toujours celle enregistrée au fichier national des immatriculations, l’OTCI ne sera pas possible. La personne condamnée pourra vendre son véhicule sans avoir payé ses amendes, faisant perdre au Trésor public une de ses garanties de paiement.
En conséquence, la mission propose de supprimer la condition de l’article L. 322-1 du code de la route relative au domicile du contrevenant, afin de permettre le recours à l’OTCI, y compris lorsque le domicile du débiteur est celui enregistré au fichier national des immatriculations.
Proposition n° 27
Permettre le recours à l’opposition au transfert du certificat d’immatriculation lorsque le domicile du débiteur est celui enregistré au fichier national des immatriculations.
B. AMÉLIORER L’EXÉCUTION DES PEINES DE SUSPENSION OU D’ANNULATION DU PERMIS DE CONDUIRE
Les peines de suspension et d’annulation du permis de conduire figurent parmi les peines les plus fréquemment prononcées par les juridictions. En pratique, ces peines sont souvent précédées par une suspension administrative du permis de conduire décidée par le représentant de l’État dans le département en application de l’article L. 224-2 du code de la route. Or, la durée de cette suspension s’impute sur la durée de la suspension ou du retrait prononcés à titre de sanction par les juridictions. Celles-ci doivent donc connaître la date de début de la mesure de suspension pour pouvoir calculer précisément la date de fin de la peine et en informer la personne condamnée.
Cette information est généralement fournie par les services de police et de gendarmerie par le biais d’un imprimé transmis avec l’ensemble des pièces de procédure au moment de l’engagement des poursuites, mais il advient dans un certain nombre de cas que cet imprimé soit manquant. Les agents des BEX sont alors contraints de demander à la personne condamnée dans quel service de police ou de gendarmerie elle a remis son permis de conduire, et, si la personne n’est pas en mesure de fournir cette information, de la rechercher par eux-mêmes, afin de pouvoir se rapprocher de ce service et d’obtenir la date de début de la mesure de suspension. En dernier recours, les autorités judiciaires peuvent demander aux services du Fichier national des permis de conduire (FNPC) communication « sur leur demande » du « relevé intégral des mentions relatives au permis de conduire, applicables à une même personne », en application de l’article L. 225-4 du code de la route.
Ces recherches s’avèrent à la fois fastidieuses et inutiles, dans la mesure où un accès des BEX au FNPC pourrait leur permettre de disposer facilement et sans délai de l’information dont ils ont besoin. En conséquence, la mission propose de modifier l’article L. 225-4 du code de la route pour prévoir que les autorités judiciaires ne puissent pas simplement obtenir communication des informations du FNPC sur demande, mais qu’elles disposent d’un accès informatique en consultation à ce fichier.
Proposition n° 28
Donner accès au Fichier national des permis de conduire au BEX.
C. PERMETTRE LE PAIEMENT DU DROIT FIXE DE PROCÉDURE AU BEX
En application de l’article 1018 A du code général des impôts, « les décisions des juridictions répressives, à l’exception de celles qui ne statuent que sur les intérêts civils, sont soumises à un droit fixe de procédure dû par chaque condamné ». Ce droit, dont le montant varie en fonction de la juridiction qui a prononcé la décision [8], « est recouvré sur chaque condamné comme en matière d’amendes et de condamnations pécuniaires par les comptables du Trésor ».
En pratique, ce texte aboutit à une situation pour le moins absurde pour les finances publiques et injuste pour le justiciable. Une personne condamnée à une amende se présentant au BEX pour s’acquitter du montant de celle-ci, paiera en même temps que celle-ci le montant du droit fixe de procédure, sur lequel s’applique l’abattement de 20 % prévu par l’article 707-2 du code de procédure pénale. En revanche, la personne qui n’a pas été condamnée à une peine d’amende, mais qui est malgré tout redevable d’un droit fixe de procédure d’un montant de 22 ou 90 euros selon la nature de la décision de condamnation, ne pourra pas l’acquitter au BEX ni d’ailleurs bénéficier de l’abattement de 20 % en cas de paiement volontaire. Cette personne sera simplement informée par l’agent du BEX qu’elle recevra « prochainement » un avis de paiement du droit fixe de procédure.
La mission d’information a ainsi pu constater lors de sa visite au TGI de Bobigny, non sans un certain étonnement, que les agents du BEX étaient contraints de refuser les paiements du droit fixe de procédure par plusieurs justiciables condamnés à une peine autre qu’une peine d’amende. Comme dans le système de recouvrement qui existait pour les amendes avant la mise en place des BEX, cette rupture entre la condamnation et le recouvrement du droit fixe ne peut qu’aboutir à un amoindrissement du taux de recouvrement au fur et à mesure que l’impact de la condamnation s’éloigne. En outre, la rupture d’égalité entre les condamnés qui pourront bénéficier de la réduction de 20 % sur le montant du droit fixe de procédure et ceux qui seront exclus de ce bénéfice est caractérisée et choquante.
En conséquence, la mission propose, d’une part, une modification de l’article 1018 A du code général des impôts pour permettre le paiement du droit fixe de procédure auprès du BEX, qu’une peine d’amende ait été prononcée ou non, et, d’autre part, une modification de l’article 707-2 du code de procédure pénale pour prévoir que la réduction de 20 % s’applique non seulement à l’amende mais aussi au droit fixe de procédure en cas de paiement volontaire dans un délai d’un mois à compter du prononcé du jugement.
Proposition n° 29
- Permettre le paiement dans tous les cas du droit fixe de procédure au BEX, même lorsque le redevable n’a pas été condamné à une amende ;
- Prévoir le bénéfice de la réduction de 20 % sur le montant du droit fixe de procédure en cas de paiement volontaire dans un délai d’un mois à compter du prononcé du jugement.
III. AMÉLIORER LES CONDITIONS D’EXÉCUTION DES PEINES PRIVATIVES DE LIBERTÉ
Les peines privatives de liberté, lorsqu’elles sont exécutées dans les établissements pénitentiaires, doivent être exécutées dans des conditions telles qu’elles favorisent effectivement la réinsertion des personnes condamnées. À cette fin, il importe que trois chantiers importants soient poursuivis : la mise en place de quartiers courtes peines, qui devront être évalués avant de décider de leur éventuelle extension ; l’encouragement de l’accès à l’enseignement et à la formation professionnelle en détention ; le développement du travail en détention.
A. METTRE EN PLACE ET ÉVALUER LES QUARTIERS COURTES PEINES
La loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice a prévu un programme de construction de 2 000 places en quartiers courtes peines. Le programme consiste à créer des quartiers qui, tout en faisant partie intégrante des maisons d’arrêt, sont spécifiquement dédiés aux courtes peines. Ce nouveau dispositif concerne exclusivement les condamnés à des peines inférieures ou égales à un an, ce qui exclut les condamnés à de plus longues peines dont le reliquat serait inférieur ou égal à un an.
Les quartiers spécifiques courtes peines seront situés sur les emprises pénitentiaires des maisons d’arrêt, à proximité immédiate des autres quartiers de l’établissement ce qui permettra une mutualisation de certaines fonctions administratives, financières et du greffe.
Les trois premiers sites choisis sont les maisons d’arrêt de Fleury-Mérogis, où un quartier spécifique courtes peines de 120 places doit être réalisé en 2008, de Toulouse-Seysses, où 60 places sont prévues en 2008, et de Nantes, au sein du nouveau centre pénitentiaire prévu pour 2010, où 120 places sont également prévues. L’Administration pénitentiaire s’est par ailleurs engagée dans une démarche prospective, commandant des enquêtes et des études de faisabilité pour les autres constructions à venir.
Compte tenu de la spécificité des courtes peines d’emprisonnement et de la nécessité d’engager dès leur commencement une réflexion sur le projet de réinsertion du détenu en vue d’un aménagement de peine, la mission estime que ces quartiers courtes peines peuvent jouer un rôle tout à fait positif dans l’amélioration des conditions d’exécution des courtes peines d’emprisonnement. Il souhaite en conséquence que ces quartiers puissent être évalués après une année de fonctionnement, afin que puisse être tranchée la question de leur extension dans de nouvelles maisons d’arrêt.
B. FAVORISER L’ACCÈS À L’ENSEIGNEMENT ET À LA FORMATION PROFESSIONNELLE EN DÉTENTION
L’enseignement scolaire et la formation professionnelle sont des aspects essentiels de la réinsertion vers laquelle l’exécution des peines privatives de liberté doit tendre.
Les responsables de l’enseignement rencontrés dans les différents établissements pénitentiaires visités par la mission d’information ont tous insisté sur le faible bagage scolaire de la majorité des personnes détenues et sur la forte proportion d’illettrisme dans la population carcérale. De même, la formation professionnelle mise en place au sein des établissements vise à permettre l’accès à des formations qualifiantes et diplômantes, qui pourront contribuer directement à l’insertion socio-professionnelle du détenu à sa sortie de prison.
La loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a reconnu l’importance de l’enseignement et de la formation professionnelle dans le cadre d’une démarche de réinsertion, en prévoyant dans l’article 721-1 du code de procédure pénale la possibilité d’accorder une réduction de peine supplémentaire aux « condamnés qui manifestent des efforts sérieux de réadaptation sociale, notamment en passant avec succès un examen scolaire, universitaire ou professionnel traduisant l’acquisition de connaissances nouvelles, en justifiant de progrès réels dans le cadre d’un enseignement ou d’une formation ».
Pour ces raisons, l’accès à l’enseignement et à la formation professionnelle en détention doit être efficacement encouragé. Trois difficultés ont été signalées à la mission dans la mise en œuvre des actions d’enseignement et de formation professionnelle : des difficultés de recrutement des enseignants, des difficultés de répartition des compétences en matière de formation professionnelle à destination des personnes détenues, des difficultés d’accès à l’enseignement et à la formation pour les détenus occupant un emploi.
1. Encourager le recrutement des enseignants en milieu pénitentiaire
Les enseignements dispensés dans les établissements pénitentiaires sont assurés par des enseignants de l’Éducation nationale. Les responsables de l’enseignement des établissements visités par la mission ont signalé des difficultés de recrutement des enseignants en milieu pénitentiaire. Ces difficultés peuvent s’expliquer par deux facteurs : des problèmes liés à la qualification exigée des enseignants, des questions liées à la rémunération et un certain manque de reconnaissance des enseignants exerçant en milieu pénitentiaire.
La circulaire n° 2002-091 du 29 mars 2002 relative aux orientations de l’enseignement en milieu pénitentiaire prévoit que « les formations sont assurées en priorité dans les établissements par des instituteurs ou professeurs des écoles, des professeurs de l’enseignement secondaire qui doivent être formés aux méthodes d’évaluation, savoir individualiser les parcours et mettre en place des dispositifs pédagogiques pertinents sur une courte durée dans tous les domaines fondamentaux ». Si ce texte requiert des aptitudes particulières de la part des enseignants intervenant en milieu carcéral, il n’exige pas de diplôme particulier. Pourtant, en pratique, il semble que l’Éducation nationale ait tendance à exiger des enseignants candidats pour exercer en milieu pénitentiaire qu’ils soient titulaires d’un diplôme d’éducation spécialisée, dont l’obtention peut être longue et difficile sans qu’elle soit une garantie certaine d’aptitude à travailler en milieu fermé. Dès lors, il conviendrait, tout en maintenant une exigence de qualité élevée dans le recrutement des personnels, que l’éducation nationale ne fasse pas de la possession de ce diplôme une condition nécessaire pour exercer en milieu pénitentiaire.
Ensuite, les enseignants exerçant dans les établissements pénitentiaires bénéficient, en application d’un décret du 18 août 1971 [9], d’une indemnité d’enseignement en milieu pénitentiaire, dont le montant a été fixé par un arrêté du 9 septembre 2000 à 2 526 euros par an. Compte tenu de la spécificité et de la difficulté des fonctions exercées en milieu pénitentiaire, ainsi que de la nécessité d’attirer de nouveaux candidats de qualité vers cet enseignement, une revalorisation de cette indemnité devrait être envisagée.
Enfin, comme les personnels pénitentiaires, les enseignants exerçant en milieu pénitentiaire souffrent parfois d’un certain manque de reconnaissance de l’importance et de la qualité du travail qu’ils accomplissent dans des conditions difficiles. Il serait souhaitable que l’Éducation nationale et l’Administration pénitentiaire agissent de concert pour mieux faire connaître, non seulement parmi les enseignants mais aussi dans l’opinion publique, l’activité d’enseignement exercée dans les établissements pénitentiaires. Une telle action de communication aurait le double intérêt de valoriser les tâches des enseignants exerçant en milieu pénitentiaire et de susciter de nouvelles candidatures nécessaires à la poursuite du développement de l’enseignement en détention.
En dernier lieu, la mission souhaite attirer l’attention sur les difficultés causées par l’interruption des enseignements pendant les mois d’été, en raison des congés scolaires. Cette interruption des enseignements apparaît particulièrement problématique pour les condamnés à des courtes peines incarcérés pendant ces périodes, qui se trouvent privés non seulement de la possibilité de bénéficier d’un enseignement mais également d’une activité qui joue une importance considérable dans la vie en détention. En conséquence, la mission souhaite que soit engagée une réflexion entre les ministères de la Justice et de l’Éducation nationale pour résoudre cette difficulté.
Proposition n° 30
Encourager le recrutement des enseignants en milieu pénitentiaire :
- en facilitant leur recrutement ;
- en revalorisant l’indemnité d’enseignement en milieu pénitentiaire ;
- en faisant connaître l’activité d’enseignement en milieu pénitentiaire.
2. Coordonner l’action des autorités compétentes en matière de formation professionnelle
Les acteurs intervenant dans le domaine de la formation professionnelle dans les établissements pénitentiaires sont multiples : l’État via les directions régionales de l’emploi, du travail et de la formation professionnelle (DRETFP), les régions, l’Association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) ainsi que les partenaires privés dans les établissements à gestion mixte.
L’intervention des partenaires privés au sein des établissements à gestion mixte dans le domaine de la formation professionnelle peut être considérée comme un atout pour le développement de la formation en détention. Ainsi, au centre pénitentiaire de Meaux-Chauconin, la formation de chauffagiste mise en œuvre par le partenaire privé de l’établissement, dans un domaine relevant de la compétence du groupe auquel il appartient, est un exemple de la richesse que peuvent apporter les partenariats public-privé en termes de développement de l’offre de formation aux détenus.
En revanche, l’existence d’une pluralité d’acteurs compétents et le manque de coordination entre eux peuvent parfois être à l’origine de difficultés très préjudiciables à la mise en œuvre du droit à la formation professionnelle. Par exemple, la DRETFP de la région Rhône-Alpes a pris l’initiative de retirer les crédits alloués à l’AFPA pour ses interventions en détention, arguant du fait que la formation professionnelle des personnes détenues relevait prioritairement de la région, sans concertation préalable ni avec la région ni avec l’Administration pénitentiaire. Des actions de formation engagées à la maison d’arrêt de Lyon ont dû être interrompues suite au retrait de l’AFPA. Une meilleure coordination entre ces différents acteurs s’impose, afin d’assurer un développement optimal de la formation professionnelle en détention.
3. Faciliter l’accès à l’enseignement et à la formation professionnelle pour les détenus occupant un emploi
Si les formations peuvent être rémunérées, les crédits issus du programme « insertion, réinsertion, lutte contre l’illettrisme » se révèlent parfois insuffisants pour rémunérer l’ensemble des détenus en formation, comme ce fut le cas au cours de l’année 2006. Les détenus, qui ont besoin d’argent pour pouvoir « cantiner », indemniser les parties civiles ou envoyer de l’argent à leur famille, s’orientent en conséquence davantage vers l’exercice d’une activité de travail, au détriment de l’enseignement et de la formation professionnelle qui pourraient pourtant favoriser davantage leur réinsertion.
Si certains établissements, comme le centre pénitentiaire de Meaux-Chauconin, ont mis en place des « cours du soir » pour permettre aux détenus occupant un emploi de suivre des enseignements après leurs heures de travail, cette pratique n’est pas encore très répandue. La mission estime souhaitable que cette initiative puisse être étendue le plus largement possible.
Proposition n° 31
Faciliter l’accès à l’enseignement et à la formation pour les détenus occupant un emploi par l’organisation de cours du soir.
C. DÉVELOPPER LE TRAVAIL EN DÉTENTION
Au même titre que la formation professionnelle, le travail constitue un aspect essentiel de la vie en détention. En effet, ces activités, outre la rémunération qu’elles procurent, contribuent à maintenir un lien entre la société civile et les détenus, et concourent à maintenir leur équilibre personnel en détention.
Le travail en détention peut être effectué pour le compte de l’Administration pénitentiaire dans le cadre du service général ou du service de l’emploi pénitentiaire, ou pour le compte d’entreprises privées concessionnaires de l’Administration pénitentiaire ou titulaires des marchés de fonctionnement des établissements à gestion mixte, qui gèrent des ateliers de production. Ces entreprises font réaliser différents types de travaux à la population pénale, notamment des travaux techniques (montages, assemblages), du conditionnement ou du façonnage, pouvant être effectués par une main-d’œuvre à faible niveau de qualification.
En 2006, le travail en concession a occupé environ 16 % de la population pénale (40,9 % de l’effectif des détenus actifs rémunérés). Il emploie environ 8 891 détenus (en moyenne annuelle), pour un salaire mensuel moyen de 347 euros. Les orientations de l’Administration pénitentiaire pour développer le travail en détention s’articulent autour de deux axes :
- améliorer les perspectives du travail pénitentiaire. À ce titre, un travail de fond s’inscrivant dans une approche globale est en cours, les principaux objectifs étant, notamment, de développer le principe du travail en continu, d’organiser un contrôle fiable du temps de travail, d’instaurer davantage de flexibilité pour faire face aux pics d’activité et améliorer le fonctionnement des ateliers, d’identifier les zones de travail susceptibles de faire l’objet d’une extension et de permettre un accès facilité des véhicules, afin de réduire les délais d’attente à l’entrée des établissements ;
- augmenter le nombre et la qualité des emplois offerts. Afin de créer 2 000 postes de travail en production d’ici fin 2009, un objectif triennal a été fixé, avec des cibles annuelles pour chacune des directions interrégionales des services pénitentiaires.
Les échanges de votre rapporteur avec les personnels des établissements visités, les responsables des ateliers de production et les SPIP ont fait ressortir qu’un troisième axe de développement du travail pénitentiaire pourrait utilement être développé, en permettant l’ouverture d’ateliers par des entreprises d’insertion, destinés prioritairement aux détenus les plus éloignés de l’emploi. En effet, la nécessité d’attirer et de fidéliser les entreprises concessionnaires conduit les commissions de classement des détenus à privilégier pour les affectations dans les ateliers les détenus les plus aptes à assurer le minimum de productivité exigé par les entreprises.
Or, un grand nombre de détenus se trouvent dans une situation d’éloignement du marché de l’emploi incompatible avec le travail en atelier pour des entreprises concessionnaires. Une solution pourrait résider dans l’ouverture d’ateliers en détention par des entreprises d’insertion, définies par l’article L. 322-4-16 du code du travail comme des entreprises ayant « spécifiquement pour objet l’insertion par l’activité économique », qui elle-même a « pour objet de permettre à des personnes sans emploi, rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières, de bénéficier de contrats de travail en vue de faciliter leur insertion sociale et professionnelle ».
La mission propose donc de rendre possible l’ouverture d’ateliers dans les établissements pénitentiaires par des entreprises d’insertion : cet élargissement des entreprises susceptibles de fournir du travail pourrait permettre de développer davantage le travail en détention, tout en donnant accès au travail à des détenus fragilisés avec un encadrement adapté à leur situation.
Proposition n° 32
Permettre l’ouverture d’ateliers par des entreprises d’insertion pour les détenus les plus éloignés de l’emploi.